06/12/2006
Verdict
C’était la dernière représentation de « 12 Hommes en Colère » au Théâtre de la Cité ce dimanche 03 décembre dernier. J’ai malgré tout souhaité en parler ici, au cas où MEYER COHEN, directeur de ce théâtre, souhaiterait la remonter.
Beaucoup connaissent ce huis-clos où 12 personnes ont été choisies pour décider de la culpabilité ou de l’innocence d’un jeune homme accusé d’avoir assassiné son père. Le texte de la pièce reste encore étonnamment contemporain, surtout par le contenu des propos échangés. (souvent, certaines pièces de théâtre étonnent par leur faculté à rester contemporaines, alors même que leur auteur est décédé, parfois depuis longtemps)
Reginald ROSE avait écrit cette pièce en 1953 après avoir été lui-même désigné comme juré. En 1957, il en fit un scénario pour un film que réalisa Sydney LUMET. L'œuvre obtint plusieurs récompenses et fut nominée plusieurs fois aux Oscars l’année suivante. J’allais dire que le rôle principal avait été confié à Henry FONDA, mais je me demande s’il y a réellement, parmi ces douze personnages, un rôle plus principal que les autres.
En effet, même si le "juré N°8" est celui qui introduit le doute puis fait basculer le verdict, chacun des personnages en est un, justement, de "personnage". Un vrai. Même si cela ne se voit pas au départ. Car c'est l'un des défis posés au metteur en scène qui s'attaque à ce texte : les douze personnes restent présentes sur la scène du début à la fin (presque). Tout ce monde doit rester lisible, efficace ; et chaque personnage doit garder son identité.
Ainsi, au début de la représentation, j'ai craint un instant que la pièce allait sombrer dans le fouillis et l'à-peu-près. Mais non, au contraire, on a pu éprouver le plaisir de découvrir peu à peu chacun des protagonistes. MEYER-COHEN, qui signe également la mise en scène, a eu la bonne idée de ne pas clouer les comédiens sur des chaises autour d'une table, mais les a mis en espace dans un décor stylisé.
Une seule chose m'a un peu gêné au départ : les comédiens parlaient trop vite dans l'ensemble, et certains étaient même "en dessous", c'est à dire qu'ils n'étaient pas suffisamment audibles. Or, comme je viens de l'exposer, le spectateur doit assimiler douze personnages à la fois, et a besoin de saisir tout ce qui se passe sur la scène. Et aussi à côté, car la pièce se termine comme elle a commencé : les comédiens arrivent par la salle, passent au milieu du public et vont se poster devant la scène.
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19/10/2006
Pari réussi
Ambiance très « djeun’s » hier soir : plusieurs lycées avaient, sans se concerter, proposé aux élèves des classes de Première d’aller voir « la Cantatrice Chauve », d’Eugène IONESCO. Ces jeunes gens représentaient presque la moitié des 500 spectateurs présents ce mardi, influençant beaucoup l’atmosphère de la salle.
Atmosphère plutôt bonne, je dirai même réceptive, et ce dès les premières minutes du spectacle. Car je dois reconnaître, malgré mes réticences déjà énoncées ici au sujet de Daniel BENOIN, que j’ai beaucoup aimé sa mise en scène, et son parti pris. En effet, l’actuel directeur du TNN l’annonçait clairement dans le programme : « la langue développée et les situations exposées par IONESCO sont devenues un modèle pour notre monde contemporain où pseudo-langages, faux-sujets, oppositions factices et ennui profond sont les marques du fonctionnement de ceux qui ont le pouvoir aujourd’hui [ … ] Je crois que cette nouvelle version devrait "coller" à 2006 [ … ] sans que le texte ne crée la moindre gêne, la moindre dispersion, la moindre contrainte. Cette grâce n’est-elle pas la vertu des grands textes classiques ? »
Pari ambitieux, mais pari tenu. De fait, le plaisir est encore plus fort lorsqu’on a déjà lu la pièce car on se demande bien comment Daniel BENOIN va s’y prendre pour faire « coller » le texte à notre quotidien de 2006. C’est un mécanisme que j’ai déjà évoqué ici : rendre le public complice, un peu, en soulevant une partie seulement du rideau. En lui faisant croire qu’il a déjà tout compris, alors que ce n’est qu’à la fin que le spectateur comprend réellement. Un challenge pour le metteur en scène. Donner du rythme à une partition qui n’a pas de mesure. Trouver, réplique après réplique, une situation qui rende le dialogue crédible pour une comédie de boulevard. Demander aux comédiens de jouer comme pour ce genre théâtral, mais avec un rien de décalage. Il y a donc de la parodie dans cette mise en scène, et la parodie est un art difficile, car on s’égare facilement vers les fausses bonnes idées. Grossièreté du trait, lieux communs, injustice de la caricature, rire facile. Ce ne fut pas le cas ici, et le portrait de notre société de non-communication était bien brossé.
