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02/02/2009

CENSURÉ

J’espère que cet article connaîtra une suite. En effet, le sujet annoncé par le titre me tient à cœur.
J’avais déjà évoqué cette question lors d’une note consacrée au Tartuffe de Molière (cliquez ICI pour le relire). J’y exposais que la version actuelle du Tartuffe, celle que l’on continue d’étudier en classe aujourd’hui, n’est pas la vraie version. Pas la vraie, dans le sens que Molière a été contraint de remanier profondément cette pièce pour pouvoir la faire jouer.
Bien sûr, il est facile d’épiloguer sur la censure de l’époque, celle d’un pouvoir royal qui appartient à l’histoire. Mais ce qui me choque bien davantage, c’est précisément que la version originale n’ai toujours pas été rétablie !
Dans les hautes sphères de l’Éducation Nationale, on n’a pas daigné rendre à Molière ce qui lui appartient. A-t-on craint que donner raison à cet homme de théâtre c’était désavouer l’ancien monarque et par là, contester le pouvoir d’une façon plus générale ? A-t-on été assez bête pour croire que réparer une erreur commise il y a trois siècles pouvait déstabiliser le pouvoir d’aujourd’hui ? Aurais-je un jour la réponse…

La censure. Cette pensée s’est mise à me trotter dans la tête. Et aujourd’hui ? Et ici ? Chez nous ?
J’ai posé la question à tous ceux que je connais et qui s’intéressent de près ou de loin au Spectacle Vivant. Ou plutôt, je suis en train de poser la question. C’est la raison pour laquelle je disais plus haut que j’espère une suite : j’espère que d’autre témoignages viendront s’ajouter à ceux exposés maintenant.
Je vais donc laisser la parole à ceux qui avaient quelque chose à dire sur le sujet et qui ont bien voulu me répondre.
Notamment Stéphane EICHENHOLC, comédien, metteur en scène et parfois écrivain, dont j’ai déjà parlé ici. Son site est toujours en lien dans la Colonne de Gauche (intitulé Cie A R K A D I A).
Voici ce qu’il nous dit :

« Je me suis toujours refusé à tous compromis en ce qui concerne le choix des spectacles que je présente dans la région.
La liberté artistique n'est-elle pas (en France) au dessus de toute formes de censure ? Et bien non !
En 2000 ou 2001, j'ai présenté :
"Le dernier jour d'un condamné" de Victor HUGO (un plaidoyer contre la peine de mort) au théâtre du Lavoir à Menton. j'ai eu la désagréable surprise de voir que mon texte de présentation qui au demeurant n'avait pas éveillé la moindre remarque de la part du théâtre de la Semeuse de Nice, ni du théâtre Antibéa, avait été amputé sur ordre du maire de l'époque (c'est peut-être toujours le même...)
parce-qu'il le jugeait trop subjectif ? Toujours est-il que j'ai redoublé de ferveur en interprétant ce magnifique texte de Victor Hugo.

Qu'on le veuille ou non, le théâtre est politique. Sa liberté de ton et les questionnements qu'il suscite interroge la conscience de tout citoyen.

Je me suis interrogé lorsque j'ai créé le "Mistero Buffo" de Dario FO au théâtre de la Semeuse. Ce texte particulièrement polémique met à mal la religion chrétienne et La Semeuse est à l'origine une institution catholique. Je suis pour la liberté d'expression et non pour la provocation. Qui oserait aujourd'hui mettre en scène le "Mahomet" de Voltaire ?!

Je me souviens que la
Cie Vis Fabula avait changé le titre d'une pièce de Dario FO : "Orgasme adulte échappé du zoo" en : "O... adulte échappé du zoo" pour pouvoir participer à la tournée Estivales du Conseil Général. La meilleure auto-censure restera toujours celle de l'argent ! (je ne jette pas la pierre, tant il est difficile de vivre de son métier, surtout quand on est artiste).

Toujours vers la même époque, la Cie Cafarnaüm (des anciens compagnons de route) ont joué à la Semeuse : "La femme comme champs de bataille" de Matéï VISNIEC (le titre original est : Le sexe de la femme comme champ de bataille). Déjà une première forme d'auto-censure ! Mais la polémique est venue de l'affiche : L'Origine du monde de Gustave Courbet qui représente le sexe d'une femme. Il faut noter que l'illustration de l'affiche avait été soigneusement retouchée sur photoshop et que la couleur de la chair était beaucoup moins réaliste. La direction de la Semeuse a fait recouvrir l'horrible pubis d'un joli rectangle blanc. (Eh oui, comme à la télé d'avant !) À la décharge de la Semeuse (évitons les animosités inutiles) la polémique était née dans le Doubs (régions d'attache de la Cie délictueuse) et avait fait la une de France 3 national. Bravo les journaliste ! (Ceci se passait bien sûr avant l'affaire Vittorio de Filippis).

Toujours dans le même registre, la Cie de Miran, lors de la présentation d'un spectacle de chansons paillardes, avait recouvert le nez phallique de ses affiches d'un rectangle avec l'inscription "censuré"
Un joli pied de nez aux Estivales du Conseil Général ! »

Un deuxième message de Stéphane a suivit le premier :

« Dans un article qui parle de la censure, je pense qu'il est très important de citer ses sources.

En ce qui me concerne, j'assume complètement mes propos et suis prêt à en débattre.

 

Pour étayer le sujet, s'il est une censure aujourd'hui insidieuse et bien réelle, c'est celle de l'économie.

