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25/05/2009

Une femme pas seule

La programmation de Cuisine et Dépendance au théâtre de la Semeuse ce week-end a dû être annulée. Ce spectacle a été remplacé par Une Femme Seule, produit par la même compagnie, ACTE 3. Un monologue extrait de Récits de Femmes, initialement appelé Orgasme Adulte Échappé Du Zoo et écrit par Dario FO et Franca RAME.
Des décors simples mais colorés définissent un cadre précis au jeu de la comédienne, qui incarne une femme, seule bien sûr, mais surtout maltraitée et malheureuse.
Seule malgré les autres personnages qui seront seulement suggérés et jamais présents sur scène (le mari au téléphone, l’amant derrière la porte…).
Joëlle HADJADJ, particulièrement efficace dans les passages dramatiques, la où le "Pathos" ressurgit, incarne donc cette femme délaissée, qui passe par plusieurs états d’âme.

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À la fin du spectacle, la metteur en scène a accepté de répondre à quelques questions. Accueillons donc, derrière le rideau, Françoise NAHON.

Qu’est-ce qui a motivé ce choix de l’auteur ?

Parce que j’aime l’écriture de Dario FO (C’est Dario FO et Franca RAME ! C’est une histoire de couple aussi, hein.) C’est extrait de Récits de Femmes, qui est un recueil où il y a de nombreux textes de femmes ; et un ou deux textes mixtes aussi, hein, avec homme et femme. Essentiellement ce sont des récits de femmes qui traitent des sujets difficiles, comme par exemple la prostitution, comme par exemple le refus de maternité. Bon là, il s’agit d’une femme qui est dans la maltraitance.

Donc « difficile » non pas dans le sens douloureux mais dans le sens qu’il est difficile de traiter de tels sujets ?

Délicats à traiter. Alors l’intérêt de Dario FO, c’est que tous ces sujets qui sont dramatiques — et souvent plus que dramatiques, ils sont tragiques — sont traités sur un mode très drôle, très kitch, très fantaisiste ; et moi c’est ce qui me plait, c’est ce contraste entre le motif qui est dur et le traitement qui est plus léger.

Pourquoi avoir choisi ce texte en particulier, parmi les nombreux qui font partie de ces « Récits » ?

On m’a souvent posé la question d’ailleurs. Parce que… parce que c’est un texte qui nous plaisait déjà à toutes les deux… Nous ça fait très longtemps qu’on fait du théâtre ensemble avec la comédienne Joëlle HADJADJ ; et c’est un texte qu’on avait envie de travailler parce qu’on a été très sensibles au problème des femmes qui subissent des violences, conjugales en l’occurrence. On a connu des gens qui travaillaient dans des associations, et qui recueillaient de nombreuses victimes, et ce sujet nous a interpellés.

Vous avez tout de suite pensé à Joëlle HADJADJ pour le rôle ?

On voulait monter du Dario FO, donc j’ai relu tous les Récits de Femmes que j’avais et celui qui m’intéressait, pour cette fois-ci (je vais vous parler de la suite !) pour cette fois-ci ça a été Une Femme Seule. Joëlle, je la voyais dans ce personnage.

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Vous pensiez déjà à Joëlle en choisissant le texte.

Oui, tout à fait. Et puis là, au départ on voulait faire deux monologues. Donc moi j’avais pour projet d’en faire encore un autre, qu’on aurait associé.
Finalement, ce projet a grossi ; au début c’était un petit truc et puis finalement on a voulu vraiment que ça soit un spectacle à lui tout seul. Donc on en a fait ce que vous avez vu là ce soir. Mais le projet, ça va être de garder Une Femme Seule peut-être dans une version un petit peu plus light et auquel on va rajouter un ou deux autres monologues extraits de Récit de Femmes ; là où peut-être je prendrai un rôle d’ailleurs.

Justement, il vous arrive parfois de jouer dans des pièces que vous mettez en scène. N’est-ce pas une difficulté supplémentaire ?

Alors en fait, nous sommes un trio, où on est un peu polyvalent. Par exemple sur Cuisine et Dépendance je joue et je fais la mise en scène, et donc à un moment du travail il y a toujours quelqu’un de la compagnie qui a le regard extérieur sur les scènes où je suis présente.

Qui a le regard extérieur et qui a aussi les capacités à faire de la mise en scène…

Complètement. Si vous voulez, la mise en scène elle est conçue dès le départ, donc je sais exactement ce que je veux… et ensuite il y a l’esprit et après il y a la direction de l’acteur.

Donc, dans votre façon de travailler, toute la mise en scène est déjà prévue avant de commencer ?

En tout cas, les grandes lignes de la mise en scène, la scénographie, l’esprit de la pièce… j’ai déjà dans la tête ce que je veux, et ce que je ne veux pas surtout.

Mais les comédiens peuvent apporter quelque chose…

Bien sûr, tout à fait. Ce n’est pas figé genre « tu dois faire deux pas à gauche… » non, non. Quand je parle mise en scène, c’est l’esprit général de la pièce. Et j’en discute avec tout le monde au début du travail, dès les premières lectures. Donc ils savent exactement où l’on va, ensemble ; et après évidemment on se nourrit du travail des uns et des autres, ce n’est pas figé.

C’est une compagnie que vous avez crée ?

Oui. On est trois : « compagnie ACTE 3 ».

Qui est la troisième personne ?

C’est Tony — qui fume dehors ! Tony, par exemple, il incarne le rôle de Georges/Bacri dans Cuisine et Dépendance. Là, sur Une Femme Seule, c’est lui qui a fait la régie ; donc on est un peu polyvalent.

Et il a aussi des comédiens "satellites", comme sylvain GUINÉ pour Cuisine et Dépendance ?

Voilà, lui il ne fait pas partie de la compagnie. On l’a recruté parce qu’on le connaissait, c’est un copain ; puis on l’avait vu justement dans Cuisine et Dépendance à l’époque où ils l’avaient montée [au Théâtre du cours ndlr].

Merci à vous, Françoise NAHON, pour ces réponses.

Pour compléter ces propos, je laisse en lien, sur la Colonne de Gauche, le site de la Cie ACTE 3, hébergé par Niceasso.net — espaces associations de la Ville de Nice.

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18/11/2008

LA DIACOSMIE, C'EST ÉNORME !

La plaquette présentant C’est pas Classique, manifestation organisée par le Conseil Général des Alpes-Maritimes, indiquait qu’on pouvait également visiter la Diacosmie de l’opéra de Nice.
La Diacosmie est l’endroit où se préparent les opéras. Un seul et immense bâtiment situé 8, avenue Claude Debussy à Nice (peu après la salle Nikaïa, sur la droite).

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Je compose le numéro vert qui est mentionné. Une voix accueillante m’explique que je dois réserver pour l’une des trois séances prévues puis me demande mon nom, prénom, numéro de téléphone ainsi que mon adresse ; ce n'est pas tout, je dois également déclarer quelles sont les deux personnes qui m'accompagneront !

Je m'exécute. J'ai alors le choix entre la visite de 10h00, 11h00 et midi. Je choisis celle de midi. On m'apprend qu'il faudra nous présenter une heure avant, soit 11h00 du matin, le vendredi 31 octobre.

Le jour dit, je m'impatiente et bouscule mon entourage : je n'aime pas être en retard. Nous arrivons devant la loge d'entrée à 11h05 ! Mais l'hôtesse qui nous accueille s'étonne et nous sourit en annonçant qu'il ne fallait pas s'inquiéter : sûrement une lubie des p’tits gars du Conseil Général. Pas besoin d'être là une heure avant ! Et mieux, puisque le groupe de onze heures n'est pas complet, nous pouvons en faire partie. La visite démarre tout de suite.

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Nous sommes accueillis par un des guides chargés de nous piloter dans cet immense espace dédié à la préparation des opéras. Celui-ci a tout d'abord commencé par présenter cette puissante structure (qui est municipale, rappelons-le) :

 

La Diacosmie regroupe plusieurs ateliers. Ce sont des ateliers de peinture et des ateliers de construction. Ensuite, nous avons un atelier de fabrication de costumes ; des couturières, une dizaine de couturières sont ici, en permanence, pour faire des costumes.

 

Ensuite, répétition ! Grande mission "répétition". Alors pour les répétitions, nous avons deux grandes salles : une salle qui est la réplique en acoustique et en surface de l'auditorium Apollon à Acropolis. Cette salle est... a les mêmes dimensions que la scène Apollon : 40 mètres je crois sur… 10 mètres de large.

