27/03/2008
Paradoxe
Non, il ne s’agit pas ici de parler du fameux « paradoxe du comédien ». Comme je vous l’avais annoncé avant-hier, je me suis rendu lundi à Acropolis pour profiter du festival « 06 en scène ».
Cet événement, organisé par le Conseil Général des Alpes-Maritimes, est une sorte de festival du spectacle, mais entièrement "indoor" comme on dit aujourd’hui. Et là, malheureusement, les locaux d’Acropolis son trop impersonnels, trop mornes même, pour arriver à créer une véritable atmosphère de fête.
Le contenu, cependant, était de meilleure qualité que lors des deux éditions précédentes. En effet, le public n’est pas vraiment informé du fait que les 100 spectacles annoncés durant ces trois jours représentent des productions professionnelles d’une part mais aussi des productions d’amateurs d’autre part. Attention, cela ne veux pas dire que les œuvres issues de structures non professionnelles soient mauvaises, surtout pas ! Tout simplement, la sélection a été plus rigoureuse cette année, voilà tout.
Venu seulement le lundi, dernier jour, j’ai surtout assisté à des projections de films d’animations (pour petits et grands enfants) proposés par l’association Héliotrope, et à des démonstrations de danse hip-hop. J’ai par contre eu la chance d’assister à la dernière partie de « Ad Libitum ». C’est un spectacle de danse contemporaine à l’esthétique déjà plus que parfaite, alors même que la Cie Antipodes, créatrice de cette performance, nous annonce qu’il ne s’agit que d’un spectacle en gestation ! Une salle trop petite les a contraints à devoir refuser du monde, quel dommage.
Et mon paradoxe alors ? Eh bien, il se résume à cette photo prise dans le hall du 1er étage. Nous y voyons une scène toute simple en apparence : M. Michel FRANCESCONI est assis à une table, avec devant lui un interminable rouleau de papier kraft ; à la main, un stylo-plume. C’est tout. Il a pris le parti d’écrire là, dans cet endroit improbable, en improvisant. Pour mieux expliquer son initiative, il m’a laissé reproduire ici son texte de présentation :
« VIDER UNE CARTOUCHE
La règle du geste est simple : il s’agit de vider un stylo-plume jetable en écrivant sur un rouleau de papier kraft ; écrire jusqu’à épuisement de l’encre, avec comme contrainte particulière de ne pas raturer. Ce déroulé calligraphique ne connaît pas le pentimento.
En cela, ce geste d’écrire en public entretient peut-être moins de liens avec la littérature qu’avec les arts visuels. Cette entreprise est par-dessus tout affaire de traces laissées qui plus est par un objet dont la qualité première, celle qui le distingue et l’identifie, est d’être jetable. J’aime à le prendre à contre-emploi, ce stylo-plume d’une seule cartouche, en faire l’instrument d’une œuvre potentiellement durable, fixée qu’elle est, promise au vieillissement du papier, au lent effacement de l’encre, à tous les aléas patrimoniaux, à la conservation curieuse, roulée dans un tube, comme le furent les plus anciens textes.
"Mais qu’est-ce que tu écris ? Mais t’écris quoi ?" A-t-on jamais demandé à un musicien ce qu’il allait jouer quand il saisit son instrument et improvise ? C’est bien ainsi que je pars à l’aventure de la page qui ne se tourne mais se déroule. Qu’est-ce que j’écris ? Je descends le filet d’encre en ses imprévisibles sinuosités, stagnations narratives et rebonds divaguant, traversées du désert du sens et moments de grâce inventive où les enchaînements sont des miracles maîtrisés, très présent à ce qui m’entoure ou au contraire à mille lieues d’être là. »
Il y a bien là un acte, il se passe quelque chose ; il y a à voir. Il y a spectacle, et l’artiste qui en est le centre n’est habituellement pas sous les feux de la rampe. L’auteur n’est visible qu’en dehors des pièces qu’il écrit. Et s’il lui arrive de jouer lui-même ses propres textes, il est alors deux personnages à la fois : le comédien qui transpire sur la scène puis l’auteur qu’on salut à la fin.
