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20/01/2012

Y a-t-il un bourgeois dans la salle ?

J’ai faillis intituler cet article Les anglais sont-ils bourgeois ? mais je me suis vite ravisé.

C’est pourtant dans un cinéma anglais que des spectateurs ont demandé le remboursement de leur billet qu’ils avaient acheté pour aller voir The Artist. Toutefois, ce comportement n’est pas l’apanage de la population britannique. Non, ce type de réaction est davantage le produit d’un esprit bourgeois, me semble-t-il. Bourgeois étant à prendre ici dans son acception actuelle, qui caractérise un état d’esprit et non pas une condition sociale.

Nul besoin d’être riche : des gens dit "modestes", c'est-à-dire pauvres, peuvent avoir un comportement bourgeois, en ce sens qu’ils ont besoin de simplifier les choses et de tout réduire à un simple rapport prix/quantité.

the artist,hazanavicius,cinéma

Dans le cas de The Artist, cela ressemble à un gag : ces spectateurs se sont dit : « il n’y a pas de son ou presque, donc il y a moins de choses que dans un film parlant, donc le prix de la place est trop cher ». Certains sont même allé jusqu’à reprocher le format 4/3 ! (Ce format de quatre tiers [1,33] s’obtient tout simplement en divisant la longueur de l’image par sa hauteur. L’arrivée de la télévision — au même format — dans les foyers a poussé l’industrie du cinéma à réagir et à adopter un format plus large et passer de 1,33 à 1,66, puis 1,85 puis jusqu’à 2,55. Dans The Artist, on revient bien sûr à l’ancien format 4/3. Les salles actuelles étant équipées pour le format cinémascope, les formats plus anciens laissent une partie de l’écran vide, d’où ce grief de la part de ceux qui estiment qu’ils ont payé pour voir un écran entièrement rempli.)

 

Je ne crois pas pour ma part qu’il manque quoi que ce soit au film d’HAZANAVICIUS, pas plus qu’à aucun des autres films muets. Et d’ailleurs, le public de l’époque n’avait pas le sentiment qu’il "manque quelque chose" aux films qu'ils voyaient.

C’est une question de support : l’arrivée du cinéma parlant a permis de nouvelles formes d’expression et c’est tant mieux, mais les films muets ont conservé leurs qualités.

Pour tenter une comparaison, c’est comme si une aquarelle valait moins d’argent qu’une huile sur toile, au prétexte qu’il y a moins de matière.

 

Dans mon article précédent, j’ai eu l’honneur de vous présenter mon premier film. Un court métrage qui a été réalisé en Super-8. C'est-à-dire sur de la pellicule, et qui plus est une pellicule au format amateur. Ce n’est pas ce que l’on fait de mieux aujourd’hui question finesse de grain et rendu des couleurs. Mais c’est un choix volontaire. Une esthétique particulière qui m’a inspiré.
Je veux bien que l’on dise que ce film n’est pas intéressant, qu’il est mal structuré ou bien incompréhensible, mais je n’accepterais pas qu’on dise qu’il "vaut moins" parce que le support employé n’est plus du dernier cri technologique.

 

Dans le même registre mais plus pernicieux, ce comportement que nous explique Roland BARTHE et dont j’avais déjà parlé dans ces colonnes (cliquez ICI pour relire l’article).

10/11/2011

Tiré d’une histoire vraie

Vous l’avez sans doute déjà lu ici ou là, qui sur la couverture d’un roman à succès, au générique d’un film ou d’une série télévisée ; inclus dans la bande-annonce du prochain thriller à 50 000 000 de dollars et même en guise de présentation de certaines BD : « Tiré d’une histoire vraie », « D’après des faits authentiques », « Inspirée d’événements réels », vrai, réel, véridique… Comme si la qualité d’une œuvre dépendait de la réalité de l’histoire qu’elle raconte !

