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01/05/2010

les Martyrans

Bonjour et bienvenus au Théâtre de la Semeuse. Attention : les autorités du Consulat de France au Cameroun n’ayant pas délivré les visas aux artistes, le spectacle « les Martyrans », prévu les vendredi 30 avril et samedi 1er mai à 20h30 et le dimanche 02 mai à 15h00 est annulé. Merci de votre compréhension.

 

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C’est le message que nous entendons sur le répondeur de l’association la Semeuse. L’annulation d’un spectacle est une bien triste nouvelle. Je vais essayer d’obtenir plus de précisions.

05/03/2010

Le Grand Palmade

Beaucoup de téléspectateurs auront vu, samedi 20 février sur France 2, « Le Grand Restaurant ». Beaucoup de louanges ont déjà été dites sur son auteur, Pierre PALMADE. Je souhaite toutefois y revenir pour souligner une autre qualité que possède cette œuvre (car c’en est une, me semble-t-il).
Chaque situation est poussée jusqu’à ses extrêmes limites. On va jusqu’au bout. Et c’est une indication que donnent fréquemment les professeurs de théâtre et aussi ceux qui sont amenés à diriger des acteurs.
Lorsqu’on travaille un texte, que l’on répète une scène, des idées viennent, on propose des choses, mais souvent le metteur en scène est frustré et demande plus : il demande qu’on exploite davantage la situation, les mots, les personnages, tout le bois qu’on pourra brûler, et pas seulement les bûches qu’on avait mises de côté. C’est la raison pour laquelle ce genre de film peut servir d’exemple à toutes celles et tous ceux qui souhaitent faire du théâtre.
Il ne s’agit pas là d’un prétexte pour faire dans le grandiose et le démonstratif, simplement de dire qu’un comédien ou un metteur en scène doit "creuser" tant qu’il peut. Après viendra le tri.

 

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Dans le même ordre d’idée, je citerai un passage d’un film des Marx Brothers : « la Soupe au Canard ». Dans cette scène, un homme monte dans sa chambre. Quelqu’un s’y trouve, qui ne devrait pas être là. Ne pouvant plus se cacher ni fuir, l’intrus décide de faire croire qu’il est le reflet de l’autre ; il va ainsi reproduire tous les mouvements de son hôte. Cette scène dure près de trois minutes (!), et la situation devient de plus en plus énoOorme. Mais ils jouent jusqu’au bout, même lorsque les personnages ne peuvent plus y croire.
Cliquez sur l’image pour visionner ce petit bijou du cinéma, grand exemple de travail bien creusé (ce qui n’exclut pas que chacun puisse s’amuser à trouver d’autres prolongements, ce qui serait un exercice très amusant).

 

 

