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27/03/2008

Paradoxe

Non, il ne s’agit pas ici de parler du fameux « paradoxe du comédien ». Comme je vous l’avais annoncé avant-hier, je me suis rendu lundi à Acropolis pour profiter du festival « 06 en scène ».
Cet événement, organisé par le Conseil Général des Alpes-Maritimes, est une sorte de festival du spectacle, mais entièrement "indoor" comme on dit aujourd’hui. Et là, malheureusement, les locaux d’Acropolis son trop impersonnels, trop mornes même, pour arriver à créer une véritable atmosphère de fête.

Le contenu, cependant, était de meilleure qualité que lors des deux éditions précédentes. En effet, le public n’est pas vraiment informé du fait que les 100 spectacles annoncés durant ces trois jours représentent des productions professionnelles d’une part mais aussi des productions d’amateurs d’autre part. Attention, cela ne veux pas dire que les œuvres issues de structures non professionnelles soient mauvaises, surtout pas ! Tout simplement, la sélection a été plus rigoureuse cette année, voilà tout.
Venu seulement le lundi, dernier jour, j’ai surtout assisté à des projections de films d’animations (pour petits et grands enfants) proposés par l’association Héliotrope, et à des démonstrations de danse hip-hop. J’ai par contre eu la chance d’assister à la dernière partie de « Ad Libitum ». C’est un spectacle de danse contemporaine à l’esthétique déjà plus que parfaite, alors même que la Cie Antipodes, créatrice de cette performance, nous annonce qu’il ne s’agit que d’un spectacle en gestation ! Une salle trop petite les a contraints à devoir refuser du monde, quel dommage.

Et mon paradoxe alors ? Eh bien, il se résume à cette photo prise dans le hall du 1er étage. Nous y voyons une scène toute simple en apparence : M. Michel FRANCESCONI est assis à une table, avec devant lui un interminable rouleau de papier kraft ; à la main, un stylo-plume. C’est tout. Il a pris le parti d’écrire là, dans cet endroit improbable, en improvisant. Pour mieux expliquer son initiative, il m’a laissé reproduire ici son texte de présentation :

« VIDER UNE CARTOUCHE
La règle du geste est simple : il s’agit de vider un stylo-plume jetable en écrivant sur un rouleau de papier kraft ; écrire jusqu’à épuisement de l’encre, avec comme contrainte particulière de ne pas raturer. Ce déroulé calligraphique ne connaît pas le
pentimento.
En cela, ce geste d’écrire en public entretient peut-être moins de liens avec la littérature qu’avec les arts visuels. Cette entreprise est par-dessus tout affaire de traces laissées qui plus est par un objet dont la
qualité première, celle qui le distingue et l’identifie, est d’être jetable. J’aime à le prendre à contre-emploi, ce stylo-plume d’une seule cartouche, en faire l’instrument d’une œuvre potentiellement durable, fixée qu’elle est, promise au vieillissement du papier, au lent effacement de l’encre, à tous les aléas patrimoniaux, à la conservation curieuse, roulée dans un tube, comme le furent les plus anciens textes.
"Mais qu’est-ce que tu écris ? Mais t’écris quoi ?" A-t-on jamais demandé à un musicien ce qu’il allait jouer quand il saisit son instrument et improvise ? C’est bien ainsi que je pars à l’aventure de la page qui ne se tourne mais se déroule. Qu’est-ce que j’écris ? Je descends le filet d’encre en ses imprévisibles sinuosités, stagnations narratives et rebonds divaguant, traversées du désert du sens et moments de grâce inventive où les enchaînements sont des miracles maîtrisés, très présent à ce qui m’entoure ou au contraire à mille lieues d’être là. »

 

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Il y a bien là un acte, il se passe quelque chose ; il y a à voir. Il y a spectacle, et l’artiste qui en est le centre n’est habituellement pas sous les feux de la rampe. L’auteur n’est visible qu’en dehors des pièces qu’il écrit. Et s’il lui arrive de jouer lui-même ses propres textes, il est alors deux personnages à la fois : le comédien qui transpire sur la scène puis l’auteur qu’on salut à la fin.
Ici, Michel FRANCESCONI met en scène son propre acte de création. Dans un festival intitulé « 06 en Scène », on pouvait penser que l’écrivain devait rester en coulisse mais, paradoxalement, il est celui qui a attiré mon regard en premier…

16/01/2008

Je souhaite à toutes et à tous une bonne et culturelle année 2008 !

