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05/01/2010

L'avenir

Mon père m’a ramené ces photos de Saint-Petersbourg. Il les a prises dans le petit musée inclus dans le théâtre Mikailovski. Elles montrent quelques costumes et maquettes de spectacles qui ont "marché".

 

 

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Ces documents, en dehors de leur intérêt propre, me rappellent un constat décrit par Christian BIET et Christophe TRIAU dans leur livre Qu’est-ce que le théâtre ? et dont voici un extrait :

« … le théâtre n’échappe pas à la répétition, comme la société qu’il figure et qu’il contient. Pour survivre, il doit maintenant s’aider de son cadre hérité, de son histoire, et les mettre en débat. Là est peut-être tout l’intérêt de cette période cherchant, dans les meilleurs des cas, à dépasser l’immobilisme. Si d’un côté la survie du théâtre, au début du XXIè siècle, est largement liée à son établissement officiel bien plus qu’aux événements qu’il produit, cette survie suppose qu’on la représente, comme survie justement, et qu’elle soit au centre du débat de chaque mise en scène. [ … / … ] le théâtre, de nos jours, est appelé à parler de lui-même, à justifier sa présence, à se donner en spectacle, à se tourner lui-même en dérision (au mieux), à se regarder narcissiquement faire (au pire) et du même coup, on le souhaite, à se mettre en question. [ … / … ] Le théâtre, alors, bravement, affiche ses emblèmes, se recommande du rideau, de la fosse, du cadre, et, à partir de ces contraintes obsolètes, joue, perturbe, détourne et décale les sens tout en restant dans son lieu de mémoire. »

En effet, le théâtre, décrit comme un art éphémère, est-il en train de s’enfermer dans ses souvenirs gravés dans la pierre ou bien est-ce l’expression d’un besoin fondamental de jouer avec ses propres codes ?

Il revient à ma mémoire un commentaire récent posté par "Dandin" au sujet de l’article « Et alors ? » que je reproduis également ici :
« Connaissant bien ce monde de l'entreprise je trouve qu'il y a trop peu de pièces qui lui sont consacrées alors que cet univers de pouvoir, de drames et de comédie inspirerait probablement un Shakespeare aujourd'hui autant que les intrigues de cour. Une grande exception toutefois en France, Michel Vinaver. Je salue donc le metteur en scène qui a choisi cette pièce et son auteur bien sûr. Il est temps je pense que ce thème émerge plus nettement dans le paysage du théâtre qui se replie sur le champ du privé, de la Cité ou dans les recherches formelles — sans texte parfois… »

Eh oui, le théâtre n’est-il pas là, souvent, pour parler des sujets qui occupent les contemporains, son public ? Est-ce là une réponse à tous ceux qui s’interrogent sur l’avenir du théâtre en occident ?

 

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28/01/2007

B r è v e s

Je viens de me rendre compte que je suis devenu superstitieux... Comme tous ceux qui doivent monter sur les planches. Même si certains ne le reconnaîtront jamais, car s’imaginant ne pas l’être. Chacun est superstitieux à sa façon : cérémonial pour se mettre en condition (« allez, ça va commencer, on se tient tous les mains ! » ; déviance de ce qui est à l’origine un simple et nécessaire training d’acteur), alimentation (« la salade, ça fait bafouiller… » ; c’est sûr qu’il ne faut pas manger une daube-raviolis juste avant de grimper sur scène), accessoire (« putain, ce soir, j’ai pas la même chemise, je vais être mauvais ! » ; autrefois, on prétendait que le vert sur un costume portait malheur), partenaire (« ce soir, tu m’as pas regardé lorsque j’ai dit "phylactère", et du coup j’ai eu un blanc tu comprends ? ») et, pour ce qui me concerne, même la façon dont j’ai garé ma voiture (« je suis garé super près ! La chance est avec moi ! »

