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12/07/2006

« Ô Ciel ! que d’aventures extraordinaires ! »

C’est une des dernières répliques qui terminent les Fourberies de Scapin, de MOLIERE. Je jouais dans cette pièce, lorsqu’elle était représentée au Théâtre de l’Alphabet. C’était du temps de ma belle jeunesse, puisqu’on me confiait le rôle du « jeune premier ». En fait au nombre de deux ici : Octave et Léandre, que j’ai interprété chacun plusieurs fois, car cette pièce est souvent remontée d’une saison sur l’autre, avec à peu près les mêmes comédiens.

Les jeunes premières, en revanche, changeaient parfois. Et (c’est là où je voulais en venir, ne partez pas !) chacune d’elle, immanquablement, rechignait à dire cette terrible exclamation : « Ô Ciel ! que d’aventures extraordinaires ! »

Terrible car, malgré tout le génie de MOLIERE, ses pièces se terminaient souvent de façon peu vraisemblable, et il s’appliquait en plus à le souligner par une réplique de ce genre. Si, par hasard, un spectateur ne s’était pas alarmé du côté rocambolesque de la situation, et bien là, au moins, tout le monde était averti ! (Peut-être cette habitude venait-elle de la Commedia dell’Arte, que MOLIERE devait bien connaître.)

Chacune des comédiennes avait sa façon à elle de tenter d’escamoter la délicate réplique. Je me suis rendu compte plus tard que, dans presque tous les textes, il y a une phrase qui passe mal… du moins aux yeux du comédien qui doit la prononcer.

Mais HENRI LEGENDRE, qui dirige toujours ce théâtre, nous enseignait avec raison que la seule solution est de jouer cette réplique « à fond », en y croyant dur comme fer, en l’assumant pleinement. En effet, ces petites phrases sur lesquelles notre attention s’accroche passent en réalité très bien, et parfois même inaperçues.

Certaines répliques nous bloquent, nous rebutent, mais aussi certaines actions, pourtant d’apparence anodine. Est-ce le signe qu’en réalité le comédien n’a pas bien compris son rôle, ou bien la situation ? Ou qu’il n’a pas intégré le parti pris du metteur en scène ? Peut-être que dans ces moments là, nous montrons que nous ne sommes pas à cent pour cent dans le spectacle, que nous n’y mettons pas toute notre énergie. Ou plus simplement, n’est-ce pas la peur du ridicule ? Peur qui n’est pas raisonnable puisque l’acteur qui crois vraiment à ce qu’il fait n’est jamais ridicule, quelle que soit la réplique.

30/06/2006

Elle n'arrête pas !

Toujours pas de questionnaire de PROUST ici, même si c’est encore la mode dans la blogosphère. On continue de s’intéresser à une personne en particulier.

Aujourd’hui nous accueillons, derrière le rideau, Martine PUJOL.

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Etudiante en khâgne de philosophie au Lycée Masséna de Nice, elle s'initie au théâtre traditionnel puis expérimental - avec le Living Theater. Elle travaille ensuite dans l’univers de la radio, de la vidéo puis du cinéma. Sa rencontre avec RICHARD CAIRASCHI la ramène en 97 sur la scène du théâtre professionnel.

Malgré son emploi du temps plus que surchargé, elle a pris le temps de répondre à quelques questions. (Et, pour en savoir plus, cliquez sur debi-debo.com)

L U C     Comment peut-on, à 13 ans, prendre des cours de théâtre « en cachette », comme tu le racontes dans une interview accordée aux Nouvelles Liaisons Covalentes ?

Martine PUJOL     On dit à Maman qu'on va faire ses devoirs chez une amie le mercredi et le samedi.

« Scènes de théâtre » ou bien « plateaux de cinéma », entre les deux, ton cœur balance-t-il ?

Les deux.

Vas-tu désormais te consacrer uniquement à ton métier de comédienne ou bien te réserves-tu d’autres activités ? (tu fus autrefois chargée de production)

Comédienne, auteur (voir la note complémentaire en fin d'article)

Après toute cette série de spectacles à la sauce Niçoise, te sens-tu essoufflée ou au contraire prête à enchaîner le prochain ?

Ce qui m'aurait essoufflée aurait été de jouer toujours la même pièce. Pas de problème donc pour enchaîner.