Je trouve cela terriblement dégradant. On tire le public vers le bas, on développe chez le lecteur ou le spectateur sa médiocre attirance pour le sensationnel, au détriment du sensible et du sensé.

Quel enfantillage nous pousse à trembler davantage pour une histoire vraie que pour une histoire forte ? Le public tourne son regard vers ce slogan racoleur de la même façon qu’il ralentit sa voiture pour mieux contempler l’accident qui vient de se produire. Ah là là, quel frisson !

« Tiré d’une histoire vraie » ! Non mais, imaginez un peu la couverture du Tartuffe de MOLIÈRE, affublé de cette publicité : « Jean-Baptiste Poquelin vous présente son dernier chef d’œuvre : Le Tartuffe, pièce en 5 actes inspirée de faits réel » !

Et Tintin ? Pourquoi pas Tintin tant qu’on y est ? « Tintin et Milou, d’après des personnages ayant existé » ! Et aussi : « Harry Potter, l’histoire vraie qui a inspiré la saga »… « Exclusif : Jean de LA FONTAINE nous confie quel est le vrai corbeau qui lui a inspiré sa célèbre fable » !

 

J’avais réussi à convaincre ma compagne d’aller voir Intouchables plutôt que la Couleur des Sentiments. Je n’ai pas été déçu. Excellent travail de la part de François CLUZET, comédien que j’ai toujours admiré (oups ! c’est vrai qu’on ne dit plus « admirer », il faut employer le verbe « respecter » ; « admirer », ça fait con-con désormais, alors qu’avec « respecter », on préserve sa virilité…) François CLUZET donc, porte le film d’un bout à l’autre, avec l’aide d’Omar SY.

Oh, je ne pense pas qu’il s’agisse là du plus grand film que j’aurai vu cette année, mais tout de même, jusqu’à la fin, entendez bien, jusqu’à la fin ce film m’a plu.

 

Et puis patatras : « Tiré d’une histoire vraie ».

 

Vite, j’essaye de ne pas gâcher mon plaisir à cause d’une si petite phrase, je feins de ne pas avoir vu, j’essaye de regarder ailleurs ; de toutes façon, le film est terminé, non ? Non. Le film n’est pas fini, il a fallu subir quelques secondes de trop, de simples phrases inscrites à l’écran et rappelant que les deux protagonistes ont réellement existé, et qu’ils vivent aujourd’hui ici et là, et qu’ils ont depuis accompli ceci et cela. Pire : nous avons eu droit à des images les montrant tous deux, côte à côte.

Eh oui, parce que c’est bien connu, une image c’est forcément vrai… enfin, en tout cas plus vrai qu’un simple texte, non ? Et si jamais un spectateur ne le croyait pas que tout ça est « tiré d’une histoire vraie », quel malheur pour le 7ème art ! Alors vite, on en remet une couche. Puisqu’on vous le dit que c’est arrivé : regardez les images, elles le prouvent.

 

slogan, cinéma, intouchables

 

Qu’est-ce qu’on en a à faire du talent de François CLUZET, d’Omar SY et de tous ces personnages secondaires qui mériteraient pourtant qu’on les admi… pardon, qu’on les respecte ? « Inspiré de personnages ayant réellement existé », c’est bien la seule chose qui compte, n’est-ce pas ? Et tant pis pour les choix esthétiques, les cadrages, le montage, la direction d’acteur, l’éclairage… tout ça n’est rien. Le scénario ? Les dialogues ? Laissez moi rire, cela ne compte pas face à cet argument massue : « d’après une histoire vraie ».

 

Je m’y engage solennellement aujourd’hui : je ne veux plus lire que des œuvres « inspirées de faits réels ». De toute mon existence, je ne veux plus entendre parler des tragédies antiques, encore moins de celles de CORNEILLE et de RACINE. Plus jamais je ne lirai le Songe d’une Nuit d’été de William SHAKESPEARE. Je tourne définitivement le dos aux Caprices de Mariane d’Alfred de MUSSET et refuserai obstinément de lire Ubu roi d’Alfred JARRY.

