12/04/2013
ACTES PREMIERS
Après avoir parlé ici des "petites répliques", après avoir dit que les plus belles tirades ne sont rien sans elles, je souhaite poursuivre en parlant des petites actions.
Là encore, si elles ne sont pas primordiales elles sont utiles. Or je constate, en jouant ici et là, en croisant les comédiens les plus divers, que beaucoup trainent les pieds lorsqu’il s’agit de régler avec précision le geste de boire un verre, celui d’ouvrir une lettre, de fermer une porte, de s’avancer vers un partenaire ou de s’en éloigner.
Et s’il me vient l’idée saugrenue de leur en faire la remarque, chacun a sa technique pour éluder le problème (car c’en est un).
Le plus souvent, on évoquera le fait qu'il ne faut pas tomber dans le moule d’une mise en scène trop rigide. Argument massue que je juge irrecevable, arguant à mon tour que, plus un comédien est contraint par un cadre étroit, et plus il a de possibilité de créer. De toutes façons, je fais partie de ceux qui préfèrent établir un jeu précis et rigoureux et, une fois toutes les contraintes de texte, de diction, de déplacement et d’action parfaitement intégrées, à ce moment là seulement, tenter de s’en écarter. Mais jamais avant !
On réfléchit, on échange, on teste, on suit des pistes, on sélectionne, on prend des décisions on réessaye puis on fixe des choses. Ces choses sont appelées à bouger par la suite, car il s’agit d’un art vivant, j’en demeure d’accord. Mais avant de se remettre à bouger, il faudrait qu’elles aboutissent à quelque chose de bien, que la première représentation ne ressemble pas à une blague de potache ou à un travail de fin d’année avec pour seuls spectateurs les parents d’élèves.
On rêvait de grandes envolées lyriques ou bien d’actions percutantes, et on vient vous embêter parce que vous êtes mal placé par rapport au projecteur… Et alors ? Si l’on ne règle pas tout cela, mille petites scories viendront parasiter la pièce. Et ll’on croira moins à ce beau garçon portant la jeune première dans ses bras.
Il faut répéter, répéter sans relâche, jusqu’à ce que tout soit su, archi su et intégré. Et quand le rôle sera semblable à un vieux pyjama que l’on enfile, alors seulement il sera possible de se laisser aller à sa fantaisie, sans risquer de détruire l’édifice.
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05/03/2010
Le Grand Palmade
Beaucoup de téléspectateurs auront vu, samedi 20 février sur France 2, « Le Grand Restaurant ». Beaucoup de louanges ont déjà été dites sur son auteur, Pierre PALMADE. Je souhaite toutefois y revenir pour souligner une autre qualité que possède cette œuvre (car c’en est une, me semble-t-il).
Chaque situation est poussée jusqu’à ses extrêmes limites. On va jusqu’au bout. Et c’est une indication que donnent fréquemment les professeurs de théâtre et aussi ceux qui sont amenés à diriger des acteurs.
Lorsqu’on travaille un texte, que l’on répète une scène, des idées viennent, on propose des choses, mais souvent le metteur en scène est frustré et demande plus : il demande qu’on exploite davantage la situation, les mots, les personnages, tout le bois qu’on pourra brûler, et pas seulement les bûches qu’on avait mises de côté. C’est la raison pour laquelle ce genre de film peut servir d’exemple à toutes celles et tous ceux qui souhaitent faire du théâtre.
Il ne s’agit pas là d’un prétexte pour faire dans le grandiose et le démonstratif, simplement de dire qu’un comédien ou un metteur en scène doit "creuser" tant qu’il peut. Après viendra le tri.
Dans le même ordre d’idée, je citerai un passage d’un film des Marx Brothers : « la Soupe au Canard ». Dans cette scène, un homme monte dans sa chambre. Quelqu’un s’y trouve, qui ne devrait pas être là. Ne pouvant plus se cacher ni fuir, l’intrus décide de faire croire qu’il est le reflet de l’autre ; il va ainsi reproduire tous les mouvements de son hôte. Cette scène dure près de trois minutes (!), et la situation devient de plus en plus énoOorme. Mais ils jouent jusqu’au bout, même lorsque les personnages ne peuvent plus y croire.
