12/04/2013
ACTES PREMIERS
Après avoir parlé ici des "petites répliques", après avoir dit que les plus belles tirades ne sont rien sans elles, je souhaite poursuivre en parlant des petites actions.
Là encore, si elles ne sont pas primordiales elles sont utiles. Or je constate, en jouant ici et là, en croisant les comédiens les plus divers, que beaucoup trainent les pieds lorsqu’il s’agit de régler avec précision le geste de boire un verre, celui d’ouvrir une lettre, de fermer une porte, de s’avancer vers un partenaire ou de s’en éloigner.
Et s’il me vient l’idée saugrenue de leur en faire la remarque, chacun a sa technique pour éluder le problème (car c’en est un).
Le plus souvent, on évoquera le fait qu'il ne faut pas tomber dans le moule d’une mise en scène trop rigide. Argument massue que je juge irrecevable, arguant à mon tour que, plus un comédien est contraint par un cadre étroit, et plus il a de possibilité de créer. De toutes façons, je fais partie de ceux qui préfèrent établir un jeu précis et rigoureux et, une fois toutes les contraintes de texte, de diction, de déplacement et d’action parfaitement intégrées, à ce moment là seulement, tenter de s’en écarter. Mais jamais avant !
On réfléchit, on échange, on teste, on suit des pistes, on sélectionne, on prend des décisions on réessaye puis on fixe des choses. Ces choses sont appelées à bouger par la suite, car il s’agit d’un art vivant, j’en demeure d’accord. Mais avant de se remettre à bouger, il faudrait qu’elles aboutissent à quelque chose de bien, que la première représentation ne ressemble pas à une blague de potache ou à un travail de fin d’année avec pour seuls spectateurs les parents d’élèves.
On rêvait de grandes envolées lyriques ou bien d’actions percutantes, et on vient vous embêter parce que vous êtes mal placé par rapport au projecteur… Et alors ? Si l’on ne règle pas tout cela, mille petites scories viendront parasiter la pièce. Et ll’on croira moins à ce beau garçon portant la jeune première dans ses bras.
Il faut répéter, répéter sans relâche, jusqu’à ce que tout soit su, archi su et intégré. Et quand le rôle sera semblable à un vieux pyjama que l’on enfile, alors seulement il sera possible de se laisser aller à sa fantaisie, sans risquer de détruire l’édifice.
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29/03/2013
LES STANCES DU BLOG
Cet article n’est que la synthèse de deux autres, parus en octobre et novembre de l’année dernière (cliquez ICI et LA pour les relire). Toutefois, j’éprouve une forte envie de reparler d’un sujet qui me trotte dans la tête ces derniers temps.
Car en rejouant ces deux dernières semaines Deux sur la Balançoire, l’idée s’est précisée davantage et je vous l’expose ici d'une façon que j'espère concise :
les plus belles tirades ne sont rien sans l’énorme édifice qui les supporte, sans les mille petites répliques, les innombrables petits riens qui leur servent d’écrin — ou plutôt d’échafaudage.
C’est toute la différence entre un bijou et une pièce de théâtre : le diamant le plus pur comme le saphir le plus quelconque peut briller tout seul, même s’il n’est pas enchâssé dans un bijou monumental.
Mais une tirade, qu’elle soit de Musset, de Molière ou de Tennessee William, ne peut pas survivre en étant détachée du texte. Et j’avoue aujourd’hui que je prends désormais plus de plaisir à assembler ces tous petits morceaux de phrases de rien du tout plutôt que de dire les grandes répliques du répertoire.
Vous allez me dire qu’il suffit de prononcer les quelques mots « Rome, l'unique objet de mon ressentiment… » pour que chacun se remémore avec enthousiasme la suite des vers de Corneille :
« Rome, à qui vient ton bras d'immoler mon amant !
Rome qui t'a vu naître, et que ton cœur adore !
Rome enfin que je hais parce qu'elle t'honore ! »
Mais là, il s’agit d’une pièce et d’un auteur qui ont été étudiés dans le monde entier par des générations d’élèves de tous âges. Et en extraire quelques vers pour les citer équivaux à les replonger instantanément dans l’œuvre d’où on vient de les tirer. Vous pourriez les imprimer sur une boite de camembert ce serait pareil, c’est vers-là ne pourront plus jamais être isolés, comme le diamant que l’on ne pourrait plus arracher à sa bague.