Actuellement, une petite parenthèse, vous ne verrez pas grand monde. Pourquoi : parce qu'il y a une partie qui est en train de préparer C'est pas Classique pour dimanche à Acropolis, c'est à dire monter des décors ; ensuite, hier soir, nous avons eu spectacle ― nous avons spectacle tous les soirs puisque nous préparons Macbeth pour la première de ce soir. Donc les personnes terminent à minuit, une heure du matin. Donc ils vont recommencer cet après-midi à travailler. Alors, vous n'aurez pas grand monde, hein. Mais c'est pas bien méchant : il y a les danseurs, vous aurez juste les danseurs et vous verrez les ateliers. Voilà pour la petite parenthèse.

Donc, après, pour les répétitions, nous avons une salle qui peut contenir jusqu'à 120 musiciens ; une salle qui est réservée pour les chœurs aussi. Les chœurs sont une quarantaine, ce sont des professionnels de la ville, toujours ; ce sont des contractuels qui sont là, qui passent tous les trois ans des auditions pour la voix.

Ensuite nous avons répétition "danseurs", nous avons 30 danseurs qui font partie aussi du personnel municipal, que vous allez voir évoluer tout à l'heure. Voilà en ce qui concerne les répétitions.

 

Ensuite, notre dernière mission, c'est le stockage. Alors le stockage vous le voyez là, hein : tous les alvéoles sont remplis de décors ; les décors que nous sommes obligés de garder cinq ans, puisqu'il y a un droit moral et artistique de l'artiste qui l'a crée. Au bout de cinq ans, ces décors reviennent dans le giron de la mairie. Puisque c'est de l'argent public, donc ils reviennent à la mairie et à ce moment-là on prend une décision : soit on le détruit, avec une délibération du Conseil Municipal ou alors il est loué ou vendu à l'extérieur.

Ensuite, en stockage, nous avons en sous-sol une salle qui peut contenir jusqu'à 10 000 costumes ― actuellement il y en a 7000. Donc, vous pourrez évoluer dans les allées, voir les différents costumes des différents spectacles.

Ensuite, en stockage, nous avons aussi les accessoires ― puisqu'il nous faut énormément d'accessoires pour aménager les scènes, pour aménager les spectacles, de la valise au chandelier... à tout ce qui s'ensuit.

Ensuite nous avons aussi un stockage de meubles ; tout ce qui est pendrillon, tout ce qui est fauteuil, chaise, tout ça est en stockage.

 

Voilà en gros pour la Diacosmie. Quand nous évoluons pour un spectacle, nous sommes environs ici 300 personnes ; à l'Opéra de Nice c'est 400 personnes : il y a environs une centaine de personnes en service administratif et tout le reste est en technique, aussi bien machiniste, éclairagiste, menuisier… tout ce qui est métier du spectacle.

En gros, il vous faut une heure et demi pour visiter la Diacosmie. Anne-Marie va vous guider dans cette cathédrale ― vous verrez c'est une véritable cathédrale : on a l'impression de voir un hangar à l'extérieur, mais à l'intérieur, je vous assure que ça vaut vraiment le coup de le voir.

 

Illustre-Diacosmie-28.JPGNotre accueillante Anne-Marie a donc pris notre groupe en charge, et commencé la visite proprement dite.

Depuis l'entrée du « hangar », nous avons commencé à déambuler dans une longue et très haute allée (80 m. de long, 5 m. de large et 7,50 m. de haut !) bordée d'un côté par un bric-à-brac de décors de scène (puits, fontaines, remparts, constructions de toutes sortes…) et de l'autre par des machines, des bennes et des quais de déchargement.

 

Tout en marchant, notre hôtesse faisait déjà des commentaires et répondait à nos questions :

 

Vous avez d’anciens décors qu’on garde chaque fois et puis soit qui resservent au même opéra, au même ballet, soit resservent à autre chose, soit sont cassés au bout d’un certain temps. Parfois, il y a des décors qui, lorsqu’ils reviennent de l’opéra, sont très abîmés.

 

Est-ce qu’il y a des structures extérieures qui, de façon régulière, récupèrent d’anciens décors pour d’autres spectacles, d’autres compagnies ? Des personnes habituées qui, sachant que ces décors sont détruits au bout de 5 ans, viennent régulièrement les récupérer ?

 

Non, jamais. Mais c’est possible, il faut faire une demande précise auprès de la direction.

 

Nous quittons cet immense couloir par un quai de déchargement et arrivons directement dans une salle encore plus immense.

Illustre-Diacosmie-03.JPG  Illustre-Diacosmie-04.JPG

 

C’est la réplique de la salle Apollon de l’Acropolis, aux mêmes mesures ; sur les murs, il y a un revêtement pour le son bien sur mais aussi pour la poussière. Cet après-midi, il y a des musiciens qui répètent pour C’est pas Classique justement.

Ici, ils montent les décors et c’est ici que se passent toutes les répétitions pour les opéras. Après on démonte tout et on trimbale tout à l’opéra ou à l’Acropolis.

 

Je remarque que le plancher au sol comporte beaucoup de marquages et de lignes diverses. On se croirait dans une salle omnisports !

Qu’est-ce qui est aux même mesures : la salle elle-même ou bien les marques au sol qui représentent la scène ?

 

C’est l’ensemble du volume, avec la même hauteur sous plafond, la même acoustique et… la même clim qui est prévue pour ménager les voix, aspirer les poussières etc. Les marques au sol, c’est pour placer les bancs, c’est des repères pour un opéra, pour les décors ; mais bon, ce sont de vieilles marques, soit ils les enlèvent, soit ils les laissent là.

 

Y a-t-il parfois un public qui est invité à voir les répétitions ici ?

 

Généralement non, mais… ça s’est passé. Mais ce n’est pas nous qui décidons. Normalement, c’est interdit au public, la Diacosmie… C’est un bâtiment qui n’est pas d’utilité publique. Mais on a les enfants du Conservatoire, il faut savoir qu’ils viennent répéter ici aussi.

Par rapport à la Préfecture, on n’a pas tellement le droit de laisser rentrer… Sauf autorisation, avec le nom etc. qu’on demande longtemps à l’avance…

 

(Ah ! C’est pour cela qu’on m’a demandé de décliner mon identité complète !) Nous croisons une dame, notre guide la présente comme leur chorégraphe. Celle-ci rectifie en souriant : « Maître de ballet ! »

Nous arrivons dans le local où sont stockés les 7000 costumes. Là aussi, tout est classé par opéra.

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Ceux là, c’est pour le ballet Casse-Noisette, à Noël ; donc elles ont déjà prévu, nettoyé, rangé, essayé, recousu…

 

Il n’est pas réservé le même sort qu’aux décors ? Les costumes sont conservés plus longtemps ?

 

Illustre-Diacosmie-06.JPGLes costumes, tant qu’ils sont en bon état, bien sûr sont conservés. Ils sont faits quand même presque tous à la main ; et Casse-Noisette on l’avait déjà joué donc c’est des costumes qu’on a récupérés. Ils sont pour Casse-Noisette, mais s’il y a un autre ballet où l’on a besoin de ces costumes là, on les emprunte aussi.

 

On nous autorise à déambuler dans les allées, en prenant soin bien entendu de ne rien déplacer. Une dame travaille là. Elle m’explique qu’elles sont deux à s’occuper des ces 7000 costumes.

La conservation réclame d’intervenir sur les costumes ou bien suffit-il de les classer ?

 

Lorsque ça revient sur scène, on est obligées de faire un tri. Comme ça a été porté, après ça va chez un teinturier, et après nous passons les housses et on reclasse tout ; parce que tout ce qui est pendu est propre. Tout est nettoyé pour que ça ne moisisse pas : avec la transpiration, les vêtements moisissent.

 

Ces opéras sont joués ailleurs qu’à Nice, comment cela se passe-t-il ?

 

Lorsqu’on loue un opéra, on loue l’opéra complet, "clef en main". Costume, décors…

 

Et pour tout transporter ?

 

En camion. Enfin, lorsqu’ils sont partis en Israël, je suppose qu’ils ont tout mis dans l’avion…

 

Et le personnel vient aussi ?

 

Il y a au moins deux ou trois personnes ; il y a les tapissiers, les accessoiristes, ça dépend comment c’est négocié. Celui qui loue nous dit qu’il se débrouillera avec son équipe ou bien qu’il préfèrerait avoir nos couturières, ou au moins une "chef", qui supervise les essayages…

 

Et là, ces costumes sont mis à part ?