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« CYRANO

Ragueneau ne pleure pas si fort ! ...
(il lui tend la main.)
Qu’est-ce que tu deviens, maintenant, mon confrère ?
RAGUENEAU, à travers ses larmes.
Je suis moucheur de... de... chandelles, chez Molière.
CYRANO
Molière !
RAGUENEAU
Mais je veux le quitter, dès demain ;
oui, je suis indigné ! … Hier, on jouait
Scapin,
et j’ai vu qu’il vous a pris une scène !
LE BRET
entière !
RAGUENEAU
Oui, monsieur, le fameux : " que diable allait-il faire ? ... "
LE BRET
Molière te l'a pris !
CYRANO
Chut ! Chut ! Il a bien fait ! ...
(à Ragueneau.)
La scène, n’est-ce pas, produit beaucoup d’effet ?
RAGUENEAU, sanglotant.
Ah ! Monsieur, on riait ! On riait !
CYRANO
Oui, ma vie
ce fut d’être celui qui souffle - et qu’on oublie !
(à Roxane.)
Vous souvient-il du soir où Christian vous parla
sous le balcon ? Eh bien ! Toute ma vie est là :
pendant que je restais en bas, dans l'ombre noire,
d'autres montaient cueillir le baiser de la gloire !
C’est justice, et j'approuve au seuil de mon tombeau :
Molière a du génie et Christian était beau ! »

En effet, MOLIÈRE, comme beaucoup d’autres à son époque et même certains aujourd’hui, empruntait des scènes à d’autres créateurs afin de les inclure dans ses œuvres, après les avoir bien sûr remaniées. Le résultat était souvent meilleur que l’original, et ce n’est pas sans raison qu’Edmond ROSTAND, lui-même formidable écrivain dramatique, fait dire à Cyrano que MOLIÈRE avait du génie.

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En relisant « Hamlet », de William SHAKESPEARE, je suis tombé sur le passage suivant :

« HAMLET – Rendez ce discours […] comme je l’ai prononcé devant vous, d’un ton facile et naturel ; mais si vous le déclamez avec emphase, comme font la plupart de nos acteurs, j’aimerais autant avoir mis mes vers dans la bouche d’un crieur de la ville. […] Oh ! rien ne me blesse l’âme, comme d’entendre un Stentor en perruque, aux robustes poumons, déchirer une passion en éclats, qu’il vomit aux oreilles d’un parterre ignare et frondant, dont la plupart ne veulent que du bruit, et ne sont capables de sentir autre chose que des pantomimes ridicules et inexplicables. […] que votre intelligence vous serve de guide… »

Cette pièce a été écrite entre 1598 et 1602. Comme après lui Auguste STRINDBERG dans ses préfaces, certains grands auteurs avaient, bien avant les autres, perçu l’importance de la vérité du jeu. Bien avant l’arrivée de STANISLAVSKI et de ses conseils éclairés sur « la Formation de l’Acteur », SHAKESPEARE nous montre ici l’avance qu’il avait sur son époque.

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« L'acteur doit se vider de lui-même, c'est son premier travail, et le plus important. » C’est un grand comédien qui a dit ça, et il n’a pas tort. Je vous dirai de qui il s’agit lors de la prochaine note… A moins que vous ne trouviez avant !

05/07/2006

Dans le texte

« … LE CHAMBELLAN   -   Mon cher poète, quand vous aurez mon âge, vous trouverez la vie un théâtre par trop languissant. Elle manque de régie à un point incroyable. Je l’ai toujours vu retarder les scènes à faire, amortir les dénouements. Ceux qui doivent y mourir d’amour, quand ils y arrivent, c’est péniblement, et dans leur vieillesse. Puisque j’ai un magicien sous la main, je vais enfin m’offrir le luxe de voir se dérouler la vie à la vitesse et à la mesure, non seulement de la curiosité mais de la passion humaine… »

Cette réplique est extraite de Ondine, pièce écrite par JEAN GIRAUDOUX en 1939. Je l’avais recopié dans un carnet il y a très longtemps, la première fois que j’avais lu cette œuvre. Car je l’ai relu par la suite, à différentes époques. On dit aujourd’hui que les pièces de JEAN GIRAUDOUX ont mal vieillit. Je n’en ai vu jouer aucune, mais il est possible en effet que ce genre de théâtre sente un peu la naphtaline par moment. Cela se ressent moins avec une simple lecture. Et j’aime relire Ondine. Et aussi, du même auteur, Intermezzo.

