Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

12/07/2006

« Ô Ciel ! que d’aventures extraordinaires ! »

C’est une des dernières répliques qui terminent les Fourberies de Scapin, de MOLIERE. Je jouais dans cette pièce, lorsqu’elle était représentée au Théâtre de l’Alphabet. C’était du temps de ma belle jeunesse, puisqu’on me confiait le rôle du « jeune premier ». En fait au nombre de deux ici : Octave et Léandre, que j’ai interprété chacun plusieurs fois, car cette pièce est souvent remontée d’une saison sur l’autre, avec à peu près les mêmes comédiens.

Les jeunes premières, en revanche, changeaient parfois. Et (c’est là où je voulais en venir, ne partez pas !) chacune d’elle, immanquablement, rechignait à dire cette terrible exclamation : « Ô Ciel ! que d’aventures extraordinaires ! »

Terrible car, malgré tout le génie de MOLIERE, ses pièces se terminaient souvent de façon peu vraisemblable, et il s’appliquait en plus à le souligner par une réplique de ce genre. Si, par hasard, un spectateur ne s’était pas alarmé du côté rocambolesque de la situation, et bien là, au moins, tout le monde était averti ! (Peut-être cette habitude venait-elle de la Commedia dell’Arte, que MOLIERE devait bien connaître.)

Chacune des comédiennes avait sa façon à elle de tenter d’escamoter la délicate réplique. Je me suis rendu compte plus tard que, dans presque tous les textes, il y a une phrase qui passe mal… du moins aux yeux du comédien qui doit la prononcer.

Mais HENRI LEGENDRE, qui dirige toujours ce théâtre, nous enseignait avec raison que la seule solution est de jouer cette réplique « à fond », en y croyant dur comme fer, en l’assumant pleinement. En effet, ces petites phrases sur lesquelles notre attention s’accroche passent en réalité très bien, et parfois même inaperçues.

Certaines répliques nous bloquent, nous rebutent, mais aussi certaines actions, pourtant d’apparence anodine. Est-ce le signe qu’en réalité le comédien n’a pas bien compris son rôle, ou bien la situation ? Ou qu’il n’a pas intégré le parti pris du metteur en scène ? Peut-être que dans ces moments là, nous montrons que nous ne sommes pas à cent pour cent dans le spectacle, que nous n’y mettons pas toute notre énergie. Ou plus simplement, n’est-ce pas la peur du ridicule ? Peur qui n’est pas raisonnable puisque l’acteur qui crois vraiment à ce qu’il fait n’est jamais ridicule, quelle que soit la réplique.

05/07/2006

Dans le texte

« … LE CHAMBELLAN   -   Mon cher poète, quand vous aurez mon âge, vous trouverez la vie un théâtre par trop languissant. Elle manque de régie à un point incroyable. Je l’ai toujours vu retarder les scènes à faire, amortir les dénouements. Ceux qui doivent y mourir d’amour, quand ils y arrivent, c’est péniblement, et dans leur vieillesse. Puisque j’ai un magicien sous la main, je vais enfin m’offrir le luxe de voir se dérouler la vie à la vitesse et à la mesure, non seulement de la curiosité mais de la passion humaine… »

Cette réplique est extraite de Ondine, pièce écrite par JEAN GIRAUDOUX en 1939. Je l’avais recopié dans un carnet il y a très longtemps, la première fois que j’avais lu cette œuvre. Car je l’ai relu par la suite, à différentes époques. On dit aujourd’hui que les pièces de JEAN GIRAUDOUX ont mal vieillit. Je n’en ai vu jouer aucune, mais il est possible en effet que ce genre de théâtre sente un peu la naphtaline par moment. Cela se ressent moins avec une simple lecture. Et j’aime relire Ondine. Et aussi, du même auteur, Intermezzo.

medium_Giraudoux.gif
Jean Giraudoux

Attention, je ne vous présente pas ces œuvres comme étant celles qu’il faut avoir lues pour avoir l’air bien ! Je vous livre ici les quelques titres qui m’ont plu au point que je les ai relus plus d’une fois. Au point que j’en connais certains passages par cœur.

Il en est ainsi de Fool For Love, de SAM SHEPARD ; Exercice de style, de RAYMOND QUENEAU ; Colombe, de JEAN ANOUILH ; Mademoiselle Julie, d’AUGUST STRINDBERG ; l’incontournable Cyrano de Bergerac, d’EDMOND ROSTAND ; Les Caprices de Marianne, de MUSSET - déjà cité sur ce blog ; et encore Dom Juan, de MOLIERE ; Polyeucte, de PIERRE CORNEILLE et bien sûr Marius, dont j’ai pu vous entretenir il y a peu. Et toutes les œuvres de PAGNOL d’ailleurs, ainsi que toutes celles de TENESSEE WILLIAMS.

