09/02/2007
En lieu et place
Pour illustrer mon optimisme quant à l’avenir du Spectacle Vivant, je parle souvent du nombre de lieux qui se sont ouverts ces dernières années. Mais je n’avais pas encore eu l’opportunité de recueillir les propos de ceux qui se sont lancés dans cette aventure. Cette page blanche est aujourd’hui remplie, car nous accueillons, Derrière le Rideau, le Théâtre de l’IMPASSE.
Cette salle a vu le jour à l’automne dernier, grâce au travail de la Compagnie CÉLIANDRE. Il s’agit d’une association (loi 1901 – à but non lucratif) « … dont l’objet est l’aide aux jeunes artistes, la promotion des comédiens et l’organisation de soirées caritatives au profit de grandes causes ; créées en 1995 pour aider la lutte contre le Sida… » Cette structure souhaite mettre en place quelques formules originales, comme par exemple des séances à 18h30 pour les personnes ayant des problèmes de déplacement ou d’horaire. Quatre des membres de la Cie CÉLIANDRE s’occupent entièrement de ce lieu de spectacle : Michelle QUADRI, Dominique BRENOT, Fabrice VANISCOTTE et Noël DUCHENE. C’est ce dernier qui a pris le temps de répondre à mes questions :
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J’ai pu constater pour l’instant que la programmation était assez éclectique. Est-ce une démarche volontaire ou bien une recherche d’identité ? Comment cela se passe, comment se conçoit la programmation de ta salle ?
Noël : Ce n’est pas « ma salle », c’est vraiment un théâtre associatif ici. Donc c’est important : c’est une association qui gère ça. Par rapport à la programmation, je dirai qu’on a un peu été forcé ; parce que lorsqu’on a ouvert, on était inconnu, on ne savait pas trop quand est-ce qu’on allait réussir à ouvrir effectivement… On ne savait pas trop, on ne voulait pas se donner de date bien précise pour l’ouverture, compte tenu que c’était nous qui faisions les travaux, donc chaque difficulté nous arrêtait un peu. Mais du coup les premiers temps quand on a ouvert, on a ouvert avec ce qu’on avait dans nos valises : « la Daube au Madère » puis « les Vapeurs de Gwendoline » puis « Moulin rouge ». Et puis après c’est un peu parti à la découverte, aux rencontres, aux coups de cœurs. Ça c’est fait vraiment comme ça, et puis après de bouches en oreilles, les artistes ont envoyé des amis, d’autres artistes ; notre programmation s’est un petit peu faite comme ça. On savait pas trop où on allait : Michelle elle est plutôt côté théâtre, nous on était plutôt côté cabaret et café-théâtre…
« Nous » c’est qui ?
Noël : Dominique et puis Fabrice et moi. Donc on ne savait pas trop où on allait. Et puis, à essayer les choses, et puis à essayer de concilier théâtre et cabaret, on est parti sur quelque chose d’assez coloré au niveau de la programmation. Du moins on va essayer…
Alors, ça se précise ?
Noël : Oui, oui, j’ai l’impression qu’il y a une vraie tendance qui est en train de se faire et de se concrétiser au niveau de la programmation. Parce qu’on s’est rendu compte que les spectateurs de théâtre pouvaient aussi aimer la musique, c’était pas l’un contre l’autre. Et d’offrir, de voir par exemple « Moulin Rouge », qui est à la base un spectacle de danse dans lequel on a greffé de la comédie, de voir l’impact que ça a, ça nous a conforté un petit peu vers le côté cabaret.
C’est l’expérience même qui vous a ouvert une piste…
Noël : Oui… Là en janvier, on vient de tester le premier festival de la chanson française à l’IMPASSE. Donc la scène était ouverte à de grands auteurs de textes français. Donc on voulait garder quand même ce côté texte parce qu’on est avant tout un théâtre on n’est pas un café-concert, ou on n’est pas un bar qui fait de la musique ; on est avant tout un théâtre, mais dans la chanson française il y a de tels textes et tu peux y mettre de telles émotions que c’est du théâtre. Et c’est du théâtre en chanson.
La frontière est mince entre les deux univers, c’est sur un fil…
Noël : C’est sur un fil, mais en même temps… tu restes quand même dans une logique de texte et de musique ; même si c’est de la chanson. La chanson, ce n’est pas un art mineur hein, comme dit Gainsbourg… Mais ça a été très beau, ça nous a enchanté, ça a enchanté le public ; et on s’est dit notre souhait il est là dedans : faire du théâtre… coloré, je dirais. Avec de la chanson. Là on accueille les clowns, on les avait déjà programmés, on les reprogramme, parce que le public enfant il nous intéresse aussi, et puis c’est des spectacles où même en tant qu’adulte t’apprends tout ! Enfin moi en tant que comédien adulte, c’est une grande leçon de voir un clown. C’est très difficile ! C’est très, très difficile. En quelques instants il faut que ça passe du rire au larme, c’est un travail formidable qu’ils font avec beaucoup de talent, et c’est coloré quoi. Et eux ils trouvaient pas où se faire programmer.
Ah bon ?
Noël : Clown pour adultes, tu ne trouves pas à te faire programmer : les théâtres n’en veulent pas parce que c’est pas assez sérieux, les cafés-théâtres n’en veulent pas parce que c’est pas vraiment l’esprit café-théâtre… Donc ils trouvaient pas à se faire programmer, si ce n’est pour les séances typiques "enfants" les mercredi après-midi ou les dimanches après-midi ; mais pas pour un public adulte. Or moi je trouve qu’on est tous des grands enfants. Il n’y a pas d’âge pour avoir son étiquette d’enfant. Et les voir… moi ils m’amusent pendant une heure tous les soirs. Tu vois je les revois le lendemain, et ben c’est d’autres choses. En plus c’est du direct… Donc là tu vois, février, c’est carrément la Cie de l’Arpette qui déboule à l’IMPASSE, avec trois spectacles de clown et… on fonce là dedans quoi. On verra bien si ça marche ou si ça marche pas, c’est pas le souci pour l’instant.
En tout cas vous voulez essayer.
Noël : En tout cas on a envie d’essayer.
Vous êtes quatre ainsi à vous occuper de ce lieu. Qui fait quoi ? Les tâches sont-elles précisément réparties ? Pour toutes les questions qui sont posées au quotidien, comment ça se passe : pourquoi ce spectacle là va être retenu et pas un autre, qui va dire oui, allez je signe. Qui décide ?
Noël : Il y a beaucoup de coups de cœurs. Dès fois on a l’occasion d’aller voir les spectacles et de se rendre compte des choses. Là, on a dégoté récemment un très joli spectacle – moi je l’ai pas vu, tu vois… Mais la plupart des autres fois on n’a pas eu l’occasion. Que ça soit les clowns, la première fois où on les a programmés on ne les avait pas vus ; que ce soit des chanteurs… si, il y a deux groupes quand même qu’on avait vu. Mais c’est des coups de cœurs, on n’a pas besoin de voir non plus tout le spectacle…
D’accord, mais là tu me dis « on » : il y a bien un moment donné où vous devez signer un contrat, un chèque… prendre une décision, aller dans une direction… Mais le « on », est-ce que c’est toujours la même personne ?
Noël : Non. On essaye de faire passer l’information. Dès fois on reçoit des choses par mail, sur la boite officielle du théâtre, donc ça tourne tout de suite sur les quatre ordinateurs de chacun. Quand on a un contact, on en parle ensemble tous les quatre. On essaye de tenir au courant et… ne serait-ce que le fait de raconter aux autres ce qui vient de se passer, dès fois ça clarifie beaucoup les choses, ça pose les choses. Donc c’est déjà une première étape et après au moins les quatre sont au courant. Celui qui transmet se fait soit l’avocat dans le bon sens soit dans le mauvais sens de la personne qu’il vient de voir, et les autres peuvent avoir un regard critique. C’est pratique aussi parfois parce qu’il y en a qui vont dire oui facilement… Et puis c’est important qu’il y ait l’homogénéité du bureau, et puis c’est une passion commune donc il faut aussi que ça reste quelque chose de commun, au niveau des rencontres en ce qui concerne l’association…
Donc ça fonctionne vraiment de façon associative.
Noël : Il n’y a pas de réunion formelle mais on se voit tout le temps…
Comment cela se passe lorsqu’une compagnie prend possession des lieux ? Comment s’y adapte-t-elle ?