20/11/2009

Quatre

Quatre extraits du livre « Comme si c’était moi », de Philippe TORRETON, comédien connu au cinéma mais qui a quand même travaillé dix années à la Comédie Française.
Je laisse ces extraits sans commentaire, sachant très bien qu’on peut être contre ses propos comme être entièrement d’accord avec lui. Le but étant que chacun ait envie de réfléchir sur la Culture, et aussi de lire quelques ouvrages sur le théâtre, qu’il s’agisse d’autobiographies ou d’études plus spécialisées.
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Je me suis souvent demandé pourquoi, à l’école, on commençait avec Molière. Mais c’est vachement dur, Molière, à douze ans. On ne comprend rien, c’est truffé de mots totalement oubliés, et ça laisse aux élèves l’impression désagréable que ce n’est pas fait pour eux, Molière, et donc que le théâtre, du même coup, « c’est un peu comme le foot pour les pédés ». Alors qu’il existe partout dans le monde des auteurs vivants, écrivant avec des mots d’aujourd’hui, qui permettraient d’aborder l’art dramatique sans ce genre de complexes castrateurs, pas question d’abandonner Molière ! Mais on peut le remettre à plus tard, quand les bases sont là, et que le virus du langage commence à agir, il ne bougera pas Molière, il est mort de toutes façon, il nous attend fidèle au poste. […/…] Molière n’est pas un prétexte pour faire l’andouille avec des masques. S’il écrivait aujourd’hui, il aurait constamment des problèmes avec les gens en place comme on dit. À son époque, déjà, certains auteurs espéraient sa mort prochaine et se réjouissaient de cette vilaine toux qu’il avait, d’autres appelaient carrément au meurtre… alors… Ne le réduisons pas à un classique qu’il est bon d’avoir lu. Il y a une vie qui va avec, c’est sérieux… et parfois grave, même si c’est drôle.
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Je suis contacté par Jack Ralite pour dire un poème aux états généraux de la culture […/…] il s’agit du « Marbrier de Carrare », de Charles Péguy […/…] Mon premier contact avec le poème est déroutant. Il est bizarrement posé sur le papier, avec des rejets ou renvois à la ligne étranges, et, lorsque je le lis tel que c’est écrit, je ne comprends pas. Un peu comme Claudel, cela devait être à la mode en ce temps-là, lorsqu’on avait un truc à dire, hop ! pas plus de quatre mots par ligne, ou alors ils étaient payés à la feuille. Mon premier travail consista donc à reconstituer les phrases une par une. Alors, tout le sens me parvint. Ce poème est beau, simple et fort. Je m’étais convaincu de le lire (et donc de le recopier) comme je l’avais compris. Mais, saisi d’un doute (car pourquoi alors Péguy l’avait-il rédigé ainsi ?), je me décidai à vérifier auprès de Jean Dautremay, sociétaire spécialiste des poèmes compliqués, si ma méthode n’était pas trop sacrilège. Il trouva ma lecture intéressante, mais me dit qu’il fallait absolument respecter la forme sur le papier, forme qui était aussi de la poésie et signifiait quelque chose. Oui, mais quoi ? Pas de réponse, en tout cas pas claire, et de lui rétorquer que lorsque je respecte l’écriture je ne comprends plus rien. Or il paraît que c’est justement ça, le travail du comédien, respecter l’auteur en le comprenant et en le rendant accessible aux autres. Ouais ! Imparable comme argument, t’as raison ! Sauf que, têtu, j’ai lu mon « Marbrier de Carrare » à ma façon, avec mes phrases reconstituée et, pardon madame ma modestie, mais ça a vachement plu […/…] C’est très beau Claudel, enfin à petites doses, mais lorsque le comédien s’arrête en pleine phrase pour attaquer le reste sur un autre ton, sous prétexte que c’est comme ça dans le livre, ça me fait penser au sketch de Dany Boon sur la collection Harlequin.
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En France on dit : « J’entre » lorsqu’on va sur scène. Dans la tradition de la commedia dell’arte, on dit : « Je sors. »
Je préfère sortir, à tout point de vue, sortir de soi, du monde, pour en gagner un autre.
C’est le plein air, c’est dehors, c’est mieux.
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Je ne suis pas sûr que le moteur principal de l’acteur soit la générosité. Ce mot galvaudé est surexploité en interview […/…] La générosité, c’est un peu le cambouis de ce métier (on ne devient pas garagiste pour en avoir sur les mains, c’est une conséquence, pas une condition nécessaire et suffisante, comme on dit en mathématique).
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Voilà, ce livre est au rayon « Théâtre » de la médiathèque de Nice, rayon fort garni et appétissant.

11/05/2009

Médiathèque, Médiathèque, dis-moi quels sont tous tes trésors !

On ne profite jamais assez de tous les DVD disponibles dans les médiathèques. J'ai récemment loué un reportage intitulé « Opération Shakespeare à la Vallée de Joux ».
Ce film retrace l'aventure de la Cie du Clédar, une compagnie de théâtre amateur ― c'est à dire que chacun des membres a un travail qui le nourrit et éventuellement lui plaît, et une passion de la scène qu'il assouvit le reste de son temps libre.

