09/02/2007
En lieu et place
Pour illustrer mon optimisme quant à l’avenir du Spectacle Vivant, je parle souvent du nombre de lieux qui se sont ouverts ces dernières années. Mais je n’avais pas encore eu l’opportunité de recueillir les propos de ceux qui se sont lancés dans cette aventure. Cette page blanche est aujourd’hui remplie, car nous accueillons, Derrière le Rideau, le Théâtre de l’IMPASSE.
Cette salle a vu le jour à l’automne dernier, grâce au travail de la Compagnie CÉLIANDRE. Il s’agit d’une association (loi 1901 – à but non lucratif) « … dont l’objet est l’aide aux jeunes artistes, la promotion des comédiens et l’organisation de soirées caritatives au profit de grandes causes ; créées en 1995 pour aider la lutte contre le Sida… » Cette structure souhaite mettre en place quelques formules originales, comme par exemple des séances à 18h30 pour les personnes ayant des problèmes de déplacement ou d’horaire. Quatre des membres de la Cie CÉLIANDRE s’occupent entièrement de ce lieu de spectacle : Michelle QUADRI, Dominique BRENOT, Fabrice VANISCOTTE et Noël DUCHENE. C’est ce dernier qui a pris le temps de répondre à mes questions :
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J’ai pu constater pour l’instant que la programmation était assez éclectique. Est-ce une démarche volontaire ou bien une recherche d’identité ? Comment cela se passe, comment se conçoit la programmation de ta salle ?
Noël : Ce n’est pas « ma salle », c’est vraiment un théâtre associatif ici. Donc c’est important : c’est une association qui gère ça. Par rapport à la programmation, je dirai qu’on a un peu été forcé ; parce que lorsqu’on a ouvert, on était inconnu, on ne savait pas trop quand est-ce qu’on allait réussir à ouvrir effectivement… On ne savait pas trop, on ne voulait pas se donner de date bien précise pour l’ouverture, compte tenu que c’était nous qui faisions les travaux, donc chaque difficulté nous arrêtait un peu. Mais du coup les premiers temps quand on a ouvert, on a ouvert avec ce qu’on avait dans nos valises : « la Daube au Madère » puis « les Vapeurs de Gwendoline » puis « Moulin rouge ». Et puis après c’est un peu parti à la découverte, aux rencontres, aux coups de cœurs. Ça c’est fait vraiment comme ça, et puis après de bouches en oreilles, les artistes ont envoyé des amis, d’autres artistes ; notre programmation s’est un petit peu faite comme ça. On savait pas trop où on allait : Michelle elle est plutôt côté théâtre, nous on était plutôt côté cabaret et café-théâtre…
« Nous » c’est qui ?
Noël : Dominique et puis Fabrice et moi. Donc on ne savait pas trop où on allait. Et puis, à essayer les choses, et puis à essayer de concilier théâtre et cabaret, on est parti sur quelque chose d’assez coloré au niveau de la programmation. Du moins on va essayer…
Alors, ça se précise ?
Noël : Oui, oui, j’ai l’impression qu’il y a une vraie tendance qui est en train de se faire et de se concrétiser au niveau de la programmation. Parce qu’on s’est rendu compte que les spectateurs de théâtre pouvaient aussi aimer la musique, c’était pas l’un contre l’autre. Et d’offrir, de voir par exemple « Moulin Rouge », qui est à la base un spectacle de danse dans lequel on a greffé de la comédie, de voir l’impact que ça a, ça nous a conforté un petit peu vers le côté cabaret.
C’est l’expérience même qui vous a ouvert une piste…
Noël : Oui… Là en janvier, on vient de tester le premier festival de la chanson française à l’IMPASSE. Donc la scène était ouverte à de grands auteurs de textes français. Donc on voulait garder quand même ce côté texte parce qu’on est avant tout un théâtre on n’est pas un café-concert, ou on n’est pas un bar qui fait de la musique ; on est avant tout un théâtre, mais dans la chanson française il y a de tels textes et tu peux y mettre de telles émotions que c’est du théâtre. Et c’est du théâtre en chanson.