Il n’y avait pourtant rien de révolutionnaire dans la mise en scène ou la scénographie – très soignée. Car enfin, même si chaque situation prêtait à rire, même si les trouvailles étaient bonnes, même si les personnages étaient bien dessinés, chacun des moments du spectacle n’étaient pas tellement nouveaux (il y en a même un qui m’a fait penser à un sketch des « Inconnus »). Oui, le véritable coup de massue, c’est de montrer l’adéquation de ce texte avec nos problèmes actuels.
Je dirais même qu’il y a là un phénomène de détournement. Loin de moi l’idée de vouloir montrer qu’ici l’œuvre d’Eugène IONESCO a été trahie, au contraire. Et généralement, lorsqu’un auteur dramatique confie (j’allais dire « abandonne ») sa pièce à un metteur en scène, il accorde à celui-ci la faculté d’en faire ce qu’il lui plaira. Il sait parfaitement que son travail d’auteur est terminé, et que commence celui de la mise en espace, de la mise en voix, de la mise en jeu… Ainsi, ce qu’on appelle dans le milieu du cinéma un « détournement » existe en réalité depuis fort longtemps. Molière lui-même détournait certains passages de ses confrères italiens ou français pour les intégrer dans ses propres œuvres, créant à son tours des pièces excellentes. (Et, au sujet du cinéma, vous pourrez venir en savourer quelques exemples lors des 8èmes Rencontres Cinéma et Vidéo, du 6 au 11 novembre au théâtre Trimage, à nice. Pour plus d’informations, cliquez ICI. Fin de la parenthèse)
On pourrait reprocher qu’une fois de plus, la grande machinerie théâtrale d’une structure comme le TNN ai pris le pas sur le jeu des comédiens. C’est faux, et je prétends que cette mise en scène pourrait facilement être transposée dans un petit théâtre d’une cinquantaine de place. C’est vrai qu’ici Daniel BENOIN en profite pour nous amuser et nous ravir avec cet appartement « high-tech » où les écrans géants et l’éclairage sont pilotés par une kyrielle de télécommandes. Mais ce n’est pas là l’essentiel du spectacle, et ce qui permet à ce texte insolite et absurde, écrit en 1950, de servir une critique de notre époque, c’est bien le jeu des comédiens.
Comédiens qui étaient très à l’aise dans ce genre d’exercice – à l’exception de Fanny Cottençon, qui m’a semblé être légèrement en dessous des autres, au point de vu de la voix notamment, et de l’énergie en général.
Comme je l’ai annoncé au début, beaucoup d’étudiants des classes de Première assistaient à cette représentation. Je n’ai pas résisté à l’envie de leur poser quelques questions et ils ont eu la gentillesse d’y répondre. Vous en aurez un compte-rendu très bientôt.
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05/10/2006
Bienvenu à bord
Lorsqu’il s’approche de ce chapiteau, image presque incongrue sur un terrain de tennis, le spectateur a l’impression qu’il vient saluer ses amis les saltimbanques. Cela semble être une vieille image d’Épinal que de rêver aux baladins et autres troubadours. Mais je crois que, lorsque nous nous trouvons dans l’enceinte d’un théâtre, quel qu’il soit, nous ne pouvons nous empêcher d’y songer. Or ce chapiteau est un symbole fort du voyage. Il est le lieu temporaire dans lequel va se dérouler une œuvre éphémère. L’immersion devient totale.