Lorsque tu joues dans un spectacle comme Festin, as-tu l’impression d’avoir désormais « ton » public ? Si oui, est-ce une bonne chose ? (Au fait, y aura-t-il un DVD de ce spectacle ?)

Je ne considère jamais rien comme acquis. Je joue pour ceux qui sont là, chaque soir avec moi. J'espère leur apporter quelque chose et qu'ils auront envie de revenir. Oui, le DVD sort en juillet. A commander à : contact@debi-debo.com

De ta rencontre avec JULIAN BECK et JUDITH MALINA, que te reste-t-il ? (En réalité, la vraie question étant : « ta rencontre avec le Living Theater t’a-t-elle laissée une coloration "libertaire" ou bien est-ce parce que tu l’étais déjà un peu que tu as croisé leur route ? »)

Tu regardes une étoile : que te reste-t-il.....

Parmi tous ces cris qui viennent de la rue (et des champs) quelle cause défendrais-tu aujourd’hui ?

L'Afrique. On n'a pas le droit de laisser un continent se scratcher comme c'est le cas aujourd'hui.

Es-tu optimiste quant a l’avenir de la culture dans les Alpes-Maritimes ? Plus particulièrement celui du spectacle vivant ?

Oui

As-tu de bonnes nouvelles te concernant ?

Oui, une création à la rentrée. Informations sur le site en construction... à suivre, donc.

Veux-tu rajouter quelque chose ? Ou bien recommander un spectacle ?

Le cabaret enfantin de JACQUES LAURENT larueluberlu@laposte.net

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Note communiquée par M. P. :

 

 

UNE PAGE À PART

de Martine PUJOL

adaptation libre de : « GRADIVA, fantaisie pompéienne » de Wilhelm JENSEN ; « le délire et les rêves dans la GRADIVA de W. JENSEN » de Sigmund FREUD ; librement inspiré de la vie et l’œuvre d’Hilda DOOLITTLE

 

mise en scène : Richard CAIRASCHI

 

Pour les 150 ans de la naissance de S. FREUD, Martine PUJOL signe une pièce originale, poétique, drôle et riche de sens.  La scénographie de Richard CAIRASCHI la marque de fantaisie et d’imagination, sa mise en scène révèle une interprétation de qualité.

Vienne, printemps 1933. Freud accepte une de ses dernières patientes et élève : l’artiste américaine, Hilda Doolittle.  Au pied du divan, elle remarque sur un bas-relief antique une jeune femme, GRADIVA.  Entre rêve et réalité, l’histoire de GRADIVA permet à Hilda de mieux comprendre les principes essentiels de la psychanalyse.

avec

SIGMUND FREUD :          NUMA SADOUL

HILDA DOOLITTLE :          MARTINE PUJOL

  NORBERT PAÏS :              OLIVIER BRODET

ZOE BEAUPAS :              AMELIA FOFANA

LE MENDIANT :            Pr. BEAUPAS

        HELMUT :             JACQUES BARBARIN

L’OFFICIER S.S :            NICOLAS FLESER

 

Durée : 1h 20

13/06/2006

Derrière le Rideau

Aujourd’hui, j’ai le plaisir d’accueillir, derrière le rideau, LISIE PHILIP, membre fondatrice de la Compagnie ANTIPODES, que j'ai déjà évoqué ici récemment.

 

L U C          A l’âge de 15 ans, m’as-tu dit, tu laissais le cocon familial pour l’univers de la danse. Si tu ne l’avais pas fait, aurais-tu un jour croisé celui du théâtre ?

LISIE PHILIP          Si j'ai quitté Nice à l'âge de 15 ans c'est surtout que je m'y sentais à l'étroit, j'avais besoin de rencontrer des "maîtres" que je puisse admirer, j'étais fascinée par BÉJART, j'ai donc décidé de travailler avec lui (on n’a peur de rien quand on a 15 ans). Je ne sais pas si, en restant à Nice, j'aurai rencontré le théâtre, l'endroit et le moment n'étaient peut-être pas propice. J'avais lu des pièces du théâtre classique essentiellement (Molière, Shakespeare...) mais je n’allais pas voir de pièces de théâtre. Paradoxalement, je faisais de la figu. dans des pièces au préfabriqué qu'on appelait Théâtre de Nice. Mon premier choc théâtral fut à Lausanne avec ISABELLE HUPERT dans Orlando de VIRGINIA WOLF mise en scène de ROBERT WILSON. Un monologue de 3 heures suspendu aux ailes du temps. Mais de toute façon, il m’est impossible de connaître ce qu’aurait été ma vie sans la Danse et les rencontres professionnelles que je me suis donné la chance de faire.