La frontière est mince entre les deux univers, c’est sur un fil…
Noël : C’est sur un fil, mais en même temps… tu restes quand même dans une logique de texte et de musique ; même si c’est de la chanson. La chanson, ce n’est pas un art mineur hein, comme dit Gainsbourg… Mais ça a été très beau, ça nous a enchanté, ça a enchanté le public ; et on s’est dit notre souhait il est là dedans : faire du théâtre… coloré, je dirais. Avec de la chanson. Là on accueille les clowns, on les avait déjà programmés, on les reprogramme, parce que le public enfant il nous intéresse aussi, et puis c’est des spectacles où même en tant qu’adulte t’apprends tout ! Enfin moi en tant que comédien adulte, c’est une grande leçon de voir un clown. C’est très difficile ! C’est très, très difficile. En quelques instants il faut que ça passe du rire au larme, c’est un travail formidable qu’ils font avec beaucoup de talent, et c’est coloré quoi. Et eux ils trouvaient pas où se faire programmer.
Ah bon ?
Noël : Clown pour adultes, tu ne trouves pas à te faire programmer : les théâtres n’en veulent pas parce que c’est pas assez sérieux, les cafés-théâtres n’en veulent pas parce que c’est pas vraiment l’esprit café-théâtre… Donc ils trouvaient pas à se faire programmer, si ce n’est pour les séances typiques "enfants" les mercredi après-midi ou les dimanches après-midi ; mais pas pour un public adulte. Or moi je trouve qu’on est tous des grands enfants. Il n’y a pas d’âge pour avoir son étiquette d’enfant. Et les voir… moi ils m’amusent pendant une heure tous les soirs. Tu vois je les revois le lendemain, et ben c’est d’autres choses. En plus c’est du direct… Donc là tu vois, février, c’est carrément la Cie de l’Arpette qui déboule à l’IMPASSE, avec trois spectacles de clown et… on fonce là dedans quoi. On verra bien si ça marche ou si ça marche pas, c’est pas le souci pour l’instant.
En tout cas vous voulez essayer.
Noël : En tout cas on a envie d’essayer.
Vous êtes quatre ainsi à vous occuper de ce lieu. Qui fait quoi ? Les tâches sont-elles précisément réparties ? Pour toutes les questions qui sont posées au quotidien, comment ça se passe : pourquoi ce spectacle là va être retenu et pas un autre, qui va dire oui, allez je signe. Qui décide ?
Noël : Il y a beaucoup de coups de cœurs. Dès fois on a l’occasion d’aller voir les spectacles et de se rendre compte des choses. Là, on a dégoté récemment un très joli spectacle – moi je l’ai pas vu, tu vois… Mais la plupart des autres fois on n’a pas eu l’occasion. Que ça soit les clowns, la première fois où on les a programmés on ne les avait pas vus ; que ce soit des chanteurs… si, il y a deux groupes quand même qu’on avait vu. Mais c’est des coups de cœurs, on n’a pas besoin de voir non plus tout le spectacle…
D’accord, mais là tu me dis « on » : il y a bien un moment donné où vous devez signer un contrat, un chèque… prendre une décision, aller dans une direction… Mais le « on », est-ce que c’est toujours la même personne ?
Noël : Non. On essaye de faire passer l’information. Dès fois on reçoit des choses par mail, sur la boite officielle du théâtre, donc ça tourne tout de suite sur les quatre ordinateurs de chacun. Quand on a un contact, on en parle ensemble tous les quatre. On essaye de tenir au courant et… ne serait-ce que le fait de raconter aux autres ce qui vient de se passer, dès fois ça clarifie beaucoup les choses, ça pose les choses. Donc c’est déjà une première étape et après au moins les quatre sont au courant. Celui qui transmet se fait soit l’avocat dans le bon sens soit dans le mauvais sens de la personne qu’il vient de voir, et les autres peuvent avoir un regard critique. C’est pratique aussi parfois parce qu’il y en a qui vont dire oui facilement… Et puis c’est important qu’il y ait l’homogénéité du bureau, et puis c’est une passion commune donc il faut aussi que ça reste quelque chose de commun, au niveau des rencontres en ce qui concerne l’association…
Donc ça fonctionne vraiment de façon associative.
Noël : Il n’y a pas de réunion formelle mais on se voit tout le temps…
Comment cela se passe lorsqu’une compagnie prend possession des lieux ? Comment s’y adapte-t-elle ?
