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07/01/2009

T’es vachement drôle toi ! T’as fait l’École du Rire !

Si en France cette expression annonce une ironie cassante, il n’en va pas de même au Canada, comme vous pourrez le lire en cliquant ICI. L'article de Macha SÉRY évoque ces institutions qui accueillent les apprentis comédiens, ainsi que les filières — encore rares — pour se perfectionner dans l’art difficile de faire rire.

Il y a deux passages que je souhaite reproduire ici, à cause des réponses qu’ils m’inspirent. 

« On a réorienté de façon opportuniste la pédagogie vers les besoins de l'industrie, privilégiant les programmes courts et les séries de télévision », annonce Marie-Laurence BERTHON, directrice adjointe de la filiale française de Juste pour Rire (qui produit en France Laurent RUQUIER, Franck DUBOSC, Florence FORESTI…)

Les questions de fric font souvent polémique dans le petit monde de l’art, notamment le Spectacle Vivant. Malgré les protestations de certains et le silence des autres, l’art et l’argent ont partie liée, ne serait-ce que parce que les artistes doivent vivre et ont besoin d’un peu d’argent pour cela. Cependant, cela n’a jamais empêché la plupart de rester libres. (Et je m’aperçois, au moment où j’écris ces lignes, que dans « argent » il y a « art » et « gens » !)
Alors, pourquoi ce passage me dérange-t-il ? « opportuniste », « industrie », « filiale », trois mots qui me chagrinent. On savait que le cinéma est une industrie, et nous sommes vaguement convaincus qu’il ne pourrait en être autrement à cause des moyens qu’il nécessite. Mais le monde du spectacle, on le croyait à l’abri de la grande machine à produire, à cause des moyens qu’il ne nécessite pas, justement. Le Spectacle Vivant est affaire de petite structure — oui, même la Comédie Française est une petite structure, face aux géants du cinéma.
Comprenez moi bien : je ne crache pas sur la face industrielle du cinéma, au contraire, mais je m’inquiète de voir que les écoles d’art se plient à la demande du marché (comme le feront bientôt les facultés d’ailleurs). Avec de telles écoles, je crains tout simplement que les artistes de scène deviennent moins créatifs et ne nous montrent plus que des spectacles formatés ; qu’ils soient à la création ce que Mac Donald est à la cuisine. Affaire à suivre.

Illustre-Point de vue-Guy Bedos-01.jpgLe deuxième extrait évoque tout autre chose :
Jeudi 18 décembre, en préambule à son troisième cours au Conservatoire National Supérieur d'Art Dramatique à Paris, Guy BEDOS prévient : « Je déteste le comique sec, l'enfilade de rires. Le dogme - un mot, un rire - me donne le vertige. On n'est pas asservi à l'obligation de rigolade. Dans ce métier, on peut être émouvant. »

Photo Gamma/Serge BENHAMOU

Cet artiste nous fait part d’une conception tout à fait honorable du métier d’amuseur. Je la trouve pourtant teintée de mépris vis-à-vis des "autres", ceux qui préfèrent l’enfilade de rires. Ils sont pourtant tout aussi honorables et dignes d'intérêt.
J’affiche l’ambition de pouvoir dire un jour : « je suis comédien ! ». Vaste programme. Car ma conception du métier de comédien dit qu’il faut, en autre, être capable de travailler dans des projets très différents, pour des metteurs en scène ou des réalisateurs qui sont parfois aux antipodes les uns des autres.
Entendez bien : je ne dis pas que l’acteur doit être un simple technicien qui se contente de se plier aux souhaits et aux caprices d’un Grand Créateur ; je dis simplement que, dans ce milieu, il existe des visions différentes de l’art dramatique. Parfois, ces visions s’opposent même. Chaque metteur en scène, lorsqu’il monte un projet, propose un cadre à ses partenaires. Ce cadre est parfois très strict, très étroit, mais il laisse toujours une part de création à l’artiste qui accepte d’y entrer.
Mon ambitieux objectif me demande donc beaucoup d’humilité. Il faut accepter l’idée qu’un comédien travaille, le plus souvent, pour un projet qui n’est pas le sien, et qu’il doit faire comme s’il y adhérait à 200 %.
Faire sien le désir de création d’un autre. On se doute qu’il faut beaucoup de souplesse. C’est parfois déstabilisant, souvent contraignant, mais toujours intéressant. J’ai toujours pensé que c’est sous la contrainte que l’on crée le mieux.
Bien sûr, on se retrouve souvent à faire le contraire de ce que l’on a appris, et même quelquefois le contraire de ce que l’on aime — on aime les auteurs contemporains et on joue Molière, on privilégie l’approche psychologique et le metteur en scène vous demande de travailler sur les mots, on voudrait pleurer, on vous demande de rire…
Qu’importe, une fois l’aventure terminée, on a la fierté, l’immense fierté, de pouvoir dire : « ça, j’ai osé le faire. ». Au cinéma comme à la scène, il y a des acteurs qui resteront à jamais sublime dans tel ou tel rôle, mais qui ne déborderons jamais de leur domaine ; la réussite, c’est si confortable.