Ici, Michel FRANCESCONI met en scène son propre acte de création. Dans un festival intitulé « 06 en Scène », on pouvait penser que l’écrivain devait rester en coulisse mais, paradoxalement, il est celui qui a attiré mon regard en premier…
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07/10/2007
Messieurs ! le jury !
Il y a une situation confortable et incommode à la fois : être membre d’un jury.
Vendredi soir, j’ai eu l’occasion d’être parmi ceux qui avaient à juger les spectacles qui étaient programmés durant trois jours, du 28 au 30 septembre dernier.
Oui, le grand mot est lâché, le mot qui fait toujours débat dans l’univers de la culture : « JUGER » Arghhh !
C’est que, s’il est déjà difficile d’accepter l’idée d’être évalué ou même comparé, ça l’est encore plus dans le domaine de l’art, secteur où le verbe « mesurer » ne signifie pas grand chose. Exercice d’autant plus ardu que l’artiste, s’il est honnête, met une part de lui-même dans ce qu’il accomplit. C’est ainsi qu’il y a les festivals AVEC récompense(s) et les festivals SANS récompense. Au Théâtre de l’Impasse, ils avaient choisi d’organiser leur premier festival AVEC une compétition. On m’a appelé, je suis venu.
Pour ma part, cela ne me choque pas que l’on puisse mettre des spectacles « en compétition ». C’est même une excellente école, car on apprend à soumettre notre œuvre au regard tout à fait subjectif d’un public. Quoi qu’il arrive, en dehors de toute compétition, le spectacle sera de toute façon jugé par ceux qui le reçoivent ; et si le chalenge est un peu différent, il n’en reste pas moins cruel parfois, imprévisible aussi mais toujours légitime. Même si le public est composé d’imbéciles, d’incultes, de cuistres et d’emmerdeurs, nous avons tous le droit de porter un jugement sur l’œuvre que l’artiste porte à notre regard.
Et c’est d’ailleurs cela qui m’a gêné lorsqu’on m’a présenté comme « membre du jury » : J’étais celui qui juge, et les autres, par conséquent, ceux qui ne jugent pas (ou au moins dont l’impression importe peu).
Vous l’avez compris, je ne prétendrai jamais que mon avis prévaut sur celui des autres ; en revanche, j’ai pris mon rôle au sérieux : on me demandait mon appréciation pour chaque show que je verrai, j’en ai marqué toute une tartine pour chacun, davantage pour expliquer et décortiquer que pour dire si c’était bon ou mauvais. Mais il fallait également donner une note sur vingt, je me suis plié à cette exigence. Selon le prestige de la manifestation culturelle, remporter le prix peut changer une vie, dans d’autres cas, on gagne une médaille en chocolat. Ici, il s’agissait quand même d’un chèque qui n’était pas de bois : 300 €uros, destiné au vainqueur parmi [ … de jeunes auteurs-comédiens qui ont travaillé toute la saison passée pour écrire, monter, tester leur nouvelle création et souvent leur premier spectacle. Durant la saison 2007-2008, ils n'auront de cesse que de jouer et se faire connaître du plus grand public… ] comme nous l’indiquait le programme de ce festival.
Lorsqu’on on tente l’aventure d’un spectacle, il faut être prêt à tout. Comprenez : il faut être prêt à recevoir tous les coups imaginables. Il faut apprendre à se protéger de la désillusion, de l’indifférence, de l’incompréhension, de la défaite et des mauvais jours, des conflits avec les organisateurs, les artistes, les ennemis et les amis, il faut se rendre plus solide face à une remise en cause de soi qui est permanente. Quoi de plus partial qu’un jury, si ce n’est le public lui-même ? Est-ce une bonne ou une mauvaise chose ? Qu’importe, c’est ainsi, et il faut s’y préparer. Pour cela, rien de mieux que de participer à de telles manifestations.