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Cette compagnie du Jura, qui regroupe environs 25 personnes, suit depuis le début des principes qu'elle s'est elle-même fixés :
Ne faire appel qu'à des comédiens amateurs ;
S'entourer en revanche de professionnels pour les différents aspects artistiques et techniques (charpentier, chef de cœur, costumier ou maître d'arme...) ;
Aborder à chaque fois un genre différent (comedia dell'arte, épopée, clown etc.)
Jouer chaque spectacle dans un lieu différent du précédent ;
Ce lieu ne doit pas être un théâtre (les contraintes liées à un lieu qui n'est pas fait pour recevoir un spectacle est une source surprenante de création, il suffit pour s'en convaincre de penser au Palais des Papes hébergeant depuis 60 ans le Festival d'Avignon) ;
Enfin, ne faire qu'un spectacle tous les deux ans seulement afin de conserver intactes toutes les énergies et les envies (ce qui leur fait tout de même un " palmarès " de onze spectacles, tous très réussis).

Leur opus de 2005, pour le vingtième anniversaire de la troupe, est un spectacle intitulé « Naissance d'Hamlet, une fantaisie » qui met en scène le célèbre dramaturge et les conditions dans lesquelles il aurait pu écrire ce chef-d'œuvre.
Pour le réaliser, la Cie du Clédar a décidé de construire un théâtre Élisabéthain grandeur nature, inspiré du modèle qui se trouve à Londres, le Théâtre du Globe.

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le Théâtre du Globe, à Londres
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Après les représentations, l'édifice en bois, jaugeant 250 places, sera démonté. Fort heureusement, la commune voisine d'Yverdon-les-Bains a racheté l'ensemble et l'a reconstruit sur son territoire, pour en faire son théâtre d'été.

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Le reportage réalisé par Anne CUNEO ne rajoute pas de commentaire, elle a préféré laisser s'exprimer les protagonistes de ce projet aussi fou que beau. Et mobilisateur : en effet, c'est toute la vallée qui s'investit tout les deux ans, pendant plusieurs mois.
On y trouve aussi les inquiétudes, les joies de chacun, la façon dont chaque comédien répète son texte ; dans la parole de chaque individu, on retrouve quelque chose d'universel. Ce qu'ils ont vécu, toutes les compagnies l'ont vécu, et pourtant de façon si différente.
Enfin, une fois de plus, on constatera que le travail de préparation est une constante incontournable et primordiale dans le Spectacle Vivant. La somme de labeur déployée pour cette entreprise est simplement colossale.

 

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Crédit photo : Le Clédar - Anne CUNEO

La Cie du Clédar a depuis quelques années un site Internet bien à elle. Cliquez sur l'image pour y accéder.

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Vous y trouverez notamment les informations sur leur prochaine création cet été. Les chanceux qui se trouveront dans cette région du Jura auront ainsi le privilège d'assister à l'une des 23 représentations, cinq semaines à cheval sur août et septembre. (notez le « .ch » de l'adresse, pour la suisse !)
Enfin, pour les habitants de la région niçoise, il vous est possible de louer (gratuitement !) ce DVD à la médiathèque Louis Nucera (référence D/792/OPE). C'est réellement un reportage d'une grande qualité.

23/02/2009

1042

Ce blog a 1042 jours !
J'ai déjà laissé passer le premier et le deuxième anniversaire ; j'ai pensé un moment faire un petit quelque chose pour les 1000 jours d'existence, mais je n'étais pas dispo non plus.
Alors, plutôt que d'attendre les trois ans de l'Illustre Théâtre (le 19 avril), j'ai voulu ce soir faire un album photo composé uniquement de toutes les affiches qui ont servi aux annonces.
Cela vaut le coup de le feuilleter, certaines sont vraiment superbes. Il vous suffit de cliquer sur l'image ci-dessous.