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Jean Giraudoux

Attention, je ne vous présente pas ces œuvres comme étant celles qu’il faut avoir lues pour avoir l’air bien ! Je vous livre ici les quelques titres qui m’ont plu au point que je les ai relus plus d’une fois. Au point que j’en connais certains passages par cœur.

Il en est ainsi de Fool For Love, de SAM SHEPARD ; Exercice de style, de RAYMOND QUENEAU ; Colombe, de JEAN ANOUILH ; Mademoiselle Julie, d’AUGUST STRINDBERG ; l’incontournable Cyrano de Bergerac, d’EDMOND ROSTAND ; Les Caprices de Marianne, de MUSSET - déjà cité sur ce blog ; et encore Dom Juan, de MOLIERE ; Polyeucte, de PIERRE CORNEILLE et bien sûr Marius, dont j’ai pu vous entretenir il y a peu. Et toutes les œuvres de PAGNOL d’ailleurs, ainsi que toutes celles de TENESSEE WILLIAMS.

Il y en a sûrement parmi vous qui ont aussi « leurs » pièces favorites. Si le livre se trouve encore sur votre étagère, laissez en ici quelques passages choisis ! Au lieu des simples commentaires, laissez parler un peu les auteurs. Exposez au vu de tous, pour une fois, cet acte intime qu’est la lecture. Oublions un temps comédiens et metteurs en scène et laissons les mots défiler tout seuls, sans l’aide de personne…  Quels auteurs viendront ici, par votre intermédiaire ? (de petits extraits hein ! Il ne faudrait pas avoir d'ennuis avec la S.A.C.D. ...)

 

Ce pourrait être le prochain sujet du bac : « Lire une pièce de théâtre est-il suffisant ? Une simple lecture ne risque-t-elle pas de déformer, mutiler l’œuvre imaginée par l’auteur ? Mais dans ce cas, ne serait-il pas dommage de nous priver de toutes ces pièces que nous n’aurons pas le temps (ni l’argent) d’aller voir jouer ? Certaines supportent-elles mieux la lecture que d’autres ? »

Vastes questions auxquelles je ne répondrai bien évidemment pas. (Afin de ne pas fausser le prochain baccalauréat !)

 

Parmi les « classiques », il est remarquable de voir que certains textes sont encore d'actualité (MOLIERE écrivit Dom Juan en 1665) :

« SGANARELLE - Quoi ? Vous ne croyez rien du tout, et vous voulez cependant vous ériger en homme de bien ?

D. JUAN - Et pourquoi non ? Il y en a tant d'autres comme moi qui se mèlent de ce métier, et qui se servent du même masque pour abuser le monde.

SGANARELLE - Ah, quel homme ! Quel homme !

D. JUAN - Il n'y a plus de honte maintenant à cela, l'Hipocrisie est un vice à la mode, et tous les vices à la mode passent pour vertus, le personnage d'homme de bien est le meilleur de tous les personnages qu'on puisse jouer aujourd'hui, et la profession d’Hipocrite a de merveilleux avantages. C'est un art de qui l'imposture est toujours respectée, et quoi qu'on la découvre, on n'ose rien dire contr'elle. Tous les autres vices des hommes sont exposés à la censure, et chacun a la liberté de les attaquer hautement, mais l'hypocrisie est un vice privilegié, qui de sa main ferme la bouche à tout le monde, et jouit en repos d'une impunité souveraine.
On lie à force de grimaces une société étroite avec tous les gens du parti ; qui en choque un, se les attire tous sur les bras, et ceux que l'on sait même agir de bonne foi là-dessus, et que chacun connait pour être véritablement touché : ceux-là, dis-je, sont toujours les dupes des autres, ils donnent hautement dans le panneau. »

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Michel Piccoli dans le rôle titre