Pour ma part, elle a bien commencé puisque je suis allé au TNN voir deux farces peu connues de MOLIÈRE : « la Jalousie du Barbouillé » suivie du « Médecin Volant ». La première fut écrite aux environs de 1650 et la deuxième vers 1645, lors de la toute première époque de l’Illustre Théâtre (hé oui ! ;.) juste avant l’emprisonnement du chef de la troupe pour dette. Mais elles ne furent jouées, à Paris du moins, qu’à partir de 1660.

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C’était une bonne idée de programmer ces deux pièces pour plusieurs raisons : tout d’abord, bien que je respecte profondément Jean-Baptiste POQUELIN, certaines de ses œuvres sont vraiment sur-représentées par rapport à l’ensemble de la production dramatique française, laissant moins de place à des textes tout aussi intéressants.
Et précisément, certains opus de MOLIÈRE, qualifiés injustement de « mineurs », font eux aussi les frais de ce phénomène.
Injuste en effet, car même si ces farces, impromptus et autres divertissements sont des textes relativement courts — souvent un seul acte qui ne dépasse pas quarante minutes — elles restent des pièces à part entière ; et non pas des "brouillons" de pièces plus connues. Oui, c’est vrai que certains passages annoncent « le Médecin Malgré Lui » et « Georges Dandin », mais cette impression vient du fait que ses premières œuvres, MOLIÈRE les avait construites à la manière des comédies italiennes qu’il avait déjà pu voir, sur la base de canevas sans cesse retravaillés et de personnages prédéfinis. Mais une fois le rideau tombé (façon de parler : dans la salle Michel SIMON, il n’y en a pas) on peut constater que chaque pièce se suffit à elle-même.
Enfin presque car, comme il est difficile de demander au public de venir assister à moins de quarante minutes de théâtre, les metteurs en scène jumellent fréquemment deux ou trois œuvres en un seul spectacle.
La première conséquence de ce choix et que souvent, le public est heureux de retrouver, d’une farce à l’autre, les mêmes comédiens dans des rôles différents. C’est parfois presque jubilatoire. De plus, l’attention du public (petits et grands) est plus facile à maintenir.

Ce vendredi soir-là, nous avons eu droit à une représentation drôle et enlevée. D’ailleurs, nous avions dans la salle plusieurs groupes de collégiens qui manifestement étaient venus sans se concerter. J’ai pu observer chez eux une grande réactivité, une quasi-participation pour certains parmi les plus jeunes qui ne pouvaient s’empêcher de réagir en parlant.
Au contraire de MUSSET, où l’on trouve de superbes répliques qui pourraient se suffire à elles-mêmes, la farce impose d’être servi par un metteur en scène excellent et des comédiens à la hauteur.
Et pour la mise en scène, Pierre PRADINAS s’est montré inventif : c’est même un très bon exemple pour montrer à quel point le travail de mise en scène et d’interprétation peuvent révéler un texte. (pour ceux qui ont l’intention d’aller voir ce spectacle, je vous engage à faire l’expérience et de lire le texte en cliquant ICI) Aussi, c’était une bonne chose que
« le Médecin Volant » soit étudié dans certains collèges. Mon fils se trouve dans l’un d’eux. J’espère qu’il pourra, comme je le lui ai demandé, recueillir l’avis de deux ou trois de ses camarades. J’espère aussi qu’il verra toute la différence entre un livre ouvert dans une salle de classe et un comédien vivant sur une scène.

Les rôles masculins étaient confiés aux comédiens permanents du TNN :
Jacques BELLAY ; Paul CHARIÉRAS ; Aurélien CHAUSSADE ; Paulo CORREIA et Frédéric de GOLDFIEM.
Le premier d’entre eux m’a semblé moins excellent que ses partenaires. On dit souvent qu’il vaut mieux dix comédiens moyens que neuf bons et un extraordinaire. La différence de niveau dans un groupe se perçoit davantage que le niveau global. Aussi, même s’il a montré ailleurs qu’il était un comédien capable du meilleur, Jacques BELLAY, par un jeu trop convenu, s’est contenté d’être seulement bon. Ce n’est pas suffisant, au théâtre il faut être « au top » (choisissez vous-même votre superlatif…) ce qui est difficile et malheureusement, trop souvent nous n’atteignons pas un tel but.
Les rôles féminins étaient tenus par :
Cécile MATHIEU et Philippine PIERRE-BROSSOLETTE.
A l’origine, le programme mentionnait « Sophie DUEZ » et « programmation en cour ». Nous n’avons pas eu à nous plaindre de ce changement.

