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31/10/2012

REMBOURSEZ !

Je vous livre ici un simple copier-coller du message que j’ai fait parvenir à la rédaction du magasine Le Point, dans laquelle je leur demande simplement le remboursement du numéro que j’ai acheté :

« J’ai cru un moment que vous étiez de zélés serviteurs de la droite. Je me suis trompé, votre magasine penche de plus en plus vers le consensus mou, le lieu commun, voire les conversations de café du commerce.
De quoi s’agit-il ? D’un article que vous qualifiez pompeusement d’« explosif ». Un pétard mouillé en réalité. Un bien triste papier pondu par monsieur Patrick BONAZZA et publié dans votre numéro 2093 du 25 octobre 2012.

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Ce dernier commence d’abord par nous assommer avec une morale financière dont on nous rebat les oreilles à longueur de journée (et à longueur d’onde) : une ribambelle de tartes à la crème servies comme s’il s’agissait d’un acte de bravoure journalistique, toute une kyrielle de formules toutes faites, comme par exemple p. 40 : « … le régime d’indemnisation du chômage en France est le plus généreux d’Europe… » quelle découverte extraordinaire !
Comme beaucoup d’autres qui essayent de se faire passer pour des journalistes sérieux, il évoque — il invoque ! — Jacques Attali (p. 43 et 44), comme s’il s’agissait d’un maître suprême, de la Suprême Intelligence.
Autre poncif totalement dépassé : citer le P.I.B. Ce chiffre n’en est qu’un parmi beaucoup d’autres tout aussi intéressants, si, si… Par exemple, monsieur BONAZZA ne semble pas connaître l’I.D.H. pourtant bien plus important… (Indice de Développement Humain, indice institué par le Programme des Nations Unies pour le Développement et utilisé par la plupart des économistes et autres institutions mondiales depuis 1990).
Puis monsieur BONAZZA cite beaucoup de titres ronflants, il joue du « professeur à Science po » ou du « chef de bureau de The Economist à Paris ».
Mais tout reste trop dans le vague, dans les généralités. On nous le fait genre qui pourrait en dire plus mais qui se contente de sous-entendus…
Et surtout, surtout, on nous parle des pays voisins ! Ach l’Allemagne ! Quel beau pays, quel modèle à imiter ! Mais, comme c’est bizarre… oui, comme c’est bizarre, lorsqu’il nous cite nos amis germaniques, jamais, mais alors jamais il ne parle de leur taux de natalité catastrophique : 1,41 contre 2,01 pour la France (pour l’année 2011). Voilà pourtant un chiffre qui devrait être mis en perspective avec les précédents, non…? C’est le mot « perspective » que vous n’avez pas compris, monsieur BONAZZA ? C’est pourtant une des tâches essentielles du journaliste que de croiser les références et ne comparer que ce qui est comparable.

C’est d’ailleurs à cause de ce manquement au service minimum que je réclame le remboursement de ce magasine, qu’on m’a vendu comme étant un journal « hebdomadaire d’information ».
Vos informations étant tellement vagues, mal formulées et mal renseignées que l’expression « hebdomadaire d’information » me semble inappropriée. Le bien que vous m’avez vendu n’étant pas ce à quoi on pouvait s’attendre, je demande que la vente soit annulée (sans compter ma surprise devant un magazine de 162 pages contenant 58 pages de pub).
Ainsi, je vous remercie de m’envoyer un chèque bancaire de 3,50 Euros, libellé à mon nom, aux coordonnées que vous avez trouvé jointes à ce courrier.
Je tiens à votre disposition, avec le ticket de caisse, l’exemplaire qui m’a été remis par votre distributeur, il est en parfait état, ne l’ayant plus touché par la suite.

Merci pour l'attention que vous avez porté à ce message. »

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Voilà donc le texte de réclamation que j’ai envoyé à cet hebdomadaire — vous avez remarqué ? je prends soin de ne pas l’appeler un « journal »…
Je rajouterai, pour les lecteurs de ce blog, qu’un passage de l’article de P. BONAZZA concerne le statut des Intermittents du Spectacle (quelques lignes seulement, p. 46). C’est la raison pour laquelle j’ai publié ce billet ici. Car là encore, il reste trop vague, jugez plutôt : « … cette population d’à peine 100 000 personnes coûte, en net, 1 millard d’euros à l’Unedic… ».
Cette affirmation est peut-être vraie, mais elle ne signifie rien puisqu’elle est en dehors de tout contexte ! Qu’obtient-on en échange de ce milliard ? Que souhaite la société française dans son ensemble ? (Et sur quelles bases a-t-on calculé ce chiffre ?)