 

Ça, ce sont des costumes qu’on loue. Là aussi, il faut passer par une autorisation du directeur. Ils sont classés par époque.

 

Nous sommes autorisés à en décrocher quelques-uns et à faire des photos, du moment que nous remettons tout en place.

Puis nous allons juste à côté, là où sont stockés les meubles ; essentiellement des chaises, des fauteuils et des canapés, au moins une centaine.

 

Illustre-Diacosmie-11.JPGEnsuite, nous arrivons dans le local des accessoires. On y trouve TOUT : des saucissons, des fruits, des amphores, de la vaisselle brisée (pour le bruitage : lorsque le public voit un couple se disputer, une seule assiette est réellement brisée à terre tandis que derrière, un accessoiriste déverse plusieurs paniers de débris) ; on trouve aussi des tonneaux, des glaives (en métal !), des vélos, des livres, des miroirs etc.

Ces accessoires sont rarement achetés. La plupart sont entièrement réalisés ici même, par des artisans manifestement très polyvalents.

 

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Tous ces costumes, tous ces accessoires ne peuvent être vendus. La mairie n’a rien le droit de vendre. Généralement, si on peut prêter on prête, ça oui. On prête à des écoles, qui font des spectacles et qui veulent le costume du Père Noël — ou la chaise du Père Noël, ça nous est arrivé ; en face, l’école internationale vient nous chercher parfois des choses.

 

Nous arrivons au premier étage (c’est à dire 8 mètres plus haut) dans l’atelier de menuiserie. Beaucoup de place, diverses machines dont une pour l’évacuation des copeaux, qui atterrissent dans une benne située dans la grande allée du rez-de-chaussée, là où a commencé notre visite.

 

Nous arrivons ensuite dans un immense atelier (40 m. par 40 m.) où sont conçues et peintes les toiles qui servent aux décors. Ces très grandes toiles sont fixées au plancher par les tapissiers de la Diacosmie puis les artistes, équipés de longs pinceaux, peignent debout. Ils reproduisent la plupart du temps des œuvres de grands maîtres, par exemple Le Titien comme on peut le voir sur la photo.

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Afin d’avoir une vue d’ensemble de leur travail, un escalier conduit à une passerelle qui surplombe toute la salle. Un pan entier de ce volume est composé d’une verrière qui permet un éclairage naturel efficace.

Le modèle, une gravure ou une illustration dans un livre, est repéré par un quadrillage. La toile l’est aussi. Les contours sont alors esquissés au fusain, puis vient l’application de la couleur. Une fois séchée, la toile reste au sol, recouverte d’une bâche en plastique, en attendant de servir au décor. Nous évoluons ainsi au milieu de ces grandes reproductions, certaines voilées, d’autres offertes aux regards, parfois inachevées.

C’est ici également que sont fabriqués certains décors, notamment en polystyrène expansé. D’énormes blocs de cette matière permettent d’y sculpter toutes sortes de volumes. Notre guide nous précise qu’ils possèdent une découpeuse guidée au laser et pilotée par un ordinateur.

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Illustre-Diacosmie-17.JPG Illustre-Diacosmie-19.JPG

La plupart des artistes qui travaillent dans ces différents ateliers ont fait les Beaux Arts. Notre hôtesse nous précise qu’ils accueillent régulièrement des stagiaires, soit des jeunes gens qui se destinent à une carrière d’art appliqué, soit des élèves des classes de 4è et de 3è qui exécutent là leur stage en entreprise.

Ces derniers ont alors la chance de voir en détail le fonctionnement de l’ensemble de la Diacosmie, le travail de chacun des artistes et, en fin de séjour, d’exécuter une œuvre sur toile qu’ils pourront conserver.

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Il y a vraiment toutes sortes de matériaux et d’outils : lorsqu’une personne arrive tout droit d’une école d’art appliqué, est-elle capable de s’intégrer immédiatement ?

 

Normalement, lorsqu’ils sortent de l’école, ils savent travailler. Ils font déjà des stages durant leurs études. Ils commencent par ce qu’ils savent faire réellement…

 

Elle s’interrompt car, devant la quantité et la grosseur des "déchets" entassés ça et là, une dame demande si personne ne songe à récupérer cela pour d’autres travaux, et notamment les écoles.

 

Je sais qu’on pourrait donner ça aux écoles, mais ils ne viennent jamais dire « voilà, on voudrait récupérer du polystyrène ». C’est dommage car il y a beaucoup d’écoles qui sont à deux pas…

 

Ici, je peux donner la réponse à ce petit mystère : les règles de sécurité sont devenues de plus en plus contraignantes et la plupart des matériaux utilisés ici sont interdits dans les écoles. Il est donc vain pour un enseignant de venir dans cet atelier en espérant trouver quoi que ce soit d’utilisable.

 

Au fil des couloirs, entre autres salles, une entièrement dédiée aux perruques et postiches. Certaines sont fabriquées ou améliorées sur place.

 

Illustre-Diacosmie-23.JPGUn autre atelier où une jeune femme s’occupe de refaire quelques fauteuils. Elle m’explique que ceux-ci ne font pas partie d’un décor mais sont destinés au public et servent bel et bien à s’asseoir dessus. Je dois reconnaître que dans ce lieu si particulier, on ne sait jamais ce qui est un simple décor et ce qui sert réellement.

Elle me confie aussi que sa formation de type « bac + 2 » lui permet de réaliser bien d’autres choses, mais pour un temps elle accepte de refaire le chemin à l’envers et d’effectuer des travaux accessibles par un C.A.P.

 

Nous pénétrons ensuite dans un atelier de confection de costumes. Ceux-ci sont exécutés à partir de patrons réalisés un étage plus bas. Plusieurs couturières professionnelles fabriquent ou bien retouchent tous les costumes nécessaires à un opéra, du ténor au simple figurant. Certaines d’entre elles, au fil du temps, ont finit par se spécialiser dans des techniques plus délicates, comme la teinture par exemple.

 

Mais c’est donc dans l’atelier situé juste au-dessous que sont définies les formes, les textures et les couleurs, en fonction des indications du décorateur.

Avant de nous y rendre, un détour dans une salle de répétition utilisée par les choristes. Cette salle bénéficie elle aussi d’un air « purifié ». Les solistes travaillent à part, dans des petites salles privées, ou bien directement dans la grande salle.

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Arrivés dans l’atelier de création des costumes, « Madame Eugénie » nous montre un exemple de leurs tâches habituelles : après la première de Macbeth hier (350 costumes) ils doivent s’attaquer aux Contes d’Hoffmann pour le mois de janvier. D’après les maquettes qui leurs sont fournies par le décorateur (selon les opéras, celui-ci s’occupe des costumes ou des décors ou bien des deux à la fois) il va falloir trouver les textiles adaptés et modeler les costumes. Les mannequins de plastique qui leurs servent de support sont rembourrés en fonction des mensurations de chaque artiste, leur permettant de travailler le plus tôt possible en volume.

Parfois, les figurants sont habillés avec autant de soin que les autres artistes, augmentant d’autant le volume de travail.

 

Cette visite aura duré en réalité presque 2 heures. Cela en valait la peine et j’espère que cette expérience sera reconduite.

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Avant de terminer cet article, je rappelle que des conférences, en accès libre et sans réservation, sont organisées à l’auditorium de la Bibliothèque Louis nucéra :

Mardi 02 décembre à 17h00 La Rondine

Vendredi 19 décembre à 18h00 ballet Casse-Noisette

Jeudi 15 janvier à 17h00 Les Contes d’Hoffmann

Mardi 17 février à 17h00 Il Barbiere di Siviglia

Mardi 17 mars à 17h00 Lakmé

Mardi 21 avril à 17h00 Orphée & Eurydice

Mercredi 13 mai à 18h00 ballet « Soirée mixte »

Mardi 19 juin à 17h00 Aïda

Mais aussi à l’Opéra de nice et présentées par Eve Ruggieri :

Samedi 10 janvier à 18h30 Les Contes d’Hoffmann

Samedi 14 mars à 18h30 Lakmé

 

Ensuite, la Cinémathèque de Nice propose 5 films ayant pour thème l’orchestre :

Le Chef d’Orchestre, d’Andrzej WAJDA ;

Couleurs d’Orchestre, de Claude-Marie TREILHOU ;

Répétition d’Orchestre, de Federico FELLINI ;

Vers la Joie, d’Ingmar BERGMAN ;

Quartetto Basileus, de Fabio CARPI.