Les artistes semblent nous dire : « montez donc à bord, partez avec nous en voyage ! ». Et d’ailleurs, est-ce là un signe, la compagnie s’appelle : « le Navire », et le chapiteau fut baptisé « la Nef ». Nous sommes alors projetés dans le monde d’autrefois, celui de la « Belle-Époque », celle d’avant le premier conflit mondial.
C’est à cette période que fut créé le style appelé Grand-guignol. J’espère que la connotation péjorative associée à ce terme sera enfin effacée. Même si les acteurs doivent jouer de façon exagérée, avec des gestes outrés, même si tout ressemble à une caricature, on rentre volontiers dans le jeu, et on finit par croire à l’histoire qui se déroule sous nos yeux. Parce que lorsque les comédiens croient à ce qu’ils font, alors le public ne peut que les suivre. Et le public présent ce soir là a apprécié l’instant passé dans cette maison de toile.
L’association « la Semeuse » accueille, depuis quatre ans, des spectacles programmés par le TNN. « Les Invisibles » présenté cette semaine est bien le point d’orgue de ces quatre années de collaboration.
Frédéric REY, qui s’occupe de la partie culturelle de cette structure, me confiait que le semi-remorque transportant tout le matériel ne pouvait accéder à la rue des Serruriers, au pied du château, dans le Vieux-Nice. Le déchargement a été long et pénible. Chacun a dû mettre la main à la pâte et aider les « roadies » à tout transporter le long des ruelles jusqu’au terrain de tennis de la Semeuse (dont le mât principal, très lourd et très encombrant…). Mais j’ai bien senti que tous les participants à cette aventure étaient ravis et fiers du résultat.
Je profite de cette anecdote pour rappeler, une fois de plus, qu’une bonne performance implique un travail de préparation sérieux et important – et ce, quels que soient les talents des artistes.
L’équipage du Navire a bien travaillé : ce spectacle qui n’a été joué que 5 ou 6 fois semble pourtant déjà rodé. Aucune erreur perceptible, tout est parfaitement ficelé. Je ne critiquerais qu’une seule idée du metteur en scène, Claude BOUÉ : celle d’imposer un flot de parole rapide dite par un personnage monolithique dans les premières minutes du spectacle (la comédienne, Irène CHAUVE, nous prouvant par la suite qu’elle est pourtant capable de faire beaucoup mieux).
Il y a en réalité trois pièces représentées :
La première, « la Dormeuse », a été écrite par André De LORDE en 1901. Elle explore l'atmosphère oppressante d’un huis clos à la fois plausible et pourtant hallucinant.
La deuxième, « Hermance a de la Vertu », a été co-écrite par André De LORDE et Claude ROLAND en 1901 également. C’est une vraie comédie avec femme, mari et amant, et où le rôle du cocu n’est pas attribué à celui qu’on croyait.
Enfin, « les Invisibles », co-écrit en 1911 par André De LORDE et Alfred BINET, nous plonge dans l’univers de la folie, au sens propre comme au sens figuré. (Alfred BINET est d’ailleurs un des pères de la Psychologie expérimentale, nous explique le programme.)
Je ne peux que souhaiter longue vie à « la Nef ». Les représentations ont lieu à 20h30, jusqu’au samedi 07 octobre.
TARIF - abonné : 11 €uros - non abonné : 20 €uros
Renseignements et réservations au 04 93 13 90 90
L'une des interprètes, Marie-Noëlle VIVIANI, a eu la gentillesse de bien vouloir répondre à quelques questions :
L U C : Lorsqu’on t’a proposé de jouer un rôle masculin, as-tu hésité avant d’accepter ?
Marie-noëlle : Ça m’a fait un peu peur de jouer le rôle d’un homme, mais en même temps il y avait le rôle d’une femme aussi, puisqu’il y a la « vieille » derrière. Oui, j’ai pris le pari, oui. J’avais déjà joué le rôle d’un homme, il y a quelques années en arrière avec la Saeta. J’avais joué le rôle du guide Coryphée.