Noël : Quand on rencontre des gens qui sont intéressés par "passer à l’IMPASSE" (c’est joli !), moi je leur dis : venez voir ; et généralement c’est ce qu’ils font. A six heures, quand je t’attendais [ la vache ! C’est vrai, j’étais en retard ! ], j’ai eu un coup de téléphone d’un musicos, qui est auteur de chansons, et qui est intéressé. Je lui dis : bien, écoutez, venez voir, et puis après on en reparle – il doit arriver. C’est la première chose. Donc après ils découvrent le plateau. Il y en a déjà qui sont repartis en disant : il n’est pas suffisamment grand, ce qui est complètement concevable… Si les locaux leurs conviennent, si les lumières leurs conviennent…
La hauteur sous plafond, la superficie, la régie et la sono…
Noël : Et donc après quand ils reviennent pour s’installer, généralement ils tombent pas dans un endroit inconnu : ils ont déjà vu… D’autant que l’accès au théâtre est facile. Donc ça se passe simplement.
Je pensais qu’il y avait des difficultés particulières à adapter un spectacle à un lieu, par exemple comme celui là parce qu’il est en disposé en longueur.
Noël : Tu parles du côté artistique ?
Oui, chaque compagnie qui prépare un spectacle le fait dans un local en particulier, elle doit ensuite l’adapter aux autres lieux qui l’accueilleront.
Noël : Évidemment, évidemment de partout ils ont la charge de s’adapter à l’endroit, vu les entrées de rideau qu’il y a, vu l’avant-scène ; par exemple, ça peut-être aussi une mise en scène qu’ils refont…
Mais jusqu’à présent ça s’est toujours bien passé ?
Noël : Jusqu’à présent ça s’est toujours bien passé. On a déjà modulé le théâtre pour s’adapter au spectacle. En enlevant les rideaux, en changeant les ouvertures… ça c’est clair mais ça fait partie de l’accueil… leur mettre après les lumières telles qu’ils les veulent etc. c’est comme dans tous les théâtres.
Accueillez-vous, de fait, principalement des troupes qui sont du département ou bien est-ce que la plupart viennent d’ailleurs ?
Noël : Pour l’instant, on fait dans le local ! C’est le bouche à oreille qui nous permet d’entrer en contact avec les troupes locales. Exception : nous avons accueillis Luc BRIAN en janvier (le « Brel »), qui venait d’avignon. Et nous devons travailler avec son association « Isé Chansons » [pour voir leur site, cliquez ICI ] en faisant des échanges : il est prof de chant et d’expression scénique et nous devrions accueillir certains de ses élèves. De même, nous devrions organiser des stages de chant et tu verras sur le site que les intervenants sont des pointures.
Dans la jeune histoire du théâtre de l’IMPASSE, as-tu déjà des bons et même des mauvais souvenirs ?
Noël : Des souvenirs bons, mmmh… Moi c’est surtout les souvenirs des gens. Le premier flash, c’est par exemple pour le 31 décembre, c’était de voir toute la salle… C’était beau ! Tous les gens, tous les messieurs avaient la cravate, le nœud-pap, la veste ; les dames étaient bien coiffées, de beaux vêtements, il y en avait même qui étaient avec des boas… Et puis tous avec leur verre de champagne. Et quand ils sortent tout ce qu’ils te disent : « on a passé une super soirée ! Merci ! C’était génial ! » Alors tu te dis bon : c’est vrai que le prix, tous les théâtres le font, il est plus élevé pour cette séance [ de 9 à 16 €uros en moyenne pour un tarif ordinaire, les théâtres pratiquent généralement le soir de la saint Sylvestre un tarif unique de 30 €uros, incluant souvent un accueil au champagne NdR ], donc qu’est-ce qu’elle a de plus particulier ? Mais non, il y avait une atmosphère. C’est là justement où on en revient à ce que tu disais : dès fois on est serré dans les théâtres, on se dit pourvu qu’on soit bons parce que sinon ils vont râler pour le prix. Et ici c’était un peu la même chose, et de voir tous ces gens… mais vraiment ça m’a fait une émotion quoi. Je me suis décarcassé, ON s’est décarcassés, on a donné tout ce qu’on pouvait mais le résultat il est là quoi.
Par contre as-tu eu des déceptions, des galères et des mauvais souvenir ?
Noël : …
Si tu n’en as pas tant mieux !
Noël : Tu sais , on attend pas grand chose forcément de ceux dont on pourrait espérer… Donc, non, pas de déception… C’est pour ça qu’il y a toujours cette idée aussi de coup de cœur qui me paraît importante. Parce que t’es pas triste en fait. C’est plutôt des coups de cœurs avec les gens, avec des choses que représente le théâtre de l’IMPASSE plutôt que des déceptions. Ou alors il y en a eu, mais on les tourne, on les oublie tellement vite que je ne m’en souviens même plus, quoi… C’est humide ! Ça c’est une grosse déception. Mais vu le prix du loyer de toute façon il ne fallait pas non plus s’attendre à…
Mais ça ne se sent pas et ça ne se voit pas ! On ne s’en rend pas compte.
Noël : Tu vois ! Donc, tout de suite : c’est une déception, c’est humide, mais on la tourne dans le bon sens : ça ne se sent plus !
Votre regard sur l’univers du spectacle a-t-il changé depuis que vous avez ouvert l’IMPASSE ?
Noël : On avait déjà eu une petite expérience à Antibes, au PYGMALION. Mais, non, est-ce que ça a changé ? Non…
C’est un peu comme le spectateur qui monterait sur scène, il pourrait se dire : « je suis de l’autre côté ». Mais celui qui fait son spectacle, il est accueilli dans un lieu, et là, vous passez à nouveau de l’autre côté, c’est vous qui accueillez.
Noël : Mais c’est vrai que peut-être la première expérience à Antibes nous a bien servis pour l’IMPASSE, donc le côté matériel des choses. Et par contre notre expérience dans l’association CÉLIANDRE qui date quand même de 1997, qui a l’habitude d’organiser des manifestations, qui a l’habitude de créer des spectacles…
Vous n’étiez déjà plus des novices en la matière.
Noël : Non. Enfin, c’est plutôt le côté "une troupe, une compagnie, une association a enfin un lieu où elle va pouvoir s’épanouir". Donc on était habitué à ce côté "coulisse" des choses. Puis donc le fait d’avoir notre lieu, non, ça nous a pas perturbé par rapport au monde du spectacle.
Merci à toi, Noël, de m’avoir répondu.
Les coordonnées de l’IMPASSE-THÉÂTRE sont :
Rue de la Tour (dans le Vieux Nice, place de la Tour, près de la rue Pairolière)
Tél. 04 93 92 66 25 ou 06 70 62 19 34
Pour visiter leur site, cliquez ICI
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Pour récompenser ceux qui ont lu cette note jusqu’à son terme, voici la réponse à la question posée ici il y a dix jours :
qui a dit : « L'acteur doit se vider de lui-même, c'est son premier travail, et le plus important. » Il s’agissait de Louis JOUVET. Devant le nombre impressionnant de réponses (zéro, car je ne compte pas celle de Claudiogene, que je préfère ne pas révéler…), je suis donc encouragé à continuer dans cette voie.
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18/12/2006
Dernières questions, et plus…
C’est la dernière partie de cette interview accordée par Emmanuelle LORRE.
Qu’est-ce que tu penses avoir accompli, et qu’imagines-tu devoir encore accomplir ?
Emmanuelle : Vaste sujet… En fait pour être honnête, je n’ai pas le sentiment d’avoir accompli grand-chose, tu vois. J’ai l’impression que tout est encore à accomplir. J’ai l’impression d’avoir fait des choses, bien sûr ; j’ai fait des pièces passionnantes avec des gens passionnants, des créations… Tu vois j’ai eu la chance de créer un texte d’HOROVITZ, qui en plus m’a écrit un monologue pour moi, c’est forcément intéressant ! Mais en même temps, je me dis qu’il y a plein de choses que je n’ai pas faites. J’ai envie d’apprendre plein de choses, j’ai envie de faire plein de choses ; j’ai accompli un parcours de formation, j’essaye en tout cas d’avoir une fidélité à moi-même…
D’où vient ce sentiment que tu as fait beaucoup de choses mais que tu n’as pas accompli quelque chose ? En tout cas il y a quelque chose à accomplir ?
Emmanuelle : Toujours ! Je crois…
Et c’est ? …
Emmanuelle : Je ne sais pas. Je ne sais pas. Pour moi, le théâtre, c’est ma foi. Voilà, tu vois je n’en ai qu’une et c’est celle-là. Donc jusqu’à mon dernier souffle il y aura des choses à accomplir, à perfectionner et à développer.
La question qui suit est tout à fait dans l’esprit de ce blog, à savoir que l’intérêt du Spectacle Vivant dépasse nos intérêts particuliers : Y a-t-il un spectacle dans lequel tu ne joues pas, ni toi ni quelqu’un d’autre de ta compagnie ni même parmi tes proches, et que tu souhaites malgré tout recommander aux lecteurs de ce blog ?