Il y en a sûrement parmi vous qui ont aussi « leurs » pièces favorites. Si le livre se trouve encore sur votre étagère, laissez en ici quelques passages choisis ! Au lieu des simples commentaires, laissez parler un peu les auteurs. Exposez au vu de tous, pour une fois, cet acte intime qu’est la lecture. Oublions un temps comédiens et metteurs en scène et laissons les mots défiler tout seuls, sans l’aide de personne…  Quels auteurs viendront ici, par votre intermédiaire ? (de petits extraits hein ! Il ne faudrait pas avoir d'ennuis avec la S.A.C.D. ...)

 

Ce pourrait être le prochain sujet du bac : « Lire une pièce de théâtre est-il suffisant ? Une simple lecture ne risque-t-elle pas de déformer, mutiler l’œuvre imaginée par l’auteur ? Mais dans ce cas, ne serait-il pas dommage de nous priver de toutes ces pièces que nous n’aurons pas le temps (ni l’argent) d’aller voir jouer ? Certaines supportent-elles mieux la lecture que d’autres ? »

Vastes questions auxquelles je ne répondrai bien évidemment pas. (Afin de ne pas fausser le prochain baccalauréat !)

 

Parmi les « classiques », il est remarquable de voir que certains textes sont encore d'actualité (MOLIERE écrivit Dom Juan en 1665) :

« SGANARELLE - Quoi ? Vous ne croyez rien du tout, et vous voulez cependant vous ériger en homme de bien ?

D. JUAN - Et pourquoi non ? Il y en a tant d'autres comme moi qui se mèlent de ce métier, et qui se servent du même masque pour abuser le monde.

SGANARELLE - Ah, quel homme ! Quel homme !

D. JUAN - Il n'y a plus de honte maintenant à cela, l'Hipocrisie est un vice à la mode, et tous les vices à la mode passent pour vertus, le personnage d'homme de bien est le meilleur de tous les personnages qu'on puisse jouer aujourd'hui, et la profession d’Hipocrite a de merveilleux avantages. C'est un art de qui l'imposture est toujours respectée, et quoi qu'on la découvre, on n'ose rien dire contr'elle. Tous les autres vices des hommes sont exposés à la censure, et chacun a la liberté de les attaquer hautement, mais l'hypocrisie est un vice privilegié, qui de sa main ferme la bouche à tout le monde, et jouit en repos d'une impunité souveraine.
On lie à force de grimaces une société étroite avec tous les gens du parti ; qui en choque un, se les attire tous sur les bras, et ceux que l'on sait même agir de bonne foi là-dessus, et que chacun connait pour être véritablement touché : ceux-là, dis-je, sont toujours les dupes des autres, ils donnent hautement dans le panneau. »

medium_domjuan.jpg
Michel Piccoli dans le rôle titre

09/06/2006

Plein air : avis partagés

Les dernières questions de l’interview qui précède portent sur un sujet que je voulais aborder à travers le témoignage de plusieurs personnes. Il s’agit de l’apport du plein-air dans un spectacle. Si on le prend comme un apport ! Car lorsque j’ai posé la question à Jean FRANVAL, je m’attendais à ce qu’il soit très enthousiaste, jouant lui-même souvent dans des lieux à ciel ouvert. Or, ce qui n’apparaît pas dans la retranscription de l’entretien qui précède, c’est qu’il a fallu que j’insiste pour obtenir une critique positive. Alors qu’instantanément, lui était venu à l’esprit tous les tracas que pose cette situation. Ce qui prouve que les avis sont partagés bien plus que je ne le pensais. J’en veux pour preuve le témoignage de deux autres comédiennes, que je vous expose ici. Il s’agit en fait de trois questions en une, les mêmes pour chacune des deux :

L U C     Jouer en plein air change forcément beaucoup de choses, mais pour toi, quelle est la plus importante ? As-tu un souvenir particulier de cette situation ? Et quel est ton point de vue de spectatrice ?

Lynda RAMDANI     S'agissant des spectacles en plein air, j'en ai fait l'expérience aussi bien face à la scène que sur la scène... Jouer en extérieur est très agréable, l'espace de jeu devient comme illimité, le rapport au public est plus intime (étrangement !) sensation de liberté énorme qui nous pousserait presque à improviser en pleine représentation ! En revanche, il faut une concentration plus importante - il se passe toujours des trucs imprévus : avion, ambulance, bruine, chien ; moi, sur scène, j'ai eu la venue inopinée d'un chat, devenant donc un nouveau partenaire ! etc... Et il faut surtout pouvoir et savoir porter sa voix ! En tant que spectatrice, si le volume est correct, j'apprécie beaucoup, mais en été cela va de soit !!!

