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05/05/2006

Une mise en scène... capricieuse

Chose promise... Je suis allé voir les Caprices de Marianne au TNN, dans la grande salle (Pierre Brasseur).

Je pensais que ce compte rendu serait la suite logique du premier article écrit avant-hier, ce n’est pas le cas. En effet, je prétendais qu’une représentation offre une meilleure explication de texte que n’importe quelle bonne préface. Je dois revoir ma copie. Car chaque metteur en scène est libre d’apporter l’éclairage qu’il juge bon. Et parfois sa vision d’une pièce s’écarte largement de celle qui est exposée dans les introductions et autres manuels. C’est le trop fameux « dépoussiérage » d’une œuvre. (terme qu’il faudrait peut-être lui-même dépoussiérer, lors d’un prochain article de fond) En ce qui concerne les Caprices, le point de vue du metteur en scène me paraît trop éloigné de l’œuvre de Musset.

Attention, je n’ai pas dit que le spectacle était mauvais, bien au contraire. Deux amies qui étaient à cette représentation en on fait une critique trop sévère à mon sens. Leur principale déception étant d’après elles le manque d’engagement des comédiens. Je répondrai que cela découlait du choix d’un jeu technique plus que psychologique. Nous étions dans la plus grande des deux salles : une narine qui frémit, une pupille qui se dilate, un regard qui se fige ou une joue qui rosit à peine, cela est très beau, mais parfaitement invisible au-delà du troisième rang. On va me dire que j’exagère, que l’on peut ÊTRE et VIVRE un personnage et le montrer même à des spectateurs éloignés. C’est vrai, puisque je l’ai déjà vu. Mais c’est très périlleux. Le comédien doit être chaque soir à son plus haut niveau d’excellence s’il ne veut pas que les spectateurs du dernier rang s’endorment. Si j’avais la chance de jouer un des rôles, moi aussi je préfèrerai le système de Stanislavski, vivre de l’intérieur le personnage. Mais c’était aussi bien comme ça, le défaut est ailleurs.

Car voici ma critique : les personnages principaux étaient trop éloignés de ceux inventés par l’auteur. L’opposition bohème et libertin contre timide et romanesque ne fonctionnant pas, une des raisons d’être du drame n’existait plus. Un Octave trop bonhomme et un Cœlio trop péchu ont déséquilibré la pièce. Et la dualité presque maladive de Musset n’était plus lisible en eux. Est-ce à cause de la transposition du Naples du XVIème siècle à l’époque contemporaine ? Ou bien à cause de cette technique parfois trop apparente ? (notamment en ce qui concerne la prosodie des personnages principaux : ils semblaient parler souvent sur un rythme invariable, avec une diction trop appuyée, même pour un classique, par exemple sur les consonnes finales, donnant à certains moment l’illusion que les personnages venaient de Toulouse). A décharge, il faut dire que j’étais au deuxième rang. Dans une grande salle, on devrait toujours tenir les premiers fauteuils à au moins dix mètres de la scène. Autrement, on entend à 1 mètre des voix qui portent à 50.

Il faut se rappeler que cette pièce est un « classique », c'est-à-dire qu’un grand nombre de spectateur l’a au moins déjà lue, si ce n’est déjà vue, voire déjà jouée. (Un tiers de scolaires embarqués là par un professeur dynamique, un autre tiers rassemblant comédiens et autres artistes, un tiers de férus de littérature et un dernier tiers composé de la famille et des amis et… ça fait 4 tiers) Aussi, il y a un piège tentant de vouloir dépoussiérer un peu trop dans le seul but de surprendre un public qui se croyait averti. Le metteur en scène s’y est peut-être laissé prendre parfois. Parfois non.

Comme je l’ai déjà souligné, Alfred de Musset a écrit cette pièce uniquement pour un public de lecteur et non pour la faire représenter. Ceci expliquant peut-être cela, il n’y a pratiquement aucune didascalie dans ses œuvres dramatiques (ces textes souvent écrits entre parenthèses ou bien en italique, et qui donnent des indications de mise en scène de l’auteur lui-même) Cela donne une grande liberté au metteur en scène – une trop grande liberté s’il n’est pas inspiré, mais j’ai apprécié la façon dont Jean-Louis Benoit s’est servi du moindre indice à sa disposition pour construire sa mise en scène. Moins la façon dont il a dirigé ses comédiens.

Avant de conclure, j’ajouterai qu’Alfred de Musset avait du talent, en plus du génie. J’en veux pour preuve toutes ces répliques qui ont fait mouche alors même que ni la mise en scène ni le comédien n’en étaient responsables.

En bref :
J’ai beaucoup aimé : la mise en scène efficace, exploitant bien les ressources du texte comme du lieu.
J’ai apprécié aussi : les moyens dont peut disposer un spectacle dans une structure comme celle du TNN.
J’ai regretté : la fausse bonne idée qui consiste à transposer dans notre époque un drame se déroulant aux siècles passés ; signifiant peut-être que les personnages d’hier sont aussi ceux d’aujourd’hui.
Je n’ai pas aimé du tout : un Octave et un Cœlio pas assez opposés, pas assez unis.

Pièce d'Alfred de Musset, représentée les 03, 04 et 05 mai 2006 au TNN, salle Pierre Brasseur.

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