 

Cinémathèque de Nice

3, esplanade Kennedy

04 92 04 06 66

http://www.cinematheque-nice.com/

 

Opéra de Nice

4 & 6, rue Saint-François-de-Paule

04 92 17 40 79

16/12/2007

Stéphane KHEDIM

A la mi-septembre, j’avais annoncé mon intention d’aller voir le spectacle de Stéphane KHÉDIM, puis de lui demander de nous confier quelques mots (pour relire l’article, cliquez ICI).
Seul en scène durant un peu plus d’une heure, il nous dit ce texte de Jean-Pierre DOPAGNE, qui raconte comment un professeur a pu devenir fou au point de massacrer une classe entière ! Rassurez-vous, s'il se déclare lui-même monstrueux au tout début du spectacle, le comédien, qui s’adresse directement au public, véhicule tout au long du spectacle une sorte de gentillesse et de raffinement. Ainsi qu’un amour visible pour tout ce qui touche au théâtre.

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Avant de nous installer tous les deux sur des chaises, pour commencer l’interview, nous étions accoudés avec d’autres personnes devant le petit bar, fermé à cette heure. Devant quelques amis venus le féliciter, j’ai demandé à Stéphane s’il considérait son spectacle comme étant du théâtre pur ou s’il pensait qu’il y avait une part de one-man-show. Devant sa réaction d’incompréhension stupéfaite, presque d’indignation, j’ai compris que ces expressions n’avaient pas la même résonance chez lui que chez moi. Ainsi, une fois seuls, je changeais la première de mes questions :

Pourquoi considères-tu résolument qu’il s’agit de théâtre, et surtout pas de one-man-show ?
Stéphane : Parce que d’abord il y a toute une culture théâtrale à travers le texte, il y a des personnages et des pièces importantes qui sont cités par l’auteur. C’est super bien écrit, c’est sans vulgarité, c’est intelligent.
Tu ne varies pas le texte d’une soirée à l’autre, tu ne peaufines pas les gags comme on le fait pour un one-man-show ? Là, tu as définis ton spectacle ?
Stéphane : J’ai mon spectacle, mais souvent, comme le public est différent chaque soir, je m’adapte au public. Parfois nous avons un public de connaisseurs, je sais qu’il y a des comédiens, des gens de théâtre, donc je prends le temps de poser des choses, je peaufine mon jeu. Et des fois, nous avons un public, comme hier soir, qui vient vraiment par curiosité, pour voir du théâtre, à quoi ça ressemble, et là je m’adapte à leur niveau.
La mise en scène est de ?...
Stéphane : C’est moi qui aie fait la mise en scène.
Houlà ! C’est difficile de jouer et de se mettre en scène en même temps, d’avoir un regard extérieur, non ?
Stéphane : Déjà, ce spectacle m’a pris un an de préparation. Donc pendant cette année-là je cherchais des idées, j’ai cherché… parce que les idées ne viennent pas tout de suite : il faut des semaines et des mois pour que les choses viennent ; une idée en entraîne une autre… J’ai beaucoup d’imagination, ça m’amuse beaucoup de faire de la mise en scène… et c’est un texte qui est tellement bien écrit qu’il y a plein de choses à faire.
Et justement, pourquoi as-tu choisi ce texte ? Comment l’as-tu découvert ?
Stéphane : D’abord c’est un texte qui a été récompensé en 1999 par le Ministère de la Culture — en Belgique, parce que l’auteur est belge — donc ça a été aussi un des arguments. Il a été joué par de grands comédiens, comme Jean PIAT, qui le joue aussi régulièrement. Bien, comme ça fait plus de dix ans que je fais de la scène, presque quinze ans même, je voulais faire un truc tout seul ; parce que depuis le temps que je fais du théâtre les gens me suivent partout, ils sont fidèles, et je suis très touché par ça. Et donc, pour récompenser mon public, je voulais leur offrir un spectacle où je m’investissais totalement de A à Z. Et d’ailleurs je suis très heureux parce qu’ils me suivent encore maintenant… Donc, je cherchais un texte super bien écrit, quelque chose de beau, de culturel, avec beaucoup d’émotions, parce que moi j’aime bien l’émotion… C’est qu’on peu aussi rire mais aussi pleurer.
Oui, ce n’est pas un spectacle où l’on ne fait que se taper sur les cuisses.
Stéphane : C’est une comédie immortelle, c’est une comédie masquée hein, parce qu’il y a beaucoup d’émotion.
Veux-tu rajouter quelque chose ?
Stéphane : Voilà, je voulais te remercier d’être venu voir ce spectacle, parce que je suis très touché quand les gens viennent voir mon travail. Pour un artiste c’est ce qu’il y a de plus important.
Merci Stéphane d’avoir pris le temps de me répondre.

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Ce spectacle est amené à « tourner » et il sera certainement programmé de nouveau dans une salle de la région.
Avant de terminer cet article, je ne peux que vous conseiller d’aller consulter une courte biographie de l’auteur, en cliquant ICI.

27/06/2007

LOL !

Ces trois lettres sont bien connues de ceux qui fréquentent les tchats : ce sont les initiales de « Laughing Out Loud » (rire à gorge déployée), version anglaise de « Mort De Rire » (MDR). Ici, je n’emploie jamais ce substitut écrit d’une hilarité naturellement sonore. Ce qui ne veut pas dire que les interviews réalisées pour ce blog soient dépourvues de franche rigolade, bien au contraire. Avec certains artistes, s’il fallait retranscrire tous les éclats de joie qui émaillent l’entretien, le texte serait composé pour moitié de « lol » et de « mdr » — je pense notamment à Marie-Pierre FOESSEL, par exemple, et aussi à Magali BÉNÉVENT, dont voici enfin la deuxième et dernière partie de l’interview commencée à la fin du mois précédent.

Qu’est-ce que vous prévoyez de faire ces temps prochains ?
Magali :
On fait aussi beaucoup de stages pour des amateurs ; alors des gens soit qui sont dans des cours de théâtre, soit qui n’ont jamais rien fait d’ailleurs, mais qui sont des amateurs et qui ont envie de se mettre au clown. Donc on commence à avoir autour de nous… allez on va dire trente personnes, quarante personnes qui ont suivi depuis… allez trois ans les stages de l’Arpette, et donc qui commencent à toucher un p’tit peu quoi, qui commencent à être bons. Et donc moi il m’est venu l’idée (parce que bon moi j’ai toujours des envies citoyennes… enfin, « citoyennes » : politiques au sens : « je m’inscris dans la vie de la ville », voilà, dans ce sens là quoi) donc j’ai décidé de monter une tribu de clowns. Donc là, on a une vingtaine de clowns, et je vais les sortir en tribu, donc ça je pense que ça va quand même bien dépoter quoi. On a des fois des commandes pour des événementiels où on nous demande de faire… je n’sais pas, il n’y a pas longtemps l’inauguration de la salle de répét. de la mairie de Nice, des choses comme ça, donc on est venu à deux clowns pour couper un ruban… c’était très officiel…

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Vous êtes les « fous du Roy »…

Magali : C’est exactement ça, on est les fous du Roy… Les « commandes », les fameuses commandes ! Et donc là, je me suis dis : tant qu’à faire, autant monter un vrai projet avec, au lieu de répondre comme ça, avec des ficelles etc. Et donc, là, on aurait une tribu d’une vingtaine de clowns. Donc, ça c’est l’avenir proche, j’espère que ça va bien démarrer ; à vingt clowns, ça…

Ca serait dommage que tu arrêtes maintenant toi ! Est-ce que tu es relativement optimiste pour l’avenir, le tien bien sûr mais aussi pour le Spectacle Vivant en général ?

Magali : non.

Tu es pessimiste ?

Magali : Oui.

Oh !

Magali : Les compagnies… C’est difficile… C’est sûr qu’il faudrait repenser tout le système en France quoi, parce que là c’est vrai que le système des Intermittents — on peut parler de ça, il y a eu un nouveau protocole — le système des Intermittents, après tout on peut poser la question : pourquoi est-ce que ce sont les entreprises du privé qui payent le chômage des artistes alors que… Bon, soit il y a une grande politique culturelle et on décide que la Culture comme l’Éducation est quelque chose qui est rentable à long terme parce que c’est un truc de société, ou rentable dans les festivals en été parce que c’est ce qui fait marcher le commerce ou le tourisme etc. Mais si c’est pas cette direction là, en ce moment, c’est vrai que lorsque les ASSEDIC nous payent, ce sont les entreprises du privé qui payent. Alors pourquoi les salariés du privé… Au bout d’un moment, je comprends que ça puisse être mis en cause. On le pose jamais sous cet angle là, le problème.