Entre le théâtre très subventionné (80% de subventions et 20% de recettes propres) et le théâtre privé (20% de subventions et 80% de recettes propres) chacun voit midi à sa porte.

Les théâtre Nationaux ont une totale liberté artistique alors que les théâtres privés doivent composer avec les (mauvais) goûts du public. Qu'ils s'en défendent ou qu'ils le confessent (je ne donnerai aucun nom) les responsables des programmations tiennent aussi compte de la qualité d'un spectacle à son taux de fréquentation (un mauvais spectacle amateur qui amènera son public sera parfois préféré à un spectacle pro très intimiste). Avec la crise cela ne va pas aller en s'arrangeant. En quelques années, la ville de Nice a vue le nombre de ses petits théâtre presque doubler, il y en a une vingtaine aujourd'hui.

Si l'on peut se réjouir de cette étonnante vitalité, il faut savoir que le nombre de spectateurs n'a pas suivit la même courbe exponentielle. De même, il paraîtrait que la création locale soit anémique et qu'il devient difficile de dénicher de bon spectacles. Alors c'est aujourd'hui la politique du chacun pour soi, à qui aura la primeur d'une création locale en échange d'une programmation aux bonnes dates (Octobre ou Mars, les autres mois c'est tout pourrit), voire une certaine forme d'exclusivité (si, si , cela se pratique), etc ...

 

J'avoue que j'ai aujourd'hui certains scrupules à proposer un spectacle qui ne soit ni une "vraie" comédie (c'est à dire sans équivoque ni ambiguïté sur le TITRE), ni un classique (l'idéal étant évidement une oeuvre au programme du BAC) ni même un auteur contemporain "mort" : Ionesco, Beckett et autres absurdités...

 

Voilà, en espérant que ce petit texte sans importance ne souffre d'aucune CENxxxx ! »

Non Stéphane, aucune censure ici ; mais pas très loin de chez nous, dans le département du Var, la vie culturelle d’une commune souffre actuellement de l’interdiction absurde de l’équipe municipale. Il s’agit de la ville de CUERS.
J’en avais déjà fait l’écho il y a quelques mois (cliquez ICI et LA pour relire les articles) et malheureusement, cette vilaine histoire n’est pas terminée. La compagnie Orphéon (car c’était elle…) essais malgré tout de ne pas rester invisible et possède toujours un site : cliquez sur l’image pour y accéder.

 

Illustre-Censure-01.JPG

 

Il semble qu’à CUERS, en 2009, on continue de dire Couvrez ce sein que je ne saurais voir.

 

Pour terminer ce premier article, je vous informe que Vincent JOURDAN, qui préside l’association REGARD-indépendant, anime également un blog intitulé INISFREE et qui est consacré à sa passion : le Cinéma (Eh oui, avec une majuscule…).

Il a accepter de réaliser lui aussi un article sur la censure. Cela vaut le coup d’y jeter un œil en cliquant ICI.

23/01/2009

Je sors

Vendredi prochain, je vais aller voir Entre Autres au TNN. Voici ce qu’annonce la brochure :

Le comédien Jean ROCHEFORT rend hommage aux auteurs qui l'ont toujours accompagné.
De Roland BARTHES à Jean YANNE en passant par Fernandel, Verlaine, Boby Lapointe, Primo LEVI…
Une promenade lucide et amusée dans l'univers de Jean Rochefort.

Illustre-Je sors-06.jpg

Avec Jean ROCHEFORT, la dérision a de la douceur et le désespoir sa politesse. Un autoportrait ? Indéniablement. ROCHEFORT, de sa voix de bronze, confesse avoir voulu, à 77 ans, « dévoiler un peu de (ses) goûts », de ce qu'il aime « dans l'absurde, l'imbécile ou le prodigieux ».
On n'ose redire tout le bien que l'on pense de cet
Entre Autres
.
Fabienne Darge, Le Monde

Production : Théâtre de la Madeleine
Avec Jean ROCHEFORT
Lionel SUAREZ, accordéon
Durée 2h00
Au Théatre National de Nice / Salle Pierre Brasseur

Les vendredi 30 et samedi 31 janvier à 20h30 et le dimanche 1er février à 15h00

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Mais dès ce soir et tout le week-end, il y a d’autres spectacles intéressants qui devraient vous inciter à ne pas rester enfermés chez vous.

Tout d’abord, signalons qu’Eugène IONESCO fêtera ses cent ans en deux lieux différents et dès maintenant avec

La Cantatrice Chauve
Espace Magnan / Salle Jean Vigo
2009 : L'année Eugène IONESCO - 1909 - 2009 - Eugène IONESCO vous invite à trinquer pour le centième anniversaire de sa naissance. Une comédie déjantée...!
Les Smith, famille traditionnelle londonienne, reçoivent les Martin. Le capitaine des pompiers leur rend visite… Une autopsie de la société contemporaine, par le truchement des propos ridicules et banals que tiennent les deux couples au coin du feu.

Mise en scène : Léonie BAILE
Avec : Sabine VENARUZZO, Anne-Laure DEMESMAY, Frédéric FIALON, Antonny CHABERT, Serge MORISSO

Le positif de ce communiqué, c’est que je connais Frédéric FIALON, c’est un bon comédien.
Le mauvais coté de cette annonce, c’est qu’on nous dit « Une comédie déjantée...! ». Outre que 90% des comédies à l’affiche indiquent « Une comédie déjantée...! », j’ajouterai qu’un monument comme La Cantatrice Chauve ne se résume pas à ce seul qualificatif.
Allez donc vous faire une idée avec un extrait sur Youtube en cliquant ICI.