Mais les autres, toutes les autres, toutes ces tirades, ces monologues, récits, stances et autres répliques fameuses, elles sont parfois nécessaires à la pièce, mais elles n’en sont que rarement la clé de voûte. Elles sont situées tout en haut d’une solide charpente… qui tient toute seule et n’a pas forcément besoin d’un ornement supplémentaire.
Loin de moi l’idée d’être iconoclaste et je ne crache pas sur les plus beaux textes du théâtre, je dis simplement que les bons auteurs dramatiques savent faire autre chose que de jolies phrases. Et c’est heureux pour les comédiennes et les comédiens. Imaginez notre impatience s’il nous fallait attendre à chaque représentation d’arriver enfin à la "grande scène du II" pour pouvoir nous régaler d’être sur scène !
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31/10/2012
REMBOURSEZ !
Je vous livre ici un simple copier-coller du message que j’ai fait parvenir à la rédaction du magasine Le Point, dans laquelle je leur demande simplement le remboursement du numéro que j’ai acheté :
« J’ai cru un moment que vous étiez de zélés serviteurs de la droite. Je me suis trompé, votre magasine penche de plus en plus vers le consensus mou, le lieu commun, voire les conversations de café du commerce.
De quoi s’agit-il ? D’un article que vous qualifiez pompeusement d’« explosif ». Un pétard mouillé en réalité. Un bien triste papier pondu par monsieur Patrick BONAZZA et publié dans votre numéro 2093 du 25 octobre 2012.
Ce dernier commence d’abord par nous assommer avec une morale financière dont on nous rebat les oreilles à longueur de journée (et à longueur d’onde) : une ribambelle de tartes à la crème servies comme s’il s’agissait d’un acte de bravoure journalistique, toute une kyrielle de formules toutes faites, comme par exemple p. 40 : « … le régime d’indemnisation du chômage en France est le plus généreux d’Europe… » quelle découverte extraordinaire !
Comme beaucoup d’autres qui essayent de se faire passer pour des journalistes sérieux, il évoque — il invoque ! — Jacques Attali (p. 43 et 44), comme s’il s’agissait d’un maître suprême, de la Suprême Intelligence.
Autre poncif totalement dépassé : citer le P.I.B. Ce chiffre n’en est qu’un parmi beaucoup d’autres tout aussi intéressants, si, si… Par exemple, monsieur BONAZZA ne semble pas connaître l’I.D.H. pourtant bien plus important… (Indice de Développement Humain, indice institué par le Programme des Nations Unies pour le Développement et utilisé par la plupart des économistes et autres institutions mondiales depuis 1990).
Puis monsieur BONAZZA cite beaucoup de titres ronflants, il joue du « professeur à Science po » ou du « chef de bureau de The Economist à Paris ».
Mais tout reste trop dans le vague, dans les généralités. On nous le fait genre qui pourrait en dire plus mais qui se contente de sous-entendus…
Et surtout, surtout, on nous parle des pays voisins ! Ach l’Allemagne ! Quel beau pays, quel modèle à imiter ! Mais, comme c’est bizarre… oui, comme c’est bizarre, lorsqu’il nous cite nos amis germaniques, jamais, mais alors jamais il ne parle de leur taux de natalité catastrophique : 1,41 contre 2,01 pour la France (pour l’année 2011). Voilà pourtant un chiffre qui devrait être mis en perspective avec les précédents, non…? C’est le mot « perspective » que vous n’avez pas compris, monsieur BONAZZA ? C’est pourtant une des tâches essentielles du journaliste que de croiser les références et ne comparer que ce qui est comparable.
C’est d’ailleurs à cause de ce manquement au service minimum que je réclame le remboursement de ce magasine, qu’on m’a vendu comme étant un journal « hebdomadaire d’information ».
Vos informations étant tellement vagues, mal formulées et mal renseignées que l’expression « hebdomadaire d’information » me semble inappropriée. Le bien que vous m’avez vendu n’étant pas ce à quoi on pouvait s’attendre, je demande que la vente soit annulée (sans compter ma surprise devant un magazine de 162 pages contenant 58 pages de pub).
Ainsi, je vous remercie de m’envoyer un chèque bancaire de 3,50 Euros, libellé à mon nom, aux coordonnées que vous avez trouvé jointes à ce courrier.