Cliquez sur l’image pour visionner ce petit bijou du cinéma, grand exemple de travail bien creusé (ce qui n’exclut pas que chacun puisse s’amuser à trouver d’autres prolongements, ce qui serait un exercice très amusant).
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29/02/2008
Le travail d’acteur
Il y a quelques semaines, je lisais une interview consacrée à Johnny DEPP. Je souhaite citer ici deux passages parmi les quelques réponses qu’il avait bien voulu fournir :
« … Le plus difficile, c’était de mettre de la mousse à raser sur les visages et de faire semblant de les raser. C’est très désagréable de raser un adulte. Mais là non plus, je n’ai pas suivi de préparation spécifique ni d’entraînement particulier. Est-ce que l’on va prendre des cours de crime avant de jouer un criminel ?... »
Cette réflexion me plait. En effet, un comédien professionnel est censé pouvoir jouer (et non pas « faire semblant » !) n’importe quelle situation sans avoir à s’entraîner avec toute une batterie de moyens. Je n’aime guère ces artistes qui racontent volontiers leurs longues journées passées dans un commissariat, pour essayer de coller le plus possible à la réalité d’un personnage flic qu’ils doivent jouer. La réalité exacte et factuelle, retranscrite avec une minutie laborieuse, est rarement utile. La seule réalité importante est celle de l’artiste. Et à trop vouloir faire vrai, on ennui tout le monde, le public s’en va. Bien sûr, ce n’est pas une raison pour camper des personnages improbables à force d’invraisemblance, mais je crois que Johnny DEPP fera un bon barbier tout à fait convaincant sans avoir passé le moindre diplôme de raseur.
Sur ce sujet, mon ami Vincent JOURDAN (oui, de REGARD-Indépendant, en lien ICI), me citait l’anecdote suivante : Laurence OLIVIER voit Dustin HOFFMAN quitter le lieu du tournage pour aller faire trois tours de pâté de maisons en courant. Une fois de retour, on demande à l’acteur légèrement essoufflé quelle mouche l’a donc piqué. Il répond que, dans la scène qui va être tournée dans un instant, il doit être essoufflé. Et Laurence OLIVIER lui répond alors : « Mais vous ne pouviez pas simplement le JOUER ? »
Le deuxième extrait que je retiens est plus douteux :
« … Il ne faut pas avoir peur de s’enlaidir. Tous les gens que j’admire dans mon métier sont des acteurs de composition. Après tout, c’est notre rôle de se cacher dans des personnages extravagants et de se déguiser avec des accoutrements fantaisistes… »
En effet, point de coquetterie lorsqu’on est comédien. Là-dessus, je suis entièrement d’accord (encore que j’ai rarement vu Johnny DEPP particulièrement enlaidit par ses déguisement). La fin de sa réponse me paraît en revanche réductrice. Donner vie à un personnage n’est pas forcément synonyme de déguisement. J’irai même jusqu'à dire que cela va en contradiction avec ce qu’il a dit dans le premier extrait. Car on peut très bien être barbier et ne pas se promener dans la rue avec un bol de savon, être policier et être en civil etc.
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Avec l’annonce suivante, nous revenons à la scène :
La Cie Le Théâtre du Fou propose
« Arlequin Serviteur de deux Maîtres »
De Carlo GOLDONI
Mise en scène : Bernard DORÉ
Avec : Christine BIAGINI, Sabrina BREZZO, Bernard DORÉ, Robert DUVAL, Frédérique FERRIÉ, Marjorie COURBET et dans le rôle-titre Arnault SOULABAILLE.
Durée du spectacle : 2h00
"Arlequin travaille pour un maître qui le laisse affamé. Aussi, a-t-il l'idée de se mettre sous les ordres d'un second maître, sans qu'aucun des deux n'en soit averti. Mais, n'a-t-il pas trop préjugé de sa débrouillardise ?"
Cette pièce a été écrite par GOLDONI, auteur Italien né à Venise en 1707 (mais mort à Paris en 1793, car il s’exila en France à la suite de désaccords avec d’autres confrères)
Comme Molière avant lui, il reprend les codes de la Commedia Dell’Arte non pas avec un canevas éternellement renouvelé mais avec un texte réellement construit, et un plus grand réalisme.
