15/09/2011
Faits divers
Il m’arrive parfois de reproduire ici de vieux articles extraits d’un journal intitulé l’Illustration, qui parut une fois par an de 1843 à 1944.
Aujourd’hui, je souhaite vous livrer quelques extraits qui semblent certes plus légers, mais qui proviennent cette fois-ci du journal Le Petit Niçois (Rubrique Nouvelles des théâtres et concerts) et que je suis allé chercher aux Archives Départementales.
Ce journal parut de 1879 à 1944, date à laquelle il fut fermé pour fait de collaboration. Ses archives seront mises sous séquestre et seront déposées par la Société Nationale des Entreprises de Presse.
Ces trois articles qui suivent concernent un lectorat disparu depuis longtemps déjà et nous replonger là-dedans nous permettra peut-être de mieux saisir les mentalités de la société à la fin du XIXème siècle.
Jeudi 11 janvier 1883
« Un triste accident a marqué la représentation du 2 janvier au théâtre de l’Ambigu, au Havre :
Au moment où l’acteur jouant le rôle de Morjaunt, dans les Mousquetaires, armait un pistolet, le coup partit, faisant balle, et broya deux doigts de la main gauche de l’artiste.
Le pauvre garçon s’étant trouvé mal, une vive émotion se manifesta dans la salle : on croyait l’acteur tué. Heureusement, il n’en était rien : mais on craint d’être obligé de faire l’amputation des deux doigts mutilés. »
A l’époque, on savait faire des effets spéciaux 3D mieux qu’au cinéma !
Mardi 16 janvier 1883
« A Bruxelles il y a procès entre Mme Olga Léant, directrice des Fantaisies-Parisiennes et l’agréable Mme Numa Dalbret.
L’ex-pensionnaire de l’Opéra-comique ayant eu à se plaindre de divers procédés trop autoritaires, aurait, dans le feu d’une violente prise de bec, mis son poing mignon sous le nez de Mme Olga. Celle-ci, furieuse, congédia immédiatement sa chanteuse, sans tenir compte de son engagement. De là, intervention des juges, qui, en première instance, on décidé que Mme Olga était tenue de conserver Mme Dalbret, en lui payant 700 fr. par mois.
La directrice des Fantaisies, ayant toujours sur le cœur le coup de poing qu’elle dit avoir reçu sous le nez, en a appelé de ce jugement. L’arrêt sera rendu à huitaine. »
C’est clair, le chroniqueur en pinçait pour cette « agréable Mme Numa Dalbret » avec des poings si « mignons »… Que l’on se rassure, les tensions qu’animent des passions exacerbées sont encore aujourd’hui fréquentes, même si les coups de poing « sous le nez » sont plutôt rares.
Vendredi 9 février 1883
« Il existe actuellement 1457 théâtres en Europe, qui se répartissent ainsi :
318 en Italie, 337 en France, 194 en Allemagne, 160 en Espagne, 150 en Angleterre, 132 et Autriche, 44 en Russie, 34 en Belgique, 22 en Hollande, 20 en Suisse, 16 en Portugal, 10 en Suède, 10 en Danemark, 9 en Norvège, 4 en Turquie, 4 en Grèce, 3 en Roumanie et 1 en Serbie. »
Le texte qui précède montre plusieurs choses : tout d’abord que la Suisse et la Turquie étaient considérées, par le rédacteur de cet article, comme des pays d’Europe, sans distinction particulière ; ensuite, que l’on disait encore, il y a 128 ans, « EN Portugal » et « EN Danemark » (j’ai reproduit ici la "coquille" du « et » au lieu de « en » devant « Autriche ») ; enfin, dans cette liste classée par ordre décroissant, l’Italie, moins bien dotée pourtant se trouve citée en premier, devant la France ! Réminiscence d’un passé récent qui a vu s’affronter les partisans du rattachement à la France contre ceux qui convoitaient l’unification italienne ?
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28/04/2011
L’art ne s’enlisera pas.
COMMENT UN COMÉDIEN UTILISE LE CINÉMATOGRAPHE POUR FAIRE DE LA SCULPTURE
Parmi les œuvres de sculpture exposées cette année au Salon des Artistes français, on remarquait l’envoi de M. Paul Capellani, désigné au catalogue sous ce titre à la fois concis et suggestif : « Enlisé ». …/… M. Capellani aurait pu reconstituer une pareille scène avec les seules ressources de l’imagination et l’emploi du modèle posant d’après des indications appropriées au sujet. Mais ce sculpteur de talent est, d’autre part, un excellent comédien, applaudi à l’Odéon et à la Renaissance, et l’habitude qu’il a de s’identifier à ses rôles l’a porté à vouloir « vivre » le personnage qu’il se proposait de représenter en une expressive figure de marbre.