 

Et qu’on se le dise, cet article est lui-même inspiré de fait réels : celui d’un gars qui en a marre de ces slogans qui nous tirent vers le bas.

 

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En lien, un article du journal Rue-89 au sujet du film Intouchables ; cliquez ICI.

28/04/2011

L’art ne s’enlisera pas.

 

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COMMENT UN COMÉDIEN UTILISE LE CINÉMATOGRAPHE POUR FAIRE DE LA SCULPTURE

Parmi les œuvres de sculpture exposées cette année au Salon des Artistes français, on remarquait l’envoi de M. Paul Capellani, désigné au catalogue sous ce titre à la fois concis et suggestif : « Enlisé ». …/… M. Capellani aurait pu reconstituer une pareille scène avec les seules ressources de l’imagination et l’emploi du modèle posant d’après des indications appropriées au sujet. Mais ce sculpteur de talent est, d’autre part, un excellent comédien, applaudi à l’Odéon et à la Renaissance, et l’habitude qu’il a de s’identifier à ses rôles l’a porté à vouloir « vivre » le personnage qu’il se proposait de représenter en une expressive figure de marbre.

 

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Donc, désireux de synthétiser le plus possible le « mouvement » de la figure projetée, il s’est rendu au Mont-Saint-Michel, et …/… il n’a pas craint de s’enliser lui-même, cependant qu’un appareil cinématographique enregistrait les différentes phases de l’enlisement. Malgré toutes les précautions, cette périlleuse expérience faillit avoir un dénouement tragique, car non seulement l’acteur principal du drame risqua de devenir la victime trop réelle du sable mouvant, mais les opérateurs du cinématographe et l’appareil même commençaient à s’enfoncer doucement quand des sauveteurs intervinrent juste à temps. …/…

 

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Ce texte publié en 1909 est extrait d’un journal qui s’appelait L’ILLUSTRATION, « journal universel » qui est paru une fois par an de 1843 à 1944, et qui récapitulait les événements de l’année écoulé, avec force illustrations comme l’indiquait le titre.

 

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Ce qui frappe à la première lecture, c’est bien sûr le côté un peu fou de l’entreprise. Ce comédien-sculpteur a tout simplement mis sa vie et celle de son équipe en danger dans le seul but de réaliser une œuvre.
Mais ce quasi fait divers montre aussi autre chose : le lecteur a compris que les photos qui illustrent ce texte sont en réalité extraites d’un film, réalisé par l’équipe de ce M. Paul Capellani. Et le journaliste emploie le terme de « cinématographe », ce qui nous rappelle que cette technique n’a que vingt ans.

C’est cela qui me frappe alors, en deuxième lecture : l’art explore toujours les nouvelles voies offertes par l’innovation technologique pour en faire son profit, de la façon la moins prévisible.

 

Sables "mouvants"… eh oui, forcément, avec le cinéma !

09/11/2010

L’improvisation, c’est Super ! (la belle bobine des comédiens)

Qu’est-ce qui m’a pris de parler de cinéma, lors du dernier article ? Ce n’est pas du Spectacle Vivant ça !
C’est que, il y a une petite surprise : durant ce festival de cinéma indépendant, le temps d’une séance, nous construirons une passerelle entre le grand écran et la scène.
Samedi 20 novembre, à 21h30, nous projèterons quelques courts métrages en Super-8, puis des comédiens seront là, en chair et en os, pour réaliser des improvisations ayant un lien direct avec les films projetés.

Je vous l’avoue, je suis à l’initiative de ce projet, et j’espère bien que la salle du cinéma Mercury (place Garibaldi à Nice) sera comble ce soir-là.
En effet, même si un comédien professionnel est sensé jouer de la même manière quel que soit le nombre de spectateurs, une salle bien remplie sera plus stimulante, surtout lorsqu’il s’agit d’improvisation.