Je tiens à votre disposition, avec le ticket de caisse, l’exemplaire qui m’a été remis par votre distributeur, il est en parfait état, ne l’ayant plus touché par la suite.
Merci pour l'attention que vous avez porté à ce message. »
Voilà donc le texte de réclamation que j’ai envoyé à cet hebdomadaire — vous avez remarqué ? je prends soin de ne pas l’appeler un « journal »…
Je rajouterai, pour les lecteurs de ce blog, qu’un passage de l’article de P. BONAZZA concerne le statut des Intermittents du Spectacle (quelques lignes seulement, p. 46). C’est la raison pour laquelle j’ai publié ce billet ici. Car là encore, il reste trop vague, jugez plutôt : « … cette population d’à peine 100 000 personnes coûte, en net, 1 millard d’euros à l’Unedic… ».
Cette affirmation est peut-être vraie, mais elle ne signifie rien puisqu’elle est en dehors de tout contexte ! Qu’obtient-on en échange de ce milliard ? Que souhaite la société française dans son ensemble ? (Et sur quelles bases a-t-on calculé ce chiffre ?)
Comme c’est dommage, car il est vrai qu’il y a encore de gros abus aujourd’hui, et si on ne les aborde pas en détail, rien ne changera jamais. Dommage vraiment, car un autre journaliste du Point, Emmanuel BERRETTA, avait eu l’intelligence, lui, de séparer le bon grain de l’ivraie, dans un article publié le 27 avril 2011 sur la version Internet du magasine (cliquez ICI pour accéder à cet article). En effet, que gagne-t-on à dresser l’ensemble des français les uns contre les autres ? s’il y a des abus, est-ce une raison pour supprimer un système tout entier ? Je crois qu’au contraire, il faut effectuer un travail d’identification des problèmes et de les traiter catégorie par catégorie, voire au cas par cas pour les plus importants. Même si l’on peut trouver à redire, l’article de monsieur BERRETTA est nettement supérieur à celui de monsieur BONAZZA, c’est net.
Avec une simple fenêtre qui s'ouvre, vous pouvez envoyer un message à la rédaction du Point, comme celui que je vous ai reproduit ici.
Je terminerai ce billet en vous indiquant la belle réponse faite par Jacques-Emmanuel ASTOR au rédacteur en chef du magasine Le Point : cliquez ICI pour la lire.
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07/09/2012
ENTRE NOUS SOIT DIT
Parfois, des amis ont la gentillesse de venir me voir jouer. Après la représentation, lorsque je leur demande de venir prolonger la soirée avec l’équipe du spectacle, ils me répondent que peut-être nous souhaitons discuter « entre nous », que nous avons des choses à nous dire, des choses de comédiens, des choses de théâtreux…
Certes, lorsque nous sommes en répétition nous refermons les portes du théâtre et toute personne étrangère au spectacle ne pourra pas rentrer. Mais à part ce cas particulier, il me semble que cet « entre nous » n’existe pas, tout simplement.
L’aventure théâtrale crée des liens très forts entre les différents participants d’un spectacle, des liens durables et enrichissants. Toutefois, je pense que pour la plupart d’entre eux, ces liens ne justifient pas l’existence d’un « entre nous ».
Je ne dis pas cela par démagogie mais avec ce sentiment sincère que le Spectacle Vivant a justement pour vertu de participer à la vie de la collectivité toute entière, sans exclusion !
Les quelques artistes de scène qui affecteraient d’être dans une sphère bien à part seraient fort à plaindre. En effet, ils seraient les seuls à croire à cet artifice usé jusqu’à la corde. (Car tant qu’à faire, pourquoi pas un large chapeau de feutre noir et une écharpe blanche ? Et aussi une barbe et des cheveux en bataille ?)
Lorsque la soirée théâtrale se prolonge par une invitation à une troisième mi-temps, venez donc boire « entre fous »…
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30/03/2012
L'EMPRUNT
Je viens de relire Un petit jeu sans conséquence, pièce écrite par Jean DELL et Gérald SIBLEYRAS et crée en août 2002 au théâtre La Bruyère à Paris.