(je rappelle toutefois que les prises de vues d’un spectacle sont rarement avantageuses et que réaliser une video digne de ce nom est affaire de professionnels, « spécialistes de la spécialité », comme le dit si bien ma compagne)

Compagnie Série Illimitée – 06 03 13 86 14

Vendredi 23 janvier 2009 à 21h00
Samedi 24 janvier 2009 à 21h00
Dimanche 25 janvier 2009 à 15h00

Tarifs : 15 € - réduit 10 € (adhérents, étudiants)

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Puis l'ESPACE MIRAMAR à CANNES présente
Mots pour rire

C’est le dernier spectacle du très actif Théâtre Passé-Présent (cliquez ICI pour accèder à leur site). Il fait appel à des auteurs contemporains experts en virtuosité verbale : Tardieu, Le Tellier, Grangaud, Gourio, Ribes, Dac…

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Ce florilège de courtes pièces offre un gargantuesque festin de délires verbaux, de dialogues saugrenus, d'aphorismes renversant, de classiques revisités. Les mots et les gestes fuient vers d'autres sens. Cette anarchie truculente du langage entraîne le spectateur dans une soirée mondaine, au Musée, à l'Opéra, au théâtre, au bistrot, à la télé, véritable labyrinte de l'incommunicabilité ! Amateurs de mots "croisés", de joyeux non-sens, de charivari langagier, de coït verbal, oubliez la crise. Vive la crise de rires, vive la crise des mots en liberté !

Metteur en scène : Jean-Denis VIVIEN

Durée : 01h30

ESPACE MIRAMAR ( ~ 400 places)
Angle rue Pasteur et boulevard de la Croisette
CANNES
04 93 43 86 26

Le Vendredi 30 et samedi 31 janvier 2009 à 20h30

Le Dimanche 1 février 2009 à 15h00
Tarif = 20,00€

J’adore TARDIEU et RIBES, aussi j’envie les Cannois et tous ceux qui pourront se rendre à l’une des trois représentations. (Pour ceux qui ne pourraient pas, il y aura une "scéance de rattrapage" le vendredi 6 février 2009 à 21h00 au centre culturel "La Coupole" de La Gaude.)

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Ensuite, le Centre Culturel la Providence, présente
 
Musique de l’Inde du Nord

Trio Hanuman
Chant & harmonium : Sri HANUMAN
Tabla : Antoine BOURGEAU
Tempura : Hariet COLEMAN

Chant classique Hindustani et anthologie du répertoire dévotionnel : bhajan et ghazal d’inspiration Soufie ; un récital riche en différentes saveurs et esthétiques des mélodies et rythmes indiens.
Sri HANUMAN est né dans une région située au nord de l’Inde ; il est compositeur et multi-instrumentaliste : chant, tabla et guitare. Ces trois moyens d’expression servent sa démarche artistique qu’il qualifie de « musique indienne actuelle ».


Samedi 31 janvier à 20h30
Prix des places de 6 à 15 €

Renseignements/ Réservations : Centre Culturel la Providence, 8-bis rue Saint Augustin (Vieux-Nice).
Contact Presse : Elisabeth TOURAILLE, tél : 04 93 80 34 12

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Un communiqué de la Cie Humaine :
Dans le cadre de sa résidence annuelle pour la saison 2008/2009 au sein du Département Danse du Conservatoire à Rayonnement Régional de Nice, la Compagnie Humaine ouvre ses cours aux professionnels lors de rendez-vous mensuels dans le cadre de l'entraînement régulier du danseur.

Dates et horaires de la prochaine session :
lundi 2, mardi 3 et mercredi 4 février de 10h00 à 11h30.

Modalités d'inscription :
Pour une première inscription, toute personne intéressée peut adresser un CV à la Compagnie Humaine par e-mail, en précisant les jours de présence.
Le nombre de place étant limité, la priorité sera donnée aux premiers inscrits. Vous recevrez un e-mail de confirmation d'inscription.
Une participation symbolique aux frais administratifs de 5 € par cours sera demandée.
Elle sera réglée avant le cours par chèque (à l'ordre de : Compagnie Humaine) ou en liquide.
Déjà inscrits :
Pour les gens nous ayant déjà envoyé leur CV, veuillez simplement nous avertir par e-mail de vos jours de présence. Vous recevrez un e-mail de confirmation d'inscription.

Voici l'adresse du Conservatoire de Nice, où nous avons notre studio, ainsi que le moyen de s'y rendre :
Conservatoire à Rayonnement Régional de Nice
127, avenue de Brancolar, NICE
Bus 20/22 : arrêt Centre EDF
Bus 15/25: arrêt Commandant Gérôme

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Enfin, le Théâtre du Port propose
« La Baraque »

Un spectacle détonnant et prometteur d’environs 01h10. Les élèves stagiaires de Carlo BOSO mettent leur expérience avec le maître au service d’une création drôle et déjantée. « La Baraque » est un bouquet de fraîcheur et de créativité, un incontournable cet été 2008 au Off d’Avignon.

Illustre-Je sors-02.jpg

Cette baraque au bord de mer à l’aspect immaculé est infestée de capricornes et regorge de mauvaises surprises. À l’image de cette maison où ils vont se rencontrer, les sept personnages de cette comédie farfelue détiennent un secret. Une vieille propriétaire acariâtre et alcoolique, une voisine digne concurrente de Cruella d’enfer et un tueur à gages accroché à ses basques, un vendeur immobilier travesti en crise identitaire, un couple de jeunes amoureux niais à souhait… Ajoutez à cela une histoire de famille improbable et un artiste démuni en marge de la société que personne ne laisse s’exprimer.