Comme c’est dommage, car il est vrai qu’il y a encore de gros abus aujourd’hui, et si on ne les aborde pas en détail, rien ne changera jamais. Dommage vraiment, car un autre journaliste du Point, Emmanuel BERRETTA, avait eu l’intelligence, lui, de séparer le bon grain de l’ivraie, dans un article publié le 27 avril 2011 sur la version Internet du magasine (cliquez ICI pour accéder à cet article). En effet, que gagne-t-on à dresser l’ensemble des français les uns contre les autres ? s’il y a des abus, est-ce une raison pour supprimer un système tout entier ? Je crois qu’au contraire, il faut effectuer un travail d’identification des problèmes et de les traiter catégorie par catégorie, voire au cas par cas pour les plus importants. Même si l’on peut trouver à redire, l’article de monsieur BERRETTA est nettement supérieur à celui de monsieur BONAZZA, c’est net.

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Avec une simple fenêtre qui s'ouvre, vous pouvez envoyer un message à la rédaction du Point, comme celui que je vous ai reproduit ici.

Je terminerai ce billet en vous indiquant la belle réponse faite par Jacques-Emmanuel ASTOR au rédacteur en chef du magasine Le Point : cliquez ICI pour la lire.

 

06/05/2012

SUITE DE L’ÉTUDE

Je viens de terminer la lecture d’une étude commandée par la Direction Générale de la Création Artistique et dont j’avais commencé de parler dans un article du 13 avril (cliquez ICI pour le relire).

Après une analyse critique du mode de fonctionnement économique du Spectacle Vivant et de son développement historique — qui a tout de même eu l’immense avantage de permettre une croissance et une vitalité de ce secteur d’activité — la suite du document rappelle qu’un brassage croissant des logiques de marché et des logiques de service public, ainsi qu’une importance accrue d’un troisième secteur, d’initiative privée mais producteur de biens et de services à buts non lucratifs, rendent ce petit monde encore plus complexe.
Les compagnies théâtrales et chorégraphiques ont du mal à maîtriser la complexification des différentes phases, étroitement imbriquées, de leur filière d’activité.

De plus, les revenus issus des recettes propres ont une fâcheuse tendance à se concentrer davantage vers les établissements qui diffusent les spectacles plutôt que vers les compagnies qui les produisent et en assument les risques.
Enfin, les compagnies critiquent la tendance à une industrialisation de leurs rapports avec les établissements artistiques ou culturels, sous la forme d’une uniformisation des programmations et d’une marchandisation de la diffusion vers le public.

Ces lieux justement, qui sont-ils ? Les auteurs ont étudiés de façon précise ceux situés en région Francilienne (un tiers du Spectacle Vivant). Les chiffres sont clairs : 700 lieux non "labellisés" pour 50 seulement "labellisés" par le ministère de la Culture ; ces scènes nationales programment de 10 à 16 fois moins de spectacles que leurs consœurs aidées par les régions et les communes ; les lieux non labellisés ont attirés 5 à 8 fois plus de spectateurs.
Et pourtant, les spectacles qui y sont programmés le sont moins longtemps (la moyenne est de 2 jours à peine !) et une grande disparité existe entre eux : seuls 2,1 % des spectacles ont été programmés 10 fois et seuls 2,3 % ont été diffusés dans plus de 5 lieux différents. Ainsi, la concentration de la diffusion sur quelques spectacles seulement induit une très forte inégalité selon les œuvres proposées et les compagnies considérées.
Quoiqu’il en soit, ces lieux "territorialisés", aidés par les collectivités locales, occupent désormais une place stratégique tant pour la diffusion du Spectacle Vivant que pour l’action culturelle, l’accueil des compagnies et donc pour la production de spectacles.