Emmanuelle : Récemment, j’ai vu au Festival de Falicon « Duo Dom Tom », une création de Jean-Paul ALLÈGRE, par une compagnie des Bouches-du-Rhône qui s’appelle « les Didascalies », et j’ai adoré.
Il me semble avoir vu l’annonce quelque part…
Emmanuelle : Oui, parce qu’ils sont passés au Centre Culturel de Cagnes-sur-Mer dimanche dernier. Moi j’ai adoré, c’est pétillant, c’est généreux, c’est sincère, je me suis régalée. Je n’ai pas regardé ma montre une demi-seconde, j’ai ri du début jusqu’à la fin, je me suis éclatée. A tel point que j’ai dit à Marie-Claire : « il nous les faut à Trimage ! ». C’est une comédie, c’est sur le théâtre, ils sont bien. C’est des mecs chouettes en plus, la nana qui fait la mise en scène c’est une fille bien, c’est des humains bien !
Des humains bien !
Emmanuelle : Voilà ! En plus !
Veux-tu rajouter quelque chose ?
Emmanuelle : Je veux dire que je trouve ça bien qu’il y ait ce genre de blog ; c’est pas du tout pour te passer la truelle avec une grande motte de beurre, non, non… du beurre avec une grande truelle. Je trouve ça bien parce que malheureusement on est un peu trop cloisonné souvent, chacun est un peu trop chez lui, dans ses trucs, ne vas pas voir forcément les spectacles… Bon, c’est vrai qu’on a pas toujours le temps, moi la première, puisqu’on joue en général aux même dates ; mais personne n’a envie de se serrer les coudes, ou alors c’est vraiment des groupuscules isolés qui se serrent les coudent… Donc je trouve ça bien qu’il y ait cette forme d’espace de communication et d’échange. Et je pense qu’il devrait y en avoir plus. En plus maintenant il n’y a plus « Nice-Scène » qui était un site comme ça où il y avait un forum sur le théâtre, où les compagnies pouvaient s’inscrire, etc. Ça créait quand même un lien. Il n’y a plus ! Donc à l’heure actuelle il est encore plus important qu’il y ait ce genre de blog. Et je pense qu’il faudrait qu’il y en ait d’autres.
Lourde responsabilité !
Emmanuelle : Mais n’est-ce pas…
[ 30 000 €uros payables en liquide pour ce genre de compliment, c’est le prix du marché…]
Pendant qu’Emmanuelle s’est installée devant son ordinateur pour me fournir les quelques photos que j’ai mises en ligne avec son interview, mon regard explore les étagères alentour. J’y découvre beaucoup de livres. Dans la bibliothèque d’Emmanuelle, il y a :
« Claudel – Théâtre » ; « la Légende des Siècles » ça, c’est plutôt un roman ça. « Montherlant » ! Et nous voyons aussi « Racine – Œuvres Complètes » ; « Racine » toujours ; « Shakespeare ». Je vois aussi « Théâtre Complet – Molière » et ensuite « Jean Anouilh – Pièces baroques, pièces costumées, pièces roses, pièces grinçantes » ; « Comédies et Proverbes – Musset », et oui… « La vie de Racine » ; « Le Diable Boiteux » de Sacha Guitry… Je ne l’ai pas lue celle-là… Et là on voit « Musset – Œuvres Complètes », c’est très bien j’adore Musset, j’en ai déjà parlé sur le blog [cliquez ICI pour (re)lire l’article]. « Feydeau – Théâtre complet »… et un des chats qui habitent là passe sur cette étagère, alors je change d’étagère… « Dictionnaire Encyclopédique du Théâtre » ; « Raimu », de Maurice Périsset ; « Arthur Miller – Théâtre » ; « Edwige Feuillère – les Feux de la Mémoire », une biographie je crois… « Jacques Charon – Moi un Comédien », j’ai déjà aperçu ce bouquin, je ne l’ai pas encore lu. « Sacha Guitry », j’ai le même à la maison ; l’incontournable « Stanislavski », qui ne l’a pas celui-là ! « Jean Vilar », il fallait s’y attendre… « Courteline » et « Feydeau » et plein d’autres.
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15/12/2006
C'est Lorre
C’est la deuxième partie de cette interview consacrée à Emmanuelle LORRE.
Emmanuelle, qu’est-ce que cela fait de mettre en scène une personne qui a le statut de "célébrité", comme Numa SADOUL ; cela a-t-il représenté une barrière dans ton travail ? Quelle a été ton approche de la question ?
Emmanuelle : J’en ai fait complètement abstraction, et ce n’était plus du tout une barrière au moment où je l’ai mis en scène, dans la mesure où ça faisait déjà plusieurs années qu’on se connaissait lui et moi ; où je l’ai remplacé de temps en temps dans ses ateliers, où il m’avait lui mis en scène dans « les Bonnes » avant. Et c’est vrai que lorsque moi je l’ai mis en scène à la demande de Meyer COHEN – je les ai mis en scène tous les deux dans « Inconnu à cette Adresse », de Kressman Taylor – donc pour moi, c’était plus le personnage, le Numa SADOUL connu etc., c’était un ami. On a noué des liens d’amitié profonds, donc pour moi on travaillait entre amis, entre personnes habituées à travailler ensemble. C’était plus le Numa SADOUL public, en fait, déjà à ce moment là. Mais c’est vrai que lorsque je l’ai rencontré au début j’étais très impressionnée. Et ça passe vite, parce que c’est vraiment quelqu’un de simple, c’est quelqu’un qui est dans l’écoute, c’est quelqu’un qui est dans le partage, qui est dans l’accueil, c’est quelqu’un de vraiment humble ; et en tant que comédien il est encore plus humble, parce qu’il se sent plus débutant comédien que metteur en scène – parce qu’il a fait énormément de mises en scène d’opéras qui ont fait grand bruit… Ah oui, oui, il a fait des trucs pas possibles [ Notamment « Madame Butterfly » ; pour en lire un des nombreux commentaires, cliquez ICI ]. Là il a une certaine assurance, et cette assurance il ne l’a pas quand il est comédien. Donc au contraire quand tu le mets en scène il est presque plus fragile.
Si j’ai bien compris, chacun a mis en scène les autres, c’est "chacun son tour" en quelque sorte. D’une manière plus générale, est-ce que c’est facile de diriger ceux qui t’ont dirigée ? De mettre en scène un metteur en scène ?
Emmanuelle : Ça peut, ça peut poser des problèmes, mais en fait tout dépend des comédiens qui sont sur le plateau et de l’humilité qu’ils ont et de l’envie d’avancer ou pas. Mais là la question ne s’est pas posée, parce que, en l’occurrence, dans « Inconnu à cette Adresse » j’avais donc Meyer COHEN et Numa, et c’est vrai que tous les trois, d’ailleurs Meyer il le dit lui aussi, on s’est tous mis en scène les uns les autres, on a tous joué les uns avec les autres, on a fait toutes les combinaisons possibles, sauf je crois Meyer et moi dans une mise en scène de Numa SADOUL…
Il faudra le faire alors !
Emmanuelle : Il faudrait que ce soit le prochain volet. Donc on était quand même dans une espèce d’habitude de travail mutuel, commun… Donc ça non plus ça ne s’est pas posé. Alors c’est vrai qu’ils ont tous les deux un œil de metteur en scène et qu’en plus c’était dans le théâtre de Meyer, c’était la production de Meyer, c’est vrai qu’à deux trois reprises, moi je leur ai dit « Non mais oh ! D’accord, mais ce sont mes idées, après on voit… » ; mais ça c’est très très bien passé, parce qu’on a l’habitude de bosser ensemble.
Est-ce que c’est au Conservatoire, en 1988-1990, que tu as fait tes premières armes ? Pourquoi avoir choisit pour ta formation d’aller vers cette institution ?
Emmanuelle : Non, ça n’a pas été la première fois. En fait j’ai un grand-père qui était comédien, qui était au Cercle Molière, donc j’ai eu accès au virus théâtral très jeune, quand j’étais enfant, et j’ai toujours voulu faire ça. J’ai grandit dedans tu vois. Puis moi en plus j’ai passé quelque temps à vivre chez mes grands-parents, donc forcément… C’est vrai que lorsque j’avais cinq ans, je savais que je voulais être comédienne. Donc j’ai talonné, talonné, talonné ; jusqu’à ce que, lorsque j’ai eu onze ans, mon grand-père demande à m’inscrire aux cours du Cercle Molière. Alors ils ont réfléchi avant… Parce qu’à l’époque il n’y avait pas de cours de théâtre pour enfants ou pour ados, tu vois tout ce qu’on fait maintenant. C’est pas que je sois d’un âge canonique, mais c’est assez récent finalement. Parce que mine de rien, j’avais quand même onze ans il y a vingt-trois ans. Donc il n’y avait pas de cours comme ça. Donc j’étais la p’tite gamine au milieu de gens de tous les âges. Après, j’ai tenté le concours d’entrée au conservatoire…
Comment se passe un concours de Conservatoire ?