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Il y en a bien qui sont un peu bâclées, maladroites ou quelconques mais tout de même : dans l'ensemble, la nécessité d'attirer du monde vers les lieux de spectacle a été l'occasion de créer de très beaux objets, créations à part entière.
Mon Dictionnaire de la Langue du Théâtre m'apprend que l'inventeur de l'affiche comme moyen de publicité pour un spectacle « fut un auteur espagnol du XVIè siècle, Cosme d'Oviedo, et qu'elle fit son apparition en France au siècle suivant. Elle n'indiquait, alors, ni le nom de l'auteur, ni celui des acteurs. L'auteur n'était qu'un tâcheron à la solde d'une troupe, et les acteurs attendus se faisaient souvent remplacer à la dernière minute. »
On ne va pas se livrer au jeu malsain de faire voter les lecteurs pour savoir quelle est la plus belle affiche et pourtant, je serais curieux de savoir lesquelles vous donnent le plus envie de sortir de chez vous pour aller rejoindre les artistes le temps d'une représentation.
Il faut dire que c'est un vieux débat entre mon camarade Alfred, avec qui je répète une comédie pour le mois de juin, et moi-même. Il est un farouche partisan de l'efficacité : « pour une comédie, c'est bien simple, il faut montrer le visage des acteurs, indiquer le titre (accrocheur) et mettre un fond blanc ou jaune, pour être vu » et je dois reconnaître, non sans chagrin, que sa recette fonctionne. Notre affiche, au mois de juin 2008, était de loin la plus moche mais aussi la plus visible et la plus accrocheuse.
C'est curieux, je réalise qu'en 1042 jours, je n'ai réalisé que 3 albums photos alors que ce blog totalise 144 articles, 308 commentaires et une moyenne de 80 lecteurs uniques par jour. (Merci à eux, qu'ils n'hésitent surtout pas à courir voir la multitude de spectacles qui ont lieux chaque année sur notre département !)

12/02/2009

Nouvelles d’un autre temps

Le Petit Niçois fut un quotidien qui vit le jour en août 1879 et qui fut diffusé jusqu'en 1944, année où il disparu, accusé de collaboration.
Il comportait lui aussi une rubrique « Nouvelles des théâtres et concerts ». Le contenu de celle-ci différait de ce que l’on peut s’attendre à trouver aujourd’hui dans un article consacré au Spectacle Vivant. (Et d'ailleur, cette expression de Spectacle Vivant n'est en usage que depuis la fin des années 1990 !)
En voici quelques extraits, glanés ça et là lors d’une recherche effectuée au Palais de marbre — les archives municipales.

Jeudi 11 janvier 1883

« Un triste accident a marqué la représentation du 2 janvier au théâtre de l’Ambigu, au Havre :
Au moment où l’acteur jouant le rôle de Morjaunt, dans les Mousquetaires, armait un pistolet, le coup partit, faisant balle, et broya deux doigts de la main gauche de l’artiste.
Le pauvre garçon s’étant trouvé mal, une vive émotion se manifesta dans la salle : on croyait l’acteur tué. Heureusement, il n’en était rien : mais on craint d’être obligé de faire l’amputation des deux doigts mutilés. »

À une époque où les portes étaient simplement peintes sur une toile de fond, l’emploi d’un vrai pistolet chargé avec un balle réelle est tout à fait surprenant ! (Ou bien révélateur de la perception qu’on avait alors d’une arme à feu, peut-être objet banal et présent dans de nombreux foyers ?)

Mardi 16 janvier 1883

« A Bruxelles il y a procès entre Mme Olga Léant, directrice des Fantaisies-Parisiennes et l’agréable Mme Numa Dalbret.
L’ex-pensionnaire de l’Opéra-comique ayant eu à se plaindre de divers procédés trop autoritaires, aurait, dans le feu d’une violente prise de bec, mis son poing mignon sous le nez de Mme Olga. Celle-ci, furieuse, congédia immédiatement sa chanteuse, sans tenir compte de son engagement. De là, intervention des juges, qui, en première instance, on décidé que Mme Olga était tenue de conserver Mme Dalbret, en lui payant 700 fr. par mois.
La directrice des Fantaisies, ayant toujours sur le cœur le coup de poing qu’elle dit avoir reçu sous le nez, en a appelé de ce jugement. L’arrêt sera rendu à huitaine. »

C’est clair, le chroniqueur en pinçait pour cette agréable Mme Numa Dalbret avec des poings si mignons… Que l’on se rassure, les tensions qu’animent des passions exacerbées sont encore aujourd’hui fréquentes, même si les coups de poing sous le nez sont plutôt rares.