Noël : Quand on rencontre des gens qui sont intéressés par "passer à l’IMPASSE" (c’est joli !), moi je leur dis : venez voir ; et généralement c’est ce qu’ils font. A six heures, quand je t’attendais [ la vache ! C’est vrai, j’étais en retard ! ], j’ai eu un coup de téléphone d’un musicos, qui est auteur de chansons, et qui est intéressé. Je lui dis : bien, écoutez, venez voir, et puis après on en reparle – il doit arriver. C’est la première chose. Donc après ils découvrent le plateau. Il y en a déjà qui sont repartis en disant : il n’est pas suffisamment grand, ce qui est complètement concevable… Si les locaux leurs conviennent, si les lumières leurs conviennent…
La hauteur sous plafond, la superficie, la régie et la sono…
Noël : Et donc après quand ils reviennent pour s’installer, généralement ils tombent pas dans un endroit inconnu : ils ont déjà vu… D’autant que l’accès au théâtre est facile. Donc ça se passe simplement.
Je pensais qu’il y avait des difficultés particulières à adapter un spectacle à un lieu, par exemple comme celui là parce qu’il est en disposé en longueur.
Noël : Tu parles du côté artistique ?
Oui, chaque compagnie qui prépare un spectacle le fait dans un local en particulier, elle doit ensuite l’adapter aux autres lieux qui l’accueilleront.
Noël : Évidemment, évidemment de partout ils ont la charge de s’adapter à l’endroit, vu les entrées de rideau qu’il y a, vu l’avant-scène ; par exemple, ça peut-être aussi une mise en scène qu’ils refont…
Mais jusqu’à présent ça s’est toujours bien passé ?
Noël : Jusqu’à présent ça s’est toujours bien passé. On a déjà modulé le théâtre pour s’adapter au spectacle. En enlevant les rideaux, en changeant les ouvertures… ça c’est clair mais ça fait partie de l’accueil… leur mettre après les lumières telles qu’ils les veulent etc. c’est comme dans tous les théâtres.
Accueillez-vous, de fait, principalement des troupes qui sont du département ou bien est-ce que la plupart viennent d’ailleurs ?
Noël : Pour l’instant, on fait dans le local ! C’est le bouche à oreille qui nous permet d’entrer en contact avec les troupes locales. Exception : nous avons accueillis Luc BRIAN en janvier (le « Brel »), qui venait d’avignon. Et nous devons travailler avec son association « Isé Chansons » [pour voir leur site, cliquez ICI ] en faisant des échanges : il est prof de chant et d’expression scénique et nous devrions accueillir certains de ses élèves. De même, nous devrions organiser des stages de chant et tu verras sur le site que les intervenants sont des pointures.
Dans la jeune histoire du théâtre de l’IMPASSE, as-tu déjà des bons et même des mauvais souvenirs ?
Noël : Des souvenirs bons, mmmh… Moi c’est surtout les souvenirs des gens. Le premier flash, c’est par exemple pour le 31 décembre, c’était de voir toute la salle… C’était beau ! Tous les gens, tous les messieurs avaient la cravate, le nœud-pap, la veste ; les dames étaient bien coiffées, de beaux vêtements, il y en avait même qui étaient avec des boas… Et puis tous avec leur verre de champagne. Et quand ils sortent tout ce qu’ils te disent : « on a passé une super soirée ! Merci ! C’était génial ! » Alors tu te dis bon : c’est vrai que le prix, tous les théâtres le font, il est plus élevé pour cette séance [ de 9 à 16 €uros en moyenne pour un tarif ordinaire, les théâtres pratiquent généralement le soir de la saint Sylvestre un tarif unique de 30 €uros, incluant souvent un accueil au champagne NdR ], donc qu’est-ce qu’elle a de plus particulier ? Mais non, il y avait une atmosphère. C’est là justement où on en revient à ce que tu disais : dès fois on est serré dans les théâtres, on se dit pourvu qu’on soit bons parce que sinon ils vont râler pour le prix. Et ici c’était un peu la même chose, et de voir tous ces gens… mais vraiment ça m’a fait une émotion quoi. Je me suis décarcassé, ON s’est décarcassés, on a donné tout ce qu’on pouvait mais le résultat il est là quoi.
Par contre as-tu eu des déceptions, des galères et des mauvais souvenir ?
Noël : …
Si tu n’en as pas tant mieux !
Noël : Tu sais , on attend pas grand chose forcément de ceux dont on pourrait espérer… Donc, non, pas de déception… C’est pour ça qu’il y a toujours cette idée aussi de coup de cœur qui me paraît importante. Parce que t’es pas triste en fait. C’est plutôt des coups de cœurs avec les gens, avec des choses que représente le théâtre de l’IMPASSE plutôt que des déceptions. Ou alors il y en a eu, mais on les tourne, on les oublie tellement vite que je ne m’en souviens même plus, quoi… C’est humide ! Ça c’est une grosse déception. Mais vu le prix du loyer de toute façon il ne fallait pas non plus s’attendre à…
Mais ça ne se sent pas et ça ne se voit pas ! On ne s’en rend pas compte.