Très courageux de ta part d’en parler…

Magali : Tu marque pas mon nom !

Seulement ton adresse…

Magali : L’adresse, la photo, la totale… non bien sûr tu peux, j’assume ! Ça pour moi c’est des vraies questions à se poser. Alors que c’est vrai qu’après on dit « ça peut pas se pérenniser comme ça et tout » : oui, pourquoi pas ; « il faut rentabiliser » : non, moi je ne suis pas d’accord. Parce que la Culture comme l’Éducation, c’est un truc à long terme.

On ne sait pas exactement ce que cela va donner…

Magali : Ben on sais ce que le Siècle des Lumières nous a apporté aujourd’hui quoi. Alors je ne dis pas que faire le clown ça apporte autant de lumières, c’est pas ça ; mais en tout cas, c’est en entretenant ce bouillon de culture qu’on arrive à avoir des fondement fort dans la société, enfin ça c’est ce que je pense, moi… Par contre, il y a de moins en moins de moyens pour les compagnies, ça c’est évident, il y a de moins en moins de moyen pour les programmateurs, ça c’est évident aussi, et c’est vrai qu’on a de plus en plus de mal à jouer quoi. Je vais donner un exemple basique : nous on fait avec les spectacles pour enfant des tournées dans les écoles en décembre, ou les tournées d’arbre de noël, etc. enfin pour les spectacles enfants le gros moment c’est décembre… et bien les écoles elles n’ont plus un rond à consacrer à ça. Alors je ne dis pas qu’elles ne doivent avoir que ça mais enfin, c’est pas remplacé par autre chose.

Globalement c’est moins bien qu’avant ?

Magali : Globalement, on a de plus en plus de mal, oui, il faut qu’on se batte de plus en plus. Alors c’est vrai qu’on est précaire dans le temps, peut-être pas trop financièrement (enfin, on gagne pas trop bien…) mais c’est dans le temps : c’est de se dire toujours en permanence « Et demain ? Et demain ? Et demain ?… » quoi, ça c’est assez difficile…

Je me suis toujours montré optimiste sur ce blog en expliquant que, depuis vingt ans, le nombre de lieux, de compagnies et de spectacles n’a cessé d’augmenter…

Magali : Alors, c’est vrai quand même qu’il y a un peu plus de lieux qu’il y a vingt ans, mais enfin souvent les lieux qui se sont crées fonctionnent quand même à la recette, et la recette, pour les compagnies professionnelles, c’est ce qu’il y a de plus terrible. Parce que c’est vrai que maintenant, on pourrait remplir notre carnet et jouer toutes les semaines, mais à la recette… Tu fais vite un calcul : un théâtre même de 200 places — ce qui est déjà un beau théâtre, déjà correct ; 200 places et 10 €uros l’entrée — c’est cher dans le spectacle pour enfant ; ça fait 2000 €uros, tu partages avec l’organisateur en 70 / 30, il te reste 700… ou 600 €uros…

Oui, c’est ça !

Magali : Tu payes tes charges sociales, on est 4, il y a le metteur en scène, un technicien etc. on a même plus de quoi se payer au SMIC. On est même plus dans le cadre légal de pouvoir faire un travail payé. Donc : oui, ça s’est multiplié, oui il y a plus de choses mais… on a du mal à en vivre de plus en plus quand même, voilà. Il faut dès fois qu’on fasse quatre dates pour avoir un cachet quoi ; donc quand tu sais qu’il faut en avoir, pour simplement être au minimum pour faire tenir ton statut, il faut entre cinq et six cachets par mois, si tu comptes quatre dates pour un cachet c'est-à-dire que tu joues tous les soirs et c’est pas possible ! Ou alors t’es acheté, dans des bonnes conditions…

On parlait de ta formation au début de l’interview : est-ce qu’il est dans tes projets de rajouter une corde à ton arc ?

Magali : Oh ouiiiiiiii !

La réponse est : « Oh ouiiiiiiii ! »

Magali : Moi, bon, j’ai chanté un petit peu, j’ai fait un petit peu de…

Ca, tu l’as fait, mais qu’est-ce que tu voudrais faire d’autre ?

Magali : Ouais, ouais, ouais… j’aimerais savoir me servir de mon corps !

Ah ! Aaaaaaaaaah ! Là je coupe !

Magali : Non, non, parce que je suis totalement… on dit « dyslexique du corps » quoi, et c’est quand même un outil de travail. Donc c’est vrai que dès fois… en répétition, après ça va, mais quand tu es en recherche, souvent, pfuit ! Ça part dans tous les sens ; j’aimerais que ça soit un peu plus facile… Et puis, là, ça fait un moment que ça me titille, j’aimerais bien faire des voix de doublage. Parce ça c’est un truc aussi que j’aime bien, c’est le travail de la voix.

Est-ce que tu as envie de rajouter quelque chose ?

Magali : Nice a postulé pour être Capitale Européenne de la Culture. Alors, j’espère que ça va développer des choses qu’on va vraiment prendre en mains ; il y a plein de structures qui existent à Nice qui sont sous exploitées par rapport au potentiel qu’il y a. Et bien, espérons que la dizaine de théâtres moyens qui existent à Nice (en dehors de ceux qui tournent déjà, des petits théâtres privés) soient utilisés… et qu’on ne postule pas pour rien !

Magali, je te remercie pour ta disponibilité (et longue vie aux clowns).

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29/05/2007

« Nez pas gourmand qui veut »

Elles sont deux, elles ont écrit, mis en scène et réalisé ce spectacle. C’est du « Clown de théâtre », du « nouveau clown », comme nous l’expliquera Magali BÉNÉVENT ; mais c’est surtout pour les petits ET pour les grands. Car les bases de l’univers clownesque sont là malgré tout : absence du quatrième mur – les comédiens s’adressent au public et jouent avec lui ; un tandem composé d’un personnage trop sûr de lui et qui commande tout le temps, et d’un autre qui apparaît comme plus fragile et moins raisonnable – mais à la fin la situation se renversera, la morale sera presque sauve ; il y a enfin le fameux nez rouge, symbole même du clown, et partie intégrante de sa personne (on dit que le comédien qui incarne un clown ne doit jamais se toucher le nez, sous peine de discréditer son personnage et de ne montrer que l’image d’un comédien débutant).

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Les deux artistes auraient déjà dû présenter leur spectacle « culinaire » au Théâtre de l’Impasse, mais il avait à l’époque été annulé, faute de réservation ! Et c’est bien dommage, car le spectacle a très bien été accueilli par le public de Gattières, ce jeudi après-midi. C’était dans le cadre des « 11èmes Siacreries », que j’avais annoncées lors de l’article précédent.
Rien que du très efficace. Même les incidents techniques du début sont passés, pour la plupart, inaperçus : les techniciens, arrivés avec un léger retard, n’avaient pas de câble pour relier les micros HF ! Imperturbable, Nathalie MASSEGLIA, déjà métamorphosée en Mazarine Brillat-Savarin, son personnage, a entamé une improvisation, au milieu du public assis par terre.
1229a3b2cbe90765fb557e8ab09b0d7d.jpg[Nous étions dans une cours d’école : ne l’oubliez pas, comme je l’ai dit, c’était un festival de théâtre de rue, et dans ces occasions, tous les lieux publics, les places et les rues sont évidemment investis par des artistes de scène !] Puis les deux comédiennes ont enchaîné avec le spectacle proprement dit : une méditation gastronomique où l’art culinaire est revisité par des clowns lors d’une conférence sans grumeau, grâce aux talents de Mazarine Brillat-Savarin et de sa commise. Un tourbillon qui nous entraîne dans ¾ d’heure d’une drôlerie intelligente.
La représentation une fois finie et les clowns démaquillées, Magali BÉNÉVENT m’a laissé lui poser quelques questions et elle a même accepté d’y répondre !