Emmanuelle : Écoute, moi celui du Conservatoire de Nice, j’ai pas eu le sentiment qu’il soit très dur. A l’époque, au concours d’entrée on présentait une scène. Moi j’avais présenté une scène que j’avais pas mal travaillé au Cercle Molière avant.
Tu as combien de temps pour préparer une scène ?
Emmanuelle : À cette époque là, c’était une scène au choix. Tu la choisis toi, donc tu arrives avec ta scène qui est déjà prête. Maintenant, je ne me souviens pas si c’était une scène classique ou une scène moderne qui était imposée. Moi ce que je sais c’est que j’avais choisi une scène extraite de « Ruy Blas », de Victor HUGO. Après, ça dépend : quand j’ai tenté le concours du Conservatoire de Paris, c’est pas pareil. Tu arrives en présentant deux scènes classiques, deux scènes modernes et c’est eux qui choisissent : passez moi ça et ça… Ça dépend des écoles, ça dépend des conservatoires. Je ne sais pas comment ça se passe maintenant au Conservatoire de Nice, je sais pas. Puis après j’ai été au Cours Simon.
Pourquoi ? Tu as sentis qu’il fallait un complément, que le Conservatoire ne suffisait pas ?
Emmanuelle : Non, ça ne me suffisait pas. Et puis bon, comme tout le monde j’avais envie de monter à Paris parce que… le paysage théâtral Niçois était quand même très différent à ce moment là.
C’est vrai que ça a évolué depuis…
Emmanuelle : Il y avait moins de compagnies, il y avait moins de lieux… Voilà, je me suis dit : pour en faire mon métier, je pars d’abord me former à Paris, et j’essaye de réussir à Paris. Moi j’étais comme tout le monde, j’avais des rêves de Conservatoire de Paris, j’avais des rêves de Comédie Française, en toute simplicité bien sûr ! Et puis j’ai fait des stages, et puis j’ai bossé sur Paris. Jusqu’au jour où j’ai décidé de revenir. C’est vrai qu’à chaque fois que je venais en vacance chez mes parents, je me rendais compte qu’il y avait des compagnies qui se montaient, qui continuaient à exister, qui se développaient, qu’il y avait des lieux qui se créaient et qui perduraient, et ça donnait envie.
C’est la fin de cette deuxième partie ; la troisième et dernière partie de l’interview très bientôt…
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09/12/2006
Emmanuelle LORRE
C’est elle que nous accueillons aujourd’hui derrière le rideau. Comme souvent désormais, l’article paraîtra en deux ou trois parties.
Originaire de Nice, elle a 16 ans quand elle entre au Conservatoire National de Région de Nice, avant de monter à Paris au cours René Simon puis à l’école Tania BALACHOVA-Véra GREGH. Elle crée, avec Emmanuelle LASFARGUES, la compagnie « l’Épigramme » en 1996.
<Comédienne (« Femme à Découvert », d’Olivier GRÉBILLE ; « Trauma », de Stéphane GUÉRIN ; « Éloge de l’Absent », d’Israël HOROVITZ ; « Huis Clos », de Jean-Paul SARTRE ; « les Bonnes », de Jean GENET etc.) et auteur dramatique (« les Pépettes »), elle est aussi metteur en scène (« Andromaque », de Jean RARINE ; « les Bons Bourgeois », de René de Obaldia…)
Depuis 1996, elle est également professeur de théâtre pour adultes, enfants et adolescents. Particulièrement intéressée par le travail vocal, elle fait beaucoup de doublages, voix-off, audio-guidages, dramatiques radio… (Pour elle, un texte se travaille comme une partition musicale, le comédien en étant à la fois l’instrument et l’instrumentiste.)
En farfouillant un peu, j’ai pu remarquer que tu avais travaillé avec des compagnies diverses, dans différents types de spectacles ; mais parmi toutes les compagnies que tu as croisées, il y a la « Cie l’Épigramme ». Crée en 1996, cette structure m’a semblé pourtant plus discrète que d’autres. Dans quel but a été créée cette compagnie ?
Emmanuelle : Le but était d’en faire une compagnie professionnelle, donc d’avoir un numéro de licence, de produire un certain nombre de spectacles, et aussi de dispenser des cours ; et de pouvoir aussi monter des projets socioculturels notamment avec les jeunes des quartiers défavorisés. En fait il y a trois volets dans « l'Épigramme ». Donc il y a des activités qu’on a pu développer, d’autre qu’on n’a pas pu développer, qu’on développera certainement plus tard. J’ai monté cette compagnie avec Emmanuelle LASFARGUE, qui est ma grande copine et complice de toujours – parce qu’on était à l’école primaire ensemble, on était au conservatoire ensemble, on était au Cours Simon ensemble.
C’était presque une évidence que tu crées avec elle cette compagnie.
Emmanuelle : Voilà. En ce qui concerne les spectacles, on a décidé d’axer particulièrement sur la création essentiellement des auteurs contemporains. Ce qui ne nous empêche pas d’avoir un spectacle ″jeune public″ qu’on a produit il y a quelques années et de temps en temps monter une pièce du répertoire dont « les Bonnes », de GENET.
Mais parfois, indépendamment l’une de l’autre, vous êtes ailleurs, dans d’autres structures, d’autres spectacles, la compagnie continue de vivre quand même ?
Emmanuelle : La compagnie vie quand même. Emmanuelle LASFARGUE, elle, a une vie familiale beaucoup plus remplie que la mienne parce qu’elle a trois enfants, donc elle a une activité théâtrale un petit peu plus réduite en fait ; elle a quitté Nice pendant trois ans pour aller à Tours. Donc les activités de la compagnie ont été mises en sommeil à ce moment là. C’est pour ça que cette compagnie semble moins présente, et aussi parce que lorsqu’on tournait beaucoup, à l’époque de la création des « Pépettes », ou à l’époque des « Bonnes », ou quand on a fait « Marie l’Étoile Perdue » (le ″jeune public″), il y avait moins de choses sur Internet.
Donc vous étiez plus actives au début et il y a eu un ralentissement ces derniers temps.
Emmanuelle : Il y a eu une parenthèse, et depuis la saison dernière ça repart.
Vous êtes encrées sur les Alpes Maritimes ?
Emmanuelle : Oui ; mais avec « les Bonnes », on avait fait Avignon en 2001, on est parti après en tournée… à Sedan, on est parti ! Mais là on a repris de l’activité réellement au niveau des spectacles l’année dernière en septembre 2005 avec « Trauma ».
Justement, concernant Avignon, tu as renouvelé l’aventure avec « Heures Exquises sur la Banquise ». Est-ce que la compagnie « l’Heure Exquise » a été fondée pour ce projet là, ou bien s’agit-il d’une structure pérenne ?
Emmanuelle : Moi j’ai participé juste pour un projet de cette compagnie là, qui existe depuis plusieurs année, qui a été créée à Paris et qui maintenant est implantée ici. A la base ce sont des chanteurs lyriques et des musiciens qui ont envie de faire des spectacles qui mélangent le lyrique, le burlesque et le théâtre. Donc ils avaient besoin d’une comédienne pour « Heures Exquises sur la Banquise ».
Comment les as-tu rencontré ?
Emmanuelle : Je les ai rencontrés par Numa SADOUL [En 1975, alors tout jeune homme, Numa SADOUL réalisa la première grande interview accordée par HERGÉ, et connue de tous les Tintinophiles : « Tintin et moi, entretiens avec Hergé » NdR] Parce que « Heures Exquises sur la Banquise » est un spectacle qui a connu pas mal de péripéties, à un moment donné il a été mis en scène par Alain CLÉMENT et Numa SADOUL, et c’est vrai que j’ai beaucoup beaucoup travaillé avec Numa SADOUL : il m’a mis en scène, je l’ai mis en scène, on a joué ensemble et puis on va rejouer ensemble prochainement… et Numa m’a dit un jour « ils ont besoin d’une comédienne » donc moi j’ai postulé, j’ai auditionné et voilà.
Avignon, c’est une aussi une vitrine pour les professionnels, pour vendre leurs spectacles, pour monter des tournées ; on va rarement à ce festival en dilettante. Toi, comment as-tu vécu cela : était-ce un conte de fée, ou un simple travail de comédienne ?