Noël : Tu vois ! Donc, tout de suite : c’est une déception, c’est humide, mais on la tourne dans le bon sens : ça ne se sent plus !
Votre regard sur l’univers du spectacle a-t-il changé depuis que vous avez ouvert l’IMPASSE ?
Noël : On avait déjà eu une petite expérience à Antibes, au PYGMALION. Mais, non, est-ce que ça a changé ? Non…
C’est un peu comme le spectateur qui monterait sur scène, il pourrait se dire : « je suis de l’autre côté ». Mais celui qui fait son spectacle, il est accueilli dans un lieu, et là, vous passez à nouveau de l’autre côté, c’est vous qui accueillez.
Noël : Mais c’est vrai que peut-être la première expérience à Antibes nous a bien servis pour l’IMPASSE, donc le côté matériel des choses. Et par contre notre expérience dans l’association CÉLIANDRE qui date quand même de 1997, qui a l’habitude d’organiser des manifestations, qui a l’habitude de créer des spectacles…
Vous n’étiez déjà plus des novices en la matière.
Noël : Non. Enfin, c’est plutôt le côté "une troupe, une compagnie, une association a enfin un lieu où elle va pouvoir s’épanouir". Donc on était habitué à ce côté "coulisse" des choses. Puis donc le fait d’avoir notre lieu, non, ça nous a pas perturbé par rapport au monde du spectacle.
Merci à toi, Noël, de m’avoir répondu.
Les coordonnées de l’IMPASSE-THÉÂTRE sont :
Rue de la Tour (dans le Vieux Nice, place de la Tour, près de la rue Pairolière)
Tél. 04 93 92 66 25 ou 06 70 62 19 34
Pour visiter leur site, cliquez ICI
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Pour récompenser ceux qui ont lu cette note jusqu’à son terme, voici la réponse à la question posée ici il y a dix jours :
qui a dit : « L'acteur doit se vider de lui-même, c'est son premier travail, et le plus important. » Il s’agissait de Louis JOUVET. Devant le nombre impressionnant de réponses (zéro, car je ne compte pas celle de Claudiogene, que je préfère ne pas révéler…), je suis donc encouragé à continuer dans cette voie.
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29/01/2007
Oyez oyez
Le théâtre de la Semeuse nous annonce deux spectacles :
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« CHAMBRES »
de Philippe Minyana
vendredi 2 février à 20h30 - samedi 3 février à 20h30
dimanche 4 février à 15h
Cie 100°CTHEATRE
Mise en scène /voix off, Eric MONVOISIN
Accordéon, Grégory BEDDELEEM
Musique, Richard COVELLO
Son, Rémy FOLTÊTE
Avec Liliane DAVID, Anne-Laure JANODY
Six tranches de vie taillées dans des personnages denses. Les mots s’en échappent avec énergie, l’énergie des actes sortis d’une tragédie grecque, et pourtant ici tout n’est que fait divers à lire dans un quelconque quotidien. Deux personnes accueillent le public. Ouvreuses, comédiennes ? A part Kos, enregistré, les cinq monologues sont incarnés par deux comédiennes. Les loges à vue, la scène devient un ring. Les personnages affrontent leur passé, avec sang froid, parfois jusqu’au sang, mais sans demander grâce. Seuls les mots importent. Les mots légers, sculptés dans l’épais silence.
Théâtre de la Semeuse
2, montée Auguste KERL
06300 NICE
réservations au 04 93 92 85 08
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Au Centre Culturel de la Providence nous aurons le plaisir de retrouver l'Ensemble de musique incidentale dirigé par Hélios Azoulay. Un concert qui sera sans doute aussi inoubliable que celui de l'année dernière.
« HELIOS AZOULAY & L'ensemble de musique incidentale »
vendredi 17 février 2007 à 20h30
Après le délirant succès de son concert la saison dernière, Hélios Azoulay revient à la charge avec de nouvelles compositions. Son entreprise musicale de sabotage d’une efficacité redoutable est toujours servie par les irreprochables et talentueux musiciens de son Ensemble de Musique Incidentale. D’un genre totalement indescriptible, puisqu’il consiste à les renverser tous, la MUSIQUE INCIDENTALE est scandaleuse, cruelle et hilarante à la fois.