Illustre-A l'affiche-l'Improvisation c'est Super-01.jpg

Les courts métrages que nous présenterons seront d’un format particulier : le « tourné-monté ».
L’article précédent explique ce concept assez simple : chaque participant utilise une seule bobine de film Super-8. Le réalisateur n’a pas droit au découpage ni au montage, ni au laboratoire. Une fois son film terminé, il rend la bobine — sans savoir si le film est techniquement réussi, car nous ne sommes pas en numérique, il n’y a aucun moyen de vérifier !
Lors de soirées organisées spécialement, tout le monde, réalisateurs et public, découvrent ensemble les œuvres produites.
Depuis quatre ans, l’association Regard Indépendant organise de tels événements, en imposant à chaque fois un thème (« sur la route », « insomnies », « à la vie, à l’amour, à la folie »… etc.) Ce sont quelques-uns de ces films qui seront projetés à nouveau.

Il m’a semblé qu’il y a une similitude entre ces deux performances :
Les comédiens sont privés du cadre du texte, ils vont devoir improviser sous les yeux du public, fabriquer quelque chose en peu de temps, sans pouvoir revenir en arrière.
De la même manière, les films ont été réalisés sans montage, les réalisateurs ont dû faire face à des contraintes précises.
Dans les deux cas, les spectateurs seront là pour voir, pour admirer l’imagination, voire les prouesses des artistes.
Car le public sera informé, c’est la clef du système.

Ces deux formes d’expression comportent en elles le même potentiel créatif mais aussi ces mêmes imperfections qui rappellent au public la fragilité d’une œuvre et l’incertitude qui préside à sa réalisation.

Ceux qui auront la chance d’être à Nice ce samedi 20 novembre à 21h30 n’auront que 3 Euros à débourser pour assister à cette expérience assez originale !
(Les plus courageux pourront ensuite assister à la 4ème Nuit du Cinéma : de minuit jusqu’à l’aube !)

28/10/2010

Rencontre

La 12ème édition des Rencontres Cinéma et Vidéo s'ouvrira le jeudi 18 novembre 2010 au VOLUME et se poursuivra jusqu'au dimanche 21 novembre au MUSEAAV et au cinéma MERCURY, à Nice.

Pendant ces quatre journées, la production régionale et indépendante sera mise à l'honneur à travers un format original qui fait un retour en force : le film super-8.
Au programme, de nombreux courts métrages, des rencontres avec les auteurs, de la musique, des cartes blanches à des associations partenaires, et la désormais traditionnelle Nuit du Cinéma qui sera consacrée au péplum (de minuit jusqu'à l'aube !)

Affiche 12èmes.JPG

L’objectif de ce rendez-vous : permettre au public curieux de découvrir la production cinématographique régionale. Nous accueillerons entre autres Gérard COURANT, cinéaste atypique adepte du Super-8 pour une carte blanche comprenant quelques-uns de ses fameux Cinématons, portraits filmés de gens connus et moins connus.

L’association Regard Indépendant, organisatrice de cet événement, présentera à cette occasion sa nouvelle collection de super-8 tourné-montés réalisés sur le thème de « La première fois ».

Le concept du "tourné-monté" est simple : chaque participant utilise une seule bobine de film Super-8. Le réalisateur n’a pas droit au découpage ni au montage, ni au laboratoire. Une fois son film terminé, il rend la bobine — sans savoir si le film est techniquement réussi, car nous ne sommes pas en numérique, il n’y a aucun moyen de vérifier !
Lors de soirées organisées spécialement, tout le monde, réalisateurs et public, découvrent ensemble les œuvres produites.
Depuis quatre ans, l’association Regard Indépendant organise de tel événements, en imposant à chaque fois un thème (« sur la route », « insomnies », « à la vie, à l’amour, à la folie »… etc.)