Sous ce masque comique finement brodé plane un fond de cruauté permanent. Anthony Casabella émet une critique acerbe de la société et de sa quête de la possession. À travers une micropopulation où toutes les catégories sociales sont représentées, il explique mettre en scène « les prolongations exacerbées de l’absurdité de la société de surconsommation, matérielle et sentimentale ». Ce jeune auteur réussit à dénoncer des problèmes actuels, où chaque spectateur se sent concerné sans jamais tomber dans l’explicatif ou le revendicatif, et c’est tout à son honneur. Le public participe, se reconnaît dans ces personnages caricaturaux sans se sentir oppressé ni montré du doigt. Bien au contraire, il rit de bon cœur et un véritable échange se crée.

Au résultat, les personnages sont subtils et personnalisés tout en gardant dans le jeu l’essence du clown et du masque de commedia dell’arte. Et c’est la le tour de force du spectacle : puiser dans les valeurs du passé pour les recréer à notre époque. Les codes classiques sont recyclés et mis au service d’une écriture contemporaine et d’une mise en scène innovante.

J’ajoute pour ma part que Carlo BOSO est un très grand de la Comedia dell’Arte. Que feront ses élèves ?

Au Théâtre du Port
Les dimanches 25 janvier et 1er février à 16h00
Les vendredi 23 et samedi 24 janvier à 20h30
Tarif = 15 €uros

16/01/2009

Le point sur Luchini

Mardi soir, au TNN, j’ai eu la chance d’assister à l’une des quatre représentations du « Point sur Robert » de et par Fabrice LUCHINI (avec une mise en scène de Catherine DEBEAUVAIS)
Si le prétexte est la lecture de grands auteurs, ainsi que l’évocation de la vie du comédien lui-même (Robert est son vrai prénom), la nature du spectacle est belle et bien celle d’un one-man-show.
En effet, on y retrouve peu à peu toutes les ficelles des amuseurs publics : jouer avec l’assistance (par exemple, il fait répéter une phrase, les hommes d’abord puis les femmes ; il s’amuse à opposer les "nantis" du premier rang aux "pauvres" du dernier étage) ; imitations de quelques personnalité ; disgressions en tout genre ; et bien sûr, les spectateurs du premier rang qui sont mis à contribution (ne JAMAIS choisir le premier rang lorsqu’on va voir un One-Man-Show…) On a même fini tous debouts, dans la grande salle Pierre BRASSEUR (1000 places) à dancer sur « Saturday Night Fever » !

Illustre-Lucchini-01.jpg

Assez statique au début, l’acteur se laisse aller à bouger davantage au fur et à mesure que la soirée avance. Contrairement à un Gad ELMALEH affichant une parfaite maîtrise de son corps en toute circonstance, Fabrice LUCHINI nous ferait presque croire qu’il s’agite gauchement. Il n’en est rien et l’on finit par comprendre que son naturel est en réalité très travaillé.

Ca taille, ça « casse » et ça fait sourire. En réalité, on ne sourit pas, on rigole beaucoup et bruyamment, mais je préfère employer le mot « sourire » tellement la performance de Fabrice LUCHINI nous emmène vers le subtil et l’intelligent.

Et l’intelligible aussi. Lorsque commence le spectacle, le comédien sagement assis nous lit du Paul Valéry. On se dit que c’est beau, mais l’on craint de s’ennuyer un peu au fil des pages durant deux heures.

Mais on est rassuré très vite : Fabrice LUCHINI démystifie et glisse de plus en plus vers la fantaisie pour, au final, revenir au sujet central et nous rappeler l’essentiel : Paul Valéry, Roland Barthes, Chrétien de Troyes, Molière, Céline… la littérature possède des trésors de génies.

Longs applaudissements…

07/01/2009

T’es vachement drôle toi ! T’as fait l’École du Rire !

Si en France cette expression annonce une ironie cassante, il n’en va pas de même au Canada, comme vous pourrez le lire en cliquant ICI. L'article de Macha SÉRY évoque ces institutions qui accueillent les apprentis comédiens, ainsi que les filières — encore rares — pour se perfectionner dans l’art difficile de faire rire.

Il y a deux passages que je souhaite reproduire ici, à cause des réponses qu’ils m’inspirent. 

« On a réorienté de façon opportuniste la pédagogie vers les besoins de l'industrie, privilégiant les programmes courts et les séries de télévision », annonce Marie-Laurence BERTHON, directrice adjointe de la filiale française de Juste pour Rire (qui produit en France Laurent RUQUIER, Franck DUBOSC, Florence FORESTI…)

Les questions de fric font souvent polémique dans le petit monde de l’art, notamment le Spectacle Vivant. Malgré les protestations de certains et le silence des autres, l’art et l’argent ont partie liée, ne serait-ce que parce que les artistes doivent vivre et ont besoin d’un peu d’argent pour cela. Cependant, cela n’a jamais empêché la plupart de rester libres. (Et je m’aperçois, au moment où j’écris ces lignes, que dans « argent » il y a « art » et « gens » !)
Alors, pourquoi ce passage me dérange-t-il ? « opportuniste », « industrie », « filiale », trois mots qui me chagrinent. On savait que le cinéma est une industrie, et nous sommes vaguement convaincus qu’il ne pourrait en être autrement à cause des moyens qu’il nécessite. Mais le monde du spectacle, on le croyait à l’abri de la grande machine à produire, à cause des moyens qu’il ne nécessite pas, justement. Le Spectacle Vivant est affaire de petite structure — oui, même la Comédie Française est une petite structure, face aux géants du cinéma.
Comprenez moi bien : je ne crache pas sur la face industrielle du cinéma, au contraire, mais je m’inquiète de voir que les écoles d’art se plient à la demande du marché (comme le feront bientôt les facultés d’ailleurs). Avec de telles écoles, je crains tout simplement que les artistes de scène deviennent moins créatifs et ne nous montrent plus que des spectacles formatés ; qu’ils soient à la création ce que Mac Donald est à la cuisine. Affaire à suivre.