Centre culturel de la Providence
4, placette de la Providence
06300 NICE
Renseignements et réservations au 04 93 80 34 12
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24/12/2006
Vœux
Dès l’Antiquité et au Moyen-âge, le théâtre a pris sa source dans le sacré, avant de continuer sa course vers le profane.
Les santons de Provence, puis les crèches vivantes participent encore d’une tradition chrétienne, mais ne sont en aucun cas des offices religieux…
Je me souviens que, enfant, j’avais admiré une de ces manifestations culturelles, lors d’une messe de minuit. Les personnages étaient entrés dans l’église, âne compris. Ma mère avait passé la fin de la cérémonie coincée entre l’animal têtu et un pilier de l’allée centrale. Notre cher Christian n’était pas là à l’époque pour nous dire comment débloquer la situation…
J O Y E U X N O Ë L ! ! !
18/12/2006
Dernières questions, et plus…
C’est la dernière partie de cette interview accordée par Emmanuelle LORRE.
Qu’est-ce que tu penses avoir accompli, et qu’imagines-tu devoir encore accomplir ?
Emmanuelle : Vaste sujet… En fait pour être honnête, je n’ai pas le sentiment d’avoir accompli grand-chose, tu vois. J’ai l’impression que tout est encore à accomplir. J’ai l’impression d’avoir fait des choses, bien sûr ; j’ai fait des pièces passionnantes avec des gens passionnants, des créations… Tu vois j’ai eu la chance de créer un texte d’HOROVITZ, qui en plus m’a écrit un monologue pour moi, c’est forcément intéressant ! Mais en même temps, je me dis qu’il y a plein de choses que je n’ai pas faites. J’ai envie d’apprendre plein de choses, j’ai envie de faire plein de choses ; j’ai accompli un parcours de formation, j’essaye en tout cas d’avoir une fidélité à moi-même…
D’où vient ce sentiment que tu as fait beaucoup de choses mais que tu n’as pas accompli quelque chose ? En tout cas il y a quelque chose à accomplir ?
Emmanuelle : Toujours ! Je crois…
Et c’est ? …
Emmanuelle : Je ne sais pas. Je ne sais pas. Pour moi, le théâtre, c’est ma foi. Voilà, tu vois je n’en ai qu’une et c’est celle-là. Donc jusqu’à mon dernier souffle il y aura des choses à accomplir, à perfectionner et à développer.
La question qui suit est tout à fait dans l’esprit de ce blog, à savoir que l’intérêt du Spectacle Vivant dépasse nos intérêts particuliers : Y a-t-il un spectacle dans lequel tu ne joues pas, ni toi ni quelqu’un d’autre de ta compagnie ni même parmi tes proches, et que tu souhaites malgré tout recommander aux lecteurs de ce blog ?
Emmanuelle : Récemment, j’ai vu au Festival de Falicon « Duo Dom Tom », une création de Jean-Paul ALLÈGRE, par une compagnie des Bouches-du-Rhône qui s’appelle « les Didascalies », et j’ai adoré.
Il me semble avoir vu l’annonce quelque part…
Emmanuelle : Oui, parce qu’ils sont passés au Centre Culturel de Cagnes-sur-Mer dimanche dernier. Moi j’ai adoré, c’est pétillant, c’est généreux, c’est sincère, je me suis régalée. Je n’ai pas regardé ma montre une demi-seconde, j’ai ri du début jusqu’à la fin, je me suis éclatée. A tel point que j’ai dit à Marie-Claire : « il nous les faut à Trimage ! ». C’est une comédie, c’est sur le théâtre, ils sont bien. C’est des mecs chouettes en plus, la nana qui fait la mise en scène c’est une fille bien, c’est des humains bien !
Des humains bien !
Emmanuelle : Voilà ! En plus !
Veux-tu rajouter quelque chose ?