Lorsque je t’ai rencontrée la première fois, tu n’avais pas encore les capacités pour faire un travail de clown ; quelle formation t’es-tu donnée depuis pour arriver à produire un spectacle comme celui que nous venons de voir ?
Magali : Alors d’abord une formation théâtrale puisque je suis comédienne depuis… ça doit faire douze ans que je suis Intermittente du Spectacle… quelque chose comme ça.
Tu as réussi à garder ton statut pendant douze années consécutives ?
Magali : Oui, Monsieur !
70f2af71398df4a63cf913ec894882f2.jpgÇa donne espoir à ceux qui liront cet article.
Magali : Ça donne un peu d’espoir, oui. À la base je suis comédienne, et puis… ça fait maintenant quatre ans, donc au bout de huit ans comme comédienne, j’ai eu envie de continuer à me former, quoi, par le biais de stages, etc. Et une fois il y avait un stage avec un grand ponte du clown qui s’appelle Alain GAUTRAY, qui est parisien. Un stage de clown donc, sur Valbonne, réservé justement aux Intermittents du Spectacle. Et je me suis dis : tiens, je vais y aller, pour voir ; en fait c’était pour apprendre des nouvelles techniques, mais sans à priori ou sans envie forcément de devenir clown moi-même. C’était vraiment pour continuer la formation, pour ne pas rester sur les acquis, quoi. Et puis, finalement ça m’a plu. C’est ça qui s’est passé ! Et comme ça m’a plu j’ai refait un stage et puis j’ai refait un stage et puis j’ai commencé à travailler avec la Compagnie de l’Arpette, qui est une compagnie niçoise qui est spécialisée dans le clown de théâtre, le « nouveau clown ».4b9f237dd1730421ccab347fb1ab057e.jpg
Tu as donc rejoint une structure, tu n’as pas voulu créer la tienne.
Magali : Non, j’ai pas créé de structure. Moi j’avais… enfin nous avions notre structure – on était à plusieurs – qui s’appelait « le Théâtre de l’Éclat de Bois », puis « Artistes Représentants Associés », puis « l’Attraction ». Ça c’est le dernier nom ; tous les dix ans ça change de nom et comme c’est une vieille structure… Après j’ai quitté cette structure, et puis en ce moment je travaille quasiment qu’avec l’Arpette et avec d’autres compagnies ; en ce moment je suis pas mal dans le spectacle pour enfants, depuis que j’ai des enfants.
Est-ce que tu as dû faire des concessions pour rester Intermittente ?
Magali : J’ai fait aussi des concessions.
Lesquelles, Peugeot, Renault ? (Cet humour, c’est dingue !)
Magali : J’ai fait du théâtre jetable.
C’est à dire ?
Magali : Non, non, ça je raconte pas…
Allez !
Magali : Si ? Alors dans les périodes hyper creuses, il y a longtemps, j’ai fait de la figuration, alors ça c’est jamais rigolo. J’ai fait des trucs pires : ça m’arrive de faire encore du théâtre dans les entreprises, genre coacher des matchs d’improvisation, des choses comme ça, je me vends au grand capital aussi.

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Mais tu n’es pas la seule à faire ça…
Magali : Non, non, je ne suis pas la seule… Des trucs en entreprise… l’ouverture d’une banque… bon après, ça nous arrive aussi de bosser sur des événementiels, mais quand il y a la période artistique qui suit ça va. S’il y avait assez de structures pour pouvoir jouer partout, si je pouvais ne faire que jouer et mettre en scène je serais la plus heureuse…
Tu as fait de la mise en scène ? Ça t’est venu comment ?
8fcac89b21a8e52c664ac4820531d396.jpgMagali : Ca m’est venu petit à petit, je pense la première mise en scène que j’ai faite – bon j’ai commencé des petites mises en scène pour mes travaux d’atelier avec les enfants – et puis après ça a été sur une reprise d’un spectacle pour enfants qu’on faisait avec le théâtre de l’Éclat de Bois, où il m’a dit : tiens, j’aimerais bien que tu mettes en scène avec moi et que tu amènes ta fraîcheur etc. – et c’est sûr que j’étais toute fraîche ! Et puis ça a commencé comme ça, et puis ça m’a plu, et après j’ai fait plein – enfin plein ! J’ai pas soixante ans de carrière ! Mais souvent j’ai fait pas mal de co-mises en scène. En fait j’aime bien le travail en équipe, mais que ce soit dans la création en tant que comédienne ou même metteur en scène ; j’aime bien travailler à deux et envoyer les idées et monter un tas de choses…
Mais cela ne crée pas de conflit ?
Magali : Si tu es sur la même ligne artistique, si au départ tu as bien discuté et que tu veux bien la même chose, c’est un régal. C’est un régal parce que justement tu te renvoies des choses, parce que ce que dit l’un parle à l’autre et ce que dit l’autre parle à l’un, et que du coup… ça développe vachement plus de choses que quand tu es tout seul dans ton monde avec tes petites idées, quoi.
Ce spectacle n’a pas été créé spécialement pour l’extérieur, il vous faut souvent l’adapter ; cela vous pose-t-il des problèmes particuliers ?
d39205b4265835b50d486cbf5b524ff4.jpgMagali : Il y a des endroits où il est complètement injouable, ça c’est évident. Ici ça se joue avec un micro parce que c’est le plein air… on a des petits micros-cravates parce que le son se perd, et qu’en plus le public n’est pas vraiment discipliné, il n’y a pas de mur derrière, il y a le vent les oiseaux etc. là on avait besoin d’un p’tit soutien son. Sinon, ça nous arrive de jouer en extérieur, mais c’est quand même un spectacle qu’on a créé au départ à l’intérieur, pour le théâtre ; on a joué tout d’abord en salle et puis on nous l’a demandé plusieurs fois en extérieur. Donc on a commencé, la première fois c’était dans des conditions les plus horribles, ça nous a bien… y avait une tempête de vent, genre avec des rafales à 150 : y avait tout qui s’envolait, on n’avait pas de micro, on n’avait pas de loge et on n’avait pas de fond. Et on lui disait : bon ben peut-être, vous savez quoi : on revient le jouer une autre fois. « Non ! Pitié ! Jouez ! Jouez ! » Et ça a été joué dans un truc ! On avait tout qui volait quoi, on voyait rien, la nappe partait, on avait essayé de tout scotcher, de tout gaffer : pffft ! Rien à faire. Et là on s’est dit : bon, si on a passé le truc aujourd’hui, après, dans d’autres conditions, on pourra vraiment le jouer en extérieur.
Il a été baptisé, quoi… Il y a marqué sur le programme : « co-écrit », vous avez tout fait toutes seules ?
Magali : Oui ; au début, on voulait partir sur une comédie musicale… grotesque, mais vraie. On avait écrit des chansons, tout ça, c’était un spectacle culinaire, parce qu’on est intéressées toutes les deux par la cuisine, on aime ça – bon on a les vieilles obsessions qui ressortent hein… Et puis, on l’a présenté trois fois puis on s’est dit que c’était vraiment trop pourris, quoi… Bon ça va, ça passait, mais c’était quand même de qualité assez médiocre. Et donc, on a fait appel à Olivier DEBOS, qui a créé l’Arpette, il y a dix ans. De toute façon, on le faisait dans sa compagnie : il nous avait déjà filé un coup de main sur la mise en scène etc. Puis là on lui a dit : écoute, nous ça nous convient pas, ça nous plaît vraiment pas, on est pas contentes du résultat. Donc on lui a dit : écoute on va y aller en clown direct, quoi ; puisque c’étaient des personnages clownesques mais on travaillait sans nez. Et puis voilà, on a totalement remis en scène, totalement réécrit. Alors il ne restait plus beaucoup de chansons !