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P.P.P. (Petite Parenthèse Pognon) :
Il y a deux séries de tarifs au TNN :
Pour la salle Pierre BRASSEUR, selon le placement (numéroté), le prix d’une location s’élève à 32 €, 24 € ou 11 € en plein tarif et 25 €, 18 € ou 7,50 € en tarif réduit ;
Pour la salle Michel SIMON, le placement libre laisse un seul tarif plein de 22 € et un tarif réduit de 16 €.

La salle Pierre BRASSEUR est une véritable salle "à l’italienne", c'est-à-dire avec un parterre de fauteuils et plusieurs étages de balcons (le dernier étage étant le fameux « paradis ») ; la salle
Michel SIMON est disposée comme un amphithéâtre de 350 places au confort approximatif mais offrant un lieu propice à l’échange.

Pour qui veut profiter d’un casier pour y déposer ses vêtements, il est préférable d’arriver un quart d’heure en avance. Je ne sais pas si vous êtes comme moi, mais j’ai horreur de garder mon blouson sur mes genoux tout le temps de la représentation !

10/09/2007

Falicon

Comme je vous l’ai annoncé dans le dernier article, les « 5es Falicomédies » se sont déroulées pendant tout le week-end à Falicon, village situé à moins de 10 km de Nice, et qui tire son nom de sa situation haut-perchée (la même racine que « falaise », mais tout de même, c’est moins vertigineux).

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Les festivals ont le mérite, à mes yeux, d’amener leur public à plus de curiosité et plus de diversité grâce, justement, à leur touche festive. En effet, la plupart de ces manifestations incluent généralement au moins un apéritif offert, ou alors des "afters" très sympathiques synonymes de rencontres et de discutions.
Les organisateurs, les participants, les partenaires et les collectivités publiques y retrouvent une part du public venu chercher un peu plus que la simple diffusion d’une œuvre. Je n’ai alors pas de honte à employer l’expression « valeur ajoutée ». En effet, essayer de voir autre chose que les ternes émissions calibrées pour le Grand Public est une bonne chose. On peut aller plus loin, et tenter d’aller à des manifestations culturelles où il est possible de rencontrer les créateurs eux-mêmes. Et cela, les festivals le permettent souvent.
D’autre part, qu’il y ai un fil rouge ou pas, qu’un artiste soit à l’honneur ou bien un genre particulier, les programmateurs s’efforcent pour la plupart de proposer une palette suffisamment variée de spectacles mais aussi de lieux pour inciter le public à venir faire des découvertes.