Emmanuelle : Je veux dire que je trouve ça bien qu’il y ait ce genre de blog ; c’est pas du tout pour te passer la truelle avec une grande motte de beurre, non, non… du beurre avec une grande truelle. Je trouve ça bien parce que malheureusement on est un peu trop cloisonné souvent, chacun est un peu trop chez lui, dans ses trucs, ne vas pas voir forcément les spectacles… Bon, c’est vrai qu’on a pas toujours le temps, moi la première, puisqu’on joue en général aux même dates ; mais personne n’a envie de se serrer les coudes, ou alors c’est vraiment des groupuscules isolés qui se serrent les coudent… Donc je trouve ça bien qu’il y ait cette forme d’espace de communication et d’échange. Et je pense qu’il devrait y en avoir plus. En plus maintenant il n’y a plus « Nice-Scène » qui était un site comme ça où il y avait un forum sur le théâtre, où les compagnies pouvaient s’inscrire, etc. Ça créait quand même un lien. Il n’y a plus ! Donc à l’heure actuelle il est encore plus important qu’il y ait ce genre de blog. Et je pense qu’il faudrait qu’il y en ait d’autres.
Lourde responsabilité !
Emmanuelle : Mais n’est-ce pas…
[ 30 000 €uros payables en liquide pour ce genre de compliment, c’est le prix du marché…]
Pendant qu’Emmanuelle s’est installée devant son ordinateur pour me fournir les quelques photos que j’ai mises en ligne avec son interview, mon regard explore les étagères alentour. J’y découvre beaucoup de livres. Dans la bibliothèque d’Emmanuelle, il y a :
« Claudel – Théâtre » ; « la Légende des Siècles » ça, c’est plutôt un roman ça. « Montherlant » ! Et nous voyons aussi « Racine – Œuvres Complètes » ; « Racine » toujours ; « Shakespeare ». Je vois aussi « Théâtre Complet – Molière » et ensuite « Jean Anouilh – Pièces baroques, pièces costumées, pièces roses, pièces grinçantes » ; « Comédies et Proverbes – Musset », et oui… « La vie de Racine » ; « Le Diable Boiteux » de Sacha Guitry… Je ne l’ai pas lue celle-là… Et là on voit « Musset – Œuvres Complètes », c’est très bien j’adore Musset, j’en ai déjà parlé sur le blog [cliquez ICI pour (re)lire l’article]. « Feydeau – Théâtre complet »… et un des chats qui habitent là passe sur cette étagère, alors je change d’étagère… « Dictionnaire Encyclopédique du Théâtre » ; « Raimu », de Maurice Périsset ; « Arthur Miller – Théâtre » ; « Edwige Feuillère – les Feux de la Mémoire », une biographie je crois… « Jacques Charon – Moi un Comédien », j’ai déjà aperçu ce bouquin, je ne l’ai pas encore lu. « Sacha Guitry », j’ai le même à la maison ; l’incontournable « Stanislavski », qui ne l’a pas celui-là ! « Jean Vilar », il fallait s’y attendre… « Courteline » et « Feydeau » et plein d’autres.
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29/11/2006
De Mémoire
La question de la mémoire vient à l’esprit de beaucoup de spectateurs qui ne sont encore jamais montés sur scène pour y dire un texte.
" Le Penseur " de RODIN
« La mémoire est un muscle », nous rappelait notre professeur de théâtre. Et il est vrai qu’après un peu d’entraînement, retenir un texte, même long, ne nécessite plus qu’un « simple » effort de travail ; travail étant pris dans le sens de labeur. En effet, il y a des jours où l’on est très motivé pour apprendre le texte que l’on va répéter ; on en profite pour le disséquer, y trouver des pistes pour notre personnage, peaufiner la diction, jubiler à l’avance sur certaines répliques particulièrement bien écrites. D’autres jours, en revanches, ce travail nécessaire devient une simple activité obligatoire, peu enrichissante, et l’on est tenté de trouver mille excuses pour faire autre chose.
En ce qui concerne mon expérience personnelle, mes observations sont les suivantes (J’ai bien dit que ces observations sont toutes personnelles. Toutefois, je crois que parmi les comédiens que j’ai pu croiser, plusieurs seront plutôt d’accords, même s’ils exprimeront différemment ces idées) :
Je crois qu’il y a deux facteurs essentiels dans le processus de mémorisation. Le premier est le temps qui court à partir du moment où l’on a commencé à apprendre un texte, et celui où l'on est en train de le dire (et non pas de le « réciter » !) Car je parle de la mémorisation d’un texte, qu’il s’agisse d’une pièce de théâtre, d’une chanson ou même d’un discours. Donc, ce temps joue pour nous, à la condition express que la personne travaille son texte régulièrement. Pas forcément intensément, mais régulièrement. Au début très souvent, puis de moins en moins. On est souvent très surpris par nos propres capacités de mémorisation. En effet, si les premiers jours sont laborieux, les semaines suivantes nous montrent bien, je l’ai dit, que le temps travaille à notre place, et qu’il suffit simplement d’entretenir l'effort des jours précédents pour renforcer la mémorisation du manuscrit. Le deuxième facteur important dans ce processus, c’est le travail effectué sur le texte par le comédien lors des répétitions, là où l’on associe d’autres éléments à ce qui est écrit. Car bien évidemment, le metteur en scène va donner toutes sortes d’indications à chacun, et tous vont devoir les mettre en pratique. Entrées et sorties, déplacements, état d’esprit, actions, accessoires et aussi jeux des autres partenaires ; toutes ces informations devront être intégrées comme le texte.