Cette année, quatre réalisateurs allemands de Köln (Cologne -Allemagne) ont été invités à se joindre aux créateurs de la région. Une douzaine de films devraient être présentés en compagnie de la traditionnelle sélection des Straight 8 anglais (association londonienne d’où est partis ce phénomène) et d'une carte blanche au festival tourné-monté de Strasbourg.

La « Nuit du Cinéma » assouvira nos pulsions cinéphiles avec les courts métrages proposés par Héliotrope et deux longs métrages mythiques, deux péplums : Jason et les argonautes de Don CHAFFEY avec les créatures fantastiques de Ray HARRYHAUSEN et le délirant Monty Python, la vie de Brian, relecture décalée de la vie du Christ.

Cette édition poursuivra l'exploration des interactions entre images et musique avec les groupes Outcrossed, Les arbres qui marchent et Les Veines pour trois ciné-concerts en ouverture au Volume et au MUSEAAV.

Nous vous convions à découvrir le détail de cette 12ème édition sur notre site

www.regardindependant.com

Renseignements pour le public : 06 23 07 83 52 / regardindependant@gmail.com

24/05/2010

Dans l’œil de la caméra

Hier, j’ai vu Dans Ses Yeux, film argentin de Juan José CAMPANELLA, Oscar du meilleur film étranger — et un des meilleurs que j’ai pu voir depuis longtemps.
Avec une sortie officielle le 05 mai 2010, il n’est programmé que dans une seule petite salle des Alpes-Maritimes, au Rialto de Nice, en V.O.
Camping-2 est programmé actuellement dans huit grandes salles du département.
L’aimable (et peu cultivé) Franck DUBOSC me fait encore rire. Toutefois, à 1 contre 8, le déséquilibre est trop grand.
La comédie grand public est une bonne chose, mais c’est une question d’équilibre.

Cette humeur un peu bougonne est en quelque sorte une suite du billet précédent, sur les critiques d’art.

 

Illustre-Ca et là-Dans ses yeux-01.jpg

12/04/2010

Une très bonne idée

Voilà bien le genre de spectacle qui rend jaloux les autres compagnies : « mais pourquoi n’y ai-je pas pensé avant ! ».
Il s’agit d’une pièce qui s’est jouée ce week-end au théâtre Francis Gag, à Nice, et intitulée HÔTEL DU NORD. Oui, c’est le film de Marcel CARNÉ, sorti en 1938, avec une distribution fameuse : Arletty, Louis JOUVET, Jean-Pierre AUMONT, François PÉRIER, Bernard BLIER… et adapté à la scène grâce au talent de Stéphanie CHARLES et Jean-Marc THÉROND.

 

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Certes, ce n’est pas la première fois qu’on adapte un film, même culte, au théâtre. Mais encore faut-il bien choisir. Je corrigerai donc le titre de ce billet et dirai plutôt : « excellent choix ! »
En effet, avant de lancer toute une équipe dans un tel projet, il faut être sûr que les talents de chacun seront bien employés. Par exemple, de telles adaptations nécessitent souvent que chaque comédien se voit confier plusieurs personnages (il y a en moyenne plus de monde dans les productions cinématographiques qu’au théâtre). C’est extrêmement jouissif pour l’artiste, c’est un rôle en or, mais pour que la magie opère, il faut que cela soit bien réalisé.
Pour Hôtel du Nord, Claire DEVAL, Ali BOUDIAF et Karim BADI interprètent à eux seuls sept personnages :
Pierre et Renée, le jeune couple — ils sont déjà aigris et désespérés, ils vont tenter de mettre fin à leurs jours ;
Monsieur Edmond et Madame Raymonde, sa "protégée" ;
Prosper Trimaux, Éclusier (le canal n’est pas loin) ;
Nazarède, un truand qui "recherche" Monsieur Edmond ;
et aussi un Commisaire.