Illustre-Point de vue-Guy Bedos-01.jpgLe deuxième extrait évoque tout autre chose :
Jeudi 18 décembre, en préambule à son troisième cours au Conservatoire National Supérieur d'Art Dramatique à Paris, Guy BEDOS prévient : « Je déteste le comique sec, l'enfilade de rires. Le dogme - un mot, un rire - me donne le vertige. On n'est pas asservi à l'obligation de rigolade. Dans ce métier, on peut être émouvant. »

Photo Gamma/Serge BENHAMOU

Cet artiste nous fait part d’une conception tout à fait honorable du métier d’amuseur. Je la trouve pourtant teintée de mépris vis-à-vis des "autres", ceux qui préfèrent l’enfilade de rires. Ils sont pourtant tout aussi honorables et dignes d'intérêt.
J’affiche l’ambition de pouvoir dire un jour : « je suis comédien ! ». Vaste programme. Car ma conception du métier de comédien dit qu’il faut, en autre, être capable de travailler dans des projets très différents, pour des metteurs en scène ou des réalisateurs qui sont parfois aux antipodes les uns des autres.
Entendez bien : je ne dis pas que l’acteur doit être un simple technicien qui se contente de se plier aux souhaits et aux caprices d’un Grand Créateur ; je dis simplement que, dans ce milieu, il existe des visions différentes de l’art dramatique. Parfois, ces visions s’opposent même. Chaque metteur en scène, lorsqu’il monte un projet, propose un cadre à ses partenaires. Ce cadre est parfois très strict, très étroit, mais il laisse toujours une part de création à l’artiste qui accepte d’y entrer.
Mon ambitieux objectif me demande donc beaucoup d’humilité. Il faut accepter l’idée qu’un comédien travaille, le plus souvent, pour un projet qui n’est pas le sien, et qu’il doit faire comme s’il y adhérait à 200 %.
Faire sien le désir de création d’un autre. On se doute qu’il faut beaucoup de souplesse. C’est parfois déstabilisant, souvent contraignant, mais toujours intéressant. J’ai toujours pensé que c’est sous la contrainte que l’on crée le mieux.
Bien sûr, on se retrouve souvent à faire le contraire de ce que l’on a appris, et même quelquefois le contraire de ce que l’on aime — on aime les auteurs contemporains et on joue Molière, on privilégie l’approche psychologique et le metteur en scène vous demande de travailler sur les mots, on voudrait pleurer, on vous demande de rire…
Qu’importe, une fois l’aventure terminée, on a la fierté, l’immense fierté, de pouvoir dire : « ça, j’ai osé le faire. ». Au cinéma comme à la scène, il y a des acteurs qui resteront à jamais sublime dans tel ou tel rôle, mais qui ne déborderons jamais de leur domaine ; la réussite, c’est si confortable.

En rentrant chez moi après une répétition où un spectacle, il m’arrive de faire un détour pour croiser d’anciens camarades de scène, où des élèves qui sortent d’un cour de théâtre. Malgré ma joie de les revoir, j’ai alors un petit pincement au cœur. Premièrement parce qu’ils continuent de s’éclater sur une scène où je ne suis plus, étant moi-même en train de m’éclater ailleurs. Mais aussi parce que certains ont l’air "prisonniers". Ils ne connaissent comme horizon artistique que celui de leur unique professeur ou unique metteur en scène. Leur façon de concevoir l’art dramatique est calqué sur leur "maître".
Lorsque je travaille avec l’un ou l’autre de ces metteurs en scène, j’écoute avec la plus grande attention leurs indications, je peux dire sans exagérer que je bois leurs paroles. Mais je garde toujours en tête que, même génialissimes, même avec des argument très convaincants, ces Artistes avec un grand A détiennent une vérité, une seule parmi la multitude d'autres vérités.

28/12/2008

Une fois n'est pas Costume

En cette période de fêtes, il est bien commode de laisser travailler les autres. En cliquant sur l'image, vous pourrez écouter Comme au Théâtre, émission hebdomadaire de France-Culture, et qui traite chaque lundi d'un sujet différent. Ce numéro du lundi 22 décembre traitait du travail des costumier(e)s.