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10/09/2007
Falicon
Comme je vous l’ai annoncé dans le dernier article, les « 5es Falicomédies » se sont déroulées pendant tout le week-end à Falicon, village situé à moins de 10 km de Nice, et qui tire son nom de sa situation haut-perchée (la même racine que « falaise », mais tout de même, c’est moins vertigineux).
Les festivals ont le mérite, à mes yeux, d’amener leur public à plus de curiosité et plus de diversité grâce, justement, à leur touche festive. En effet, la plupart de ces manifestations incluent généralement au moins un apéritif offert, ou alors des "afters" très sympathiques synonymes de rencontres et de discutions.
Les organisateurs, les participants, les partenaires et les collectivités publiques y retrouvent une part du public venu chercher un peu plus que la simple diffusion d’une œuvre. Je n’ai alors pas de honte à employer l’expression « valeur ajoutée ». En effet, essayer de voir autre chose que les ternes émissions calibrées pour le Grand Public est une bonne chose. On peut aller plus loin, et tenter d’aller à des manifestations culturelles où il est possible de rencontrer les créateurs eux-mêmes. Et cela, les festivals le permettent souvent.
D’autre part, qu’il y ai un fil rouge ou pas, qu’un artiste soit à l’honneur ou bien un genre particulier, les programmateurs s’efforcent pour la plupart de proposer une palette suffisamment variée de spectacles mais aussi de lieux pour inciter le public à venir faire des découvertes.
Ainsi, le festival de théâtre qui s’est déroulé de vendredi à dimanche à Falicon aura permis aux spectateurs de rencontrer Guy FOISSY, Gérard LEVOYER ainsi que d’autres auteurs dramatiques représentés lors de ces trois journées.
Je n’ai pu m’y rendre que le premier jour (il y avait l’apéritif, hé ! hé !) : la sangria fut précédée de discours fort drôles et sympathiques, mais pas vraiment utiles. Toutefois, un festival digne de ce nom laisse la parole à tous les intervenants et invités ; on remercie ceux qui le méritent, les locaux s’adressent aux élus, les artistes à leur hôte.
Après l’apéritif, nous avons eu droit à un spectacle en extérieur. Je ne dis pas « spectacle de rue » car cette dénomination sous-entend que n’importe qui peut aller et venir à tout moment sur l’aire de représentation. Hors, ici, ce n’était pas le cas : quoiqu’en extérieur, le public était cantonné d’un côté de la placette. Sur l’autre partie, évoluaient les six danseuses de la compagnie Dans’Emoi. Crée en 2004 à Paris, cette structure s’est installée à Cannes un an plus tard. Elle est dirigée par Adeline RAYNAUD.
Il s’agissait pour cette troupe de chorégraphier des phrases extraites de chacune des œuvres théâtrales proposées durant ces Falicomédies. De fait, cela donnait un spectacle assez long (40 minutes) mais pas ennuyeux du tout. L’esplanade André BONNY offrait un beau décor en pierre blanche où se détachaient les danseuses habillées de noir. Il se trouvait à cet endroit un monument aux morts : c’est un symbole très fort, que l’on soit patriote convaincu ou bien anti-militariste. Aussi, il aurait fallu traiter cet élément, inclus de fait dans le spectacle, d’une façon plus précise, plus réfléchie. Malgré certaines imperfections (très visibles puisque le public se trouvait tout près), ce spectacle de danse, plutôt jazz, m’a plut, et j’ai applaudi.
Dans l’assistance se trouvait une autre chorégraphe que je connaissais, et qui, le lendemain, a voulu tempérer mon enthousiasme : mauvaise exploitation de l’éclairage naturel, délimitation de l’espace mal gérée, actes gratuits… Mais bon, c’est une (excellente) professionnelle, elle n’a pas le même œil que moi.
Adeline RAYNAUD m’a confié qu’elle pensait retravailler une partie de ce spectacle dédié à ce festival, pour en faire un autre plus autonome.