20bfb15608352723c7ee03d50724bfb6.jpgAinsi, le festival de théâtre qui s’est déroulé de vendredi à dimanche à Falicon aura permis aux spectateurs de rencontrer Guy FOISSY, Gérard LEVOYER ainsi que d’autres auteurs dramatiques représentés lors de ces trois journées.
Je n’ai pu m’y rendre que le premier jour (il y avait l’apéritif, hé ! hé !) : la sangria fut précédée de discours fort drôles et sympathiques, mais pas vraiment utiles. Toutefois, un festival digne de ce nom laisse la parole à tous les intervenants et invités ; on remercie ceux qui le méritent, les locaux s’adressent aux élus, les artistes à leur hôte.
Après l’apéritif, nous avons eu droit à un spectacle en extérieur. Je ne dis pas « spectacle de rue » car cette dénomination sous-entend que n’importe qui peut aller et venir à tout moment sur l’aire de représentation. Hors, ici, ce n’était pas le cas : quoiqu’en extérieur, le public était cantonné d’un côté de la placette. Sur l’autre partie, évoluaient les six danseuses de la compagnie Dans’Emoi. Crée en 2004 à Paris, cette structure s’est installée à Cannes un an plus tard. Elle est dirigée par Adeline RAYNAUD.
Il s’agissait pour cette troupe de chorégraphier des phrases extraites de chacune des œuvres théâtrales proposées durant ces Falicomédies. De fait, cela donnait un spectacle assez long (40 minutes) mais pas ennuyeux du tout. L’esplanade André BONNY offrait un beau décor en pierre blanche où se détachaient les danseuses habillées de noir. Il se trouvait à cet endroit un monument aux morts : c’est un symbole très fort, que l’on soit patriote convaincu ou bien anti-militariste. Aussi, il aurait fallu traiter cet élément, inclus de fait dans le spectacle, d’une façon plus précise, plus réfléchie. Malgré certaines imperfections (très visibles puisque le public se trouvait tout près), ce spectacle de danse, plutôt jazz, m’a plut, et j’ai applaudi.
Dans l’assistance se trouvait une autre chorégraphe que je connaissais, et qui, le lendemain, a voulu tempérer mon enthousiasme : mauvaise exploitation de l’éclairage naturel, délimitation de l’espace mal gérée, actes gratuits… Mais bon, c’est une (excellente) professionnelle, elle n’a pas le même œil que moi.
Adeline RAYNAUD m’a confié qu’elle pensait retravailler une partie de ce spectacle dédié à ce festival, pour en faire un autre plus autonome.
Quelques minutes après le salut des artistes, nous étions invités à rentrer dans la salle polyvalente aménagée en théâtre (pas de reproche à faire aux organisateurs, si ce n’est l’inévitable absence de pente dans les gradins).
faeec3d3823d28b8e115b55cc9cf995c.jpgNous avons assisté à la représentation de « Rencontres », de Guy FOISSY. 3 pièces courtes d’un maître de l'humour noir, écrites avec talent. Talent aussi pour les deux interprètes, Emmanuelle LORRE de la Cie Épigramme [ cliquez ICI pour (re)lire l’interview ] et Philippe LECOMTE de la Cie l’Entrée des Artistes. C’est un spectacle qui "tourne" dans notre région et vous aurez, je crois, l’occasion d’aller le voir. Il s’agit de moments dans l’histoire d’un couple : la rencontre, le constat d’échec… Certains passages sont surréalistes, presque fous.
66ecc63606a04c62d3fb4cc161f308f2.jpgOn rit tout le temps… sauf à la fin où le spectateur se laisse surprendre par un changement dans le ton de la pièce. De belles et délicates choses tout à fait inattendues.
Un quasi sans-faute (le personnage masculin accrochait parfois le texte, mais cela restait acceptable) qui m’incite à vous recommander ces « Rencontres ».


 

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Il me reste à féliciter les organisateurs de ces Falicomédies, cinquièmes du nom, ce qui est déjà un beau tour de force — mon expérience personnelle en matière d’organisation de festival me permet de le dire. Encore bravo à Françoise et à Philippe.

04/06/2007

Canon

Il n’y a pas que chez les clowns que le quatrième mur disparaît et que le comédien peut s’adresser au public : c’est également une des bases de la Commedia dell’Arte, univers que j’avais déjà évoqué lors d’un article précédent (cliquez ICI pour relire l’article).
0492912fcdfdef1676568a0d50a4dd2f.jpgJ’y parlais de Dario FO, un des grands maîtres contemporains de cet art particulier. Il est, avec sa femme Franca RAME, à la fois auteur, metteur en scène et acteur ; et le dramaturge italien le plus joué dans le monde avec Luigi PIRANDELLO.
Un de ses textes, « Récits de femmes et autres histoires » était mis en scène dans le dernier spectacle du "6ème Festival de Théâtre aux Arènes". Ce n’était déjà plus exactement de la Commedia dell’Arte (pas de masque, personnages n’appartenant pas au répertoire classique, monologue compréhensible et non pas grommelot…) et le texte était parfois remanié, adapté voire tout simplement ajouté.
Ce n'était pas trahir l’auteur car justement, l’esprit de la Commedia dell’Arte (qui, depuis qu’elle existe, n’a cessé d’évoluer) c’est aussi l’improvisation, basée sur des canevas mainte fois travaillés ou sur l’actualité de la région où se déroule le spectacle ou même sur les menus incidents qui peuvent survenir durant la représentation. Il n’y a donc pas de "canon" de la Commedia, figé dans le marbre.