Un détail cette fois-ci a attiré mon attention. C’est le moment où Serge, ami de la famille invité au pique-nique, a appris que Claire et Bruno, les personnages principaux, se séparent. Pour devenir un "successeur" possible, Serge tente très rapidement de se présenter à son avantage, en montrant son côté drôle et imaginatif:
« Serge. — En revanche, je sais exactement où je veux finir.
Claire. — Vous finissez où ?
Serge. — En Suisse… Avec une riche veuve et un cancer de la prostate, bien opéré. Dans le canton de Vaux, si possible.
Claire. — Vous êtes de là-bas ?
Serge. — Non, mais je m’y vois comme si j’y étais. Je suis allongé sur la terrasse en bois de la pension, avec un plaid cashmere et soie sur les genoux.
Claire. — Donc plutôt une retraite active.
Serge. — Oui. Dans une pension de famille, en altitude. Une pension très calme. (Un temps) Au loin, on entend les rotations du funiculaire à crémaillère qui rythment la journée. Comme seul ami, j’ai à mes côtés un vieux Zurichois impotent sous dialyse, et mon unique distraction, c’est de lire les cours de la bourse. Ça me permet de prendre un air désespéré quand ça baisse, mais en fait je m’en fous, c’est la veuve qui a le pognon. En francs suisses ! On évite la vulgarité de l’euro. C’est une veuve qui a la nostalgie du change, elle comprend la noblesse de la devise. Elle et moi considérons que la commission bancaire a quelque chose de hautement aristocratique. »
Quelques pages plus loin, on voit que Claire propose cette vision à Bruno, la première fois sans doute pour le tester, la seconde peut-être parce qu’elle a envie d’y croire :
« Claire. — T’es pour ou contre l’euro ?
Bruno. — Je ne sais pas… pour. C’est pratique, non ?
Claire. — Oui, c’est pratique. En fait, un des derniers pays où on a encore le plaisir de changer de l’argent, c’est la Suisse.
Bruno. — C’est un plaisir de changer de l’argent maintenant ?
Claire. — Non, enfin, j’en sais rien. »
…/…
« Claire. — Tu veux pas qu’on fasse un voyage, tous les deux ?
Bruno. — On irait où ?
Claire. — À la montagne, en Suisse. Dans un petit hôtel perdu.
Bruno. — Tu sais bien que je suis malade en altitude… »
Je me suis souvenu que dans Mademoiselle Julie, d’August STRINDBERG, Jean, le valet, utilise le même décor pour raconter son histoire à sa maîtresse :
« Julie. — Mais qu’allons-nous faire ?
Jean. — Fuir, partir loin d’ici.
Julie. — Partir, partir, mais où ?
Jean. — Pour la Suisse, pour les lacs italiens ; vous n’y êtes jamais allé ?
Julie. — Non, c’est beau, là-bas ?
Jean. — Ah ! un éternel été… les orangers… les lauriers… Ah !
Julie. — Mais que ferons-nous une fois là-bas ?
Jean. — Là, je monterai un hôtel, avec un service de première classe, et des clients de première classe.
Julie. — Un hôtel ?
Jean. — Ça c’est une vie ! Toujours de nouveaux visages, de nouvelles langues ; pas une minute pour s’ennuyer ou avoir ses nerfs ; pas besoin de chercher quoi faire, la besogne vient d’elle-même : des sonnettes sonnent nuit et jour, des trains sifflent, les autobus vont et viennent, et les pièces d’or roulent sur le comptoir. Ça c’est une vie !
Julie. — Oui, c’est une vie… »
Vers la fin de la pièce, Julie, désespérée, tente de s’accrocher à cette histoire en la racontant à Christine, la cuisinière :
« Julie, plus gaie. — Il me vient une idée, pourtant… Si nous partions tous les trois, à l’étranger, en Suisse, pour monter un hôtel ensemble… J’ai de l’argent, vois-tu, et Jean et moi nous occuperions de tout, et toi, j’y pensais, tu pourrais t’occuper de la cuisine… Ça ne serait pas merveilleux ? Dis oui, allons ! et viens avec nous [ …/… ] Ça, c’est une vie ! Les trains sifflent, les omnibus montent, les sonnettes sonnent dans les chambres et le restaurant… »
Si la même référence aux Alpes suisses saute aux yeux, on note toutefois une différence de taille, c’est l’inversion. Dans Mademoiselle Julie, la jeune aristocrate se laisse séduire par le rêve du valet : celui d’une autre vie, l’existence trépidante d’une propriétaire qui vit de son travail. Dans la pièce de Jean DELL et Gérald SIBLEYRAS, c’est le contraire : l’homme propose à la femme son rêve de devenir un riche rentier paisible.