Quelques minutes après le salut des artistes, nous étions invités à rentrer dans la salle polyvalente aménagée en théâtre (pas de reproche à faire aux organisateurs, si ce n’est l’inévitable absence de pente dans les gradins).
Nous avons assisté à la représentation de « Rencontres », de Guy FOISSY. 3 pièces courtes d’un maître de l'humour noir, écrites avec talent. Talent aussi pour les deux interprètes, Emmanuelle LORRE de la Cie Épigramme [ cliquez ICI pour (re)lire l’interview ] et Philippe LECOMTE de la Cie l’Entrée des Artistes. C’est un spectacle qui "tourne" dans notre région et vous aurez, je crois, l’occasion d’aller le voir. Il s’agit de moments dans l’histoire d’un couple : la rencontre, le constat d’échec… Certains passages sont surréalistes, presque fous.
On rit tout le temps… sauf à la fin où le spectateur se laisse surprendre par un changement dans le ton de la pièce. De belles et délicates choses tout à fait inattendues.
Un quasi sans-faute (le personnage masculin accrochait parfois le texte, mais cela restait acceptable) qui m’incite à vous recommander ces « Rencontres ».
Il me reste à féliciter les organisateurs de ces Falicomédies, cinquièmes du nom, ce qui est déjà un beau tour de force — mon expérience personnelle en matière d’organisation de festival me permet de le dire. Encore bravo à Françoise et à Philippe.
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02/06/2007
Petites annonces
Depuis hier jeudi, a commencé aux Arènes de Cimiez le 6ème Festival de Théâtre, qui s’intitule tout simplement « Théâtre aux Arènes » — au moins, c’est clair. Cette année, nous comptons sept spectacles proposés au public. L’entrée est gratuite, il faut le préciser ; mais il ne faut pas en déduire que ce sont des spectacles au rabais. Il suffit de savoir qu’il y a un mélange des genres, et que l’on peut tomber sur quelque chose qui ne correspond pas à notre goût.
La Cie Alcantara se produira là le dimanche 03 juin à 20h00, dans une pièce intitulée : « Actrice E.R. ». J’en avais déjà fait un compte-rendu il y a plus d’un an : cliquez ICI pour (re)lire l’article. Vous pouvez vous rendre sur le site de la compagnie grâce au lien présent sur la colonne de gauche ; ou bien même accéder directement à leur présentation de la pièce en cliquant LÀ.
Je ne peux que vous recommander une fois de plus ce spectacle. Je ne vous ferai pas l’injure de vous dire qu’il faut arriver AVANT 20h00. En revanche, je vous conseille de prévoir une petite laine, les soirées de juin restent fraîches pour celui qui reste assis sans bouger. (La meteo nous annonce une petite amélioration pour dimanche, mais pas le grand soleil !)
Renseignement : 04 97 13 37 70
Du côté de la chanson, il est une artiste dont je tiens absolument à reparler : Marie-Pierre FOESSEL. Là encore, vous pouvez relire l’interview qu’elle nous avait accordé en cliquant ICI.
Elle se produira dans les lieux et aux dates suivantes :
le 7 juin à " l'Endroit " à Menton, en trio ;
le 20 juin à la " Cave Romagnan " 22, rue d'Angleterre à Nice (en trio avec Serge SALACROUP et Kevin
TARDEVET) ;
le 22 juin à " l'hostellerie du château " / restaurant " le Bigaradier " (en duo avec Kevin) ;
Durant tout le mois de juillet, le spectacle : « l'Ô à la bouche » s'installe au Théâtre de
l'Atelier (Théâtre du Cours, salle N°2) 18, rue de la Barillerie, dans le vieux Nice, chaque mardi, mercredi et jeudi soir. Elle sera accompagnée par André CLUZEL… Il y aura aussi des stages de chant !
les 6 et 12 juillet au " bigaradier " ;
le 27 juillet au Square de Monaco, pour une soirée hommage à Michel LEGRAND.