Spectacle très au point, parfaitement maîtrisé d’un bout à l’autre. Aucune pause ne fut accordée au public, qui était emporté dans ce tourbillon où ont défilé une ribambelle de personnages, tous interprétés par le même comédien : Remy BOIRON, de la Cie Humaine (Cliquez ICI pour visiter leur site.)
Ce dernier a été également mime durant plusieurs années — la aussi aptitude très utile chez les clowns comme pour la Commedia dell’Arte. Et pour terminer en beauté, l’artiste nous a gratifié d’un résumé du spectacle (pratique utilisée aussi par Dario FO). Nous avons découvert alors, en raccourci et en mime, le spectacle qui venait de se dérouler l’instant d’avant. La joie de décoder tous ensemble les différentes scènes passées au rouleau compresseur, raccourcies, épurées par une gestuelle d’une efficacité prodigieuse, était jubilatoire.

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Mais, comme je l’ai dit, ce spectacle comporte aussi des éléments plus universels, se rapportant aux codes du théâtre. Ainsi, l’artiste fait osciller les spectateurs entre rire et larme (les moments drôles qui suivent les instants douloureux font alors office de soupapes, et le public rit encore plus volontiers, afin d’évacuer le trop plein de chagrin accumulé par empathie pour le personnage qui souffre sur la scène). On frôle le frisson poétique.

 

Un dernier conseil : pour ce genre de spectacle, mieux vaut ne pas se trouver au premier rang, sous peine d'y participer, bien malgré soi !

30/03/2007

« Moins 2 » : 18 sur 20

Roger DUMAS avait eu le Molière "meilleur comédien second rôle" en 2006 pour son interprétation dans cette pièce [ cliquez ICI pour (re)lire l’article ]. Mais ce soir, une affichette nous annonçait que le comédien à la voix puissante et au timbre si particulier était encore malade. C’est Jean-Louis BÉRARD qui le remplaçait. Nous espérons bien sûr que Roger DUMAS va se rétablir prochainement. J’imagine qu’un tel changement a dû profondément changer la tonalité de la pièce. En effet, même si son remplaçant est tout à fait à la hauteur, son accent et sa prosodie font davantage penser à quelqu’un comme Fernand SARDOU plutôt qu’à Roger DUMAS.

medium_Illustre-TNN-02.jpgMalgré cela, le tandem de ces deux caractères différents fonctionne parfaitement. En effet, cette pièce très bien écrite par Samuel BENCHETRIT fonctionne souvent comme un enchaînement de sketchs, presque un duo comique. Le fil rouge cependant est un sujet grave : la mort. La mort certaine et toute proche. Et l’amour aussi, l’amitié. C’est un système très efficace que d’aborder des sujets aussi sérieux en déclanchant le rire. Et ici, le rire flirte souvent avec l’humour noir ; le style de jeu habituel à Jean-Louis TRINTIGNANT est ici bien employé. Un autre système efficace est celui d’une scénographie réduite aux accessoires les plus essentiels, accessoires qui constituent presque à eux seuls le décor.

Tous les autres personnages sont joués par Alexandra LONDON et Manuel DURAND. Samuel BENCHETRIT, qui signe aussi la mise en scène, fait ici un choix qui n’est pas rare au théâtre. Il m’est déjà arrivé de jouer plusieurs rôles dans un même spectacle. Il s’agit souvent d’un clin d’œil, d’une manière de montrer que ce n’est pas tout à fait sérieux.

Le programme annonce un spectacle d’une durée de 1h40, mais ce soir là, c’était plus court. Il y avait bien 5 minutes de moins. Rires moins nombreux ? (si, si, ça agit sur la durée d’un spectacle, je peux l’affirmer), coupures volontaires ou pas dans certaines scènes ? Je pense plutôt que cela a été dû à quelque chose comme le rythme plus rapide de Jean-Louis BÉRARD par rapport à celui de Roger DUMAS.