Comment as-tu abordé cela ?
Ce n’était pas facile, hein. On a travaillé avec Claude, plein de détails, la démarche…
Un travail corporel ?
Oui, oui, parce que ce n’est pas évident.
Est-ce que cela faisait longtemps que tu voulais devenir Intermittente, ou bien est-ce que les événements ont précipité les choses ?
Ce sont les événements qui ont précipité les choses. Disons que je voulais l’être, mais je me suis rendu compte qu’en ne restant qu’avec une compagnie, c’était trop difficile. Alors en m’ouvrant sur d’autres spectacles, d’autres compagnies, effectivement, c’était possible…
Comment es-tu arrivé ici ?
Je ne connaissais pas cette compagnie. Claude BOUÉ, je le connaissais un petit peu mais sans plus : je l’avais rencontré pour le « Conte », parce qu’à un moment donné je faisais des contes moi aussi. Et puis il m’a téléphoné, et il m’a dit qu’il cherchait pour ces deux personnages. Donc j’y suis allé : en fait j’étais en lice avec quelqu’un et puis voilà, il a pris ce pari.
C’est lui qui t’a contacté ?
Je le connaissais à peine, il m’avait vu dans « Famille Ordinaire » et puis voilà.
Maintenant que tu t’es lancée, que prévois-tu de faire, à quoi penses-tu ?
J’espère qu’il y en aura d’autres, quoi.
Mais essaies-tu de prendre le taureau par les cornes ?
Pour l’instant non parce que je suis là dedans, tu vois. Mais dès que ce sera terminé oui.
Le statut d’Intermittent est difficile à conserver : est-ce que tu souhaites rester purement comédienne, ou bien vas-tu essayer d’autres activités, metteur en scène par exemple.
Non, non, pas du tout ; je veux vraiment être comédienne ; c’est tout, c’est déjà bien, c’est déjà pas mal. La mise en scène, c’est un vrai métier. Je ne me sens pas du tout prête à faire de la mise en scène.
Même si tu sais que c’est difficile de conserver son statut ?
Je sais, je sais, j’ai eu beaucoup de chance cette année… Bien sûr, dès que c’est finit, il faut déjà se préparer à autre chose…
Après le Théâtre de l’Alphabet, quelle autre formation t’es-tu donnée ?
Je suis allé à Paris, j’ai suivi des stages de comédienne, avec des gens différents, chez Niels Arestrup… Et puis après j’ai fait partie de la Saeta, et puis voilà…
Et puis tu as joué, tu as joué, tu as joué…
Oui…
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06/06/2006
Marius : coup de chaud dans le froid
Dans son dernier commentaire, notre cher Claudiogene nous fait un excellent résumé du spectacle de samedi soir : un Marius chaleureux dans une arène glacée par le vent.
En effet, malgré les températures anormalement basses pour ce début de juin, le public a voulu assister jusqu’à la fin à cette représentation donnée par la compagnie Jean Franval. (A l’exception de quelques distraits qui ont quitté la place faute de vêtement chaud.)
Comme je l’ai déjà dit ici, je redoutais le piège d’une mise en scène axée uniquement sur les « pagnolades » et autres clichés qui sentent bon la Provence et le déodorant à la lavande. Rien de tout ça heureusement, et nous avons eu droit à une version bien comprise de cette œuvre de Pagnol : on y rit souvent, mais on n’oublie jamais qu’il s’agit d’un drame triste à pleurer.
Ceux qui, comme moi, avaient vu le film un grand nombre de fois, ont compris que le texte n’est pas le même que celui de la pièce. De même que le découpage et l’articulation des scènes, car les exigences cinématographiques ne sont pas forcément les mêmes que celle du théâtre. D’où cette première impression que ce n’est pas du Pagnol que l’on nous sert. Mais très vite, les scènes les plus connues et leur cortège de répliques célèbres corrigent ce sentiment.