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(Crédit photo : MARC BENITA)

 

Y a-t-il dans ton parcours des choix que tu regrettes, des choses que tu ne referais plus ?

Les regrets ne servent à rien et chaque erreur nous construit un peu plus humainement et artistiquement.

Es-tu optimiste quant à l’avenir de la culture dans les Alpes-Maritimes ? Plus particulièrement celui de la danse et du théâtre ?

Il y a des jours où je me dis que tout est possible et d’autres que ça ne peut pas être pire ! Les Alpes-Maritimes en sont encore aux balbutiements de la création en matière de spectacle vivant. Je ne parle pas des institutions (TNN, Opéra…) qui ont les moyens financiers mais aussi un public à garder, d’où une programmation quelquefois un peu frileuse. L’effervescence de la création se situe chez les compagnies indépendantes qui elles n’ont pas forcément les moyens de leurs ambitions. Notre département est touristique et les pouvoirs publics pensent à tort qu’il faut du spectacle grand public, sous entendu populiste ; c’est se fourvoyer dans la démagogie, on ne fait pas de l’art comme on va à la pêche aux voix électorales. Un jour, il faudra avoir le courage de ne pas prendre les spectateurs pour des crétins. Le spectacle peut et doit être divertissant mais pas forcément idiot (la télé est là pour ça). La qualité, le professionnalisme, l’exigence du propos sont ce qui peut sauver le spectacle vivant. Nous avons également besoin d’une politique culturelle forte et dénuée de clientélisme. Les responsables ou leurs assistants doivent connaître parfaitement tout le tissu culturel et doivent se déplacer pour assister aux spectacles. C’est la moindre des choses : connaître ses dossiers... Quelques-uns le font mais ils sont trop peu. Suis-je optimiste ? Je suis utopiste. Ca finira par aller mieux. Actuellement, toutes les structures indépendantes professionnelles que je connais se battent au quotidien pour survivre, pour certaines depuis 20 ans. Comment cela pourrait-il être pire ?

Plus tard, quitteras-tu (volontairement) cette région pour une autre, ou pour Paris ou l’étranger ?

Il est salutaire dans un tel climat d’aller prendre l’air, voir ce qu’il se passe ailleurs. Tu parles dans ton blog d’ouvertures, de mélanges de genres. Je ne peux pas imaginer l’art autrement, regarder, apprendre des autres, échanger, enrichir son propos de son vécu. C’est essentiel si on ne veut pas scléroser sa recherche. Je réfléchis à mettre des passerelles entre différents contacts en France et à l’étranger. Il ne suffit pas de partir pour tout recommencer ailleurs, il faut pérenniser ses choix et ses envies.

Et la caméra toute seule, sans la scène, tu y penses souvent ou rarement ?

Si ta question concerne la chorégraphe et metteur en scène, j’ai très envie de faire des vidéos-danse. Nous avons commencé à engager le processus avec SÉBASTIEN ANTOINE (vidéaste dans Ich Bin Don Quichotte), je ne suis pas assez technique pour passer derrière la caméra mais nous parlons beaucoup pour atteindre nos objectifs. Nous avons des univers qui se rencontrent bien. En tant qu’interprète, la caméra ne m’attire pas plus que ça. J’ai tourné dans plusieurs courts-métrages, j’ai même fait des pubs, mais je ne provoque pas les rencontres.

Jusqu’à quel point la danse a-t-elle influencée ton quotidien, ta façon de vivre ?

Le mouvement, la conscientisation du corps et de l’espace. Je ne peux m’empêcher de regarder les gens et en particuliers les enfants en train de bouger, d’expérimenter des dynamiques, des lignes. Tout ça sans aucunes notions académiques, c’est dommage de perdre cette spontanéité. Tout le monde sait bouger et même danser, chacun a cette poésie du corps, il suffit de l’écouter, de la cultiver. Quelquefois on me demande à quoi sert la danse, c’est simplement inné. C’est une des toutes premières choses qu’un petit enfant fait. La danse est inscrite en nous. C’est un moyen d’expression dans une société où les mots ont perdu leurs sens. Elle peut tendre au sacré au sens premier mais toujours reliée intimement à soi au delà de la représentation.