Face à cette situation difficile, quelques solutions commencent à émerger.
● Par exemple, externaliser les tâches administratives : cela permet à la compagnie de se recentrer sur ses activités artistiques en partageant avec d’autres troupes des compétences spécialisées. La tarification des prestations devant être à la fois supportable pour la troupe et viable pour la structure administrative, ce qui n’est pas gagné…
● Pour tenter de sécuriser l’emploi dans les compagnies — afin de permettre leur développement dans un contexte de grande "flexibilité" — les aides publiques à l’emploi peuvent constituer une solution mais, à ce jour, les emplois artistiques et techniques restent structurellement dépendants de l’emploi intermittent. Les auteurs de l’étude plaident pour que ces aides soient « au moins adaptées et étendues aux directeurs artistiques, pivots essentiels mais très souvent en situation de grande fragilité économique ».
● Le mécénat, on l’aurait deviné, ne semble tourné que vers les compagnies et les structures à forte notoriété, et le plus souvent orientées vers des projets plus éducatifs et sociaux qu’artistiques.
● Enfin, les services ministériels ont élaboré 4 scénarii qui ne sont pas expliqués dans cette étude, mais dont les intitulés parlent d’eux-mêmes : l’« exception continuée », le « marché culturel », l’« impératif créatif » et la « culture d’identités ». Cette dernière possibilité s’appuie sur une segmentation de l’intervention publique entre un État modeste, qui aiderait les fleurons artistiques de la nation, et des collectivités territoriales qui soutiendraient un art plus éducatif et social. Pourquoi pas ? Mais quid de la République ? Je veux dire que je m’inquiète de la grande disparité qui existerait entre les différentes régions de France, dues aux différentes politiques menées par les différents élus. On me répondra que c’est déjà un peu le cas, mais justement, ne poussons pas du côté où l’on risque de tomber.

Daniel Urrutiaguer, Philippe Henry et Cyril Duchêne, les auteurs de l’étude, soulignent ensuite que les spectateurs ont tendance à concentrer leurs choix sur les spectacles ayant la plus forte notoriété, et que cela pose la question du soutien à de nouveaux types de mise en relation des personnes avec les œuvres, de leur "éducation" — mais aussi la question de l’instauration de relations plus symétriques entre professionnels et amateurs, c’est à dire leur participation aux différentes phases du processus (depuis la phase de recherche jusqu’à la diffusion ? cela n’est pas écrit.) et des modalités concrètes de cette coopération.

La rémunération du travail de transmission et de partage artistique et culturel entre artistes et non-professionnels (milieu scolaire, associatif…) comme revenu ordinaire des intermittents du spectacle est souhaitée par plusieurs sociologues et des artistes qui ont déjà développé leurs activités pédagogiques, tandis que d’autres artistes rejettent cette perspective afin de ne pas dénaturer, selon eux, leur mission de création.

Les auteurs soulignent ensuite « un défaut de responsabilisation des employeurs du spectacle vivant vis-à-vis de la prise en charge du déficit du régime d’assurance-chômage spécifique des intermittents par la solidarité interprofessionnelle, source de la désintégration du marché du travail artistique ». Manière neutre et polie de dire que certains gros producteurs font supporter le coût des congés payés par ce régime d’assurance chômage : au lieu d’employer des techniciens en CDI/CDD, on les emploie à plein temps, mais avec le statut des Intermittents du Spectacle…

Certains ont proposé une modification des subventions publiques, qui verrait les collectivités territoriales prendre entièrement à leur charge le financement des bâtiments culturels, tandis que l’intervention de l’État se recentrerait sur la « coopération artistique » : des structures d’une dizaine d’artistes salariés pour 3 ou 4 ans, réunis autour d’une personnalité artistique. Cela permettrait de relâcher la double pression concurrentielle du marché ET de l’aide publique. Pression conduisant à multiplier les créations et à limiter les temps de recherche artistique des compagnies.

Enfin, d’autres propositions visent à mieux redistribuer les profits dus aux recettes, afin de rediriger la trop grande part dévolue aux diffuseurs de spectacles vers les compagnies. Cela passerait notamment par une taxe sur la billetterie. Si des initiatives locales voire régionales existent déjà, l’extension de la taxe fiscale sur la billetterie des spectacles au secteur subventionné, suggérée lors des entretiens de Valois en 2009, a été repoussée notamment par les organismes de gestion mutualisée du secteur privé (on peut les comprendre, surtout que de fortes disparités sur le foncier existent d’une région à l’autre : l’emplacement n’a pas le même prix sur la Côte d’Azur qu’en Bretagne).

Mutualiser les risques et les ressources n’est pas une chose si évidente que ça. Le Spectacle Vivant est, je le répète, un univers complexe. Complexe et surtout très morcelé, sans une vision d’ensemble qui inciterait à plus de coopération entre les différents acteurs de la filière.
Cette étude n’apporte pas de révélation extraordinaire, mais elle a l’avantage de mettre des chiffres concrets, précis et significatifs sur des problèmes que beaucoup ressentent confusément. Espérons que cette pierre contribuera à l’édifice d’un meilleur réseau.