Illustre-Une fois n'est pas Costume-01.jpg

Après avoir cliqué sur le costume d'Arlequin, vous arriverez sur une fenêtre et il suffira alors de cliquer sur le seul lien proposé pour lancer l'écoute (fichier MP3).
On y entend des propos tantôt un peu fous, tantôt fort raisonnables. J'ai relevé au vol une citation de Christophe MALAVOI qui me plait : « ... le costume doit prendre en charge quelque chose que le comédien après n'aura plus besoin de dire... ». Voilà qui montre à quel point tout compte dans un spectacle ; je n'aime guère ceux qui assurent que sur scène, seul le comédien est important (ou le texte, ou encore le metteur en scène etc...). Bien sûr que le comédien doit être exceptionnel, toujours ! C'est une obligation. Mais en revanche, stop aux faux prétextes qui, au nom d'un théâtre épuré, d'un retour aux sources, vers l'essentiel, prétendent qu'on doit tout jouer sur une scène entièrement nue, sans décor, sans accessoire et sans costume. Dans ce cas, poursuivons le raisonnement jusqu'au bout : imaginons une scène sans aucun comédien et sans texte. Mais oui, allons-y ! Osons !
Écoutez attentivement la suite, on y aborde également la condition des comédiennes au XIXème siècle : elles exerçaient, encore plus qu'aujourd'hui, un métier à l'avenir incertain. La suite de l'émission parle de la critique théâtrale
.

17/12/2008

Petits et grands

Ce n'est pas un effet de manche, les spectacles ci-dessous sont réellement visibles par des adultes comme par des enfants :

LE NAVIR MARCHANT DESSUS LA TERRE

Texte et mise en scène de Claude BOUÉ
avec Sarah VERNETTE, Stéphane EICHENHOLC et Éric GUYONNEAU,

Grâce à Claude BOUÉ, ce chapiteau-théâtre LA NEF avait déjà abrité un excellent spectacle, en octobre 2006 (Cliquez ICI pour relire l'article).
J'espère fort avoir le temps de retourner dans ce vaisseau afin qu'il m'emporte de nouveau très loin. 


Illustre-Petits et grands-04.jpg

« Plus royal que ce Roi, tu meurs ! Sa puissance ne connaît pas de limites jusqu’au jour où il découvre qu’IL N’A PAS LE NAVIR MARCHANT DESSUS LA TERRE !
Branle bas au Palais. On fait appel à tous les héros disponibles pour aller quérir le fabuleux Navir… Hélas ! Les Héros ne sont plus ce qu’ils étaient…
… Au bout du voyage, après la ruine de tous les espoirs, c’est l’amère sagesse de l’âge adulte qui pointe enfin le bout de son mât…

La jonglerie débridée qui voit se succéder les personnages, s’appuie sur un texte à la rigueur millimétrée par les alexandrins.
Les mots, soufflés, aspirés, compressés ou étirés pour entrer dans le moule, s’assemblent pour former une langue nouvelle, riche comme la mer, étrangement accessible à toutes les oreilles… »

Samedi 20 et dimanche 21 décembre à 18h00

Tarif unique : 8 €

Parvis Niki de Saint Phalle – Promenade des Arts
(face au TNN)
Nice 

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HANSEL & GRETHEL

D’après les frères Grimm, par la compagnie La Piéride du Chou
Conte théâtralisé avec marionnettes à la table.

« … si amicale que se montrât la vieille, elle était cependant une méchante sorcière qui épiait les enfants et qui n'avait bâti de pain sa maisonnette que pour les attirer. En voyant Hansel et Grethel s'approcher de sa maison, elle avait ri méchamment en s'écriant ironiquement : " ceux-ci ne m'échapperont pas ! "… »

Samedi 20 décembre à 16h00

Tarif : plein = 5.50 € - réduit = 4.50 € (adhérents Trimages, FNAC, Virgin, C.E., groupe de 10 personnes)

Théâtre TRIMAGES
17, rue d'Alsace-Lorraine
Nice
Tel 04 93 16 89 36

Illustre-Petits et grands-01.jpg Illustre-Petits et grands-02.jpg
Illustre-Petits et grands-03.jpg

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Ensuite, je vous livre ce communiqué brut de décoffrage :

« ES CALENA “L ‘ ESTRA-PRESEPI “ REVEN
25 brd St Roch - CHEZ “MA CAVE”- TRAM ARRET – ST ROCH

L’avés ja vist a cambia , l ‘avés pa vist cau lo veire
Lou presepi , una festa de Calena
la representation theatrale des fètes de Noel version Niçoise
L’histoire raconte les aventures de l’ange Bouffareu qui sur son passage annonce une naissance dans un village nommé Babazouk ..
Version contemporaine de la marche , Serge Dotti a crée des marionettes burlesque et attachantes
Autour d’un “despiech nissart “ qui ne manquera pas de plaire aux petits et grands , accompagnés des Nux vomica depuis 6 années
-l’Estra presepi reven – »

Je ne sais pas si l’on parlera français ou bien nissarte…

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Pour terminer, deux nouveaux liens sur la "colonne de gauche", décidément bien fournie.

Illustre-Petits et grands-07.JPGLe premier est un blog :) crée récemment par le Théâtre le Bocal.
À noter : si l’on clique sur [afficher mon profil complet], on est dirigé vers une liste de blogs. Celui-ci semble donc inclus dans une sorte de grappe de blog.

Illustre-Petits et grands-08.JPGLe deuxième est le site de l’humoriste TANO, qui commence à déployer ses ailes au delà des "frontières" des Alpes-Maritimes.