Est-ce une déformation : au début du spectacle, je commençais déjà à me demander ce que j’allais écrire dans cet article, lorsque je fus gêné par la faible portée de la voix des comédiens. Je me disais que peut-être tout le monde s’était ajusté au volume le plus faible, afin de ne pas créer de différence perceptible. Mais tout de même, j’étais situé près de la scène, que pouvaient donc bien entendre ceux qui se trouvaient au Paradis ? (le « Paradis » désigne la galerie située tout en haut de la salle ; le tarif est moins cher et, souvent, lorsqu’on veut louer une place au dernier moment, il en reste toujours dans ces étages élevés…) Mais très vite j’oubliais ce problème, constatant que la salle toute entière riait de bon cœur à chaque occasion. Ce n’est qu’une fois dehors que je fus rejoint sur un passage clouté par un couple de personnes âgées. L’homme me dit, en attendant que le signal piéton passe au vert : « Dommage qu’on n’entendait pas trop bien, car cette pièce est vraiment bien écrite. »

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Pour terminer ce compte-rendu, je vous invite à découvrir un commentaire très différent en cliquant ICI. Je n’ai pas eu le temps de chercher où cette spectatrice avait pu voir la représentation qu’elle commente.

24/02/2007

Psychanalyse (pour tous)

On a coutume de dire qu’un bon casting, c’est 50% du travail de fait. Et pour ce spectacle, le casting était le bon. La pièce, bien écrite, est bâtie sur un sujet pertinent et original (même si son auteur nous cite Wilhelm JENSEN et Sigmund FREUD comme source d’inspiration). De quoi s’agit-il ? De la première pièce de Martine PUJOL : Une Page à Part.

Au travers des conversations informelles entre Sigmund FREUD et sa dernière patiente, la romancière et dramaturge Hilda DOOLITTLE, elle nous montre que certains aspects de la psychanalyse sont compréhensibles par tous, que l’on soit familier ou pas de cet univers. La création a eu lieu en octobre, au Théâtre de la Cité. J’ai assisté à une représentation lors de la reprise début février. Et comme ce spectacle sera certainement programmé de nouveau, il mérite que je vous en parle ici.

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Son auteur, Martine PUJOL, avait déjà fait l’objet d’un article[cliquez ICI pour (re)lire l’interview] ; à ce moment là, elle jouait encore en duo dans les spectacles de et avec Richard CAIRASCHI : les fameuses « Chaises de la Promenade », « Les 100 ans du Gym », « Arrête de Râler » ou encore « Le Festin » ; son projet était déjà presque abouti puisque je pouvais en faire l’annonce.


L’écriture… Le casting… restait la mise en scène : c’est Richard CAIRASCHI himself qui en était chargé. Je le confesse aujourd’hui, j’avais une grande appréhension. En effet, je ne connaissais de lui que son côté one-man-show. Un peu comme si Noëlle PERNAT devait signer la mise en scène d’une tragédie de CORNEILLE, vous voyez ? Quels étaient ses talents réels de metteur en scène ? Mise en scène sobre certes, mais véritable mise en scène (et scénographie !) ; ma foi, il s’en est bien tiré. Mais je reviens à ce fameux casting qui a le pouvoir de faire 50% du travail. En effet, l’ambition fréquente chez un comédien est de pouvoir tout jouer ; c’est presque un lieu commun et un désir souvent avoué. Dans la pratique, c’est plus rare et le metteur en scène préfère s’entourer d’artistes qui semblent capables à priori d’exceller dans un genre précis. Le plus facile pour celui-ci étant de faire appel à ceux qui ont déjà travaillé avec lui ou bien ceux dont il a pu admirer le talent sur un autre spectacle. Numa SADOUL est bien connu au Théâtre de la Cité. Il incarne ici un Sigmund FREUD plus vrai que nature. Eh oui plus vrai, car de l’original, on ne connaît que l’aspect sérieux, clinique. Le comédien l’enrichit d'une chaleur humaine, tout en gardant cette image que l’on se fait du fondateur de la psychanalyse.

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De ce bel ensemble, il m’a semblé toutefois qu’on pouvait améliorer encore deux points :

Lorsqu’il y a plus de deux personnages sur scène, les comédiens sont souvent mal disposés dans l’espace, donnant un tableau un peu brouillon (ceci dit, la plupart des scènes comportent deux personnages) ;

Enfin, les passages où Sigmund FREUD explique à Hilda DOOLITTLE certains mécanismes de l’analyse sont, justement, trop explicatifs. Le spectateur prendrait plus de plaisir à faire le lien avant qu’on ne le lui dévoile complètement.


La note d’intention de Martine PUJOL n'est plus disponible. J'aurais dû penser à l'enregistrer car la genèse de la pièce y était clairement expliquée, ainsi que le sujet.