Durant ces répétitions, il y aura d’ailleurs un moment important : celui où l’on cesse de travailler avec le manuscrit à la main. L’instant où l’on range le texte et que l’on tente de jouer sans le secours des quelques feuillets avec lesquels on vit depuis plusieurs semaines. Ce moment, il ressemble un peu à celui où le petit enfant lâche la main de sa maman et fait ses premiers pas sans l’aide de personne. Passé ces instants, le texte est su plus que par cœur. « Par cœur », c’est suffisant pour jouer dans sa salle de bain, pas sur une scène, avec toutes les contraintes qui s’imposent ; là, il faut le savoir au-delà du par cœur.
Pour terminer cette rubrique, je laisse ici les liens vers quelques sites qui traitent de la mémoire, avec cette fois-ci un point de vue beaucoup plus scientifique (cliquez sur les titres).
« Disque dur et mémoire vive ? » par le mensuel de l’université de Liège « le 15ème jour » ;
« La mémoire » par le site suisse « Prévention » ;
« Mémoire (sciences humaines) » par le site encyclopédique WikipédiA.
Toile de Dominique Albertelli
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17/11/2006
Première et Beaujolais
Je vais essayer de ne pas enfreindre la règle que je m’étais fixée à la création de ce blog : ne pas parler de moi, seulement du Spectacle Vivant. Mais ce soir, ça y est, la première s’est bien passée. Ma première. Belle occasion pour parler de cette fête si particulière.
Tous les jours, depuis le 16 septembre, à toute heure, je vis avec un texte : « Un Grand Cri d’Amour », de Josiane BALASKO. Nous le jouons au Théâtre du Cours (cliquez ICI pour visiter le site), jusqu’au 28 janvier. Tous les jours depuis deux mois, je culpabilise lorsque je ne travaille pas ce texte ; tous les jours depuis le 16 septembre, je l’apprends, j’y pense, j’essaie d’y apporter quelque chose, de faire ce qu’attend de moi le metteur en scène, Henri MASINI. Je l’ai enregistré sur mon dictaphone, et lorsque je me rends à mon travail, je le passe en boucle dans ma voiture. Les répétitions quotidiennes, dimanche compris, se sont allongées, l’échéance approchant ; puis les choses sont allées très (trop ?) vite : derniers détails à régler, des accessoires, répétition avec les costumes (que l’on appelle « couturière », moins connue que la « générale » ou la « première »), dernières mises au point, derniers filages, dernières recommandations d’Henri. « Amusez-vous ; et Merde ! Merde ! Merde ! » Et nous voilà sur la scène, devant ce public d’amis, de connaissances, invités pour l’occasion dans ce théâtre devenu trop petit.
Bien sûr que nous sommes fébriles, que nous commettons de petites erreurs, bien sûr le public est content malgré tout ; nous saluons, étonnés nous-mêmes d’être arrivés si facilement à la fin. Ca y est, le moment tant attendu est arrivé. C’est maintenant la fête. Elle est d’autant plus bienvenue qu’elle coïncide avec l’arrivée du Beaujolais Nouveau. Chacun y va de son compliment sincère, ou bien de son avis autorisé sur telle question. Je veux surtout recueillir celui d’Henri. C’est tout de même l’avis du metteur en scène l’essentiel. Il me dit que ça va, malgré quelques erreurs. Que chacun a tenu son personnage. Ouf ! Buvons ! J’ai trop bu, je parle avec tout le monde, mais cela ne me suffit pas. J’ai envie d’ouvrir mon ordinateur, et de dire à tous ceux qui me liront que c’était un grand privilège pour moi que d’avoir fait tout cela. Un grand merci à toute l’équipe du Théâtre du Cours pour ces heures si précieuses, qui sont vitales pour mon équilibre. Merci au public de ce soir d’être venu à cette fête.