Vieux débat entre nous : l’art influence-t-il la société, et si oui de quelle façon ?

C’est un bon sujet pour le bac philo ! J’espère que l’art influence la société via les individualités. Ce qui me pose souci c’est son accessibilité : il est très facile de voir ou d’entendre du médiocre ou du moyen et j’ai peur que le grand public ne sache plus faire la différence. Dans une manifestation comme 06 en scène (au demeurant une excellente initiative) ou les Estivales, la programmation est sensée montrer le meilleur des Alpes-Maritimes ; il y avait des choses excellentes (comme l’installation Ondulations) et des choses disons médiocres, pour être sympa, je parle de critères objectifs comme la mise en scène, l‘interprétation, la scénographie... J’espère qu’un spectateur peut se retrouver dans cette multitude de bric et de broc. Quelle est la mission du spectacle vivant : c’est à chaque metteur en scène et à chaque chorégraphe d’y répondre. Pour ma part, j’essaye de donner un peu de poésie, de générosité et pourquoi pas des pistes de réflexion, si un seul spectateur prend plaisir à tout ça c’est déjà gagné.

Ce qui suit n’est pas véritablement une question, je souhaiterais juste que tu nous livres tes réflexions sur une situation particulière que tu vis toi-même, celle d’être à la fois comédienne et d’assumer son rôle (bien réel celui-là) de mère de famille.

Faire un enfant en 2006, (avec un taux de chômage élevé, une politique qui ne dirige plus rien, une écologie menée à mal par chacun) c’est satisfaire un désir de continuation de soi, faire un enfant en 2006 en étant artiste d’une petite compagnie indépendante c’est un engagement, voire un sacerdoce ou une folie selon les points de vues !!! Mon compagnon et moi avons désiré et décidé d’avoir cet enfant ensemble. C’était un peu comme décrocher la Lune ! Notre petite fille est née le 9 janvier 2005 avec un mois d’avance. J’ai travaillé jusqu’au dernier moment, mis en scène Le ciel par-dessus les murs de la Cie ALCANTARA, j’ai participé en tant qu’interprète à une performance danse multimédia avec JEAN-MARC MATOS, j’ai continué à m’occuper de la gestion d’Antipodes. J’avais juste oublié de prendre soin de moi et de mon bébé. La naissance venue, le ciel m’est tombé sur la tête (sans parler de ma belle-mère !), il n’était pas possible de suspendre les activités de la Compagnie car pour nous, projet suspendu = projet non reconduit. Le droit du travail ne s’applique pas aux intermittents ou autre free lance - un article stipule que la naissance d’un enfant ne peut remettre en cause l’emploi d’une femme ; dans une petite compagnie on peut perdre des contrats donc nos emplois. Mon compagnon RAPHAËL a pris en charge tous les projets en cours, l’administration... donc il n’y a pas eu trop de dégâts. 2005 est l’année de notre sélection pour la Quinzaine des Cies PACA au TNN avec Ma NiaK. Se sont donc posés des problèmes de garde, nous avons donc emmené notre petite LUNA de 5 mois en répétition, ce n’est pas l’idéal mais on ne pouvait pas faire mieux. Bien qu’elle fut très sage, je ne conseille pas cette expérience. Actuellement, LUNA va à la halte-garderie tous les après-midi, et nous avons la chance d’avoir une mamie et des amis qui nous la gardent pour les périodes de travail intense. Nous avons fait le choix de ne pas faire appel à une assistante maternelle tant que notre fille n’est pas dans le verbal. A un point de vue plus général, ayant beaucoup moins de temps libre je ne m’éparpille plus dans des projets galères. Je suis beaucoup sélective et je n’ai plus peur de m’affirmer. LUNA m’apporte un équilibre et une joie inégalable, elle me permet d’aller plus loin dans mon engagement artistique, c’est un peu bateau à dire mais sa liberté m’inspire. Et cela ne m’empêche pas d’être interprète pour d’autres créations que celle d’Antipodes (Printemps des Arts de Monaco …)

  
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MORÉNA DI VICO et RAPHAËL THIERS, lors du spectacle : Ich Bin Don Quichotte

Cliquez sur l'image pour aller sur le site de la Cie ANTIPODES

(Crédit photo : AURORE LÉONARD)

08/06/2006

Chose promise, chose due, voici l’interview accordée par Jean FRANVAL.