15/02/2007

Un peu trop

Je suis allé voir « On ne Badine pas avec l’Amour », d’Alfred de MUSSET, au Théâtre Francis GAG. C’est un spectacle présenté par le TNN, mais réalisé par le Théâtre des Grands Chemins

Il est toujours difficile de reprendre une œuvre classique qui a déjà été jouée un grand nombre de fois et étudiée dans beaucoup de lycées. Il faut avoir un parti pris qui puisse justifier que l’on ai la prétention de monter un tel spectacle. Imposer sa vision d’une œuvre qui fait partie du patrimoine culturel commun.

Régis BRAUN, le metteur en scène, a semble-t-il choisi de faire de Camille et surtout de Perdican, des personnages assez actuels (et donc ressentis comme plus proches de chacun de nous). Cette impression est moins due aux costumes contemporains qu’à la façon qu’on les comédiens de dire le texte. A leur attitude aussi, un brin "humour et auto-dérision" ; ainsi qu’une certaine chorégraphie incluse dans quelques scènes. Cette façon de faire leur permet effectivement de trouver une nouvelle manière de dire le texte, mais aussi de jouer les situations. Un peu trop nouvelle d’ailleurs, c’est le revers de la médaille : nos deux personnages principaux semblent avoir trop de recul par rapport à leur situation, alors que la trame de cette pièce, c’est précisément l’histoire de jeunes gens complètements dépassés par leurs sentiments. La conséquence étant, je crois, que certains passages forts de la pièce ont perdu en intensité dramatique. L’ensemble est bon pourtant. Si une personne de votre entourage découvre MUSSET et trouve sont style trop précieux, qu’il aille donc voir ce spectacle, les comédiens ont une façon efficace de faire passer des dialogues au style très littéraires pour une conversation « badine » et presque ordinaire. On ne s’ennuis pas un seul instant pendant les 1 heure et 15 minutes que dure ce spectacle sans lourdeur ni temps mort.

Mise à part Rosette, la sœur de lait de Camille, les autres personnages sont des caricatures, des pantins au service du drame central. Régis BRAUN a choisi de ne pas les montrer sur la scène. De simples voix off énoncent le texte, accentuant encore leur côté fantoche. Mais cela nous prive, en revanche, du plaisir de voir évoluer sur scène des personnages plutôt drôles. Il est vrai qu’à l’origine, ils servaient également à "aérer" la pièce, au drame si pesant. Avec cette mise en scène plus légère, c’était moins utile.

Je terminerai en rappelant que j’avais déjà parlé de MUSSET au sujet d’une autre de ses grandes œuvres : « les Caprices de Marianne », pour relire les articles, cliquez ICI et LA.

« On ne Badine pas avec l’Amour » , c’est au théâtre Francis GAG

4, rue Saint-Joseph - Vieux-Nice

jusqu’au samedi 17 février à 20h30 et le dimanche 18 février à 15h00

réservations :

TNN–04 93 13 90 90 / Grands Chemins–06 22 75 61 59

C’est une des répliques les plus connues de cette pièce : (fin de la scène 5 - ACTE II) « Adieu, Camille, retourne à ton couvent, et lorsqu'on te fera de ces récits hideux qui t'ont empoisonnée, réponds ce que je vais te dire : Tous les hommes sont menteurs, inconstants, faux, bavards, hypocrites, orgueilleux et lâches, méprisables et sensuels ; toutes les femmes sont perfides, artificieuses, vaniteuses curieuses et dépravées ; le monde n'est qu'un égout sans fond où les phoques les plus informes rampent et se tordent sur des montagnes de fange ; mais il y a au monde une chose sainte et sublime, c'est l'union de deux de ces êtres si imparfaits et si affreux. On est souvent trompé en amour, souvent blessé et souvent malheureux ; mais on aime, et quand on est sur le bord de sa tombe, on se retourne pour regarder en arrière ; et on se dit : J'ai souffert souvent, je me suis trompé quelquefois, mais j'ai aimé. C'est moi qui ai vécu, et non pas un être factice créé par mon orgueil et mon ennui. »

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Portrait de George SAND. Certains pensent qu'elle inspira, voire qu'elle écrivit plusieurs des répliques des oeuvres de MUSSET.