Emmanuelle : C’était ni un conte de fée ni un travail qu’on accomplit comme ça. Sinon j’ai de la chance, c’est clair. Moi j’avais un très bon souvenir quand on avait fait Avignon avec les « Bonnes » en 2001, avec la Cie « l’Épigramme ». On s’était régalée, puis on avait bien vendu le spectacle en plus après donc on était contentes – on était même allé jouer jusqu’à Sedan !
Eh oui, Sedan !
Emmanuelle : C’est vrai que j’aurais aimé le refaire après, puis ça s’est pas présenté, car ça coûte extrêmement cher à une compagnie [le seul prix d’une salle peut grimper au delà de 30 000 €uros, auxquels il faut rajouter les défraiements de tous les membres de l’équipe plus la publicité NdR] ; et c’est vrai que lorsque « l’Heure Exquise » m’a proposé, j’ai été ravie. Parce que c’est toujours une expérience, parce qu’on joue tous les soirs pendant la durée du festival, dans la journée on "tracte", en plus il y a l’expérience humaine, la vie en communauté etc.
Donc ça n’arrête pas : la journée on essaye de faire la pub à fond, et le soir… on joue combien de fois ?
Emmanuelle : Ca dépend des spectacles, il y en a qui se jouent deux fois, d'autres un jour sur deux… Il y a des compagnies qui viennent avec plusieurs spectacles. Il n'y a pas de règle…
Combien de temps avez-vous préparé Avignon?
Emmanuelle : Ils avaient un spectacle déjà existant, qui avait été remanié une première fois, quand ils sont arrivés sur la Côte d’Azur ; et puis ils avaient décidé de le re-remanier, puisque le personnage que j’avais était au départ une pianiste qui jouait sur scène et qui était en même temps la chef de troupe, et ils avaient décidé de remplacer cette pianiste par une comédienne. Je suis arrivé au moment du deuxième remaniement.
Il y avait de la fébrilité en toi, ou bien étais-tu déjà habituée à faire ce travail ?
Emmanuelle : Il y avait de la fébrilité, il y avait une grande excitation, parce que le mélange du lyrique, du burlesque et du théâtre, ça me plaisait beaucoup. Je trouvais ça excitant, c’était vraiment l’occasion de faire des choses que j’avais pas forcément faites, de travailler avec des gens avec qui je n’avais pas l’habitude de travailler. De toute façon je suis toujours très curieuse de découvrir des choses. Donc c’était à la fois très excitant et en même temps je me disais comment je vais trouver ma place dans ce spectacle qui existe déjà et qui en même temps n’existe pas encore, enfin il y avait un peu d’appréhension mais ça a été un grand bonheur.
L’équipe était la même que celle qui avait participé à la première mouture ? Tu étais la seule "nouvelle" ?
Emmanuelle : Au départ, j’étais la seule personne arrivée en dernier, puis après, quand on a fait Avignon, il y avait le baryton qui lui avait un engagement dans une comédie musicale à Paris, donc il n’a fait que la moitié des dates ; donc ils ont rappelé le baryton avec lequel ils travaillaient à l’époque à Paris etc. mais qui ne connaissait ni moi ni la nouvelle mouture du spectacle, donc ça a été encore une redécouverte.
Nous arrivons à la fin de cette première partie. La prochaine fois, Emmanuelle LORRE nous racontera sa collaboration avec Numa SADOUL et nous parlera aussi son parcours.
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06/12/2006
Leurs quatre vérités
Voici enfin la troisième et dernière partie de l’interview d’Isabelle et Marie-Pierre, nos deux chanteuses qui n’ont pas leur langue dans leur poche.
Que peut-on améliorer dans le système actuel des Intermittents du Spectacle ? Quelles actions seraient à mener ?
Marie-Pierre : Je ne suis pas sûre que tout le monde sera de mon avis, mais en tout cas je pense que les institutions qui ont les moyens d’avoir des permanents devraient le faire, notamment les télévisions etc., et ne pas systématiquement attendre que ce soit l’état qui prenne le relais entre deux contrats…
Pomper sur les Intermittent alors que les employés pourraient travailler en réalité à temps complet.
Marie-Pierre : Je pense que les Intermittents, c’est un statut qui s’adresse à des cas particuliers, c’était dans le cadre aussi de la décentralisation de la culture que ce statut a été créé. Donc c’est un peu dommage…
Et au niveau local, sur les Alpes-Maritimes ? Beaucoup de gens se plaignent en disant que nous sommes les parents pauvres, est-ce que tu le ressens comme ça ?
Marie-Pierre : Dans le sens des subventions, certainement, on est les parents pauvres, oui, par rapport au Ministère de la Culture. On pourrait avoir bien mieux, notamment les petites salles…
Les locaux manquent ?
Marie-Pierre : Non, c’est les sous qui manquent. Pour les compagnies… les locaux aussi, sans doute, mais enfin c’est tous les moyens matériels, il n’y a pas assez de sous… Tu vois, c’est bien beau de dire « ah ben oui ici vous êtes le parent pauvre etc. » mais l’état ne fait rien ; je ne suis pas sûre que la DRAC subventionne suffisamment les gens…
Isabelle : Pour la DRAC, c’est simple – excuse moi je te coupe parce que je rebondis sur ce que tu dis – Pour la DRAC, c’est simple, Nice n’existe pas ; je ne sais pas si j’ai le droit de le dire mais c’est pas grave. [ La DRAC est la Direction Régionale des Affaires Culturelle, outil de la décentralisation de la Culture. Pour plus d’info au sujet de cet organisme, cliquer sur les sites suivants : IDENTITÉS PARCOURS ET MÉMOIRE et CULTURE.FR NdR] Ils sont venus voir le spectacle de Claude BOUÉ qui est quand même, je pense, objectivement, un spectacle de qualité… où il y a une vraie démarche artistique, où il y a le chapiteau… la seule chose qu’ils ont trouvé à dire c’est « oui, la scénographie est bien mais on ne voit pas l’intérêt du spectacle. » Voilà. Pas de sous. Effectivement on manque cruellement de locaux. Alors en plus « les Diables Bleus », « la Brèche », etc. ça a été démoli, pour des questions, soi-disant, de tramway.
Les anciens locaux de Spada, où l’on avait recasé quelques-unes de ces associations expulsées, vont l’être à leur tour…
Isabelle : Spada va l’être à son tour… Je pense qu’à ce niveau là on n’aide pas du tout les artistes. Sans parler des Intermittents. Il n’y a pas de locaux. Il n’y a pas beaucoup d’aide à la création. Sauf par exemple, l’été, (je vais prendre le cas du Conseil Général, qui subventionne les « Estivales ») ils prennent des choses plutôt " ludiques ", alors c’est un choix de leur part ; mais est-ce qu’ils subventionnent vraiment la création…
Les festivals, est-ce que c’est utile ? Est-ce qu’il y en a assez ?
Isabelle : Moi je pense qu’il en faudrait plus. Même pour le jeune public. J’ai travaillé sur un festival jeune public depuis quatre ans à la Semeuse. On a bien rempli pendant trois ans, cette année il faisait beau les gens ne venaient pas, cette année ça a été galère : je vais tenter de demander une subvention pour la saison prochaine, mais je ne suis pas du tout sûre de l’obtenir. C’est extrêmement difficile. Je crois que dans le Département on a tendance à subventionner " Mon Cul sur la Commode " et pas forcément les vraies créations.
Marie-Pierre : Il y a pleins de gens qui créent, qui ont la volonté, qui ont des résultats intéressants, et le problème c’est qu’ils ne sont pas suivis dans leurs démarches.
Mais le public, est-ce qu’il est là, est-ce qu’il demande à s’élargir, à se diversifier ? Ou bien y a-t-il de plus en plus d’artistes sur la place mais que la curiosité du public n’augmente pas ? Est-ce qu’on peut en tout cas développer cela ?
Marie-Pierre : Là, je ne sais pas…
Même si vous n’avez pas de données précises, vous avez sûrement un sentiment à ce sujet. Isabelle, toi qui t’occupes d’un théâtre, qu’en penses-tu?
Isabelle : Je prends un exemple concret, sans aucune critique artistique : on a eu Noëlle PERNA en début de saison, on a fait carton plein – on vit des temps difficiles socialement, humainement… je pense que les gens ont envie de s’amuser… - après on a eu le chapiteau, avec le spectacle de Claude BOUÉ, qui est vraiment de qualité, je peux te dire qu’on a eu des difficultés énormes à remplir. En coproduction avec le Théâtre de Nice, il y a des soirs où le TNN n’avait vendu que 5 places
Holà !
Isabelle : Je réponds à ta question : c’est à dire qu’en dehors du Théâtre de Nice où le public va pour se montrer, plus que pour voir des spectacles…
Tu penses que le public vient pour se montrer ? ! ?
