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01/03/2012

LES FEUX DE LA RAMPE

C’est une expression que beaucoup connaissent et qui ne date pas d’hier. Je ne me livrerai pas ici à un exposé sur l’origine de cette fameuse rampe, d’autres s'en sont déjà très bien chargés.

Pour faire bref, ce dispositif est apparu au milieu du XVIIème siècle. D’abord mèches trempant dans de l’huile, puis chandelles, puis éclairage au gaz et enfin à l’électricité, la rampe est située sur le devant de la scène, au sol.

feux,rampe,quatrième mur

Photo Ilona Sochorovà / Collaboration Caen - Théâtre National de Prague

 

Elle a eu on s’en doute ses fervents défenseurs comme ses détracteurs.

Ces derniers reprochent notamment à l’éclairage de ne pas être naturel, venant d’en bas.

Mais l’argument massue en faveur de la rampe n’est pas d’ordre technique, il est théorique : la rampe de lumière matérialise la séparation qui existe entre la scène et la salle, entre le lieu où se joue la pièce et le public qui la regarde. Comme le tréteau ou l’estrade, le rideau et parfois la fosse d’orchestre.

On ouvre une fenêtre par laquelle le spectateur aura le droit de voir, et seulement cela. La rampe avec ses feux se doit d’être infranchissable.

 

Et c’est cet aspect théorique qui divise vraiment.

 

J’ai récemment évoqué mon professeur de théâtre, Henri LEGENDRE. Je me souviens qu'il n’acceptait jamais qu’un comédien puisse s’adresser au public au risque de briser la magie du spectacle. Beaucoup de "gens du théâtre" pensent cela, qu’à vouloir passer par-dessus la rampe on risque de laisser la place au chaos.

 

Et puis il y a ceux qui, comme moi, ne sont pas convaincus. Je crois plutôt que, lorsqu’un comédien franchit cette barrière, lorsqu’il se met à parler directement au public, ce n’est qu’une nouvelle illusion.

Le personnage qui existait il y a quelques secondes encore en disant un texte écrit par un autre cède la place au comédien. Mais est-ce bien le comédien qui parle ainsi à la salle ? N’est-ce pas en réalité un autre personnage encore incarné par l’acteur ?

Et chaque spectateur, la surprise passée, comprend cette supercherie, s’en amuse, s’en réjouit et se fait complice en acceptant le faux comédien comme personnage à part entière. Cet artiste qui s’adresse à lui n’est pas le vrai. La rampe s’est éteinte, mais la frontière est restée. La barrière est moins évidente, moins conventionnelle, mais existe toujours, puisque l’un continue de jouer et l’autre continue de regarder.

Bien sûr, l’équilibre devient plus fragile, et plus on joue avec le feu (de la rampe, pouf ! pouf !) plus on risque de se retrouver débordé par les réactions imprévisibles du public. Commedia dell’Arte ou one-man-show, s’adresser directement aux spectateurs demande un minimum d’expérience.

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