Ce spectacle sera joué à l’Espace Magnan
31, rue Louis de Coppet
NICE (Nice-Ouest, proche de la piscine "Jean Médecin")
Du 28/02/2008 au 09/03/2008 : les jeudi, vendredi et samedi à 21h00 et les dimanche à 15h00
Salle Jean Vigo
Tarif Normal : 15 € - Tarif Réduit : 10 €
La Cie Le Théâtre du Fou a été crée en 1989 par Bernard DORÉ, comédien et metteur en scène.
Elle réside à l’Espace Magnan, où elle a monté une trentaine de pièces.
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29/11/2006
De Mémoire
La question de la mémoire vient à l’esprit de beaucoup de spectateurs qui ne sont encore jamais montés sur scène pour y dire un texte.
" Le Penseur " de RODIN
« La mémoire est un muscle », nous rappelait notre professeur de théâtre. Et il est vrai qu’après un peu d’entraînement, retenir un texte, même long, ne nécessite plus qu’un « simple » effort de travail ; travail étant pris dans le sens de labeur. En effet, il y a des jours où l’on est très motivé pour apprendre le texte que l’on va répéter ; on en profite pour le disséquer, y trouver des pistes pour notre personnage, peaufiner la diction, jubiler à l’avance sur certaines répliques particulièrement bien écrites. D’autres jours, en revanches, ce travail nécessaire devient une simple activité obligatoire, peu enrichissante, et l’on est tenté de trouver mille excuses pour faire autre chose.
En ce qui concerne mon expérience personnelle, mes observations sont les suivantes (J’ai bien dit que ces observations sont toutes personnelles. Toutefois, je crois que parmi les comédiens que j’ai pu croiser, plusieurs seront plutôt d’accords, même s’ils exprimeront différemment ces idées) :
Je crois qu’il y a deux facteurs essentiels dans le processus de mémorisation. Le premier est le temps qui court à partir du moment où l’on a commencé à apprendre un texte, et celui où l'on est en train de le dire (et non pas de le « réciter » !) Car je parle de la mémorisation d’un texte, qu’il s’agisse d’une pièce de théâtre, d’une chanson ou même d’un discours. Donc, ce temps joue pour nous, à la condition express que la personne travaille son texte régulièrement. Pas forcément intensément, mais régulièrement. Au début très souvent, puis de moins en moins. On est souvent très surpris par nos propres capacités de mémorisation. En effet, si les premiers jours sont laborieux, les semaines suivantes nous montrent bien, je l’ai dit, que le temps travaille à notre place, et qu’il suffit simplement d’entretenir l'effort des jours précédents pour renforcer la mémorisation du manuscrit. Le deuxième facteur important dans ce processus, c’est le travail effectué sur le texte par le comédien lors des répétitions, là où l’on associe d’autres éléments à ce qui est écrit. Car bien évidemment, le metteur en scène va donner toutes sortes d’indications à chacun, et tous vont devoir les mettre en pratique. Entrées et sorties, déplacements, état d’esprit, actions, accessoires et aussi jeux des autres partenaires ; toutes ces informations devront être intégrées comme le texte.
Durant ces répétitions, il y aura d’ailleurs un moment important : celui où l’on cesse de travailler avec le manuscrit à la main. L’instant où l’on range le texte et que l’on tente de jouer sans le secours des quelques feuillets avec lesquels on vit depuis plusieurs semaines. Ce moment, il ressemble un peu à celui où le petit enfant lâche la main de sa maman et fait ses premiers pas sans l’aide de personne. Passé ces instants, le texte est su plus que par cœur. « Par cœur », c’est suffisant pour jouer dans sa salle de bain, pas sur une scène, avec toutes les contraintes qui s’imposent ; là, il faut le savoir au-delà du par cœur.
Pour terminer cette rubrique, je laisse ici les liens vers quelques sites qui traitent de la mémoire, avec cette fois-ci un point de vue beaucoup plus scientifique (cliquez sur les titres).
« Disque dur et mémoire vive ? » par le mensuel de l’université de Liège « le 15ème jour » ;
« La mémoire » par le site suisse « Prévention » ;
« Mémoire (sciences humaines) » par le site encyclopédique WikipédiA.
Toile de Dominique Albertelli
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