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25/11/2006

Chantons encore

J’ai un peu tardé, pour cause de répétitions et de représentations, mais voici la suite de l’interview de Marie-Pierre et d’Isabelle, toutes deux chanteuses (voir l’article du 10/11/2006).

 

Et toi Isabelle, quelle est ton expérience du monde des Intermittents ?

Isabelle : Moi c’est un très mauvais exemple parce que je ne suis pas intermittente.

Oui, mais tu en connais beaucoup.

Isabelle : Je ne sais pas si j’en connais tant que ça ; même si je travaille à la Semeuse, au théâtre… J’avais le choix d’être intermittente ou pas. J’avais passé des auditions pour faire les balloches l’été, tout simplement pour pouvoir faire le fameux quota de cachets. Et la Semeuse m’a appelé deux jours après pour savoir si je voulais travailler au théâtre avec un fixe. Tu penses bien que j’ai dit oui. Parce qu’en plus, la Semeuse ça permet de faire des créations ; à la Providence aussi. Par contre, sur le « Michel LEGRAND », on est tous déclarés, même moi. Je fais du cachet parce que sinon, je suis la plaie des Intermittents ; si je fais du black… hein, on est d’accord…

C’est clair. C’est un débat ça aussi. Il faudrait que je fasse un article…

Marie-Pierre : C’est un débat qui est vachement important.

Isabelle : Le producteur nous a dit, de toutes façons vous êtes professionnelles, donc vous êtes déclarées. Et moi je lui ai dit même si ça doit augmenter mon taux d’imposition etc. tant pis, tu me déclares parce que sinon, par rapport aux Intermittents, c’est pas juste. Pour moi c’est clair. Mais je pense qu’un intermittent peut vivre dans les Alpes-Maritimes en faisant son métier, sinon c’est pas la peine. Par contre, ce qui est inadmissible, c’est que la moindre tête de Mickey ou la moindre cuisinière d’Eurodisney soit intermittent, parce que pour moi, c’est pas artistique !

L’univers du chant se mélange-t-il souvent aux autres formes du Spectacle Vivant, ou bien pensez-vous qu’il y a parfois un cloisonnement ?

Isabelle : Pour moi non, parce que j’ai toujours fait du théâtre en parallèle ; la troupe de MIRAN, par exemple, puisque j’ai commencé avec eux ici, ils mélangent un peu les trois : la danse, le chant et le théâtre. Pour moi c’est pas du tout un monde à part, c’est lié dans l’artistique. C’est d’ailleurs pour ça qu’on allie le chant et le théâtral – pas la danse parce que je suis nulle en danse !

Marie-Pierre : On va voir, si, si un petit peu, moi j’espère…

Isabelle : Oui ? On en reparlera ; tu danseras toi !

Marie-Pierre : Ce que j’ai envie de dire, peut-être que ça répond indirectement à ta question : oui, tout se mélange, car ce qui m’a aussi donné envie de travailler sur Michel LEGRAND, c’est parce que j’adore l’univers de la comédie musicale, et notamment l’univers qu’il a créé autour des films de Jacques DEMY. Dans ce sens là, c’est clair que pour moi tout peut se mélanger, bien sûr ; la preuve en est justement les films de Jacques DEMY, de très haut niveau de jeu, de très haut niveau musical (« Les Demoiselles de Rochefort », « Les Parapluies de Cherbourg »)…

Palme d'Or à Cannes en 1964 ! Mais dans ton expérience professionnelle, est-ce que tu t’es souvent retrouvée sur une scène ou dans un autre cadre professionnel à travailler avec des danseurs et des comédiens ; ou bien au contraire as-tu ressentis des barrières ?

Marie-Pierre : Ah non pas du tout, ce n’est pas cloisonné… Pour moi, en fait, je ne fais pas de théâtre mais j’ai l’impression d’en être issue. Parce que je suis passée par l’ERAC en cours du soir, et je suis devenue chanteuse après ça. J’ai fait aussi pas mal de stages de formation théâtre, j’ai fait une année de stage " comédie musicale "… J’ai vraiment l’impression d’être une chanteuse qui vient du théâtre. Même si je n’ai pas une carrière de comédienne.

Isabelle : C’est vrai j’ai la même sensation. En tant que chanteuse réaliste, par exemple lorsque je travaillais le spectacle « Sur la butte », il y avait des chansons que, pour moi, " j’interprétais ". C’est pas juste chanter comme ça, juste une technique de chant. C’est à dire que sur le « BREL », ça parle, tu fais du théâtre quand tu chantes, tu racontes une histoire…

C’est le maître-mot : " interpréter ".

Isabelle : Bien sûr, combien de fois, en chantant « les Vieux », tu as tout le monde qui pleure dans la salle… Parce que c’est mon interprétation personnelle. Et là on touche plus au théâtre.

Et quel est l’essentiel de l’essentiel dans ce métier ? C’est la concentration ?

Isabelle : Pour moi c’est le feeling. La concentration bien sûr, t’es obligée, mais c’est d’être dedans, d’interpréter tes chansons avec ta personnalité. C’est pas qu’une technique, la technique elle vient après.

Marie-Pierre : Ben c’est " l’orgasme " en fait!

Aaaahh ! Quand je vais mettre ça sur le blog !…

Marie-Pierre : Je plaisante pas en fait, ce que tu appelles le feeling, moi j’appellerai ça l’orgasme. Le moment où tu lâches prise et que t’as la " bascule ", et là tu n’es plus en train de te dire « qu’est-ce que je suis en train de chanter, qu’est-ce qui se passe ? », tu le vis, tu pètes le mental, et tu es dans l’interprétation, le don, tu es dans ton corps…

L’ami d’Isabelle, Matthijs Warnaar, qui est aussi guitariste, s’était joint à nous, aussi j’en ai profité pour lui poser la même question.