Pour tous renseignements, contacter directement Marie-Pierre FOESSEL par e-mail :
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17/05/2007
En ce moment
En ce moment, et jusqu’à samedi, se déroulent les « SIACRERIES» - 11ème édition. Ce festival des arts de la rue se déroule sur les places et dans les cours de Gattières (aujourd’hui, jusqu’à ce soir) puis vendredi au Broc (à partir de 17h00) et enfin samedi à Carros (à partir de 11h00) et Carros-Village (à 21h00).
Festival pour les petits et pour leurs parents et grands-parents, au total une quinzaine de spectacles présentés par « la Divine Quincaillerie », « Arnika », « Artonik », « le Théâtre de l’Unité », « la Cie d’Irque », « Ylang Ylang », « les Country Potes », « les Fouteurs de Joie » et enfin la « Cie de l’Arpette », dans laquelle œuvre Magali BÉNÉVENT, qui a bien voulu me laisser lui poser quelques questions.
Cette interview paraîtra bientôt dans un prochain article.
Enfin, vous pouvez obtenir des renseignements sur l’organisateur des « Siacreries », le Forum Jacques
PRÉVERT, en cliquant ICI.
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23/06/2006
Avignon
Si ce blog avait vu le jour deux mois plus tôt, j’aurais suggéré à ceux qui ne connaissent pas encore la magie d’Avignon d’y aller cet été. Mais les campings et les hôtels étant très vite bondés, il était déjà trop tard pour en faire la réclame. Toutefois, évoquant les « Bonimenteurs » lors de leur passage aux Arènes de Cimiez, j’avais ajouté qu’ils feraient partie de la programmation « OFF » cette année. Puis mon esprit a vagabondé, il est retourné près de soixante ans en arrière…
LE FESTIVAL D’AVIGNON a été crée en 1947 par JEAN VILAR, acteur, metteur en scène et directeur de théâtre. Avant cela, celui-ci avait déjà tenté de populariser l’art dramatique, c’est à dire de le rendre accessible au plus grand nombre sans faire de concession sur les œuvres produites. Il avait déjà également en tête l’idée de rapprocher le public avec les comédiens. Mais les moyens lui avaient jusqu’alors manqué.
Dans ces années d’après-guerre, les festivals n’existent pratiquement pas, ou plus. Encore moins lorsqu’il s’agit de théâtre.
Jean Vilar lui-même ne se lancera dans l’aventure du Théâtre National Populaire (T.N.P.) qu’en 1951. Aussi, pour un grand comédien d’alors, il était suffisant de se concentrer sur Paris et de se moquer du reste. Ce qui semble aujourd’hui une institution était alors une RÉVOLUTION.
C’est donc en 1947 qu’on demande à JEAN VILAR d’aller en Avignon, dans le cadre d’une exposition de peinture, jouer une seule représentation de Meurtre dans la Cathédrale, de THOMAS STEARNS, dans la cour d’honneur du Palais des Papes. Dans un premier temps, il repoussa l’idée d’aller se produire dans un lieu aussi inhabituel pour l’époque. Puis il changea d’avis, mais aussi de projet : ce fut ainsi la Semaine d’Art en Avignon. Au début du mois de septembre, une expo., deux concerts et trois pièces de théâtre, jouées plusieurs fois.
Au total moins de 5000 entrées contre environs 400 000 rien que pour le « IN » et 700 000 pour le « OFF » aujourd’hui. Mais l’idée était née, et bien née (aujourd’hui, on dirait le « concept »). Et l’année suivante, cette semaine devint le 2ème Festival d’Avignon, replacé pour l’occasion au mois de juillet.
Dès les premières années, de grands noms comme GÉRARD PHILIPPE, MARIA CASARES, ALAIN CUNY, MICHEL BOUQUET, et aussi ROBERT HIRSCH, JEANNE MOREAU ou DANIEL SORANO participent à ce festival. Hormis l’interprète de Fanfan la Tulipe, ils n’étaient pas encore, pour la plupart, des monstres sacrés, mais de très jeunes comédiens.