Martine PUJOL     C'est un immense plaisir. Le théâtre, c'est "la boite noire". Jouer en plein air relève donc d'une sorte de dépassement de cette limitation initiale, un éclatement des limites... et donc aussi de la protection qu'assurent habituellement les " frontières " bien établies de la scène. Il y a toujours une part de risque en plein air (vent, pluie, froid, chaud, moucherons, bruits ou lumières)... qui ajoute certainement au plaisir initial. Pour moi, le plus important, c'est le vent : il apporte de la vie en plus. C'est magique ! Quand on a joué FESTIN au Théâtre de Verdure à Nice, en grande formation un 31 août, le vent était à la limite de la tempête. Les sonorisateurs ont profondément souffert. A quelques minutes du début du spectacle (qui est également musical, ne l'oublions pas) le vent s'est calmé. Il a juste soufflé une douce brise durant la représentation. La beauté du paysage alentour et ce brin de vent ont sublimé ce spectacle... ancré dans ma mémoire. Mon point de vue de spectatrice : le même... inversé !

(Pour en savoir d’avantage sur Martine PUJOL et Richard CAIRASCHI, cliquez sur : debi-debo)

18/05/2006

Nous ne faisons pas le même métier Mon Cheeeeer…

C’est une amie qui m’a rapporté cette brève réponse.

Il s’agissait de deux galeristes, l’un exposant des tableaux de peintres expressionnistes, l’autre montrant des œuvres dites d’avant-garde. Le premier des deux (celui des expressionnistes, les paysages quoi, vous suivez hein ?) voulant aborder des questions relatives à ce qu’il croyait être leur même profession, s’entendit donc répondre cette énorme sentence : « Mais nous ne faisons pas le même métier ! »

Après tout, on pourrait se dire que cette réflexion n’est pas si fausse que cela, invoquer mille prétextes pour montrer ces prétendues différences. Que celui qui vend des paysages et autres motifs pour tapisserie n’apporte pas la même chose que celui qui propose des toiles d’un peintre expérimental, car lui il ne « vend » pas, il « fait découvrir » !

Vous l’avez compris, ce que je reproche à ce genre de réflexion, ce n’est pas qu’elle soit fausse, bien au contraire ; c’est le ton un peu hautain qui s’en dégage.

Si je vous tiens la jambe avec mes histoires de peintres (véridique !), c’est qu’on en trouve l’équivalent dans le monde du spectacle. Et d’ailleurs, cet épisode des galeristes, mon amie me l’avait raconté pour bien me faire comprendre toute la différence qu’elle faisait entre certains metteur en scène montant toujours des classiques et d’autres, expérimentant toujours plus. Là encore, je dois reconnaître qu’elle avait raison, mais chez elle aussi, j’ai cru déceler une once de dédain envers les théâtres qui ne présentent que des pièces dites pour le grand public.

Si le public est « grand », est-ce parce que l’œuvre est bonne, ou bien est-ce que la majorité des spectateurs n’est capable d'appréhender que des créations médiocres ?

L’art dans son ensemble est une chose tellement irrationnelle, que je me demande comment on peut songer à établir une classification. Qui a le plus de talent ? Celui qui fait rire le public du samedi soir ou celui qui se risque dans des spectacles expérimentaux ?

Je crois que cette question ne mérite pas d’être posée. Je crois que tous font le même métier. Malgré les grandes différences qui existent entre eux, ils font tous le métier de faiseur de rêve, de poseur de questions, de fabricant de rire et d’empêcheur de penser en rond.

Je pense qu’il serait bon de récolter vos avis sur ce sujet. En effet, je dois avouer ici qu’à plusieurs reprises, j’ai décelé dans le milieu du spectacle, ce genre de jugement. L’un raille l’autre, qui le moque en retour. (Chacun des deux prenant bien soin de souligner qu’il respecte beaucoup l’autre !)

Fort heureusement, ces attitudes ne sont pas légions, et de grandes amitiés naissent aux détours d’une pièce de théâtre.

02/05/2006

Est-ce trop insister que de revenir sur un sujet déjà proposé ?

Dans la note intitulée « Quitter » du 19 avril dernier, je me demandais sous quelles conditions on pouvait décider de quitter un spectacle en cours. Les jours suivants, je me félicitais du choix de mon premier article de fond qui avait suscité un nombre impressionnant de commentaires (environs zéro, je crois).