07/12/2008

L'Incendie de l'Opéra-Comique

L’incendie qui a détruit de fond en comble le théâtre de l’Opéra-Comique s’est déclaré, pendant le premier acte de Mignon, dans les frises de la scène. Une herse de gaz a mis le feu à un décor et bientôt des flammèches et des débris enflammés tombèrent au milieu des artistes et des figurants. Malgré les avertissements de MM. Bernard, régisseur de la scène, Taskin et Soulacroix, qui invitaient le public à conserver son sang-froid, les spectateurs affolés se ruèrent dans les couloirs trop étroits, s’écrasant les uns les autres pour gagner plus vite les portes de sortie. Au foyer et dans les loges des artistes, les acteurs dans le costume de leurs rôles, les figurantes à demi-vêtues, restaient immobiles, paralysées par l’épouvante. La plupart suivirent machinalement ceux qui s’enfuyaient et, dans la rue Favart, au milieu de la fumée noire que l’éclair lumineux des flammèches traversait par instants, barytons, ténors, choristes, danseuses, figurantes couraient à la débandade, se réfugiant dans les cafés et dans les maisons voisines. Aux Galeries supérieures on entendait des cris de désespoir, des appels lamentables auxquels répondaient les voix de la foule qui conjurait ces malheureux d’attendre l’arrivée des engins de sauvetage. Sur les balcons des deuxièmes galeries, sur le rebord de pierre que surmonte la toiture, des spectateurs, des ouvreuses, des habilleuses couraient ça et là avec des gestes de désespoir.
Un roulement de voiture se fait entendre. Ce sont des pompiers qui accourent au pas de charge dans la rue Favart avec une pompe à bras et quelques échelles. Les cris des malheureux redoublent. On applique les échelles. A l’instant où le crampon de fer s’accroche à la marquise qui donne sur la rue Favart, un homme éperdu se jette dans le vide. Le corps rebondit sur la marquise et se brise sur la chaussée. Quelques instants après, une autre forme humaine traverse la fumée et s’écrase sur le trottoir, à l’angle de la place Boiëldieu. C’est un figurant du théâtre, nommé Charbonnel. Deux femmes, une habilleuse et une spectatrice, courent sur la corniche, à demi-asphyxiées, les cheveux épars, les vêtements carbonisés, au-dessous de la toiture d’où jaillissent d’épaisses gerbes de flammes, au milieu des flots de fumée. Les pompiers qui sont accourus de tous les postes de Paris montent sur leurs échelles. Ils descendent sous leurs bras ces pauvres femmes qui expirent en entrant dans la pharmacie Mialhe, sur la place Boiëldieu.

Vous aurez peut-être remarqué un ton désuet dans la narration de ce tragique incendie : en effet, il s’agit de faits qui se sont produits à Paris en 1887, et relatés dans un journal intitulé « l’Illustration », dans un article dont j’ai repris le titre. Quelques rares fautes d’orthographe ou bien des usages oubliés, j’ai tenu à restituer le texte dans son intégralité et la façon dont un journal équivalent à notre « Paris-Match » d’aujourd’hui s’y prenait pour narrer un tel événement. Voici la suite de ce fait-divers dramatique. On constatera qu’en effet, TF1 ou M6 n’ont rien inventé dans l’art de divertir l’auditoire avec le malheur des uns.

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 Tous les plombs ont été coupés par une équipe de plombiers : une explosion de gaz n’est plus à craindre. Vers onze heures, deux craquements suivis d’un bruit sourd. C’est la toiture qui s’effondre. Le magasin des costumes, situé à la hauteur des dernières galeries s’effondre, jetant dans l’air des flammes multicolores qui semblent voltiger comme des feux follets. Puis la bibliothèque et les archives, avec les partitions manuscrites et les orchestrations d’opéras dont un certain nombre a pu être heureusement sauvé. Les vitrages de la terrasse du foyer, avec leurs stores blancs, à travers lesquels on aperçoit l’intérieur de la salle qui s’ouvre comme un brasier immense, sont brisés à coups de pierres et de revolvers.
Des échelles dressées sur la place, des balcons des maisons voisines, les pompes projettent leurs gerbes d’eau à travers toutes les brêches pratiquées par le feu. Une de ces échelles, ayant sa base milieu de la place, se projette presque verticalement en l’air, sans point d’appui. A cheval sur les derniers échelons, un pompier est à l’extrémité, suspendu dans le vide comme un clown au haut d’un mât et de là, il projette l’eau amenée par le tuyau qui serpente le long de l’échelle. Ce spectacle est vertigineux et malgré l’émotion poignante qui oppresse tous les assistants, des applaudissements éclatent dans la foule.
A cet instant, alors qu’il semblait que toutes les personnes restées dans la salle dussent être depuis longtemps carbonisées ou asphyxiées, des appels déchirants retentissent dans la rue Marivaux, sur le rebord de la corniche supérieure. Deux spectateurs sont là appelant les pompiers. Leurs cris sont entendus. Un sauvetage aux péripéties dramatiques, qui fait le sujet de notre première gravure, est opéré par les pompiers qui, avec un courage et un sang froid presque surhumains, dressent une échelle et, au milieu des décombres enflammés qui s’écroulent, atteignent ce dernier refuge. Des deux spectateurs, l’homme soutenu par les pompiers descend par l’échelle. La femme trop faible et trop lourde est solidement attachée à une corde et les sauveteurs, accroupis sur la corniche, penchés dans le vide, descendent ce fardeau humain, que les pompiers groupés dans la rue Marivaux reçoivent dans leurs bras. Lorsque les deux malheureux sont emportés, sains et saufs, dans un café voisin, la foule acclame les auteurs de cet acte d’héroïsme.