Nathalie Comtat campe une Fanny plutôt contemporaine, et c’est très bien ainsi car elle m’a semblé plus crédible (en tout cas d’avantage qu’ORANE DEMAZIS, qui est d’après moi la seule à mal jouer dans le film original) et attachante malgré un timbre de voix et une prosodie agréables mais assez particuliers. Le personnage de Panisse est parfaitement interprété. Celui de Marius a mis plus de temps à me convaincre, mais il y est parvenu, notamment dans la fameuse scène où il révèle à Fanny le secret de sa passion pour les mondes lointains. Enfin, JEAN FRANVAL nous offre ici un César toujours coléreux mais avec plus de finesse, de subtilité. Les autres personnages m’ont paru en revanche moins précis, manquant un peu d’épaisseur.
Fort heureusement, personne n’a voulu imiter l’un des illustres prédécesseurs. Et si le costume que portait M. Brun ressemble bien à celui porté à l’origine par ROBERT VATIER, chaque comédien a réellement construit son propre personnage. Le Marius de ce samedi soir, présenté dans le cadre du Festival Théâtre aux Arènes, était bien un spectacle différent, et non la énième copie conforme forcément moins bien que l’original.
JEAN FRANVAL a eu la gentillesse de m’accorder une interview, une demi-heure avant de monter sur scène. Je vais la mettre en ligne ici très prochainement. (Et oui, l’Illustre Théâtre aussi est capable de vous proposer ses exclusivités !)
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02/06/2006
Quel festival !
Lundi, dans le dernier article, je vous ai parlé du Festival Théâtre aux Arènes, au sujet de la pièce Marius, programmée samedi 03 juin. Ceux qui, parmi vous, auront eu la curiosité de cliquer sur le lien que j’y ai mis auront pris connaissance du programme complet, étalé sur quatre jours.
Ce festival commençait ce soir, avec un spectacle à 20h00 : les Copropriétaires, suivi à 21h30 des Bonimenteurs.
Le premier est un vaudeville sans grande originalité mais qui fonctionne pas trop mal. Il semble que les comédiens n’ont pas eu le temps de prendre leurs marques sur cette scène, montée pour l’occasion dans les Arènes de Cimiez. Mais les petits incidents ont été rares. Les amateurs de comédies dans le genre « Au Théâtre ce Soir » (l’émission télé des seventies !) auront sans doute apprécié. Les copropriétaires aussi. Car c’est là un des mécanismes du rire : mettre en scène des personnages et un univers où chaque spectateur peut reconnaître des situations de la vie réelle.
Le deuxième spectacle est réellement fabuleux. Il s’agit d’une performance accomplie par deux comédiens, et axée sur l’improvisation. Le principe n’est pas nouveau, mais il fait mouche à chaque fois, à condition que les artistes soient à la hauteur. Et ce soir là, ils étaient en grande forme. Le fonctionnement est simple. Avant de rejoindre sa place, chaque spectateur est invité à écrire un thème sur un bout de papier, qui sera plié et déposé dans une urne. Ensuite, le spectacle va se dérouler en une série de sketchs, dont les thèmes seront piochés au hasard parmi ceux proposés. Il y a bien sûr un fil rouge qui permet de relier tout cela. Enfin, pour surprendre encore d’avantage le public, la difficulté augmente à chaque étape. Un exemple : cinq thèmes à la fois, toujours dictés par le public, sont inscrits sur un tableau ; l’un des deux comédiens descend parmi les spectateurs chercher une volontaire (de force !) et la fait monter sur la scène. Il lui demande de décider quand et dans quel ordre les thèmes devront être traités. Elle dispose pour cela d’un gros klaxon, qui immobilise instantanément les comédiens lorsqu’elle le fait fonctionner. Ils redémarrent ensuite dans la même position, et doivent enchaîner ainsi les cinq situations dans une seule et même histoire. Tout le spectacle se passe à cent à l’heure, et les deux artistes semblent avoir avalé de la nitroglycérine. Rire assuré bien sûr, mais aussi poésie bien présente, on s'y laisse prendre. Le moteur de tout cela, c’est que le public est COMPLICE : il sait que ce qu’il va voir est une improvisation, et la perfection de chaque saynète ne fait que le renforcer dans l’idée qu’il s’agit d’un tour de force extraordinaire.
