27/06/2007
LOL !
Ces trois lettres sont bien connues de ceux qui fréquentent les tchats : ce sont les initiales de « Laughing Out Loud » (rire à gorge déployée), version anglaise de « Mort De Rire » (MDR). Ici, je n’emploie jamais ce substitut écrit d’une hilarité naturellement sonore. Ce qui ne veut pas dire que les interviews réalisées pour ce blog soient dépourvues de franche rigolade, bien au contraire. Avec certains artistes, s’il fallait retranscrire tous les éclats de joie qui émaillent l’entretien, le texte serait composé pour moitié de « lol » et de « mdr » — je pense notamment à Marie-Pierre FOESSEL, par exemple, et aussi à Magali BÉNÉVENT, dont voici enfin la deuxième et dernière partie de l’interview commencée à la fin du mois précédent.
Qu’est-ce que vous prévoyez de faire ces temps prochains ?
Magali : On fait aussi beaucoup de stages pour des amateurs ; alors des gens soit qui sont dans des cours de théâtre, soit qui n’ont jamais rien fait d’ailleurs, mais qui sont des amateurs et qui ont envie de se mettre au clown. Donc on commence à avoir autour de nous… allez on va dire trente personnes, quarante personnes qui ont suivi depuis… allez trois ans les stages de l’Arpette, et donc qui commencent à toucher un p’tit peu quoi, qui commencent à être bons. Et donc moi il m’est venu l’idée (parce que bon moi j’ai toujours des envies citoyennes… enfin, « citoyennes » : politiques au sens : « je m’inscris dans la vie de la ville », voilà, dans ce sens là quoi) donc j’ai décidé de monter une tribu de clowns. Donc là, on a une vingtaine de clowns, et je vais les sortir en tribu, donc ça je pense que ça va quand même bien dépoter quoi. On a des fois des commandes pour des événementiels où on nous demande de faire… je n’sais pas, il n’y a pas longtemps l’inauguration de la salle de répét. de la mairie de Nice, des choses comme ça, donc on est venu à deux clowns pour couper un ruban… c’était très officiel…
Vous êtes les « fous du Roy »…
Magali : C’est exactement ça, on est les fous du Roy… Les « commandes », les fameuses commandes ! Et donc là, je me suis dis : tant qu’à faire, autant monter un vrai projet avec, au lieu de répondre comme ça, avec des ficelles etc. Et donc, là, on aurait une tribu d’une vingtaine de clowns. Donc, ça c’est l’avenir proche, j’espère que ça va bien démarrer ; à vingt clowns, ça…
Ca serait dommage que tu arrêtes maintenant toi ! Est-ce que tu es relativement optimiste pour l’avenir, le tien bien sûr mais aussi pour le Spectacle Vivant en général ?
Magali : non.
Tu es pessimiste ?
Magali : Oui.
Oh !
Magali : Les compagnies… C’est difficile… C’est sûr qu’il faudrait repenser tout le système en France quoi, parce que là c’est vrai que le système des Intermittents — on peut parler de ça, il y a eu un nouveau protocole — le système des Intermittents, après tout on peut poser la question : pourquoi est-ce que ce sont les entreprises du privé qui payent le chômage des artistes alors que… Bon, soit il y a une grande politique culturelle et on décide que la Culture comme l’Éducation est quelque chose qui est rentable à long terme parce que c’est un truc de société, ou rentable dans les festivals en été parce que c’est ce qui fait marcher le commerce ou le tourisme etc. Mais si c’est pas cette direction là, en ce moment, c’est vrai que lorsque les ASSEDIC nous payent, ce sont les entreprises du privé qui payent. Alors pourquoi les salariés du privé… Au bout d’un moment, je comprends que ça puisse être mis en cause. On le pose jamais sous cet angle là, le problème.
Très courageux de ta part d’en parler…
Magali : Tu marque pas mon nom !
Seulement ton adresse…
Magali : L’adresse, la photo, la totale… non bien sûr tu peux, j’assume ! Ça pour moi c’est des vraies questions à se poser. Alors que c’est vrai qu’après on dit « ça peut pas se pérenniser comme ça et tout » : oui, pourquoi pas ; « il faut rentabiliser » : non, moi je ne suis pas d’accord. Parce que la Culture comme l’Éducation, c’est un truc à long terme.