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Le spectacle évolue au fil du temps ?
Magali : Oui. Là, ça fait… deux ans… un an et demi qu’il tourne. Mais bon il n’était pas pareil il y a un an et demi ; et puis on le retravaille au moins une fois par an, voire deux fois par an : on le rebosse, on remet en scène, on rechange des morceaux ; enfin, on est en perpétuelle ouverture.
Quelle(s) projection(s) fais-tu pour la suite ? Est-ce qu’il t’est déjà venu à l’esprit de faire un jour autre chose ?
Magali : Oui, ça m’est déjà venu à l’esprit parce que c’est quand même pas facile. C’est un vrai métier de plaisir, avec ses difficultés – mais je pense que c’est dans tous les métiers pareil. On est quand même dans la précarité permanente [notez ce magnifique oxymore !] : avoir le Statut d’Intermittent c’est bien mais le Statut d’Intermittent il faut savoir que ça dure huit mois.
Tu travailles dix mois pour huit mois de décomptés ?
Magali : Oui, enfin… ils peuvent remonter à dix mois pour voir ce que tu as fait, mais tu as 243 jours d’indemnités, ce qui tombe à huit mois. Alors après c’est reporté, etc. donc tu peux arriver à dix mois ; mais enfin ça veut dire que de dix mois en dix mois tu sais pas de quoi tu boufferas l’année d’après. Alors c’est vrai que moi c’était pas des questions que je me posais quand j’avais vingt cinq ans, mais là j’en ai trente neuf, bientôt ; j’arrive à la quarantaine, j’ai deux gosses et j’ai pas envie de leur faire subir cette précarité-là, quoi. Et donc c’est vrai oui, depuis que j’ai des enfants… d’abord ça m’a mis au spectacle pour enfants parce que j’ai envie de partager avec eux ; et ça m’a fait poser des questions, dans les périodes de creux, oui, je me dis : qu’est-ce que je pourrais faire d’autre ? Dans quel autre métier j’aurais du plaisir ?
Et tu as une réponse à cette question ?
Magali : Ben je ne sais rien faire ! … Ah si ! La cuisine… mais bon…

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Par contre, si tu continues (puisque tu aimes ton métier) quelle sera la suite du programme ?
Magali : Ben, là j’ai pas de projet à long terme… alors si, j’ai des trucs en cours : là en ce moment, avec l’Arpette on est en train de monter une « tribu de clowns ». Parce que l’Arpette est vraiment spécialisée dans ce qu’on appelle le « nouveau clown », comme il y a le « nouveau cirque »…
Il y a quand même toutes les bases du clown classique, non ?
Magali : Oui, mais le nouveau clown travaille beaucoup sur le pathos, sur le mal-être qu’il a… Et puis c’est beaucoup plus fin. Le clown traditionnel c’est un clown de cirque on va dire, qui est fait pour un public qui est à 360°, qui travaille beaucoup en visuel. Le nouveau clown d’abord il peut parler, beaucoup. Ben on voit, Mazarine elle tchatche beaucoup, ça se voit rarement dans les numéros de cirque – sauf quand le clown blanc était le présentateur lui-même, ce qui arrive. Puis c’est un travail de théâtre, donc on est pas dans le même rapport avec le public. Le public est présent, hein, il n’y a pas de quatrième mur, le clown est présent face à son public etc. mais ce sont des choses qui peuvent être plus fines, plus petites, et des fois plus décalées aussi.

Merci à Magali pour ces réponses. L’interview n’est pas finie, la deuxième et dernière partie paraîtra bientôt. En attendant, admirons cette coupure de presse, où l’on peut voir que c’est une photo de « Nez pas gourmand qui veut » qui a été choisie pour illustrer un article sur ces 11èmes Siacreries !

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10/05/2007

P. I. A. F.

Quatre lettres seulement, mais qui en disent tant ! Je suis donc allé voir ce spectacle de chant dont j’ai parlé lors de mon dernier article (voir plus bas).

D’ordinaire, il me faut toujours plusieurs minutes pour arriver à m’immerger dans une histoire. Mais ici, est-ce parce que je ne suis pas chanteur ? Je me suis très vite laissé transporter par cette voix qui nous servait de si belles émotions. Les photos insérées ici ne suffiront pas hélas à illustrer l’ambiance qui était perceptible ce soir là. Un lieu comme l’Impasse Théâtre, déjà cité sur ce blog, était particulièrement bien adapté à ce genre de récital. La proximité avec le public servant bien le côté profondément humain et populaire des chansons de « la Môme ». Un spectacle parfaitement au point, bénéficiant d’une mise en scène simple mais donnant une touche personnelle bienvenue, incluant des textes de présentation.
Une seule chose m’a chagriné durant cette petite heure et demi : une compagnie était venue agrémenter le spectacle avec des performances dansées. L’idée était bonne, voire originale ; mais malgré leur talent, les deux jeunes danseuses nous ont servit une chorégraphie trop académique, et surtout sans rapport avec l’univers de PIAF. La danse et la chanson faisaient des interférences sans jamais se sublimer. Faudrait-il abandonner pour autant cette piste ? Ce serait dommage. Mais je crois qu’il faudrait alors y consacrer davantage de séances de travail et de recherche.

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Aucun temps mort et un public conquis, il ne s’agit pas d’une pitoyable imitation sans intérêt, mais bien de chansons interprétées avec le cœur par une femme qui a une voix et une sincérité bien à elle. L’artiste, qui a choisit comme nom de scène Babeth, a bien voulu répondre à quelques questions, tout juste après son récital.

En interprétant les chansons d’une artiste comme Édith PIAF, est-ce qu’on ne se sent pas un peu écrasé par le personnage ?
Le personnage est écrasant, j’en suis consciente, mais je ne me sent pas écrasée de l’interpréter. Vous avez bien vu les gens comme ils ont bien réagis aux chansons. Les chansons, ce qui est important, c’est de les interpréter. Et moi, je suis heureuse au contraire, heureuse de pouvoir chanter PIAF. Je ne l’imite pas : je la chante.
Oui, on a bien vu : vous n’avez pas la même voix, pas le même look ! Vous n’imitez pas Édith PIAF mais vous interprétez ses chansons.
Voilà, je me refuse à imiter PIAF.
Est-ce qu’on se fait mal en interprétant ce genre de chanson ?
On s’investit complètement dans une chanson, par exemple « Mon Dieu » ou « Mon Légionnaire »… on l’habite quoi, et moi, c’est ça ma passion.
Mais est-ce que cet investissement, justement, ne provoque-t-il pas de la douleur ?
Non, c’est que du bonheur pour moi ; non, non, je ne souffre pas. (sourire) Je fais passer la souffrance qu’on peut ressentir dans les chansons d’Édith, mais moi je ne souffre pas.medium_Illustre-Piaf-06.jpg
Quel(s) sacrifice(s) vous aura-t-il fallu consentir pour pouvoir présenter un spectacle comme celui-ci ?
Ce n’est pas moi que j’ai sacrifiée en fait, moi je me fais plaisir ! Mais on est obligée de sacrifier un peu son conjoint – parce que je suis mariée. Parce que vous voyez là je suis ici ce soir et lui il est à la maison tout seul. Car lui ce n’est pas sa passion. Vous voyez, il y a juste ça qui est un peu embêtant. Mais sinon tout va très bien.
On peut donc avoir une passion dévorante et avoir une vie de couple qui se passe bien ?
Voilà ; mais il sait que cette passion-là c’est très important pour moi ; et donc, il ne m’empêchera jamais de le faire… Mais c’est vrai que lui, de temps en temps, il est un peu seul.
medium_Illustre-Piaf-09.jpgQuelle formation, quel travail vous a le plus servi pour votre spectacle de ce soir ?
Ce qui m’a beaucoup servi, c’est le théâtre. Je suis toujours au Conservatoire figurez-vous. Cela fait douze ans que je suis dans un Conservatoire, et je fais ma dernière année en deuxième année de perfectionnement.
On peut rester douze ans au conservatoire ?
Eh bien oui, parce c’est comme à l’école : on commence en préparatoire, puis en élémentaire etc. et on finit en perfectionnement. Maintenant, ce qui me reste, c’est pour être professeur, mais je ne veux pas le devenir.
Mais en tant que chanteuse ou en tant que comédienne ?
En tant que comédienne. La présence sur scène me vient de là.
Et un peu la mise en scène, non ? Car il y a une mise en scène là aussi.
Bien sûr, c’est un ensemble. Quand on fait du théâtre on apprend à vivre les situations, en fait ; le corps suit. Je chante une chanson, je n’ai pas besoin de penser à mes gestes, ils viennent tout seul.
C’est un peu le système de Stanislavski…
Peut-être, un petit peu, si vous voulez… Mais bon, pas trop…
Quel est votre professeur ?
Il s’appelle Lucien ROSSO. C’est un excellent professeur de théâtre. C’est avec lui que j’ai travaillé les textes ; il m’a beaucoup aidé à leur élaboration. La voix que vous entendez – la voix off, le texte de COCTEAU – c’est lui qui le dit !
La compagnie Chrysalide, qui participe à votre spectacle, en faisait-elle partie dès l’origine ?
Non, c’est rapporté. Disons que la petite Célia est venue me voir en janvier quand je suis passée ici, elle est venue deux fois, et puis elle a fini par venir me voir en me disant : votre spectacle vraiment me plaît ; je suis danseuse, est-ce que vous accepteriez que je crée des chorégraphies sur certaines de vos chansons et que je partage le spectacle avec vous. Je lui ai dit : écoutez, quand on a une passion, il faut aller au bout. Ça vous plaît, moi je suis là, allez-y, proposez-moi quelque chose. La prochaine fois que je passe je vous regarde et je déciderai. Et voilà, elles sont là ; elles ont bien travaillé !
medium_Illustre-Piaf-04.jpgC’est une belle démarche… Les chansons de PIAF sont-elles fixées dans la gélatine ou bien sont-elles encore vivantes pour le public ?
C’est quelque chose qui n’est pas prêt de se perdre. Parce que ces chansons peuvent vous toucher quelque part, parce que vous aurez vécu quelque chose qui y ressemble, comme n’importe quelle chanson de maintenant. Voilà pourquoi ces textes sont éternels. Ça ne s’arrêtera jamais.
Est-ce que vous accepteriez de recommander un spectacle qui n’est pas de vous, ni de votre entourage ?
Oui, bien sûr. Il y a un garçon qui s’appelle Luc BRIAN. Et je crois que si je devais proposer un spectacle quelque part, je le proposerais. Quand un spectacle me plaît, qu’il me touche, et que je vois que ça tient la route, alors c’est sans problème.