Puis, hier, j’ai relevé la critique suivante dont vous pourrez lire l’intégralité sur le site Au-théâtre.com : « … quant aux envolées lyriques de son prétendant Cœlio, elles sont très ampoulées, je n'y ai pas vraiment cru. Cela dit c'est un joli spectacle : les costumes sont ravissants, l'ambiance du théâtre est familiale et le quartier (la Butte aux Cailles) recèle une foule de restos et de bars plus sympas les uns que les autres… ».

C'est alors que j'ai eu l'envie de reformuler la question : « Quitter un spectacle en cour de représentation n’est-il pas souvent le reflet d’une attitude de simple consommateur et non plus de spectateur ? »

Avec ça, si je dépasse 3 commentaires…

26/04/2006

La 20è Nuit des Molières [lundi soir sur France-2]

Victimes de leur succès ? A chaque cérémonie de remise de récompenses, on songe aux parodies dans le genre de l’Interminable Nuit des Escarres (des Inconnus). J’ai même cru un instant que nous aurions droit au « Molière du meilleur Molière ».

Il est vrai que le spectateur a l’impression vague de revoir à peu près toujours les mêmes têtes, selon qu’il s’agit de la Palme d’Or, des NRJ Awards, ou bien des Hots d’Or.

Il a également la sensation de voir se dérouler la même séquence de remerciements, drôles ou émouvants, et plus ou moins originaux selon le talent de celui qui vient d’être récompensé. (Voilà d’ailleurs un exercice digne d’un cours de théâtre : « Chacun à votre tour, vous viendrez sur la scène pour remercier le public. Puis vous referez l’exercice en imaginant que vous n’êtes même pas nommé et que vous lisez pour vous-même le texte que vous aviez préparé. »)

 

D’une manière générale, je n’aime pas tout ce qui ressemble de près ou de loin à une compétition. Ceci dit, je crois que cette Nuit des Molières doit continuer d’exister.

Premièrement parce que les organisateurs ont eu la bonne idée de décentraliser l’événement, rappelant ainsi que les lieux de création doivent exister partout en France. Ils ont osé rompre l’image d’un théâtre forcément Parisien.

Ensuite, parce que certaines professions du spectacle sont mises en avant à cette occasion. Même si on s’en doute déjà, il vaut mieux répéter qu’un bon éclairage n’est pas à la portée du premier venu.

 

« Au théâtre on joue, au cinéma on a joué » - Louis JOUVET : quel beau sous-titre, cité par Jacques WEBER lors de l’ouverture de la cérémonie. Mais, sauf pour signaler les 4 Molières distinguant la Symphonie du Hanneton, je ne ferais pas de compte-rendu de cette soirée. N’importe quel bon journal vous donnera la liste des lauréats, et de ceux qui ont été nommés (enfin une cérémonie où l’on n’emploie pas le barbarisme « nominé » !). Je me contenterais de reproduire ici le texte lu par l’acteur Nicolas Bouchaud sur la question des Intermittents du Spectacle. Pour le lire, cliquez sur commentaire. Vous pouvez également visualiser un petit album photo (colonne de droite).

19/04/2006

Quitter

Cet article de fond est inspiré par un autre, qui traite d’un spectacle présenté au TNN, PŒUB. J’y indique les impressions que m’a laissées cette pièce. Bonnes ou mauvaises, il ne me serait jamais venu à l’idée de quitter la salle avant la fin, comme l’ont malheureusement fait certains ce soir là.

Éternel débat : peut-on quitter un théâtre pendant une représentation en cour, au prétexte qu’on ne l’aime pas ? Car cela n’est pas anodin pour qui le reçoit en pleine figure. Le plus solide des comédiens sera toujours déconcentré par des bruits de déplacements et de la porte qui se referme derrière une ombre.

Ayant fait ce blog également pour recueillir vos avis, je commence en donnant le mien, en toute partialité :

Il s’agit avant tout de respect mutuel. Que l’œuvre soit perçue comme excellente ou déplaisante, ce n’est pas là l’essentiel, tant que le respect des artistes pour le public reste perceptible. Un spectacle est un grand rendez-vous. On doit s’y rendre à l’heure, après s’être préparé, le public comme les artistes et les techniciens. Chacun doit respecter l’effort de l’autre. L’un a fait celui de venir jusqu’au théâtre, et les autres celui de répéter sans relâche jusqu’à la première.

Si on sent qu’il y a « foutage de gueule », le contrat est rompu, on peut quitter la place sans remord. Il me semble que ce cas de figure reste assez rare. Il me semble aussi qu’il serait intéressant de récolter vos expériences à ce sujet, comme spectateurs mais aussi comme comédiens.