Matthijs Warnaar : L’essence même, pourquoi on fait ça… c’est très compliqué. On fait ça… pour soi-même dans un premier temps : être sur scène, jouer, c’est pour nous ; et deuxièmement on le fait pour des gens qui viennent éventuellement m’écouter, pour leur faire plaisir c’est peut-être pas le mot juste, mais… c’est offrir ce qu’on sait faire aux autres. Mais personnellement je le fais avant tout pour moi-même.

Tu savais depuis longtemps que tu serais guitariste ?

Matthijs Warnaar : J’ai commencé à l’âge de 10 ans, je ne me souviens pas ne pas avoir joué de guitare.

Mais tu savais que tu continuerais à fond, que ce ne serait pas qu’un simple passe-temps ou une occupation suggérée par les parents ?

Matthijs Warnaar : C’est moi qui ai voulu en faire et j’ai tout fait pour pouvoir continuer à en faire.

Même question pour les deux miss ! Vous saviez depuis toujours que vous seriez chanteuses ou bien est-ce le hasard de la vie ?

Isabelle : C’était inscrit dans ma personnalité depuis toute petite, mais je suis venue au chant à 20 ans, j’en ai 35. Ça ne fait que 15 ans en fait. Mon père a toujours chanté à la maison ; quand j’étais petite, je me souviens avoir toujours entendu mon père, « ténor », chanter ; moi je chantais avec lui. Mais mes parents n’étaient pas du tout dans l’art. Donc moi je n’étais pas du tout là dedans. Et puis un jour, il y a un déclic qui s’est fait, à 20 ans. Et depuis, par contre, je n’en suis jamais sortie.

Marie-Pierre : Moi je rêvais d’être comédienne quand j’étais petite, et dans mon esprit, réussir à être comédienne c’était soit être à la Comédie Française soit… rien. Donc, comme je n’ai pas réussi la Comédie Française je suis devenue chanteuse !

Pensez-vous déjà à l’avenir du spectacle que vous préparez ?

Isabelle : L’avenir de ce spectacle ? Déjà une première chose : je pense que l’avenir il est complètement lié au chapiteau de Claude BOUÉ. La création va se faire au Centre Culturel de la Providence parce que c’est simple pour nous puisque moi je travaille là-bas, donc c’est toujours là qu’on fait nos créations. Mais il va être créé à la mesure du chapiteau. Le but c’est ça. Si Claude BOUÉ arrive à déplacer le chapiteau à Avignon cet été, il est prévu qu’il nous emmène, pour la dernière partie ; mais pour l’instant ce n’est pas sûr, c’est un projet. Donc, ce spectacle là il est englobé dans La Nef, et ce sera le spectacle du chapiteau…

Le mois complet à Avignon ?

Isabelle : Peut-être pas un mois, je ne sais pas encore…

Marie-Pierre : Au moins deux semaines.

Isabelle : Et puis après, je parle tout à fait personnellement : avant, tous les ans, une fois qu’un spectacle était créé je passais à autre chose, j’ai besoin de créer. Mais là je suis enceinte.

!

Isabelle : Donc je vais vraiment me concentrer sur ce spectacle là. Donc l’avenir pour l’instant il est sur la création du « Legrand » et sur la création du bébé, tu comprends. Pour l’instant c’est vraiment la concentration sur le « Legrand » et sur le « Brel », qui tourne déjà – si on place le « Brel » il n’y a pas de soucis, il est déjà rodé. Et puis après on va vivre un peu au jour le jour, pour l’instant j’ai pas la tête à une autre création. A par la vie, la mienne…

Mais malgré ça, tu sais que tu vas élever un enfant ; tu vas l’élever dans les conditions que tu viens de nous expliquer : tu penses sûrement à la façon dont tu vas te débrouiller ?

Isabelle : On est deux déjà, et puis j’ai quand même un travail fixe. Et puis moi je trouve que c’est génial d’avoir un enfant qui va venir m’écouter chanter, qui va déjà m’entendre chanter alors qu’il est encore dans mon ventre, je trouve ça génial. Pour moi, il ne faut pas forcément être fonctionnaire pour faire un enfant. Ce qui est sûr, c’est que j’ai droit, par rapport à mon statut à la Semeuse, à six mois de mi-temps. Bon pour l’instant c’est vraiment le « Michel Legrand » et Bébé. Et puis après les futurs projets, on verra en temps voulu…

Et toi, Marie-Pierre, tu as un autre bon mot à nous dire ?

Marie-Pierre : Non, moi je n’ai rien à dire, l’avenir je le connais pas.

Qu’est-ce que ça veut dire « l’avenir je le connais pas » ? Dans le sens que tu t’en fiches ?

Marie-Pierre : Non, je le connais assez peu finalement. Je mise beaucoup sur ce spectacle, du fait de cette configuration de départ, qui me paraît très belle. Et j’espère vraiment qu’il va tourner. Après, oui, je fais d’autres choses à côté, mais j’ai peut-être pas forcément envie d’en parler…

Respectons la vie privée de nos invités !

Marie-Pierre : Mais même sur le plan artistique, j’ai surtout envie de parler de ce spectacle !

Troisième et dernière partie de cet article bientôt. Il y sera de nouveau question des Intermittents, mais aussi des institutions et autres sujets (qui fâchent ?)