15/05/2008
Y a pas d’Mai
Festins des Cougourdons, Festival du Jazz… Les jardins de Cimiez servent de lieu à beaucoup de manifestations. Celle de la Fête des Mai est-elle "typiquement" Niçoise ? Pourtant, l’origine en est éloignée, dans le temps comme dans l’espace :
à l’époque où on honorait Cybèle, la Déesse de la Terre, on allait abattre un pin qui représentait le Dieu Attis, endormi pendant les longues nuits d’hiver et réveillé par la Déesse au printemps, pour fêter le renouveau de la nature. Cybèle était honorée dans l'ensemble du monde antique. Elle est connue en Grèce dès le Ve siècle avant JC.
La légende phrygienne rapporte que Cybèle enfant fut abandonnée sur une montagne et élevée par des lions ou des léopards. Elle créa des danses et ses serviteurs, les Corybantes, célébrèrent ses rites. Disposant du don de guérison universel, Cybèle protégeait les enfants et les animaux sauvages. La déesse tombera amoureuse d'Attis qui finira par la tromper. Cybèle le rendra fou au point qu'Attis s'émasculera.
Mais ce n’est qu’une des variantes et traditions visant à expliquer notamment que les prêtres de Cybèle, les Galles, sont des eunuques. (Ils pratiquaient des rituels d'autocastration, parfois avec de simples pierres tranchantes !) Une autre affirme qu’Attis sera transformé en pin et que cet arbre lui sera consacré. Attis n'apparaît que rarement en Grèce, davantage à Rome sous l'empereur Claude et constitua l'un des plus importants cultes à mystères de l'Empire Romain. Cybèle sera identifiée par les Grecs à Rhéa, l'épouse de Cronos. On la nomme aussi Ops, Vesta, Tellus, la Bonne Déesse…
Toutes ces légendes, ces fêtes ont ensuite évolué différemment au long des siècles et selon les pays. Dans certaines parties d’Europe, le retour du printemps est encore célébré par un pin dressé sur une place. Avec la fête des Mai, le pin a été remplacé par un mât. Autrefois garnis de victuailles ou de friandises, destinés selon l’époque aux pauvres ou aux enfants, ce mât est aujourd’hui garni de fleurs. C’est donc une fête universelle accommodée à la sauce locale.
Mais le but de ce propos n’est pas de faire un cours magistral sur l’histoire des coutumes locale, j’en serai fort peu capable. Je me demandais plutôt, en voyant ces jeunes gens costumé faire la farandole autour du mât, si cela aussi était du Spectacle Vivant. On va dire que je m’ennuie au point de poser des questions là où il n’y a pas lieu d’en poser, et pourtant.
Bien sûr, ces filles et ces gars ont donné de leur temps et de leur énergie, bien sûr qu’ils l’ont fait par plaisir ; certains ont sûrement dû travailler beaucoup pour obtenir des costumes convenables, des danses entraînantes ; bref, une fête des Mai réussie. Et pourtant. Je préfère qualifier cette manifestation de « Patrimoine Vivant ». En effet, même si les protagonistes sont bel et bien vivants, il me semble qu’il ne peut pas y avoir vraiment d’acte de création. Car enfin, dans cette paire de mots « Spectacle Vivant », il me semble que Vivant désigne autant les artistes que leurs œuvres. Or, la fête des Mai offre des Spectacles qui abritent une tradition culturelle. On fait la fête aujourd’hui avec le patrimoine d’hier. Ce n’est ni meilleur ni pire, c’est différent.
Et lorsqu’il arrive de faire appel à une compagnie professionnelle pour animer ce genre de manifestation, on donne bien un cachet à des Intermittents du Spectacles, mais ce label regroupe un ensemble de métiers très différents, et n’est donc pas le gage que l’on a affaire à du Spectacle Vivant.
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04/06/2007
Canon
Il n’y a pas que chez les clowns que le quatrième mur disparaît et que le comédien peut s’adresser au public : c’est également une des bases de la Commedia dell’Arte, univers que j’avais déjà évoqué lors d’un article précédent (cliquez ICI pour relire l’article).
J’y parlais de Dario FO, un des grands maîtres contemporains de cet art particulier. Il est, avec sa femme Franca RAME, à la fois auteur, metteur en scène et acteur ; et le dramaturge italien le plus joué dans le monde avec Luigi PIRANDELLO.
Un de ses textes, « Récits de femmes et autres histoires » était mis en scène dans le dernier spectacle du "6ème Festival de Théâtre aux Arènes". Ce n’était déjà plus exactement de la Commedia dell’Arte (pas de masque, personnages n’appartenant pas au répertoire classique, monologue compréhensible et non pas grommelot…) et le texte était parfois remanié, adapté voire tout simplement ajouté.
Ce n'était pas trahir l’auteur car justement, l’esprit de la Commedia dell’Arte (qui, depuis qu’elle existe, n’a cessé d’évoluer) c’est aussi l’improvisation, basée sur des canevas mainte fois travaillés ou sur l’actualité de la région où se déroule le spectacle ou même sur les menus incidents qui peuvent survenir durant la représentation. Il n’y a donc pas de "canon" de la Commedia, figé dans le marbre.
Spectacle très au point, parfaitement maîtrisé d’un bout à l’autre. Aucune pause ne fut accordée au public, qui était emporté dans ce tourbillon où ont défilé une ribambelle de personnages, tous interprétés par le même comédien : Remy BOIRON, de la Cie Humaine (Cliquez ICI pour visiter leur site.)
Ce dernier a été également mime durant plusieurs années — la aussi aptitude très utile chez les clowns comme pour la Commedia dell’Arte. Et pour terminer en beauté, l’artiste nous a gratifié d’un résumé du spectacle (pratique utilisée aussi par Dario FO). Nous avons découvert alors, en raccourci et en mime, le spectacle qui venait de se dérouler l’instant d’avant. La joie de décoder tous ensemble les différentes scènes passées au rouleau compresseur, raccourcies, épurées par une gestuelle d’une efficacité prodigieuse, était jubilatoire.
Mais, comme je l’ai dit, ce spectacle comporte aussi des éléments plus universels, se rapportant aux codes du théâtre. Ainsi, l’artiste fait osciller les spectateurs entre rire et larme (les moments drôles qui suivent les instants douloureux font alors office de soupapes, et le public rit encore plus volontiers, afin d’évacuer le trop plein de chagrin accumulé par empathie pour le personnage qui souffre sur la scène). On frôle le frisson poétique.
Un dernier conseil : pour ce genre de spectacle, mieux vaut ne pas se trouver au premier rang, sous peine d'y participer, bien malgré soi !
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