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Je ne manquerai pas de terminer cet article en vous conseillant de vous rendre sur le site de Babeth en cliquant ICI. (Ce site sera, comme désormais, mis en lien sur la colonne de gauche !)

04/04/2007

Annulation (nouvelle question " transversale ")

Pour cet article, j’ai souhaité poser une question à certains artistes qui ont été partie prenante de la mésaventure suivante :

« S’il vous est déjà arrivé d’annuler un de vos spectacles, ou bien de jouer dans un spectacle annulé pour une raison ou pour une autre, comment avez-vous vécu un tel coup ; et surtout, surtout, le travail accumulé pour ce spectacle a-t-il été perdu ou bien a-t-il pu servir de matière pour autre chose ? »

 

Emmanuelle LORRE (Cie l’ÉPIGRAMME) : Oui, ça m'est déjà arrivé d'annuler. Mais une date (ou quelques dates) seulement. Pour cause de maladie (grave) ou par manque de réservations. J'ai connu des projets qui ne voyaient pas le jour, mais je n'ai jamais été, en tant que comédienne, sur une pièce qui finalement ne s'est pas jouée après avoir été travaillée.

medium_Illustre-Emmanuelle_Lorre-07.2.jpgMais en tant que metteur en scène oui. J'avais l'an dernier été appelée par une compagnie pour faire une mise en scène. Et, en cours de route, à environ un mois de la 1ère, les 2 comédiens m'ont fait savoir qu'ils renonçaient au projet dans l'immédiat et annulaient les dates prévues. Ils estimaient ne pas pouvoir être prêts à temps. J'ai très mal vécu cette expérience. C'est douloureux. Tu as l'impression d'être rejetée, trahie, d'avoir fait du sale boulot. D'autant plus que les 2 comédiens ne m'avaient pas fait par de leurs doutes, de leurs craintes, avant de prendre cette décision. Ils en ont parlé entre eux, se sont bien monté la tête, ont pris leur décision dans leur coin, puis m'ont mise devant le fait accompli. Sans que je puisse rien dire, rien faire, rien changer. Ca m'a laissé un goût amer. Et au final, l'impression d'avoir perdu mon temps. De m'être trompée aussi. Donc, pour le moment, je ne peux pas dire que le travail accumulé sur ce spectacle me serve de matière pour une autre création.

 

medium_Blogatoire-Sophie-01.jpgSophie SERGIO (Cie ALCANTARA) : Il m'est arrivé qu'un spectacle soit carrément annulé (et jamais repris) après des mois et des mois de répétitions ; c'est très douloureux, mais j'ai enchaîné aussitôt avec mon premier bébé, j'avais donc d'autres préoccupations ! Il nous est arrivé également d'annuler des dates, fautes de réservations, c'est moins grave car tu sais que le spectacle sera quand même joué ultérieurement.

 

Quant à Lysie PHILIP (Cie ANTIPODES), elle m’affirme n’avoir jamais vécu ce genre de situation, que son expérience et encore plus son flair l’ont pour l’instant mise à l’abri de ce genre de mauvaise surprise.

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Nous terminons avec le très prolixe Noël DUCHÊNE (Cie CÉLIANDRE) : Je dirais d'abord qu'il faut évoquer les motifs d'une annulation ! Comédien malade ou public absent, dans la plupart des cas !

Encore que nous ayons vécu à l'IMPASSE le cas du comédien ET du public absent… moins gênant !… sauf pour boucler le budget !

Le cas du comédien qui te tient en bateau aussi jusqu'au dernier moment… etc. etc. mais ce sera un prochain blog !

Comment vit-on le coup ?

D'abord, y a pas mort d'homme !

Ensuite ça arrive à tous !…?… Sauf de très rares exceptions et qui doivent avoir une volonté de fer ! Car ce qu'on vit le plus durement et le plus souvent dans nos petites salles, c'est sûrement l'absence de public… ou peu de public… "y a 4 personnes que fait-on?"… 5 ? 6 ?… 10 ?… 2 ? ! [ la règle la plus simple en général étant la suivante : au moins autant de spectateurs dans la salle que de comédiens sur la scène. NdR]

On se pose plein de questions… Sur soi…"Ça plait pas ?"… "Pas assez bon ?"… Sur eux… "Mais y sont où ?… " Ils sont tous devant la télé nos chers spectateurs ?"…

Le comédien malade, tu lui apportes des vitamines, tu te fais une raison, un peu comme un accident… Ou tu le remplaces au pied levé et le "spectacle continu"… Te souviens-tu dans "ZOO" ? On a traversé une époque de grippe et chacun notre tour on défaillait… Ou en remplaçait ! Mais on n'annulait pas !

Le public absent… Ça c'est le pire… Là tu sens bien le poids de ton travail sur les épaules, tout ce que tu voulais donner montrer partager… Il te reste là, sur le ventre avec en plus le poids du trac que t'avais avant d'apprendre que c'est annulé !… Tu ne regrettes pas le temps que tu viens de passer en répétition, en préparation ou en concentration… Tu regrettes de ne pas pouvoir vivre ce moment auquel tu t'es préparé, ce moment que chacun d'entre nous, comédien, savoure comme une liqueur ou un élixir… Le plaisir d'être sur scène devant un public et encore une fois ce partage de vibrations, d'émotions…

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Alors ce public, c'est combien ?…

il m'est arrivé de jouer, il nous est arrivé de jouer pour 4… moins, c'est un exercice difficile… L'appréhension, le trac ne suit pas de règle mathématique, tu peux avoir peur devant 10 ou devant 10000 mais 4, c'est très flippant… Tu sais que tu dois jouer comme si la salle est pleine ta pièce et en même temps tu sais qu'il n'y a que 8 yeux, tu veux pas non plus les mettre mal à l'aise (car pour le public, c'est pas évident non plus !) en t'adressant qu'à eux, tout le temps (ça fini par te faire croire que tu fais le forcing pour les emmener ou les tenir dans tons univers)… C'est bizarre comme sensation et en même temps cela peut être encore plus stimulant, au risque de tomber dans une surabondance d'énergie… Mais c'est pas le sujet ! Autre blog !

Annuler pour "public absent" et définir la limite du jouera-jouera pas, c'est relatif d'un comédien à l'autre, d'un spectacle à l'autre, d'une motivation à une autre, d'un théâtre à l'autre… C'est aussi souvent le coté pécuniaire qui l'emporte (les recettes moins les frais de régie, location, éclairage… ça peut coûter cher de jouer pour 2 !)…

 On peut annuler… mais ce qui en ressort le plus souvent comme sentiment, et ce sera ma conclusion, c'est de la MOTIVATION ! "jamais cela ne se reproduira " "je vais contacter tous les gens que je peux" " je vais afficher" "je vais bouger" "et la semaine prochaine, même s'il y en a un spectateur de moins, je jouerai et je donnerai tout ! Car alors, la fois d'après, y en aura sûrement un de plus !"

 

Peut-être que certains lecteurs de ce blog ont vécu eux aussi ce genre de situation malheureuse. Il serait sûrement intéressant de rajouter ici leur témoignage à la suite des quatre premiers. C’est la raison pour laquelle j’ai ajouté, dans la colonne de gauche, sous la photo qui sert d’emblème à ce blog, une adresse e-mail pour permettre à chacun de me joindre sans avoir à poster un "commentaire". Comme par exemple, ici, pouvoir apporter sa réponse à la question posée.