La vraie similitude réside dans le fait que chacune des deux femmes reprennent l’histoire à leur compte et la proposent à leur tour à une autre personne. Peut-être pour mieux y croire elles-mêmes. Et sans doute aussi parce que ceux qui leur ont raconté cette belle aventure ont assez de bagout pour les faire rêver.
Même décor et même mécanisme donc. Mais il ne s’agit pas pour moi de critiquer ni de tenter un quelconque procès en plagiat aux auteurs d’Un petit jeu sans conséquence.
Parce que rien n’indique qu’il ne s’agit pas ici d’une simple coïncidence — et je n’ai pas cherché à contacter les deux auteurs pour les embêter avec cette question.
Mais surtout parce que, s’il s’agissait au contraire d’un "emprunt" fait par Jean DELL et Gérald SIBLEYRAS à leur prédécesseur August STRINDBERG, je ne pourrais que les en féliciter !
Mais oui, si c’est un emprunt, il est très bien adapté, très bien "traduit". Car Mademoiselle Julie, drame suédois de la fin du XIXème siècle, est une pièce où l’on rit peu, et où la fin est terrible. Un petit jeu sans conséquence connaît une fin bien moins atroce et le public a de nombreuses occasions de sourire. Jean DELL et Gérald SIBLEYRAS, s’il ont voulu reprendre ce passage, auront dû l’accorder au ton plus léger de leur pièce, à la personnalité de celui qui invente l’histoire (et de celle qui l’écoute), et l’intégrer dans la mécanique qui régit l’ensemble de la pièce.
Ce serait l’exemple parfait pour montrer que l’emprunt que l’on fait aux œuvres existantes sert la création de nouvelles œuvres. Que ce n’est pas par manque d’imagination que l’on fait ça, au contraire.
Rassurez-vous, je ne suis pas en train de dire qu’il faut spolier les auteurs de leur travail ! Bien sûr que non, s’il s’agit d’un artiste vivant, il faut s’entendre avec lui. Mais bon sang, un peu de souplesse dans la législation serait la bienvenue.
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13/03/2012
PEOPLE
Plusieurs journaux ont relayé cette information de l’A.F.P. :
L'acteur Gérard Depardieu, présent aujourd'hui au meeting de Villepinte, a déclaré sur scène sa flamme au président-candidat Nicolas Sarkozy.
« Merci de m'applaudir [...] mes nouveaux amis, bien que je n'en aie pas tellement », a-t-il déclaré à la tribune du Parc des Expositions.
« Depuis que cet ami Nicolas Sarkozy — avec Carla Bruni — est au pouvoir, je n'entends que du mal de cet homme qui ne fait que du bien. J’espère que tous ceux qui sont comme moi et n’ont pas trop de verbe et simplement un oui, qu’il soit franc et honnête pour lui. »
D'autres personnalités étaient présentes dimanche à ce meeting, dont le comédien Christian Clavier, l'actrice Emmanuelle Seigner, l'écrivain Jean d'Ormesson et le chanteur Enrico Macias. Ce dernier, chaud partisan de Nicolas Sarkozy pour lequel il avait chanté le soir de sa victoire, le 7 mai 2007 place de la Concorde, a lancé: « J'ai toujours été d'accord avec sa politique car ça a été le seul qui a pu endiguer la crise mondiale qui nous frappe. J'aime Nicolas Sarkozy parce que c'est un homme de parole. Vous pouvez avoir confiance en lui, il ne vous décevra jamais, comme il n'a pas déçu les rapatriés d'Algérie, comme il n'a pas déçu les harkis. Et moi, je suis toujours son ami et je le soutiendrai dans toutes les circonstances ».
Le but de ce blog n’étant pas de faire — à priori — de la politique, je ne soulignerai pas la bêtise simpliste de ces propos.
Non, je souhaite simplement m’indigner devant la pitoyable starisation de la campagne présidentielle.
Je ne cache pas que cela m’irrite davantage lorsqu’il s’agit du candidat de l’UMP. Mais même lorsqu’il s’agit d’un candidat de gauche ou d’ailleurs, je n’accepte pas qu’un artiste puisse prendre la parole pour la simple raison qu’il est célèbre.