Bien sûr, l’on vous dira qu’il y a des techniques bien établies pour réaliser de telles performances improvisées. Qu’ils ont des canevas tout prêt qu’ils leur « suffit » ( ! ) d’accommoder. Qu’à force de s’entraîner ensembles, c’est normal qu’ils arrivent à faire tout ça. Que ceux qui improvisent sont ceux qui ne savent pas dire un texte… Bien sûr qu’il y a des techniques, bien sûr qu’ils ont beaucoup travaillé ensemble, et comme partout ailleurs ! Que l’on joue Phèdre à la Comédie Française ou une création expérimentale dans une rue piétonne, le comédien, quel qu’il soit, doit se PRÉPARER. Et nos compères étaient prêts. Je ne puis que saluer le résultat de leur travail et de leur talent conjugués.
Ils seront à Avignon du 06 au 30 juillet. J’espère avoir bientôt la suite de leur tournée, afin de pouvoir recommander sans réserve ce spectacle au plus grand nombre. L’improvisation elle aussi est un des multiples aspects du théâtre.
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16/05/2006
« ICH BIN DON QUICHOTTE »
Si le titre n’a pas changé, ce spectacle de la Cie Antipodes a été retravaillé en profondeur.
Crée lors des 7èmes Rencontres Cinéma & Vidéo de Nice organisées par l’association REGARD-Indépendant, il s’agissait alors d’une performance purement expérimentale. Mais samedi soir, c’est bien un spectacle abouti qui a été proposé au public de l’Entre-Pont. (Voir note du vendredi 12, ci-dessous) Un public composé en partie d’autres professionnels du spectacle, dans le cadre des rencontres professionnelles Danse et Compagnies.
Pour REGARD-Indépendant, c’est un motif de satisfaction de voir que l’essai marqué 7 mois plus tôt a bien été transformé.
Les danseurs et comédiens évoluent sur une musique jouée en direct, dans un décor composé essentiellement d’images projetées non pas sur un simple écran mais sur plusieurs supports différents. Ces images en mouvement sont réalisées par un caméraman qui capte les danseurs évoluant sur la scène. Un autre opérateur retouche le film avant de le projeter, en temps réel. Musiciens, caméraman et même la régie, tout ce monde fait partie de la mise en scène et reste visible par le public.
L’infinie richesse d’expression que procure cette mixité reste encore à explorer. L’effet de mode qui pousse actuellement la création dans ce sens n’altérera pas, je crois, la vraie valeur de tels spectacles conçus avant tout, non comme une performance technique, mais bien comme une œuvre d’art.
Et Don Quichotte dans tout ça ? En voyant le spectacle, il m’a semblé qu’on avait surtout retenu sa folie obsessionnelle, son univers presque onirique, irréel. (La première mouture avait d’avantage exploité une chorégraphie basée sur des mouvements d’escrime.) Je termine cet article en annonçant que j’espère accueillir prochainement Lisie Philip, de la Cie Antipodes, qui viendra ici répondre à quelques questions.
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05/05/2006
Une mise en scène... capricieuse
Chose promise... Je suis allé voir les Caprices de Marianne au TNN, dans la grande salle (Pierre Brasseur).
Je pensais que ce compte rendu serait la suite logique du premier article écrit avant-hier, ce n’est pas le cas. En effet, je prétendais qu’une représentation offre une meilleure explication de texte que n’importe quelle bonne préface. Je dois revoir ma copie. Car chaque metteur en scène est libre d’apporter l’éclairage qu’il juge bon. Et parfois sa vision d’une pièce s’écarte largement de celle qui est exposée dans les introductions et autres manuels. C’est le trop fameux « dépoussiérage » d’une œuvre. (terme qu’il faudrait peut-être lui-même dépoussiérer, lors d’un prochain article de fond) En ce qui concerne les Caprices, le point de vue du metteur en scène me paraît trop éloigné de l’œuvre de Musset.