La disponibilité est une qualité chez un comédien. Aussi, je veux remercier encore une fois M. Jean FRANVAL d’avoir accepté de répondre à mes questions, 30 minutes avant le début de la représentation.

L U C    M. Franval bonjour ; j’ai visité votre site Internet et j’ai vu que la plupart des mises en scènes sont signées RENÉ NARVAL : est-ce que cela se passe toujours comme ça, est-ce que c’est toujours lui qui fait les mises en scènes, et, d’une manière plus large, comment s’organise la création d’un spectacle, est-ce que tout le monde participe, comment est-ce régi ?

Jean Franval     Non, c’est RENÉ NARVAL, qui travaille avec moi depuis 17 ans. Je lui ai confié les mises en scènes, cela fait que c’est toujours le même metteur en scène, il a affaire aux mêmes comédiens qui sont avec moi depuis 17 ans. Donc disons qu’on fait - je n’aime pas ce mot là, mais puisque c’est devenu à la mode dans le show business – une « grande famille », celle de la Compagnie ; ce sont tous des copains.

L U C     La plupart des comédiens sont là depuis longtemps ? 

Jean Franval     Ah oui depuis 17 ans, depuis le début de la création, à part un ou deux qui sont rentrés il y a trois, quatre ans, auxquels je tiens. Mais sinon, c’est RENÉ NARVAL qui me fait toutes les mises en scènes. Il a la confiance de tous les autres comédiens, ce qui est très important ; et il fait pas de conneries, il a un poste et il le garde. (rire)

L U C     D’accord !… J’en viens à votre répertoire : c’est surtout bien sûr MARCEL PAGNOL, ALPHONSE DAUDET… 

Jean Franval     C’est à dire que, comme je suis revenu dans le Midi pour prendre ma retraite, après avoir fait tout ce que j’appelle la « grande télévision » de l’époque – les Sans Famille, Maria Van Damme, Fabien de la Drôme, tous les gros gros feuilletons - après avoir eu le prix à Cannes pour un film de M. KEN LOACH - qui vient d’avoir la Palme d’Or ! C’était Black Jack ; j’ai eu le Prix de la Critique Internationale. Je suis fier pour KENNETH, moi ça me fait un plaisir immense ; d’avoir été dirigé par cet homme là qui pour moi est un des cinq plus grands metteurs en scène au monde, au monde, et d’une humanité, d’une générosité, d’une sensibilité et d’une gentillesse extraordinaire…

L U C     Et donc vous êtes revenu à Tarascon. 

Jean Franval     Je suis revenu à Tarascon, le pays qui m’a vu naître, et là je suis allé voir mon copain JEAN-CLAUDE GAUDIN. Il me dit : « Alors qu’est-ce que tu deviens ? » Je lui dis : « Eh bien écoute Jean-Claude je viens prendre ma retraite. » Il me dit : « Non, les artistes vous ne prenez pas de retraite. CHARLES VANEL a travaillé jusqu’à 93 ans ! Je te souhaite de travailler aussi longtemps que lui. Par contre notre culture provençale fout le camp. Alors ce que j’aimerais c’est que tu prennes le créneau de nos auteurs : DAUDET, GIONO, PAGNOL… »

L U C     Et est-ce qu’il y a d’autres auteurs que vous aimeriez monter, moins connus ou peut-être plus anciens ?

Jean Franval     Et bien, il y a un auteur que je voudrais monter, mais c’est dur parce qu’il y a vingt personnes sur scène : c’est la Pastorale des Santons de Provence, d’YVAN AUDOUARD  [ Il est né le 27 février 1914 à Saigon d'un père militaire avignonnais. Il est malheureusement décédé récemment, le 21 mars 2004. Il a passé une grande partie de son enfance en Provence et en gardera toujours une profonde tendresse (et l’accent !) Il décrira notamment cette enfance à Arles et à Nîmes dans Le sabre de mon père. Il devient professeur d'anglais, puis journaliste (notamment au Canard Enchaîné). Puis enfin il devient écrivain : publication de divers livres et rédaction de dialogues d'une vingtaine de films des années 60, interprétés entre autres par FERNANDEL, LINO VENTURA, EDDIE CONSTANTINE.  (Source WIKIPÉDIA)  N D R ] Mais j’aimerais le monter. Ça je pense pouvoir le monter un jour avec des amateurs. Parce que les professionnels, bon ben ça coûte cher. Le plus petit rôle chez moi, il a 1200 francs la représentation [ 180 €uros ], mais moi ça me fait 2000 avec les frais [ 300 €uros ].