On ne sait pas exactement ce que cela va donner…
Magali : Ben on sais ce que le Siècle des Lumières nous a apporté aujourd’hui quoi. Alors je ne dis pas que faire le clown ça apporte autant de lumières, c’est pas ça ; mais en tout cas, c’est en entretenant ce bouillon de culture qu’on arrive à avoir des fondement fort dans la société, enfin ça c’est ce que je pense, moi… Par contre, il y a de moins en moins de moyens pour les compagnies, ça c’est évident, il y a de moins en moins de moyen pour les programmateurs, ça c’est évident aussi, et c’est vrai qu’on a de plus en plus de mal à jouer quoi. Je vais donner un exemple basique : nous on fait avec les spectacles pour enfant des tournées dans les écoles en décembre, ou les tournées d’arbre de noël, etc. enfin pour les spectacles enfants le gros moment c’est décembre… et bien les écoles elles n’ont plus un rond à consacrer à ça. Alors je ne dis pas qu’elles ne doivent avoir que ça mais enfin, c’est pas remplacé par autre chose.
Globalement c’est moins bien qu’avant ?
Magali : Globalement, on a de plus en plus de mal, oui, il faut qu’on se batte de plus en plus. Alors c’est vrai qu’on est précaire dans le temps, peut-être pas trop financièrement (enfin, on gagne pas trop bien…) mais c’est dans le temps : c’est de se dire toujours en permanence « Et demain ? Et demain ? Et demain ?… » quoi, ça c’est assez difficile…
Je me suis toujours montré optimiste sur ce blog en expliquant que, depuis vingt ans, le nombre de lieux, de compagnies et de spectacles n’a cessé d’augmenter…
Magali : Alors, c’est vrai quand même qu’il y a un peu plus de lieux qu’il y a vingt ans, mais enfin souvent les lieux qui se sont crées fonctionnent quand même à la recette, et la recette, pour les compagnies professionnelles, c’est ce qu’il y a de plus terrible. Parce que c’est vrai que maintenant, on pourrait remplir notre carnet et jouer toutes les semaines, mais à la recette… Tu fais vite un calcul : un théâtre même de 200 places — ce qui est déjà un beau théâtre, déjà correct ; 200 places et 10 €uros l’entrée — c’est cher dans le spectacle pour enfant ; ça fait 2000 €uros, tu partages avec l’organisateur en 70 / 30, il te reste 700… ou 600 €uros…
Oui, c’est ça !
Magali : Tu payes tes charges sociales, on est 4, il y a le metteur en scène, un technicien etc. on a même plus de quoi se payer au SMIC. On est même plus dans le cadre légal de pouvoir faire un travail payé. Donc : oui, ça s’est multiplié, oui il y a plus de choses mais… on a du mal à en vivre de plus en plus quand même, voilà. Il faut dès fois qu’on fasse quatre dates pour avoir un cachet quoi ; donc quand tu sais qu’il faut en avoir, pour simplement être au minimum pour faire tenir ton statut, il faut entre cinq et six cachets par mois, si tu comptes quatre dates pour un cachet c'est-à-dire que tu joues tous les soirs et c’est pas possible ! Ou alors t’es acheté, dans des bonnes conditions…
On parlait de ta formation au début de l’interview : est-ce qu’il est dans tes projets de rajouter une corde à ton arc ?
Magali : Oh ouiiiiiiii !
La réponse est : « Oh ouiiiiiiii ! »
Magali : Moi, bon, j’ai chanté un petit peu, j’ai fait un petit peu de…
Ca, tu l’as fait, mais qu’est-ce que tu voudrais faire d’autre ?
Magali : Ouais, ouais, ouais… j’aimerais savoir me servir de mon corps !
Ah ! Aaaaaaaaaah ! Là je coupe !
Magali : Non, non, parce que je suis totalement… on dit « dyslexique du corps » quoi, et c’est quand même un outil de travail. Donc c’est vrai que dès fois… en répétition, après ça va, mais quand tu es en recherche, souvent, pfuit ! Ça part dans tous les sens ; j’aimerais que ça soit un peu plus facile… Et puis, là, ça fait un moment que ça me titille, j’aimerais bien faire des voix de doublage. Parce ça c’est un truc aussi que j’aime bien, c’est le travail de la voix.
Est-ce que tu as envie de rajouter quelque chose ?
Magali : Nice a postulé pour être Capitale Européenne de la Culture. Alors, j’espère que ça va développer des choses qu’on va vraiment prendre en mains ; il y a plein de structures qui existent à Nice qui sont sous exploitées par rapport au potentiel qu’il y a. Et bien, espérons que la dizaine de théâtres moyens qui existent à Nice (en dehors de ceux qui tournent déjà, des petits théâtres privés) soient utilisés… et qu’on ne postule pas pour rien !
Magali, je te remercie pour ta disponibilité (et longue vie aux clowns).
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