Isabelle : Ah oui, on les voit ; tu peux l’écrire…
Mais je l’écrirai…
Isabelle : Les mamies avec les manteaux de fourrure et les bagouzes, si tu les sors du TNN…
Ça se fait encore de venir se montrer ?
Isabelle : Ça se fait encore, à l’Opéra, au TNN… Tu veux cherche le public il est là-bas, ou alors il est à « Mon Cul sur la Commode ». On avait une coprod. avec le Théâtre de Nice, on avait un spectacle de qualité avec un truc original, je le redis, le chapiteau, nous on avait 35 places à vendre par soir : j’en ai vendu dix par soir, on a fait 900 €uros sur 10 soirs ; et avec une pub énorme.
Marie-Pierre : Le public ne prend pas de risque aussi, on va dire en fait qu’il va vers ce qu’il appelle les " valeurs sûres ", vers de grosses institutions, ils ont certaines attentes au niveau des spectacles qu’ils vont voir, ils ne vont peut-être pas prendre l’initiative d’aller voir des choses qui sont inhabituelles…
Isabelle : Le seul élargissement du public que je peux faire… Je suis responsable de la programmation " jeune public " : c’est essayer de commencer à éduquer ce futur public là, qui est déjà un vrai public. Donc moi j’essaye pour eux de ne pas programmer « Mon Cul sur la Commode », le langage infantile, etc. mais des vrais spectacles de théâtre pour enfants. Le plus difficile c’est d’éduquer les parents, parce que les parents s’inquiètent, ils te demandent « ah mais c’est vraiment pour les enfants ? ». Les parents se substituent aux enfants, du genre « il a 4 ans, donc si c’est un spectacle pour 6 ans ça va pas lui plaire ». Mais on ne sait pas ce qu’un enfant retient. Même s’il ne comprend pas toute l’histoire, ce qui est important c’est les émotions qu’il va ressentir et puis le visuel aussi… Les enfants ils prennent des choses, ce ne sont pas des gogols les enfants… Voilà le seul travail en tant que programmatrice que je peux faire.
Prendre l’habitude de changer ses habitudes…
Isabelle : En espérant que plus tard ils auront envie d’aller voir des spectacles de théâtre…
Marie-Pierre : Moi le reproche que je fais ce n’est pas qu’ils n’aillent voir que des choses divertissantes, ou des spectacles genre « Mon Cul sur la Commode » comme dit Isabelle, qui sont plus populaires ; ce que je reproche c’est qu’en fait ce sont toujours les mêmes choses populaires qui sont montées.
Une part trop belle à ce qui a déjà été fait ?
Marie-Pierre : En fait c’est vrai que les grandes structures ne montent que des trucs avec lesquels ils sont sûrs qu’ils vont faire carton plein.
Est-ce qu’ils ont le choix à ce niveau de financement ?
Marie-Pierre : Je pense qu’effectivement ils ont peu de liberté, parce qu’ils sont complètement subventionnés. Le fait de recevoir des subventions, ça fait que si tu veux continuer à les recevoir…
Isabelle : Ils ont quand même une obligation de remplissage. Au Théâtre de Nice, s’ils ont pris Daniel BENOIN il y a quelques années, c’est parce qu’il y a cette obligation. Ils ont pris un mec qui sortait d’H.E.C. Il a une mission du ministère de la Culture : il faut absolument qu’il ait des abonnés. Et pour ça, il l’a fait. Après, la qualité des spectacles…
Il y en a eu des très biens quand même !
Et toi, Matthijs, que penses-tu qu’on puisse faire pour amener le public à plus de curiosité ?
Matthijs Warnaar : Heu… J’ai bien peur qu’il n’y ait pas grand-chose à faire, mis à part individuellement, chacun de son côté (moi j’enseigne pas mal de musique) chacun de son côté on peut, à travers les cours, faire découvrir des choses, parler aux gens : « Allez voir des spectacles » etc. ; mais mis à part ça il n’y a pas grand chose à faire. On est pas aidé du tout par les structures plus importantes comme l’Éducation Nationale etc. Donc à mon avis, pour redonner goût aux personnes d’aller au théâtre, une chose à faire serait qu’ils fassent la " Star’Ac " du théâtre, sur TF1. Mais ce serait pas encore la bonne solution…
Les relations avec l’Éducation Nationale et le système éducatif français en général sont assez ténues ?
Matthijs Warnaar : Complètement. Il n’y en a pas du tout. Alors bien sûr il y a des interventions qui se font, le TNN fait des interventions dans les écoles, il y a des scolaires qui vont au théâtre.
Oui, j’ai écrit un article récemment à ce sujet.
Matthijs Warnaar : Effectivement, pour des grosses structures comme ça, c’est faisable ; pour les petits théâtres, il n’y a pas suffisamment de gens à intéresser au théâtre pour que ce soit viable.
Marie-Pierre :Concrètement, aussi, c’est oser sortir des sentiers battus. C’est peut-être proposer des choses qui sont populaires aussi, mais qui sont pas forcément toujours les mêmes. Et dans ce sens là, pour moi Michel LEGRAND et Jacques DEMY, c’est des choses qui sont populaires, très populaires, mais pour l’instant, par ici, j’ai pas vu cette chose là se monter et se faire. Et c’est peut-être aussi en proposant justement la diversité, en mettant l’accent sur la diversité. Voilà.
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25/11/2006
Chantons encore
J’ai un peu tardé, pour cause de répétitions et de représentations, mais voici la suite de l’interview de Marie-Pierre et d’Isabelle, toutes deux chanteuses (voir l’article du 10/11/2006).
Et toi Isabelle, quelle est ton expérience du monde des Intermittents ?
Isabelle : Moi c’est un très mauvais exemple parce que je ne suis pas intermittente.
Oui, mais tu en connais beaucoup.
Isabelle : Je ne sais pas si j’en connais tant que ça ; même si je travaille à la Semeuse, au théâtre… J’avais le choix d’être intermittente ou pas. J’avais passé des auditions pour faire les balloches l’été, tout simplement pour pouvoir faire le fameux quota de cachets. Et la Semeuse m’a appelé deux jours après pour savoir si je voulais travailler au théâtre avec un fixe. Tu penses bien que j’ai dit oui. Parce qu’en plus, la Semeuse ça permet de faire des créations ; à la Providence aussi. Par contre, sur le « Michel LEGRAND », on est tous déclarés, même moi. Je fais du cachet parce que sinon, je suis la plaie des Intermittents ; si je fais du black… hein, on est d’accord…
C’est clair. C’est un débat ça aussi. Il faudrait que je fasse un article…
Marie-Pierre : C’est un débat qui est vachement important.
Isabelle : Le producteur nous a dit, de toutes façons vous êtes professionnelles, donc vous êtes déclarées. Et moi je lui ai dit même si ça doit augmenter mon taux d’imposition etc. tant pis, tu me déclares parce que sinon, par rapport aux Intermittents, c’est pas juste. Pour moi c’est clair. Mais je pense qu’un intermittent peut vivre dans les Alpes-Maritimes en faisant son métier, sinon c’est pas la peine. Par contre, ce qui est inadmissible, c’est que la moindre tête de Mickey ou la moindre cuisinière d’Eurodisney soit intermittent, parce que pour moi, c’est pas artistique !
L’univers du chant se mélange-t-il souvent aux autres formes du Spectacle Vivant, ou bien pensez-vous qu’il y a parfois un cloisonnement ?
Isabelle : Pour moi non, parce que j’ai toujours fait du théâtre en parallèle ; la troupe de MIRAN, par exemple, puisque j’ai commencé avec eux ici, ils mélangent un peu les trois : la danse, le chant et le théâtre. Pour moi c’est pas du tout un monde à part, c’est lié dans l’artistique. C’est d’ailleurs pour ça qu’on allie le chant et le théâtral – pas la danse parce que je suis nulle en danse !
Marie-Pierre : On va voir, si, si un petit peu, moi j’espère…
Isabelle : Oui ? On en reparlera ; tu danseras toi !
Marie-Pierre : Ce que j’ai envie de dire, peut-être que ça répond indirectement à ta question : oui, tout se mélange, car ce qui m’a aussi donné envie de travailler sur Michel LEGRAND, c’est parce que j’adore l’univers de la comédie musicale, et notamment l’univers qu’il a créé autour des films de Jacques DEMY. Dans ce sens là, c’est clair que pour moi tout peut se mélanger, bien sûr ; la preuve en est justement les films de Jacques DEMY, de très haut niveau de jeu, de très haut niveau musical (« Les Demoiselles de Rochefort », « Les Parapluies de Cherbourg »)…
Palme d'Or à Cannes en 1964 ! Mais dans ton expérience professionnelle, est-ce que tu t’es souvent retrouvée sur une scène ou dans un autre cadre professionnel à travailler avec des danseurs et des comédiens ; ou bien au contraire as-tu ressentis des barrières ?