L U C     Vous aviez dit : « on naît acteur, on n’apprend pas à l’être. » Vous pensez toujours cela ?

Jean Franval     On apprend pas à l’être, non. Écoutez, moi je sors du Music-Hall, j’ai fait un tour de chant dans mes débuts, j’avais 21 ou 22 ans. J’ai débuté avec CHARLES AZNAVOUR, on était dans un petit cabaret, à Lyon, qui s’appelait « le Grillon ». Lui gagnait 10 francs par soir avec Roche, FERNAND RAYNAUD avait 8 francs et moi j’avais 5 francs. Alors heu… (geste du rameur) Il faut ramer. Et puis un jour j’ai fait la connaissance d’un comédien merveilleux, un niçois d’ailleurs, qui s’appelait JEAN-MARIE AMATO, qui avait crée Signé Furax. Et je me suis retrouvé au Théâtre des Trois Baudets, une petite revue, où je faisais des sketchs en première partie avec FERNAND RAYNAUD - parce que je suis resté son partenaire pendant cinq ans. Et puis je faisais des sketchs en deuxième partie dans une revue qui s’appelait Ciné Massacre et où j’avais vraiment le tout petit rôle, le temps que j’éternue, et j’étais déjà passé. Et puis AMATO me dit : « je devine en toi une nature de comédien », parce qu’il m’avait entendu chanter. Il m’a dit : « tu chantes très bien c’est formidable, mais MESTRAL [ Auprès de ma Blonde, le Roi Renaud, Plaine ma Plaine N D R] est en exclusivité chez Philips, et Philips c’est CANETTI, le patron des Trois Baudets, et il t’enregistrera jamais parce qu’il ne prendra jamais deux chanteurs semblables. » Mais il me dit : « je devine en toi une nature de comédien, il faut que tu joues la comédie » et il m’a présenté à MICHEL VUITONE, qui mettait en scène Douze Hommes en Colère, ça a été ma première pièce de théâtre ; avec BERNARD BLIER, JEAN CARMET…

L U C     Un bon début quoi !

Jean Franval     Oui, et alors en regardant jouer ces gens là, plus les autres, j’ai tout appris ; j’ai jamais plus chanté, et la comédie est devenue une passion.

L U C     C’est venu directement.

Jean Franval     C’est venu directement.

L U C     Vous jouez le plus souvent en plein air…

Jean Franval     L’été oui. L’été parce nous sommes une compagnie régionale subventionnée en partie par le Conseil Régional PACA, et la deuxième grosse partie par CHRISTIAN ESTROSI et ALAIN FRÈRE. Tous deux, un : Président du Conseil Général des A.M. ; et ALAIN FRÈRE son Vice-président détaché à la culture [ Rayonnement des arts et de la culture, relations internationales, relations avec les cultes  (source Conseil Général)  N D R ]. Et tous les ans ils m’achètent vingt spectacles.

L U C     Donc, le fait de jouer en plein air apporte tout de même de très grosses différences par rapport à l’intérieur.

Jean Franval     Et bien vous voyez par exemple ce soir c’est tellement grand qu’on va jouer avec des micros H.F.

L U C     Ainsi, vous montez un spectacle pour une salle et après, vous devez modifier des choses.

Jean Franval     Exactement. Tous les soirs c’est jamais pareil. Un jour c’est très grand, un jour c’est p’tit. C’est pour cela que mes comédiens et moi nous arrivons à 5 heures, une fois que le décor est monté, et nous faisons des raccords dans le décor, selon la grandeur de la scène.

L U C     Vous réadaptez à chaque fois alors !

Jean Franval     Ah, tous les soirs, tous les soirs !

L U C     C’est une sorte de gymnastique... Pour vous, quel est le principal avantage de jouer en plein air ? Ou le principal défaut ?

Jean Franval     Le principal défaut c’est quand il y a du vent. Parce que les assurances ne couvrent pas au-delà de 60 Kms à l’heure. Eh oui, parce que les décors peuvent tomber, les mâts de projecteur peuvent tomber. Ici tout va bien, parce que c’est installé « à l’année » pratiquement. Mais quand on joue dans des extérieurs où il faut amener tout le matériel – tout le matériel est à moi, le camion, le son, la lumière...

L U C     Mais sinon, à jouer en plein air, est-ce qu’il y a une satisfaction particulière que vous ne retrouvez pas en salle ?