Vendredi 9 février 1883

« Il existe actuellement 1457 théâtres en Europe, qui se répartissent ainsi :
318 en Italie, 337 en France, 194 en Allemagne, 160 en Espagne, 150 en Angleterre, 132 en Autriche, 44 en Russie, 34 en Belgique, 22 en Hollande, 20 en Suisse, 16 en Portugal, 10 en Suède, 10 en Danemark, 9 en Norvège, 4 en Turquie, 4 en Grèce, 3 en Roumanie et 1 en Serbie. »

Le texte qui précède montre plusieurs choses : tout d’abord que la Suisse et la Turquie étaient considérées, par le rédacteur de cet article, comme des pays d’Europe, sans distinction particulière ; ensuite, que l’on disait encore, il y a 126 ans, « EN Portugal » et « EN Danemark » ; enfin, dans cette liste classée par ordre décroissant, l’Italie, moins bien dotée pourtant se trouve citée en premier, devant la France ! Réminiscence d’un passé récent qui a vu s’affronter les partisans du rattachement à la France contre ceux qui convoitaient l’unification italienne ?

07/12/2008

L'Incendie de l'Opéra-Comique

L’incendie qui a détruit de fond en comble le théâtre de l’Opéra-Comique s’est déclaré, pendant le premier acte de Mignon, dans les frises de la scène. Une herse de gaz a mis le feu à un décor et bientôt des flammèches et des débris enflammés tombèrent au milieu des artistes et des figurants. Malgré les avertissements de MM. Bernard, régisseur de la scène, Taskin et Soulacroix, qui invitaient le public à conserver son sang-froid, les spectateurs affolés se ruèrent dans les couloirs trop étroits, s’écrasant les uns les autres pour gagner plus vite les portes de sortie. Au foyer et dans les loges des artistes, les acteurs dans le costume de leurs rôles, les figurantes à demi-vêtues, restaient immobiles, paralysées par l’épouvante. La plupart suivirent machinalement ceux qui s’enfuyaient et, dans la rue Favart, au milieu de la fumée noire que l’éclair lumineux des flammèches traversait par instants, barytons, ténors, choristes, danseuses, figurantes couraient à la débandade, se réfugiant dans les cafés et dans les maisons voisines. Aux Galeries supérieures on entendait des cris de désespoir, des appels lamentables auxquels répondaient les voix de la foule qui conjurait ces malheureux d’attendre l’arrivée des engins de sauvetage. Sur les balcons des deuxièmes galeries, sur le rebord de pierre que surmonte la toiture, des spectateurs, des ouvreuses, des habilleuses couraient ça et là avec des gestes de désespoir.
Un roulement de voiture se fait entendre. Ce sont des pompiers qui accourent au pas de charge dans la rue Favart avec une pompe à bras et quelques échelles. Les cris des malheureux redoublent. On applique les échelles. A l’instant où le crampon de fer s’accroche à la marquise qui donne sur la rue Favart, un homme éperdu se jette dans le vide. Le corps rebondit sur la marquise et se brise sur la chaussée. Quelques instants après, une autre forme humaine traverse la fumée et s’écrase sur le trottoir, à l’angle de la place Boiëldieu. C’est un figurant du théâtre, nommé Charbonnel. Deux femmes, une habilleuse et une spectatrice, courent sur la corniche, à demi-asphyxiées, les cheveux épars, les vêtements carbonisés, au-dessous de la toiture d’où jaillissent d’épaisses gerbes de flammes, au milieu des flots de fumée. Les pompiers qui sont accourus de tous les postes de Paris montent sur leurs échelles. Ils descendent sous leurs bras ces pauvres femmes qui expirent en entrant dans la pharmacie Mialhe, sur la place Boiëldieu.

Vous aurez peut-être remarqué un ton désuet dans la narration de ce tragique incendie : en effet, il s’agit de faits qui se sont produits à Paris en 1887, et relatés dans un journal intitulé « l’Illustration », dans un article dont j’ai repris le titre. Quelques rares fautes d’orthographe ou bien des usages oubliés, j’ai tenu à restituer le texte dans son intégralité et la façon dont un journal équivalent à notre « Paris-Match » d’aujourd’hui s’y prenait pour narrer un tel événement. Voici la suite de ce fait-divers dramatique. On constatera qu’en effet, TF1 ou M6 n’ont rien inventé dans l’art de divertir l’auditoire avec le malheur des uns.