C’est déjà hallucinant d’imaginer que certains électeurs puissent être influencés par la présence de telle ou telle autre personnalité du spectacle aux côtés d’un homme politique.
Mais que notre société accepte de fonctionner de cette façon me navre. Qu’il s’agisse du chanteur RENAUD lorsqu’il a soutenu "Tonton" en 1988 ou bien de HALLIDAY en 2007 pour "le petit Nicolas", quelle autorité en matière de politique ont-ils de plus que les autres ?
Ils ont un métier qui leur permet de s’exprimer devant des foules, me répondrez-vous. Certes, mais à la condition expresse de le faire par le biais d’une œuvre ! Ou bien lorsqu’un journaliste leur consacre une interview, centrée sur eux et non pas sur un candidat en mal de popularité.
Tous ces "peoples" qui répondent aux invitations des candidats détruisent une part de leur image, et je ne pourrai plus les voir de la même façon la prochaine fois qu’ils apparaîtront en public, sur une scène ou à l’écran.
DEPARDIEU, qui avait auparavant soutenu le Parti Communiste ainsi que François MITTERAND, ne sera désormais plus crédible que dans Les Valseuses, mais il va ramer pour Le Dernier Métro…
Quel chef Depardix soutiendra-t-il aux prochaines élections ?
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01/03/2012
LES FEUX DE LA RAMPE
C’est une expression que beaucoup connaissent et qui ne date pas d’hier. Je ne me livrerai pas ici à un exposé sur l’origine de cette fameuse rampe, d’autres s'en sont déjà très bien chargés.
Pour faire bref, ce dispositif est apparu au milieu du XVIIème siècle. D’abord mèches trempant dans de l’huile, puis chandelles, puis éclairage au gaz et enfin à l’électricité, la rampe est située sur le devant de la scène, au sol.
Photo Ilona Sochorovà / Collaboration Caen - Théâtre National de Prague
Elle a eu on s’en doute ses fervents défenseurs comme ses détracteurs.
Ces derniers reprochent notamment à l’éclairage de ne pas être naturel, venant d’en bas.
Mais l’argument massue en faveur de la rampe n’est pas d’ordre technique, il est théorique : la rampe de lumière matérialise la séparation qui existe entre la scène et la salle, entre le lieu où se joue la pièce et le public qui la regarde. Comme le tréteau ou l’estrade, le rideau et parfois la fosse d’orchestre.
On ouvre une fenêtre par laquelle le spectateur aura le droit de voir, et seulement cela. La rampe avec ses feux se doit d’être infranchissable.
Et c’est cet aspect théorique qui divise vraiment.
J’ai récemment évoqué mon professeur de théâtre, Henri LEGENDRE. Je me souviens qu'il n’acceptait jamais qu’un comédien puisse s’adresser au public au risque de briser la magie du spectacle. Beaucoup de "gens du théâtre" pensent cela, qu’à vouloir passer par-dessus la rampe on risque de laisser la place au chaos.
Et puis il y a ceux qui, comme moi, ne sont pas convaincus. Je crois plutôt que, lorsqu’un comédien franchit cette barrière, lorsqu’il se met à parler directement au public, ce n’est qu’une nouvelle illusion.
Le personnage qui existait il y a quelques secondes encore en disant un texte écrit par un autre cède la place au comédien. Mais est-ce bien le comédien qui parle ainsi à la salle ? N’est-ce pas en réalité un autre personnage encore incarné par l’acteur ?
Et chaque spectateur, la surprise passée, comprend cette supercherie, s’en amuse, s’en réjouit et se fait complice en acceptant le faux comédien comme personnage à part entière. Cet artiste qui s’adresse à lui n’est pas le vrai. La rampe s’est éteinte, mais la frontière est restée. La barrière est moins évidente, moins conventionnelle, mais existe toujours, puisque l’un continue de jouer et l’autre continue de regarder.
Bien sûr, l’équilibre devient plus fragile, et plus on joue avec le feu (de la rampe, pouf ! pouf !) plus on risque de se retrouver débordé par les réactions imprévisibles du public. Commedia dell’Arte ou one-man-show, s’adresser directement aux spectateurs demande un minimum d’expérience.
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