Pour cette adaptation, le choix a été fait de découper les scènes essentielles du film et de les présenter les unes après les autres. Ce n’est pas une obligation, mais au théâtre les pièces peuvent être divisées en actes, en tableau et en scènes : un changement de scène correspond à l’entrée ou à la sortie d’un ou plusieurs personnages ; un nouveau tableau correspond à un changement à vue du décor ; un changement d’acte correspond à un baisser du rideau ou à une extinction des lumières, à un noir. Dans notre cas, la salle étant plongée dans le noir presque à chaque changement, on pourrait dire qu’il s’agit d’une comédie en quinze actes, mais c’est une façon de parler. En réalité, la mise en scène de Paul LAURENT, très soignée, avait retenu trois lieux essentiels du film : le comptoir, une chambre et le devant de l’hôtel. Il y avait donc une partie de la scène quasiment vide, une autre où trônait un comptoir garni de quelques bouteilles et enfin, en fond scène, un décor de chambre d’hôtel, masqué par un panneau de tissu tendu, une sorte de tulle, qui ne laissait apercevoir la chambre que lorsqu’elle était éclairée.


Ainsi, pour réussir ce spectacle, il aura d’abord fallu sélectionner les moments réellement significatifs, les présenter dans un ordre qui ne trahisse pas le film mais qui permette de promener le public d’un lieu à un autre, afin de garder du rythme ; réduire le nombre de protagonistes et réécrire les dialogues mais faire en sorte, les comédiens n’étant que trois, que chaque scène ne mette en présence qu’une femme et deux hommes au maximum…
Il fallait ensuite que ces comédiens transforment l’essais : trouver une voix, une attitude… C’est dans l’ensemble assez réussi, le public a la joie de voir un comédien incarner plusieurs personnes et y croit tout de même. Toutefois, il m’a semblé que c’était un peu binaire. Par exemple, Madame Raymonde, la prostituée à la gouaille bien parisienne, était toujours en énergie, râlant, tenant tête, en colère ; tandis que Renée, la jeune femme, était systématiquement calme, triste et effacée.
Attention, je pinaille, car Claire DEVAL est parfaitement à l’aise dans ces rôles ; le charisme d’Ali BOUDIAF fait merveille et nous étions tous plongés dans cet univers parisien d’avant-guerre. On sent toutefois que ce spectacle est encore un peu frais (c’est réellement une création, et ce n’était que la deuxième représentation !) D’ailleurs, il n’a duré qu’une heure et dix minutes, et je suis persuadé qu’avec quelques silences, des comédiens davantage installés dans leurs personnages, la pièce gagnera encore en efficacité.

 

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De toute façon, la base est saine, si je puis m’exprimer ainsi, et dès que d’autres dates seront programmées, je ne manquerai pas de vous conseiller ce spectacle, issus du croisement de plusieurs talents, et notamment celui de Paul LAURENT. Sans être une star du show-biz, il demeure tout de même une valeur sûre. Il est metteur en scène mais aussi comédien et travaille à Lille, Paris et sur les Alpes-Maritimes.
Il est aussi formateur :
— chargé de cours à l’université de Lille III / sciences humaines, dans le cadre du Diplôme d’Etudes Théâtrales ;
— responsable artistique et pédagogique de l’École Régionale de théâtre gestuel de Wasquehal ;
— cofondateur du Théâtre du Pantaï avec Jean-Claude BUSSI.

 

 

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Claire DEVAL m’a déjà confié qu’ils joueront le 08 mai, au Centre Culturel de Touët-sur-Var. Ce qui confirme ce que je pressentais : les villages des Alpes-Maritimes ne sont pas en reste côté programmation. En effet, l’association Dessous de Scène, qui gère ce lieu de culture, a souvent permis aux Touëtans de découvrir de très bons spectacles. (Le site est déjà en lien en haut de la Colonne de Gauche.)