Puis, remanié, recrée par Jean Vilar, le Théâtre National Populaire unira son destin à celui du festival, jusqu’en 1963. Avignon et T.N.P. relanceront la décentralisation du théâtre.
Car, en 1963, Jean Vilar abandonne la direction du T.N.P. (reprise par le comédien GEORGES WILSON) pour se recentrer sur le festival. Il « doit » inventer un autre Avignon. En effet, si le nom de la ville se confond avec son festival, c’est parce qu’il est devenu extrêmement populaire, trop. La légende est devenue une institution qui peut ressembler à une étape touristique.
Mais dès 1966, la transformation se fait d’elle-même : plusieurs lieux de représentation à la place de la seule Cour d’Honneur, plusieurs troupes (Théâtre de la Cité de Villeurbanne à égalité avec le T.N.P.) et plus seulement du théâtre. Car la danse investie les lieux avec MAURICE BÉJART et CAROLYN CARLSON. Et même le cinéma l’année suivante (JEAN-LUC GODARD) ! Puis en 1968, la contestation arrive de New-York avec le Living Theatre, de JULIAN BECK et JUDITH MALINA. 1969 voit l’arrivée d’ARIANE MNOUCHKINE. Il y a désormais le « IN », le festival « officiel », et le « OFF », qui déborde de toutes part des murs d’Avignon et accueille des troupes de tous horizons dans les lieux les plus hétéroclites (chapelles, hangars, carrières, rues, et même des théâtres !). Toutes ces manifestations s’écoulent désormais durant tout le mois de juillet. La transformation du festival est donc achevée lorsque décède son fondateur, le 28 mai 1971, à l’âge de 59 ans.
Depuis, même si Avignon ne représente plus le seul laboratoire de création théâtrale, il reste le plus grand festival de théâtre du monde. Sur deux critères au moins : le nombre de spectacles présentés et la fréquentation d’une part ; et la couverture médiatique d’autre part.
Car la plupart des compagnies théâtrales vont là-bas afin de montrer leurs spectacles aux nombreux professionnels en quête d’une programmation. Monter une pièce de théâtre à Avignon peut coûter cher, certains lieux pouvant se louer 10 000, 20 000 €uros, parfois plus. Sans compter toute la campagne de communication et les défraiements. Aussi, c’est souvent à perte que l’on se rend dans la Cité des Papes. Mais c’est pour beaucoup l’espoir d’un tremplin.
Enfin, si j’en juge par les conversations que j’ai pu entendre, se produire dans un tel festival est aussi le rêve de beaucoup d’artistes.
P.P.P. : Petite Parenthèse Pognon
Du point de vue du spectateur, IN ou OFF, aller ne serais-ce que 3 ou 4 jours à ce festival nécessite un minimum de finance : Trajet aller/retour essence + péage, hébergement (le camping de l’Île de la Barthelasse est très bien tenu et comporte même une piscine ; pour les hôtels, c’est plus cher !) repas (on est enclin à la fête, à Avignon…) et bien sûr location des places pour les quelques spectacles que vous aurez choisis.
Et comment aurez-vous choisi un spectacle parmi la myriade proposée ? La première semaine, il faut se fier aux critiques et à son flair. Mais très vite, il y a le fameux bouche-à-oreille qui se met à fonctionner.
Il y a aussi désormais les traditionnelles campagnes faites à travers la ville par les artistes eux-mêmes, et qui valent parfois leur pesant d’or. De véritables mini-spectacles, destinés à attiser l’envie du public d’aller rire ou pleurer ici plutôt que là. C’est en quelque sorte l’équivalent de la bande-annonce au cinéma.
Depuis, bien d’autres festivals de théâtre ont vu le jour, comme le Festival de Théâtre de Rue, à Aurillac. L’été, le spectacle vivant ne part pas en vacances, il les illumine.
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