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02/02/2009

CENSURÉ

J’espère que cet article connaîtra une suite. En effet, le sujet annoncé par le titre me tient à cœur.
J’avais déjà évoqué cette question lors d’une note consacrée au Tartuffe de Molière (cliquez ICI pour le relire). J’y exposais que la version actuelle du Tartuffe, celle que l’on continue d’étudier en classe aujourd’hui, n’est pas la vraie version. Pas la vraie, dans le sens que Molière a été contraint de remanier profondément cette pièce pour pouvoir la faire jouer.
Bien sûr, il est facile d’épiloguer sur la censure de l’époque, celle d’un pouvoir royal qui appartient à l’histoire. Mais ce qui me choque bien davantage, c’est précisément que la version originale n’ai toujours pas été rétablie !
Dans les hautes sphères de l’Éducation Nationale, on n’a pas daigné rendre à Molière ce qui lui appartient. A-t-on craint que donner raison à cet homme de théâtre c’était désavouer l’ancien monarque et par là, contester le pouvoir d’une façon plus générale ? A-t-on été assez bête pour croire que réparer une erreur commise il y a trois siècles pouvait déstabiliser le pouvoir d’aujourd’hui ? Aurais-je un jour la réponse…

La censure. Cette pensée s’est mise à me trotter dans la tête. Et aujourd’hui ? Et ici ? Chez nous ?
J’ai posé la question à tous ceux que je connais et qui s’intéressent de près ou de loin au Spectacle Vivant. Ou plutôt, je suis en train de poser la question. C’est la raison pour laquelle je disais plus haut que j’espère une suite : j’espère que d’autre témoignages viendront s’ajouter à ceux exposés maintenant.
Je vais donc laisser la parole à ceux qui avaient quelque chose à dire sur le sujet et qui ont bien voulu me répondre.
Notamment Stéphane EICHENHOLC, comédien, metteur en scène et parfois écrivain, dont j’ai déjà parlé ici. Son site est toujours en lien dans la Colonne de Gauche (intitulé Cie A R K A D I A).
Voici ce qu’il nous dit :

« Je me suis toujours refusé à tous compromis en ce qui concerne le choix des spectacles que je présente dans la région.
La liberté artistique n'est-elle pas (en France) au dessus de toute formes de censure ? Et bien non !
En 2000 ou 2001, j'ai présenté :
"Le dernier jour d'un condamné" de Victor HUGO (un plaidoyer contre la peine de mort) au théâtre du Lavoir à Menton. j'ai eu la désagréable surprise de voir que mon texte de présentation qui au demeurant n'avait pas éveillé la moindre remarque de la part du théâtre de la Semeuse de Nice, ni du théâtre Antibéa, avait été amputé sur ordre du maire de l'époque (c'est peut-être toujours le même...)
parce-qu'il le jugeait trop subjectif ? Toujours est-il que j'ai redoublé de ferveur en interprétant ce magnifique texte de Victor Hugo.

Qu'on le veuille ou non, le théâtre est politique. Sa liberté de ton et les questionnements qu'il suscite interroge la conscience de tout citoyen.

Je me suis interrogé lorsque j'ai créé le "Mistero Buffo" de Dario FO au théâtre de la Semeuse. Ce texte particulièrement polémique met à mal la religion chrétienne et La Semeuse est à l'origine une institution catholique. Je suis pour la liberté d'expression et non pour la provocation. Qui oserait aujourd'hui mettre en scène le "Mahomet" de Voltaire ?!

Je me souviens que la
Cie Vis Fabula avait changé le titre d'une pièce de Dario FO : "Orgasme adulte échappé du zoo" en : "O... adulte échappé du zoo" pour pouvoir participer à la tournée Estivales du Conseil Général. La meilleure auto-censure restera toujours celle de l'argent ! (je ne jette pas la pierre, tant il est difficile de vivre de son métier, surtout quand on est artiste).