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 Tous les plombs ont été coupés par une équipe de plombiers : une explosion de gaz n’est plus à craindre. Vers onze heures, deux craquements suivis d’un bruit sourd. C’est la toiture qui s’effondre. Le magasin des costumes, situé à la hauteur des dernières galeries s’effondre, jetant dans l’air des flammes multicolores qui semblent voltiger comme des feux follets. Puis la bibliothèque et les archives, avec les partitions manuscrites et les orchestrations d’opéras dont un certain nombre a pu être heureusement sauvé. Les vitrages de la terrasse du foyer, avec leurs stores blancs, à travers lesquels on aperçoit l’intérieur de la salle qui s’ouvre comme un brasier immense, sont brisés à coups de pierres et de revolvers.
Des échelles dressées sur la place, des balcons des maisons voisines, les pompes projettent leurs gerbes d’eau à travers toutes les brêches pratiquées par le feu. Une de ces échelles, ayant sa base milieu de la place, se projette presque verticalement en l’air, sans point d’appui. A cheval sur les derniers échelons, un pompier est à l’extrémité, suspendu dans le vide comme un clown au haut d’un mât et de là, il projette l’eau amenée par le tuyau qui serpente le long de l’échelle. Ce spectacle est vertigineux et malgré l’émotion poignante qui oppresse tous les assistants, des applaudissements éclatent dans la foule.
A cet instant, alors qu’il semblait que toutes les personnes restées dans la salle dussent être depuis longtemps carbonisées ou asphyxiées, des appels déchirants retentissent dans la rue Marivaux, sur le rebord de la corniche supérieure. Deux spectateurs sont là appelant les pompiers. Leurs cris sont entendus. Un sauvetage aux péripéties dramatiques, qui fait le sujet de notre première gravure, est opéré par les pompiers qui, avec un courage et un sang froid presque surhumains, dressent une échelle et, au milieu des décombres enflammés qui s’écroulent, atteignent ce dernier refuge. Des deux spectateurs, l’homme soutenu par les pompiers descend par l’échelle. La femme trop faible et trop lourde est solidement attachée à une corde et les sauveteurs, accroupis sur la corniche, penchés dans le vide, descendent ce fardeau humain, que les pompiers groupés dans la rue Marivaux reçoivent dans leurs bras. Lorsque les deux malheureux sont emportés, sains et saufs, dans un café voisin, la foule acclame les auteurs de cet acte d’héroïsme.