Marie-Pierre : Ah non pas du tout, ce n’est pas cloisonné… Pour moi, en fait, je ne fais pas de théâtre mais j’ai l’impression d’en être issue. Parce que je suis passée par l’ERAC en cours du soir, et je suis devenue chanteuse après ça. J’ai fait aussi pas mal de stages de formation théâtre, j’ai fait une année de stage " comédie musicale "… J’ai vraiment l’impression d’être une chanteuse qui vient du théâtre. Même si je n’ai pas une carrière de comédienne.
Isabelle : C’est vrai j’ai la même sensation. En tant que chanteuse réaliste, par exemple lorsque je travaillais le spectacle « Sur la butte », il y avait des chansons que, pour moi, " j’interprétais ". C’est pas juste chanter comme ça, juste une technique de chant. C’est à dire que sur le « BREL », ça parle, tu fais du théâtre quand tu chantes, tu racontes une histoire…
C’est le maître-mot : " interpréter ".
Isabelle : Bien sûr, combien de fois, en chantant « les Vieux », tu as tout le monde qui pleure dans la salle… Parce que c’est mon interprétation personnelle. Et là on touche plus au théâtre.
Et quel est l’essentiel de l’essentiel dans ce métier ? C’est la concentration ?
Isabelle : Pour moi c’est le feeling. La concentration bien sûr, t’es obligée, mais c’est d’être dedans, d’interpréter tes chansons avec ta personnalité. C’est pas qu’une technique, la technique elle vient après.
Marie-Pierre : Ben c’est " l’orgasme " en fait!
Aaaahh ! Quand je vais mettre ça sur le blog !…
Marie-Pierre : Je plaisante pas en fait, ce que tu appelles le feeling, moi j’appellerai ça l’orgasme. Le moment où tu lâches prise et que t’as la " bascule ", et là tu n’es plus en train de te dire « qu’est-ce que je suis en train de chanter, qu’est-ce qui se passe ? », tu le vis, tu pètes le mental, et tu es dans l’interprétation, le don, tu es dans ton corps…
L’ami d’Isabelle, Matthijs Warnaar, qui est aussi guitariste, s’était joint à nous, aussi j’en ai profité pour lui poser la même question.
Matthijs Warnaar : L’essence même, pourquoi on fait ça… c’est très compliqué. On fait ça… pour soi-même dans un premier temps : être sur scène, jouer, c’est pour nous ; et deuxièmement on le fait pour des gens qui viennent éventuellement m’écouter, pour leur faire plaisir c’est peut-être pas le mot juste, mais… c’est offrir ce qu’on sait faire aux autres. Mais personnellement je le fais avant tout pour moi-même.
Tu savais depuis longtemps que tu serais guitariste ?
Matthijs Warnaar : J’ai commencé à l’âge de 10 ans, je ne me souviens pas ne pas avoir joué de guitare.
Mais tu savais que tu continuerais à fond, que ce ne serait pas qu’un simple passe-temps ou une occupation suggérée par les parents ?
Matthijs Warnaar : C’est moi qui ai voulu en faire et j’ai tout fait pour pouvoir continuer à en faire.
Même question pour les deux miss ! Vous saviez depuis toujours que vous seriez chanteuses ou bien est-ce le hasard de la vie ?
Isabelle : C’était inscrit dans ma personnalité depuis toute petite, mais je suis venue au chant à 20 ans, j’en ai 35. Ça ne fait que 15 ans en fait. Mon père a toujours chanté à la maison ; quand j’étais petite, je me souviens avoir toujours entendu mon père, « ténor », chanter ; moi je chantais avec lui. Mais mes parents n’étaient pas du tout dans l’art. Donc moi je n’étais pas du tout là dedans. Et puis un jour, il y a un déclic qui s’est fait, à 20 ans. Et depuis, par contre, je n’en suis jamais sortie.
Marie-Pierre : Moi je rêvais d’être comédienne quand j’étais petite, et dans mon esprit, réussir à être comédienne c’était soit être à la Comédie Française soit… rien. Donc, comme je n’ai pas réussi la Comédie Française je suis devenue chanteuse !
Pensez-vous déjà à l’avenir du spectacle que vous préparez ?
Isabelle : L’avenir de ce spectacle ? Déjà une première chose : je pense que l’avenir il est complètement lié au chapiteau de Claude BOUÉ. La création va se faire au Centre Culturel de la Providence parce que c’est simple pour nous puisque moi je travaille là-bas, donc c’est toujours là qu’on fait nos créations. Mais il va être créé à la mesure du chapiteau. Le but c’est ça. Si Claude BOUÉ arrive à déplacer le chapiteau à Avignon cet été, il est prévu qu’il nous emmène, pour la dernière partie ; mais pour l’instant ce n’est pas sûr, c’est un projet. Donc, ce spectacle là il est englobé dans La Nef, et ce sera le spectacle du chapiteau…
Le mois complet à Avignon ?
Isabelle : Peut-être pas un mois, je ne sais pas encore…
Marie-Pierre : Au moins deux semaines.
Isabelle : Et puis après, je parle tout à fait personnellement : avant, tous les ans, une fois qu’un spectacle était créé je passais à autre chose, j’ai besoin de créer. Mais là je suis enceinte.
!
Isabelle : Donc je vais vraiment me concentrer sur ce spectacle là. Donc l’avenir pour l’instant il est sur la création du « Legrand » et sur la création du bébé, tu comprends. Pour l’instant c’est vraiment la concentration sur le « Legrand » et sur le « Brel », qui tourne déjà – si on place le « Brel » il n’y a pas de soucis, il est déjà rodé. Et puis après on va vivre un peu au jour le jour, pour l’instant j’ai pas la tête à une autre création. A par la vie, la mienne…
Mais malgré ça, tu sais que tu vas élever un enfant ; tu vas l’élever dans les conditions que tu viens de nous expliquer : tu penses sûrement à la façon dont tu vas te débrouiller ?
Isabelle : On est deux déjà, et puis j’ai quand même un travail fixe. Et puis moi je trouve que c’est génial d’avoir un enfant qui va venir m’écouter chanter, qui va déjà m’entendre chanter alors qu’il est encore dans mon ventre, je trouve ça génial. Pour moi, il ne faut pas forcément être fonctionnaire pour faire un enfant. Ce qui est sûr, c’est que j’ai droit, par rapport à mon statut à la Semeuse, à six mois de mi-temps. Bon pour l’instant c’est vraiment le « Michel Legrand » et Bébé. Et puis après les futurs projets, on verra en temps voulu…
Et toi, Marie-Pierre, tu as un autre bon mot à nous dire ?
Marie-Pierre : Non, moi je n’ai rien à dire, l’avenir je le connais pas.
Qu’est-ce que ça veut dire « l’avenir je le connais pas » ? Dans le sens que tu t’en fiches ?
Marie-Pierre : Non, je le connais assez peu finalement. Je mise beaucoup sur ce spectacle, du fait de cette configuration de départ, qui me paraît très belle. Et j’espère vraiment qu’il va tourner. Après, oui, je fais d’autres choses à côté, mais j’ai peut-être pas forcément envie d’en parler…
Respectons la vie privée de nos invités !
Marie-Pierre : Mais même sur le plan artistique, j’ai surtout envie de parler de ce spectacle !
Troisième et dernière partie de cet article bientôt. Il y sera de nouveau question des Intermittents, mais aussi des institutions et autres sujets (qui fâchent ?)
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10/11/2006
Elles chantent
Je n’ai jamais vraiment abordé l’univers des chanteurs et des musiciens, essentiellement parce que ce n’est pas mon domaine. Mais récemment j’ai rencontré une ex partenaire de scène, qui elle est chanteuse professionnelle. A l’occasion du prochain spectacle qu’elle prépare avec un groupe, Marie-Pierre FOESSEL a accepté volontiers de répondre à quelques questions, accompagnée par une amie et autre membre du groupe : Isabelle TOSI.
La conversation s’étant prolongée durablement, j’ai du scinder l’article en trois parties, afin que cette note ne s’étire pas trop en longueur (et encore, j’ai ôté les rires qui prenaient bien dix minutes à eux seuls).
(Les informations pratiques concernant leur spectacle sont à la fin de cette note.)