Jadis, les Grecs étaient les seuls au monde à pratiquer cette forme de communication collective. Ils nommaient « Barbares » ceux qui ne possédaient pas cette formidable invention qu’est le théâtre. « Quel est le rapport ? » allez vous me demander. C’est évident : ne perdons jamais cet héritage qui permet aux humains d’être plus proches, le temps d’une représentation (et ne buvons pas trop de Beaujolais Nouveau, c’est dangereux…).
Maintenant que j’ai plus de temps, c’est promis, je vais pouvoir terminer l’article entamé la semaine dernière et consacré à Marie-Pierre FOESSEL et Isabelle TOSI, toutes deux chanteuses.
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29/10/2006
Vieux débat
Ca s’est passé aujourd’hui, près de chez vous… « IL » est réapparu ! Qui ça « IL » ?
Le vieux débat sur le strict respect du texte. C’est à dire, savoir si oui ou non un comédien doit dire exactement tous les mots écrits par l’auteur, et eux seuls, ou bien s’il a le droit, dans certains cas précis ou lorsqu’il le ressent, de changer les dialogues.
Car, quoique certains s’en défendent, à chaque fois c’est pareil : dans un spectacle, lors des répétitions, vient le moment où cette question est posée. Et pour la troupe avec laquelle je répète, c’était aujourd’hui. D’autres fois, la discussion est à peine effleurée, mais là, nous avons bien perdu 20 minutes (sur 2 heures de répétition !) à débattre du sujet.
Pour les uns, il s’agit d’expliquer que respecter rigoureusement le texte ne signifie pas manquer d’imagination, ni être psycho-rigide. Lorsque l’auteur est bon, on s’aperçoit que ses mots, s’ils ne sont pas les nôtres, sont bien ceux du personnage. Ils nous aident à mieux être celui que nous ne sommes pas dans la vie réelle. Bien sûr, au début, lors de la phase de mémorisation des dialogues, il est parfois difficile de se faire à certaines tournures, à certains mots, et la tentation est alors grande d’opérer des modifications. Le style de l’auteur aussi a son importance, il contribue au ton de la pièce. Les mots employés à la place des autres, s’ils sont plus spontanés, risquent d’être plus maladroits. Enfin, plus prosaïquement, il y a les fameux « TOPS », ces groupes de mots qui appartiennent à la réplique d’un partenaire, mais qu’on apprend par cœur comme son propre texte, afin de nous préparer à reprendre la parole. Il y a même parfois des « pré-tops » et même des « pré-pré-tops », lorsque l’on reste une longue scène sans parler. Par exemple, dans la comédie que nous répétons, je reste dans les coulisses pendant une longue scène. Mon pré-pré-top est la gifle que se reçoit un des protagonistes – à ce moment là, je dois me réveiller, ou bien quitter les toilettes ou encore cesser de lorgner à travers le rideau. Puis mon pré-top est lorsque ce même personnage dit que la scène qu’il joue n’est pas un pugilat – là, je dois vraiment me concentrer. Enfin, mon top est « Encore heureux qu’il l’ai reconnu, ce grand imbécile ! » - je rentre sur scène. Ces tops fourmillent dans une comédie souvent privée de monologue, aussi est-il risqué de changer trop de choses.
Les autres pensent que le plus important lorsqu’on joue, c’est l’intention. Il faut être vrai, c’est à dire qu’il faut ÊTRE tout court. Et pour arriver à cela, tout est permis, même de changer une phrase pour une autre. Si le comédien qui joue une situation est vraiment à ce qu’il fait, il peut lui venir, sur le moment, un mot à lui, qui semble coller à la perfection au personnage. D’autre part, beaucoup de pièces sont des traductions d’auteurs étrangers. Le style original est déjà moins présent (traduire une œuvre est une chose difficile). Enfin, lorsqu’on est habitué à jouer avec des comédiens qui « changent » les mots, on finit par s’adapter.
Pour ma part, j’aurais tendance à me ranger dans la première catégorie. Je crois que malmener les écrits d’un auteur dramatique, c’est se débarrasser d’un effort qui fait pourtant partie du quotidien de la scène. Ce n’est qu’un pli à prendre et qui n’empêche pas d’être créatif.
Je sais que beaucoup d’artistes de scènes ne sont pas de cet avis. J’ignore quelles sont les proportions, mais chacun des deux camps compte beaucoup de partisans.
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