Toujours vers la même époque, la Cie Cafarnaüm (des anciens compagnons de route) ont joué à la Semeuse : "La femme comme champs de bataille" de Matéï VISNIEC (le titre original est : Le sexe de la femme comme champ de bataille). Déjà une première forme d'auto-censure ! Mais la polémique est venue de l'affiche : L'Origine du monde de Gustave Courbet qui représente le sexe d'une femme. Il faut noter que l'illustration de l'affiche avait été soigneusement retouchée sur photoshop et que la couleur de la chair était beaucoup moins réaliste. La direction de la Semeuse a fait recouvrir l'horrible pubis d'un joli rectangle blanc. (Eh oui, comme à la télé d'avant !) À la décharge de la Semeuse (évitons les animosités inutiles) la polémique était née dans le Doubs (régions d'attache de la Cie délictueuse) et avait fait la une de France 3 national. Bravo les journaliste ! (Ceci se passait bien sûr avant l'affaire Vittorio de Filippis).

Toujours dans le même registre, la Cie de Miran, lors de la présentation d'un spectacle de chansons paillardes, avait recouvert le nez phallique de ses affiches d'un rectangle avec l'inscription "censuré"
Un joli pied de nez aux Estivales du Conseil Général ! »

Un deuxième message de Stéphane a suivit le premier :

« Dans un article qui parle de la censure, je pense qu'il est très important de citer ses sources.

En ce qui me concerne, j'assume complètement mes propos et suis prêt à en débattre.

 

Pour étayer le sujet, s'il est une censure aujourd'hui insidieuse et bien réelle, c'est celle de l'économie.

Entre le théâtre très subventionné (80% de subventions et 20% de recettes propres) et le théâtre privé (20% de subventions et 80% de recettes propres) chacun voit midi à sa porte.

Les théâtre Nationaux ont une totale liberté artistique alors que les théâtres privés doivent composer avec les (mauvais) goûts du public. Qu'ils s'en défendent ou qu'ils le confessent (je ne donnerai aucun nom) les responsables des programmations tiennent aussi compte de la qualité d'un spectacle à son taux de fréquentation (un mauvais spectacle amateur qui amènera son public sera parfois préféré à un spectacle pro très intimiste). Avec la crise cela ne va pas aller en s'arrangeant. En quelques années, la ville de Nice a vue le nombre de ses petits théâtre presque doubler, il y en a une vingtaine aujourd'hui.

Si l'on peut se réjouir de cette étonnante vitalité, il faut savoir que le nombre de spectateurs n'a pas suivit la même courbe exponentielle. De même, il paraîtrait que la création locale soit anémique et qu'il devient difficile de dénicher de bon spectacles. Alors c'est aujourd'hui la politique du chacun pour soi, à qui aura la primeur d'une création locale en échange d'une programmation aux bonnes dates (Octobre ou Mars, les autres mois c'est tout pourrit), voire une certaine forme d'exclusivité (si, si , cela se pratique), etc ...

 

J'avoue que j'ai aujourd'hui certains scrupules à proposer un spectacle qui ne soit ni une "vraie" comédie (c'est à dire sans équivoque ni ambiguïté sur le TITRE), ni un classique (l'idéal étant évidement une oeuvre au programme du BAC) ni même un auteur contemporain "mort" : Ionesco, Beckett et autres absurdités...

 

Voilà, en espérant que ce petit texte sans importance ne souffre d'aucune CENxxxx ! »

Non Stéphane, aucune censure ici ; mais pas très loin de chez nous, dans le département du Var, la vie culturelle d’une commune souffre actuellement de l’interdiction absurde de l’équipe municipale. Il s’agit de la ville de CUERS.
J’en avais déjà fait l’écho il y a quelques mois (cliquez ICI et LA pour relire les articles) et malheureusement, cette vilaine histoire n’est pas terminée. La compagnie Orphéon (car c’était elle…) essais malgré tout de ne pas rester invisible et possède toujours un site : cliquez sur l’image pour y accéder.

 

Illustre-Censure-01.JPG

 

Il semble qu’à CUERS, en 2009, on continue de dire Couvrez ce sein que je ne saurais voir.

 

Pour terminer ce premier article, je vous informe que Vincent JOURDAN, qui préside l’association REGARD-indépendant, anime également un blog intitulé INISFREE et qui est consacré à sa passion : le Cinéma (Eh oui, avec une majuscule…).

Il a accepter de réaliser lui aussi un article sur la censure. Cela vaut le coup d’y jeter un œil en cliquant ICI.