Attention, je n’ai pas dit que le spectacle était mauvais, bien au contraire. Deux amies qui étaient à cette représentation en on fait une critique trop sévère à mon sens. Leur principale déception étant d’après elles le manque d’engagement des comédiens. Je répondrai que cela découlait du choix d’un jeu technique plus que psychologique. Nous étions dans la plus grande des deux salles : une narine qui frémit, une pupille qui se dilate, un regard qui se fige ou une joue qui rosit à peine, cela est très beau, mais parfaitement invisible au-delà du troisième rang. On va me dire que j’exagère, que l’on peut ÊTRE et VIVRE un personnage et le montrer même à des spectateurs éloignés. C’est vrai, puisque je l’ai déjà vu. Mais c’est très périlleux. Le comédien doit être chaque soir à son plus haut niveau d’excellence s’il ne veut pas que les spectateurs du dernier rang s’endorment. Si j’avais la chance de jouer un des rôles, moi aussi je préfèrerai le système de Stanislavski, vivre de l’intérieur le personnage. Mais c’était aussi bien comme ça, le défaut est ailleurs.
Car voici ma critique : les personnages principaux étaient trop éloignés de ceux inventés par l’auteur. L’opposition bohème et libertin contre timide et romanesque ne fonctionnant pas, une des raisons d’être du drame n’existait plus. Un Octave trop bonhomme et un Cœlio trop péchu ont déséquilibré la pièce. Et la dualité presque maladive de Musset n’était plus lisible en eux. Est-ce à cause de la transposition du Naples du XVIème siècle à l’époque contemporaine ? Ou bien à cause de cette technique parfois trop apparente ? (notamment en ce qui concerne la prosodie des personnages principaux : ils semblaient parler souvent sur un rythme invariable, avec une diction trop appuyée, même pour un classique, par exemple sur les consonnes finales, donnant à certains moment l’illusion que les personnages venaient de Toulouse). A décharge, il faut dire que j’étais au deuxième rang. Dans une grande salle, on devrait toujours tenir les premiers fauteuils à au moins dix mètres de la scène. Autrement, on entend à 1 mètre des voix qui portent à 50.
Il faut se rappeler que cette pièce est un « classique », c'est-à-dire qu’un grand nombre de spectateur l’a au moins déjà lue, si ce n’est déjà vue, voire déjà jouée. (Un tiers de scolaires embarqués là par un professeur dynamique, un autre tiers rassemblant comédiens et autres artistes, un tiers de férus de littérature et un dernier tiers composé de la famille et des amis et… ça fait 4 tiers) Aussi, il y a un piège tentant de vouloir dépoussiérer un peu trop dans le seul but de surprendre un public qui se croyait averti. Le metteur en scène s’y est peut-être laissé prendre parfois. Parfois non.
Comme je l’ai déjà souligné, Alfred de Musset a écrit cette pièce uniquement pour un public de lecteur et non pour la faire représenter. Ceci expliquant peut-être cela, il n’y a pratiquement aucune didascalie dans ses œuvres dramatiques (ces textes souvent écrits entre parenthèses ou bien en italique, et qui donnent des indications de mise en scène de l’auteur lui-même) Cela donne une grande liberté au metteur en scène – une trop grande liberté s’il n’est pas inspiré, mais j’ai apprécié la façon dont Jean-Louis Benoit s’est servi du moindre indice à sa disposition pour construire sa mise en scène. Moins la façon dont il a dirigé ses comédiens.
Avant de conclure, j’ajouterai qu’Alfred de Musset avait du talent, en plus du génie. J’en veux pour preuve toutes ces répliques qui ont fait mouche alors même que ni la mise en scène ni le comédien n’en étaient responsables.
En bref :
J’ai beaucoup aimé : la mise en scène efficace, exploitant bien les ressources du texte comme du lieu.
J’ai apprécié aussi : les moyens dont peut disposer un spectacle dans une structure comme celle du TNN.
J’ai regretté : la fausse bonne idée qui consiste à transposer dans notre époque un drame se déroulant aux siècles passés ; signifiant peut-être que les personnages d’hier sont aussi ceux d’aujourd’hui.
Je n’ai pas aimé du tout : un Octave et un Cœlio pas assez opposés, pas assez unis.
Pièce d'Alfred de Musset, représentée les 03, 04 et 05 mai 2006 au TNN, salle Pierre Brasseur.
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