Jean Franval     Une ambiance. Une ambiance. Quand en plein air il y a un silence mortel aux grandes scènes, vous dites « on a gagné » quoi. Et puis quand à la fin du spectacle les gens sont debout – enfin ne le dites pas, parce qu’on croirait que je me vante alors que c’est pas vrai du tout ! Quand vous entendez les gens : « merci monsieur, vous nous avez fait oublier RAIMU, vous nous avez fait oublier le film...

L U C     La récompense arrive à la fin du spectacle...

Jean Franval     Elle est là. Mais comme disait LOUIS JOUVET : « Au théâtre on joue, au cinéma on a joué. » c'est-à-dire qu’au théâtre on ne peut pas refaire, au cinéma on peut refaire. Là on est obligé d’y aller tous les soirs, tous les soirs. C’est un « certificat d’étude » qu’on passe tous les soirs devant un public différent. Alors il y a des soirs où on est bien et puis d’autres soirs, inconsciemment on est moins bien, pourquoi on ne sait pas !

L U C     Eh bien, on va vous laisser vous préparer. Merci de nous avoir accordé un peu de temps !

Jean Franval     Non, c’est moi, c’est moi !

Pour en savoir plus sur Jean FRANVAL et la compagnie qu'il anime, cliquez ici !

06/06/2006

Marius : coup de chaud dans le froid

Dans son dernier commentaire, notre cher Claudiogene nous fait un excellent résumé du spectacle de samedi soir : un Marius chaleureux dans une arène glacée par le vent.

En effet, malgré les températures anormalement basses pour ce début de juin, le public a voulu assister jusqu’à la fin à cette représentation donnée par la compagnie Jean Franval. (A l’exception de quelques distraits qui ont quitté la place faute de vêtement chaud.)

Comme je l’ai déjà dit ici, je redoutais le piège d’une mise en scène axée uniquement sur les « pagnolades » et autres clichés qui sentent bon la Provence et le déodorant à la lavande. Rien de tout ça heureusement, et nous avons eu droit à une version bien comprise de cette œuvre de Pagnol : on y rit souvent, mais on n’oublie jamais qu’il s’agit d’un drame triste à pleurer.

Ceux qui, comme moi, avaient vu le film un grand nombre de fois, ont compris que le texte n’est pas le même que celui de la pièce. De même que le découpage et l’articulation des scènes, car les exigences cinématographiques ne sont pas forcément les mêmes que celle du théâtre. D’où cette première impression que ce n’est pas du Pagnol que l’on nous sert. Mais très vite, les scènes les plus connues et leur cortège de répliques célèbres corrigent ce sentiment.

Nathalie Comtat campe une Fanny plutôt contemporaine, et c’est très bien ainsi car elle m’a semblé plus crédible (en tout cas d’avantage qu’ORANE DEMAZIS, qui est d’après moi la seule à mal jouer dans le film original) et attachante malgré un timbre de voix et une prosodie agréables mais assez particuliers. Le personnage de Panisse est parfaitement interprété. Celui de Marius a mis plus de temps à me convaincre, mais il y est parvenu, notamment dans la fameuse scène où il révèle à Fanny le secret de sa passion pour les mondes lointains. Enfin, JEAN FRANVAL nous offre ici un César toujours coléreux mais avec plus de finesse, de subtilité. Les autres personnages m’ont paru en revanche moins précis, manquant un peu d’épaisseur.

Fort heureusement, personne n’a voulu imiter l’un des illustres prédécesseurs. Et si le costume que portait M. Brun ressemble bien à celui porté à l’origine par ROBERT VATIER, chaque comédien a réellement construit son propre personnage. Le Marius de ce samedi soir, présenté dans le cadre du Festival Théâtre aux Arènes, était bien un spectacle différent, et non la énième copie conforme forcément moins bien que l’original.

 

JEAN FRANVAL a eu la gentillesse de m’accorder une interview, une demi-heure avant de monter sur scène. Je vais la mettre en ligne ici très prochainement. (Et oui, l’Illustre Théâtre aussi est capable de vous proposer ses exclusivités !)

                  

02/06/2006

Quel festival !

Lundi, dans le dernier article, je vous ai parlé du Festival Théâtre aux Arènes, au sujet de la pièce Marius, programmée samedi 03 juin. Ceux qui, parmi vous, auront eu la curiosité de cliquer sur le lien que j’y ai mis auront pris connaissance du programme complet, étalé sur quatre jours.