Donc, désireux de synthétiser le plus possible le « mouvement » de la figure projetée, il s’est rendu au Mont-Saint-Michel, et …/… il n’a pas craint de s’enliser lui-même, cependant qu’un appareil cinématographique enregistrait les différentes phases de l’enlisement. Malgré toutes les précautions, cette périlleuse expérience faillit avoir un dénouement tragique, car non seulement l’acteur principal du drame risqua de devenir la victime trop réelle du sable mouvant, mais les opérateurs du cinématographe et l’appareil même commençaient à s’enfoncer doucement quand des sauveteurs intervinrent juste à temps. …/…
Ce texte publié en 1909 est extrait d’un journal qui s’appelait L’ILLUSTRATION, « journal universel » qui est paru une fois par an de 1843 à 1944, et qui récapitulait les événements de l’année écoulé, avec force illustrations comme l’indiquait le titre.
Ce qui frappe à la première lecture, c’est bien sûr le côté un peu fou de l’entreprise. Ce comédien-sculpteur a tout simplement mis sa vie et celle de son équipe en danger dans le seul but de réaliser une œuvre.
Mais ce quasi fait divers montre aussi autre chose : le lecteur a compris que les photos qui illustrent ce texte sont en réalité extraites d’un film, réalisé par l’équipe de ce M. Paul Capellani. Et le journaliste emploie le terme de « cinématographe », ce qui nous rappelle que cette technique n’a que vingt ans.
C’est cela qui me frappe alors, en deuxième lecture : l’art explore toujours les nouvelles voies offertes par l’innovation technologique pour en faire son profit, de la façon la moins prévisible.
Sables "mouvants"… eh oui, forcément, avec le cinéma !
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08/04/2011
La Strada, un journal culturel toxique ?
Les lecteurs réguliers et attentifs de ce blog connaissent l’opinion que j’ai du gratuit La Strada. L’information culturelle y est bien relayée, il n’y a rien à redire. Ce qui me chagrine est leur posture de Gauche trop caricaturale pour être honnête (cliquez ICI et LÀ pour relire les deux articles).
Mais bon, ce journal traverse une période très délicate, et il me semble victime d’une procédure aussi injuste qu’ubuesque.
Je n’ai pas vérifié par moi-même les informations que je recopie ici, mais nombre de journaux ayant donné le même écho à cette affaire, cela me paraît être un gage suffisant.
Ainsi, comme eux, je souhaite porter à la connaissance du plus grand nombre le texte qui suit :
Journal gratuit d’informations culturelles couvrant le 06 et l’Est du 83 ; édité à 40 000 exemplaires sur 21 numéros à l’année.
La Strada est mis en danger par l’application erronée par les Douanes Française de la taxation des prospectus publicitaires.
Soumis injustement à une écotaxe réservée aux prospectus et documents publicitaires, La Strada, en tant que titre de presse a refusé de payer. Elle donc été frappée de la TGAP (taxe générale sur les activités polluantes) par le Ministère du Budget aux travers des Douanes.
Cette taxation exorbitante met aujourd’hui en péril la gérance de La Strada, créé en 1999, ainsi que son statut de presse culturelle, alors que la Commission Paritaire prévoit une exception pour les supports d’informations culturelles et sportives dans ce cas. La surtaxe de 125 000 euros n’a été ramenée à 30 000 puis 10 000 euros (transaction proposée par les Douanes) qu’aux vues du manque d’information par rapport à cette mesure frappant tous les éditeurs papiers français.
Le directeur de publication risque de plus une amende pénale de 100 à 200% et une inscription au casier judiciaire ! Qu’en est-il du respect des libertés publiques et du droit à l’information ?
Pourtant le Ministre de tutelle de la presse française, M. MITTERAND a reconnu le caractère informatif et à ce titre le bénéfice pour La Strada de l’exception culturelle et sportive. Comme il l’a écrit dans un courrier : le « magazine diffuse essentiellement des informations portant sur des événements d’ordre artistique et culturel programmés dans les Alpes-Maritimes, le Var et la Principauté de Monaco. »
A ce jour, nous n’avons toujours pas de réponse positive quant à la prise en compte de la qualité de support de presse pour notre journal par les services des Douanes et par ceux du Ministre du Budget M. BAROIN. Ils se permettent ainsi d’ignorer l’expertise donnée par le Ministre de tutelle de la presse française, M. MITTERAND.