Pour commencer, racontez-nous la genèse de votre spectacle :
Marie-Pierre : Isabelle et moi nous nous connaissons depuis six ans, lors de notre rencontre dans la compagnie de MIRAN, dans un spectacle sur Léo FERRÉ (« Bordeaux-Paris-Ostende »). Cela faisait un moment qu’on voulait faire quelque chose ensemble. Notre rapport était assez fort, et nous sommes restées amies. J’aimais bien comme elle chantait, elle aimait bien comme je chantais… Au départ on était partie pour un travail sur Jacques BREL, mais les circonstances ont fait qu’on n’a pas pu réaliser cela.
Au départ vos sensibilités se rejoignaient déjà.
Marie-Pierre : Et puis on a des voix qui se complètent.
Isabelle : On cherchait ce qu’on pourrait faire ensemble et Mapie m’a dit : « ce serait bien qu’on travaille sur Michel LEGRAND ». Et comme je suis chanteuse réaliste français à la base, et que je cherche à aller vers le jazz, au moins là il y avait les deux. Voilà comment est partie l’idée.
Marie-Pierre : Je suis plutôt chanteuse traditionnelle à la base, chanteuse folklorique…
Isabelle : Elle chante avec un doigt sur l’oreille !
Marie-Pierre : J’ai chanté pas mal avec le Corou de Berre. Je me suis un peu attardée à faire travailler des ensembles de musiques traditionnelles. Et depuis un an et demi, j’étais à Monaco en formation classique de chant, pour acquérir des techniques. Et cette année je prends un virage, comme Isabelle, je m’oriente vers le jazz. C’est du jazz populaire, du jazz variété, c’est pas du jazz de puriste – mais ça peut l’être aussi.
Mais quelles sont vos compétences en jazz ? Lorsqu’on parle de cette musique, le néophyte pense à quelque chose de très technique…
Isabelle : Le jazz bien sûr que c’est technique, mais ça demande aussi énormément de feeling. Moi je ne lis pas une note, je fais tout au feeling.
Marie-Pierre : Et Isabelle a été très fine sur ce coup-là, puisqu’elle nous a ramené des musiciens qui sont des pointures.
Et vous êtes à leur niveau ?
Isabelle : C’est un travail d’équipe. Il est bien évident qu’on ne va pas nous demander de remplacer la trompette en faisant des vocalises comme le faisait Sarah VAUGHAN ou Ella, on est dans la « variét. jazz » ; la base jazz, bien sûr il y a de la technique, mais elle vient surtout de l’oreille, et je crois que pour ça, Marie-Pierre et moi on n’a pas de soucis.
Vous n’irez pas dans une école, vous allez démarrer directement avec le groupe que vous avez formé ?
Marie-Pierre : C’est ça, il vont nous donner le ton et nous on va s’accrocher…
Le but était de créer un groupe ou bien l’avez-vous formé uniquement pour ce spectacle ?
Marie-Pierre : Pour l’instant c’est un spectacle qui s’intitule « Quand ça Balance », du titre d’une chanson de Michel LEGRAND. L’objectif n’était pas de former un groupe, simplement réunir des musiciens et des comédiens autour du projet.
Isabelle : On n’a pas crée de compagnie. Je travaille régulièrement avec Claude BOUÉ. [C’est une personne dont on a déjà parlé auparavant. Voir l’article consacré au spectacle : « les Invisibles » en cliquant ici ».] Je lui ai demandé s’il pouvait nous produire, et il nous a dit oui tout de suite. Donc on n’a pas monté notre compagnie, on est produit par Claude BOUÉ qui adore Michel LEGRAND et…
Marie-Pierre : On va peut-être passer sous le chapiteau !
Isabelle : … et on va certainement passer sous le chapiteau. On a le Navire qui s’occupe de nous au niveau administratif, qui s’occupe de vendre les spectacles, de nous trouver des subventions. Parce que Claude aime bien ce qu’on fait et qu’il adore LEGRAND.
C’était la personne qu’il fallait quand il fallait !
Isabelle : En plus il a dit oui de suite, on s’est entendu de suite, il a compris le projet de suite…
Donc c’est la rencontre entre vous trois qui s’est faite au bon moment ; et pour les musiciens aussi c’est une histoire de rencontre ?
Isabelle : Exactement. Le pianiste, on l’a connu ensemble il y a six ans dans la troupe de MIRAN, Bruno MISTRALI. C’est un très bon pianiste qui sait accompagner les chanteuses, ce qui n’est pas le cas de tout le monde. Le contrebassiste Kevin TARDEVET je l’ai rencontré cet été dans la troupe de MIRAN aussi ; j’ai flashé de suite, car c’est une personnalité, il est lumineux, toujours de bonne humeur, et en plus c’est une pointure de jazz. Et c’est lui qui nous a présenté le batteur, qui lui aussi est une pointure de jazz. Le gars qui joue dans la salle de bain et qu’on n’entend pas…
Marie-Pierre : Si quand même un peu !
Isabelle : Oui, mais c’est pas le gars qui vient du Rock, qui bastonne et qui casse la voix des chanteuses. C’est un vrai musicien.
C’est une pique pour les gens qui jouent du Rock ?
Isabelle : Non, non, je les adore, mais c’est vrai que les batteurs de Rock on tendance à bastonner, et c’est normal, c’est le Rock…
Comment préparez vous ce spectacle ?
Isabelle : On va essayer de le « théâtraliser ». Ce serait bien de ne pas avoir qu’un tour de chant basique, on veut au moins une mise en espace des tableaux. J’ai un ami d’assez longue date qui s’appelle Fabien DUPRAT, qui est metteur en scène, comédien et chanteur, qui est génial, il sait tout faire.
Un nom connu !
Isabelle : Oui, il a travaillé avec le Collectif-8, le Théâtre de Nice, il a une compagnie italienne…
Marie-Pierre : D’ailleurs, il ne va pas seulement faire la mise en scène, il va jouer et chanter avec nous. La aussi c’était la rencontre idéale.
Décidemment, ont peut placer votre aventure sous le signe de la rencontre.
Changeons de sujet, et parlons du statut des Intermittents du Spectacle, pouvez-vous nous en dire deux mots, tant du point de vue de vos propres expériences que d’un point de vue plus global ?
Marie-Pierre : Je peux faire une réponse personnelle, qui n’engage que moi. J’ai été intermittente du spectacle pendant quasiment cinq ans, c'est-à-dire que je n’ai vécu que de ce statut, en étant inscrite aux ASSEDIC, en pointant les cachets tous les mois etc. Au terme de ça, j’en ai eu un peu assez de ce système.
De ta vie d’intermittente ou bien du système lui-même ?
Marie-Pierre : Le système dans lequel il fallait absolument avoir 43 cachets etc. Et finalement moi ça m’a coupé de mon plaisir dans le sens où je ne travaillais pas que dans ce que j’aimais, j’étais aussi obligée de faire de l’alimentaire. Je parle pour moi, attention. Pour les autres intermittents, je ne peux pas m’exprimer.
Pendant cinq ans, tu es arrivée à ne vivre que de cela ?
Marie-Pierre : Au prix quand même de sacrifices et du fait de faire des choses qui n’étaient pas forcément dans les aspirations que j’avais au départ.
Tu ne faisais que chanter, ou bien tu devais faire d’autres activités, comme enseigner par exemple ?
Marie-Pierre : Je ne faisais quasiment que chanter ; chanter dans les prisons parfois, dans pleins de circonstances différentes… parfois pour des trucs qui ne m’intéressaient pas…
Dans les Alpes-Maritimes, un chanteur peut vivre en étant intermittent seulement ?
Marie-Pierre : Bien sûr. En ce moment, je ne vis plus par rapport aux ASSEDIC, mais en tout cas, je tiens toujours à être déclarée quand je fais des cachets, ça c’est très important pour moi. Mais je travaille à mi-temps à côté, pour pouvoir assurer ma survie.
Ca te permet d’avoir plus d’indépendance par rapport à tes choix ?
Marie-Pierre : Oui. Et puis surtout, moi je cherche une forme de sécurité, dans le sens où j’essaye de me diplômer, pour pouvoir aussi privilégier l’enseignement, être plus sécurisée grâce à un métier à vocation artistique, afin de ne pas dépendre que de l’aléa.
C’est la fin de cette première partie de l’interview, vous en aurez la suite très prochainement.
Ce spectacle, qui s’intitule donc « Quand ça Balance », sera présenté les :
Vendredi 8 et samedi 9 décembre à 20h30 et le dimanche 10 décembre à 16h00
Au Centre Culturel de la Providence 4, placette de la Providence
(Dans le Vieux-Nice, proche de la colline du Château.)
(Une avant-première, destinée aux journalistes, institutionnels et gens du métier est prévue le jeudi 07 décembre à 20h30.)
TARIFS :
Normal – 15 €
Réduit – 10 €
13/17ans – 6€
Moins de 13 ans - gratuit
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