Ce festival commençait ce soir, avec un spectacle à 20h00 : les Copropriétaires, suivi à 21h30 des Bonimenteurs.

 

Le premier est un vaudeville sans grande originalité mais qui fonctionne pas trop mal. Il semble que les comédiens n’ont pas eu le temps de prendre leurs marques sur cette scène, montée pour l’occasion dans les Arènes de Cimiez. Mais les petits incidents ont été rares. Les amateurs de comédies dans le genre « Au Théâtre ce Soir » (l’émission télé des seventies !) auront sans doute apprécié. Les copropriétaires aussi. Car c’est là un des mécanismes du rire : mettre en scène des personnages et un univers où chaque spectateur peut reconnaître des situations de la vie réelle.

Le deuxième spectacle est réellement fabuleux. Il s’agit d’une performance accomplie par deux comédiens, et axée sur l’improvisation. Le principe n’est pas nouveau, mais il fait mouche à chaque fois, à condition que les artistes soient à la hauteur. Et ce soir là, ils étaient en grande forme. Le fonctionnement est simple. Avant de rejoindre sa place, chaque spectateur est invité à écrire un thème sur un bout de papier, qui sera plié et déposé dans une urne. Ensuite, le spectacle va se dérouler en une série de sketchs, dont les thèmes seront piochés au hasard parmi ceux proposés. Il y a bien sûr un fil rouge qui permet de relier tout cela. Enfin, pour surprendre encore d’avantage le public, la difficulté augmente à chaque étape. Un exemple : cinq thèmes à la fois, toujours dictés par le public, sont inscrits sur un tableau ; l’un des deux comédiens descend parmi les spectateurs chercher une volontaire (de force !) et la fait monter sur la scène. Il lui demande de décider quand et dans quel ordre les thèmes devront être traités. Elle dispose pour cela d’un gros klaxon, qui immobilise instantanément les comédiens lorsqu’elle le fait fonctionner. Ils redémarrent ensuite dans la même position, et doivent enchaîner ainsi les cinq situations dans une seule et même histoire. Tout le spectacle se passe à cent à l’heure, et les deux artistes semblent avoir avalé de la nitroglycérine. Rire assuré bien sûr, mais aussi poésie bien présente, on s'y laisse prendre. Le moteur de tout cela, c’est que le public est COMPLICE : il sait que ce qu’il va voir est une improvisation, et la perfection de chaque saynète ne fait que le renforcer dans l’idée qu’il s’agit d’un tour de force extraordinaire.

Bien sûr, l’on vous dira qu’il y a des techniques bien établies pour réaliser de telles performances improvisées. Qu’ils ont des canevas tout prêt qu’ils leur « suffit » ( ! ) d’accommoder. Qu’à force de s’entraîner ensembles, c’est normal qu’ils arrivent à faire tout ça. Que ceux qui improvisent sont ceux qui ne savent pas dire un texte… Bien sûr qu’il y a des techniques, bien sûr qu’ils ont beaucoup travaillé ensemble, et comme partout ailleurs ! Que l’on joue Phèdre à la Comédie Française ou une création expérimentale dans une rue piétonne, le comédien, quel qu’il soit, doit se PRÉPARER. Et nos compères étaient prêts. Je ne puis que saluer le résultat de leur travail et de leur talent conjugués.

Ils seront à Avignon du 06 au 30 juillet. J’espère avoir bientôt la suite de leur tournée, afin de pouvoir recommander sans réserve ce spectacle au plus grand nombre. L’improvisation elle aussi est un des multiples aspects du théâtre.

21/05/2006

Marcel Pagnol

Je viens de visiter le site officiel de Marcel Pagnol.

Si l’on est passionné par le grand écrivain, tout document relatif à « sa vie et à son œuvre » est le bienvenu. Même (et surtout !) si la moitié du contenu est archi connue, le fan sera toujours ravi de relire tout ce qui traite de son idole. Toutefois, on aura plus de plaisir à consulter l’un des nombreux ouvrages imprimés consacrés à cet artiste. Et si vous ne cherchez à savoir que l’essentiel, ce n’est malheureusement pas sur ce site que vous trouverez le meilleur condensé.

Uniquement pour les amoureux de Pagnol. (Et ils sont nombreux je le sais, j’en suis !)