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Notre gravure représente un des pompiers qui a opéré ce sauvetage. Harassé par trois heures de travail, les vêtements trempés par l’eau qui s’éparpille et retombe en pluie épaisse, il grimpe à l’échelle, étreignant les barreaux d’une main crispée. Autour de lui les poutres s’écroulent, les flammèches voltigent, l’aveuglant de leur clarté crue. Il reste indifférent et calme au milieu des dangers qui l’environnent. Il ne voit que le but à atteindre : la corniche étroite et brûlante où deux malheureux se tordent dans les angoisses du désespoir. Il faut les sauver avant que la toiture s’effondre et qu’ils soient entraînés dans la chute des matériaux qui s’écroulent dans le brasier béant qui flambe, entre les quatre murs de pierre. Et le nom de ce pompier restera inconnu, comme celui de ses compagnons d’héroïsme. Lorsque leurs périlleux travaux seront terminés et que ces braves soldats rentreront dans leur caserne, nul n’ira trouver son chef et réclamer la récompense de son dévouement. Ils abdiquent leur personnalité; ils ne connaissent point l’égoïsme de la gloire.
Cependant, l’homme et la femme sauvés sous la toiture de la rue Marivaux étaient les derniers qui devaient sortir, vivants, de la salle Favart. A minuit, l’incendie avait accompli son œuvre de dévastation.
Les gerbes de flammes diminuaient d’intensité; une fumée âcre saisissait à la gorge les magistrats et les spectateurs qui stationnaient sur la place Boiëldieu. Là étaient groupés, pêle-mêle, MM. Goblet, président du conseil, Gragnon, préfet de police, les généraux Saussier, Thibaudin, Galliffet; M. Rouche, procureur-général, Renard, procureur de la République, Guillot, juge d’instruction, le colonel Lichtenstein, un grand nombre de commissaires de police de Paris et les officiers de paix de tous les arrondissements. Des détachements de ligne, des gardes de Paris et des escouades d’agents maintenaient la foule qui se ruait et s’entassait sur le boulevard des Italiens et dans les rues adjacentes à la salle Favart.
M. Carvalho, directeur de l’Opéra-Comique, est très entouré. Il ne peut maîtriser son émotion et sanglotte devant son théâtre qui s’écroule. Il nous fait savoir que de nombreuses orchestrations, les décors et les costumes de quatre ouvrages qui allaient être prochainement représentés, sont irrévocablement perdus. A voix basse, au milieu d’un groupe de magistrats, il donne des détails terribles sur ce qu’il a vu dans la salle. Lorsque la panique devint générale, une cohue et une poussée indescriptible se produisirent dans les couloirs des galeries supérieures. On s’écrasait près des portes de sortie. Il y avait près de chaque issue des entassements de spectateurs. Parmi les habilleuses du magasin de costumes, situé dans les combles, et les figurants dont les loges sont placées aux étages supérieurs, il y aura — dit M. Carvalho — de nombreuses victimes.
Ces tristes prévisions semblent se réaliser. Le déblaiement commencé, dès l’aurore, amène à chaque minute la découverte de nouveaux cadavres. A travers la foule anxieuse qui stationne sur le boulevard, des civières passent. Sous la toile qui les recouvre, on devine des cadavres consumés, méconnaissables, ou bien des asphyxiés, avec, sur leurs lèvres, une écume blanche et un rictus grimaçant. Tous les postes de police environnants reçoivent ces funèbres convois que les curieux escortent, tremblant peut-être de reconnaître un des leurs dans la nouvelle victime. La foule entoure les rares privilégiés pour lesquels s’entr’ouvre la barrière infranchissable et qui viennent de contempler l’amas de décombres qui fut la salle Favart. Et les détails qu’on a pu obtenir, à force de questions, circulent, grossis, exagérés.
A midi, MM. Gragnon, préfet de police, le colonel Lichtenstein et le colonel des pompiers montent par une échelle jusqu’au faîte de la façade de la rue Boiëldieu. Ils aperçoivent trois cadavres, étendus près d’une porte de sortie. Dans la salle, les décombres s’élèvent jusqu’à la hauteur du premier étage. C’est sans doute sous cet amas de débris que gisent les corps carbonisés des spectateurs et des ouvreuses des galeries supérieures, écrasés et entraînés par la chute de la toiture.

 

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A une heure, on découvre, à l’angle du balcon extérieur des deuxièmes galeries, un homme et une femme — la femme en toilette de bal — étroitement enlacés. Ils ont péri, asphyxiés, n’ayant plus la force de se dresser et d’appeler au secours.
Dans l’après-midi, les lugubres découvertes se multiplient. Dans un couloir, on retire dix-huit cadavres, entassés, avec les membres enchevêtrés. Sur ces dix-huit morts, il y a dix-sept femmes.
Et l’incendie continue, couvant sous les amas de débris que fouillent la pioche et le pic des pompiers. Par intervalles, on entend des craquements : c’est une poutre qui s’effondre, rongée par le feu, ou une cloison que les pompiers abattent pour se frayer un chemin à travers les décombres. Les fourgons des pompes funèbres stationnent devant la rue Favart, attendant les débris humains qu’ils doivent transporter à la Morgue. De tous côtés, des hommes et des femmes éplorés accourent, réclamant des parents, des amis. Durant plusieurs jours encore, ces scènes lamentables continueront. Et nous n’assisterons qu’aux manifestations publiques de douleur. Combien doivent être atroces les afflictions, les angoisses, les désespoirs intimes que l’on ne voit pas !

Le style racoleur du journal ne doit pas faire oublier que cela est bel et bien arrivé. Les salles d’aujourd’hui sont heureusement beaucoup mieux équipées. (Le prix du rideau ignifugé est à ce titre significatif…)