La Strada a assigné les Douanes devant les tribunaux. L’audience vient d’être reportée au 21 septembre 2011 à 11h00 au Tribunal d’Instance de Nice.
Tout soutien de votre part sera le bienvenu, il en va de la liberté de la presse et des libertés publiques.
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12/02/2009
Nouvelles d’un autre temps
Le Petit Niçois fut un quotidien qui vit le jour en août 1879 et qui fut diffusé jusqu'en 1944, année où il disparu, accusé de collaboration.
Il comportait lui aussi une rubrique « Nouvelles des théâtres et concerts ». Le contenu de celle-ci différait de ce que l’on peut s’attendre à trouver aujourd’hui dans un article consacré au Spectacle Vivant. (Et d'ailleur, cette expression de Spectacle Vivant n'est en usage que depuis la fin des années 1990 !)
En voici quelques extraits, glanés ça et là lors d’une recherche effectuée au Palais de marbre — les archives municipales.
Jeudi 11 janvier 1883
« Un triste accident a marqué la représentation du 2 janvier au théâtre de l’Ambigu, au Havre :
Au moment où l’acteur jouant le rôle de Morjaunt, dans les Mousquetaires, armait un pistolet, le coup partit, faisant balle, et broya deux doigts de la main gauche de l’artiste.
Le pauvre garçon s’étant trouvé mal, une vive émotion se manifesta dans la salle : on croyait l’acteur tué. Heureusement, il n’en était rien : mais on craint d’être obligé de faire l’amputation des deux doigts mutilés. »
À une époque où les portes étaient simplement peintes sur une toile de fond, l’emploi d’un vrai pistolet chargé avec un balle réelle est tout à fait surprenant ! (Ou bien révélateur de la perception qu’on avait alors d’une arme à feu, peut-être objet banal et présent dans de nombreux foyers ?)
Mardi 16 janvier 1883
« A Bruxelles il y a procès entre Mme Olga Léant, directrice des Fantaisies-Parisiennes et l’agréable Mme Numa Dalbret.
L’ex-pensionnaire de l’Opéra-comique ayant eu à se plaindre de divers procédés trop autoritaires, aurait, dans le feu d’une violente prise de bec, mis son poing mignon sous le nez de Mme Olga. Celle-ci, furieuse, congédia immédiatement sa chanteuse, sans tenir compte de son engagement. De là, intervention des juges, qui, en première instance, on décidé que Mme Olga était tenue de conserver Mme Dalbret, en lui payant 700 fr. par mois.
La directrice des Fantaisies, ayant toujours sur le cœur le coup de poing qu’elle dit avoir reçu sous le nez, en a appelé de ce jugement. L’arrêt sera rendu à huitaine. »
C’est clair, le chroniqueur en pinçait pour cette agréable Mme Numa Dalbret avec des poings si mignons… Que l’on se rassure, les tensions qu’animent des passions exacerbées sont encore aujourd’hui fréquentes, même si les coups de poing sous le nez sont plutôt rares.
Vendredi 9 février 1883
« Il existe actuellement 1457 théâtres en Europe, qui se répartissent ainsi :
318 en Italie, 337 en France, 194 en Allemagne, 160 en Espagne, 150 en Angleterre, 132 en Autriche, 44 en Russie, 34 en Belgique, 22 en Hollande, 20 en Suisse, 16 en Portugal, 10 en Suède, 10 en Danemark, 9 en Norvège, 4 en Turquie, 4 en Grèce, 3 en Roumanie et 1 en Serbie. »
Le texte qui précède montre plusieurs choses : tout d’abord que la Suisse et la Turquie étaient considérées, par le rédacteur de cet article, comme des pays d’Europe, sans distinction particulière ; ensuite, que l’on disait encore, il y a 126 ans, « EN Portugal » et « EN Danemark » ; enfin, dans cette liste classée par ordre décroissant, l’Italie, moins bien dotée pourtant se trouve citée en premier, devant la France ! Réminiscence d’un passé récent qui a vu s’affronter les partisans du rattachement à la France contre ceux qui convoitaient l’unification italienne ?
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