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Notre gravure représente un des pompiers qui a opéré ce sauvetage. Harassé par trois heures de travail, les vêtements trempés par l’eau qui s’éparpille et retombe en pluie épaisse, il grimpe à l’échelle, étreignant les barreaux d’une main crispée. Autour de lui les poutres s’écroulent, les flammèches voltigent, l’aveuglant de leur clarté crue. Il reste indifférent et calme au milieu des dangers qui l’environnent. Il ne voit que le but à atteindre : la corniche étroite et brûlante où deux malheureux se tordent dans les angoisses du désespoir. Il faut les sauver avant que la toiture s’effondre et qu’ils soient entraînés dans la chute des matériaux qui s’écroulent dans le brasier béant qui flambe, entre les quatre murs de pierre. Et le nom de ce pompier restera inconnu, comme celui de ses compagnons d’héroïsme. Lorsque leurs périlleux travaux seront terminés et que ces braves soldats rentreront dans leur caserne, nul n’ira trouver son chef et réclamer la récompense de son dévouement. Ils abdiquent leur personnalité; ils ne connaissent point l’égoïsme de la gloire.
Cependant, l’homme et la femme sauvés sous la toiture de la rue Marivaux étaient les derniers qui devaient sortir, vivants, de la salle Favart. A minuit, l’incendie avait accompli son œuvre de dévastation.
Les gerbes de flammes diminuaient d’intensité; une fumée âcre saisissait à la gorge les magistrats et les spectateurs qui stationnaient sur la place Boiëldieu. Là étaient groupés, pêle-mêle, MM. Goblet, président du conseil, Gragnon, préfet de police, les généraux Saussier, Thibaudin, Galliffet; M. Rouche, procureur-général, Renard, procureur de la République, Guillot, juge d’instruction, le colonel Lichtenstein, un grand nombre de commissaires de police de Paris et les officiers de paix de tous les arrondissements. Des détachements de ligne, des gardes de Paris et des escouades d’agents maintenaient la foule qui se ruait et s’entassait sur le boulevard des Italiens et dans les rues adjacentes à la salle Favart.
M. Carvalho, directeur de l’Opéra-Comique, est très entouré. Il ne peut maîtriser son émotion et sanglotte devant son théâtre qui s’écroule. Il nous fait savoir que de nombreuses orchestrations, les décors et les costumes de quatre ouvrages qui allaient être prochainement représentés, sont irrévocablement perdus. A voix basse, au milieu d’un groupe de magistrats, il donne des détails terribles sur ce qu’il a vu dans la salle. Lorsque la panique devint générale, une cohue et une poussée indescriptible se produisirent dans les couloirs des galeries supérieures. On s’écrasait près des portes de sortie. Il y avait près de chaque issue des entassements de spectateurs. Parmi les habilleuses du magasin de costumes, situé dans les combles, et les figurants dont les loges sont placées aux étages supérieurs, il y aura — dit M. Carvalho — de nombreuses victimes.
Ces tristes prévisions semblent se réaliser. Le déblaiement commencé, dès l’aurore, amène à chaque minute la découverte de nouveaux cadavres. A travers la foule anxieuse qui stationne sur le boulevard, des civières passent. Sous la toile qui les recouvre, on devine des cadavres consumés, méconnaissables, ou bien des asphyxiés, avec, sur leurs lèvres, une écume blanche et un rictus grimaçant. Tous les postes de police environnants reçoivent ces funèbres convois que les curieux escortent, tremblant peut-être de reconnaître un des leurs dans la nouvelle victime. La foule entoure les rares privilégiés pour lesquels s’entr’ouvre la barrière infranchissable et qui viennent de contempler l’amas de décombres qui fut la salle Favart. Et les détails qu’on a pu obtenir, à force de questions, circulent, grossis, exagérés.
A midi, MM. Gragnon, préfet de police, le colonel Lichtenstein et le colonel des pompiers montent par une échelle jusqu’au faîte de la façade de la rue Boiëldieu. Ils aperçoivent trois cadavres, étendus près d’une porte de sortie. Dans la salle, les décombres s’élèvent jusqu’à la hauteur du premier étage. C’est sans doute sous cet amas de débris que gisent les corps carbonisés des spectateurs et des ouvreuses des galeries supérieures, écrasés et entraînés par la chute de la toiture.

 

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A une heure, on découvre, à l’angle du balcon extérieur des deuxièmes galeries, un homme et une femme — la femme en toilette de bal — étroitement enlacés. Ils ont péri, asphyxiés, n’ayant plus la force de se dresser et d’appeler au secours.
Dans l’après-midi, les lugubres découvertes se multiplient. Dans un couloir, on retire dix-huit cadavres, entassés, avec les membres enchevêtrés. Sur ces dix-huit morts, il y a dix-sept femmes.
Et l’incendie continue, couvant sous les amas de débris que fouillent la pioche et le pic des pompiers. Par intervalles, on entend des craquements : c’est une poutre qui s’effondre, rongée par le feu, ou une cloison que les pompiers abattent pour se frayer un chemin à travers les décombres. Les fourgons des pompes funèbres stationnent devant la rue Favart, attendant les débris humains qu’ils doivent transporter à la Morgue. De tous côtés, des hommes et des femmes éplorés accourent, réclamant des parents, des amis. Durant plusieurs jours encore, ces scènes lamentables continueront. Et nous n’assisterons qu’aux manifestations publiques de douleur. Combien doivent être atroces les afflictions, les angoisses, les désespoirs intimes que l’on ne voit pas !

Le style racoleur du journal ne doit pas faire oublier que cela est bel et bien arrivé. Les salles d’aujourd’hui sont heureusement beaucoup mieux équipées. (Le prix du rideau ignifugé est à ce titre significatif…)