En rentrant chez moi après une répétition où un spectacle, il m’arrive de faire un détour pour croiser d’anciens camarades de scène, où des élèves qui sortent d’un cour de théâtre. Malgré ma joie de les revoir, j’ai alors un petit pincement au cœur. Premièrement parce qu’ils continuent de s’éclater sur une scène où je ne suis plus, étant moi-même en train de m’éclater ailleurs. Mais aussi parce que certains ont l’air "prisonniers". Ils ne connaissent comme horizon artistique que celui de leur unique professeur ou unique metteur en scène. Leur façon de concevoir l’art dramatique est calqué sur leur "maître".
Lorsque je travaille avec l’un ou l’autre de ces metteurs en scène, j’écoute avec la plus grande attention leurs indications, je peux dire sans exagérer que je bois leurs paroles. Mais je garde toujours en tête que, même génialissimes, même avec des argument très convaincants, ces Artistes avec un grand A détiennent une vérité, une seule parmi la multitude d'autres vérités.

10/08/2008

Patrimoine

Presque huit années séparent Shakespeare in Love — réalisé par John MADDEN et sorti en France en mars 1999, de Molière — comédie de Laurent TIRARD sortie en janvier 2007.
Mais il n’y a pas que le temps qui sépare ces deux œuvres, il y a surtout le choix de “ l‘angle d‘attaque ”. En effet, bien que ces films soient tous deux une fiction sur la vie d’un grand dramaturge, le résultat est fort différent, contrairement aux apparences.

Illustre-Patrimoine-01.jpgIllustre-Patrimoine-04.jpg


Le réalisateur français a pris le parti de traiter la question des personnages. Romain DURIS incarne Molière qui se fait passer pour un certain monsieur Tartuffe, Fabrice LUCHINI joue monsieur Jourdain et Ludivine SAGNIER compose une Célimène assez peste. Aucune pièce en particulier n’est ici mise en avant, mais au contraire un florilège de scènes ou même de répliques toutes connues du grand public. En imaginant que Jean-Baptiste POQUELIN a pu s’inspirer de toutes les situations qu’il a vécues, on s’attache à l’ensemble de son œuvre.
John MADDEN, en revanche, a imaginé que c’est une relation amoureuse qui a inspiré Roméo et Juliette à son auteur. Film centré donc sur la genèse d’une seule pièce et ne comportant pas de personnages du répertoire. Jusque là, il n’y a pas de reproche à formuler, seulement des différences à pointer.

Malheureusement, malgré les louanges qui ont accompagné la sortie de Shakespeare in Love,
ce film n’est qu’une comédie sympathique, sans panache et sans génie.
Quel dommage : l’idée de faire parler SHAKESPEARE himself avec les répliques de sa future pièce ouvrait des pistes très intéressantes tant pour le scénario que pour le jeu des comédiens ; idem pour la fameuse « mise en abîme » : le spectateur du film voit des comédiens qui jouent le rôle de comédiens en train de répéter un spectacle.

Las, les émotions jouées par les acteurs lorsqu’ils sont sur scène sont les mêmes que lorsqu’ils jouent la “ vraie vie” ; et la panoplie d’humour, de rebondissements et de trouvailles déployés dans cette histoire sont marqués de l’empreinte d’Hollywood : des choses bien ficelées, de bonne facture, mais très formatées pour le grand public. Il n’y a pas de prise de risque et pas de signature particulière.

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Le Molière de Laurent TIRARD, lui, donne vraiment l’envie de pénétrer l’âme de l’artiste, de vivre sa vie, de devenir saltimbanque à son tour. La scène où Romain DURIS/Molière imite différentes sortes de chevaux est un pur moment d’anthologie. Les sentiments exprimés par les personnages, sans édulcorant, émeuvent davantage par leur force.
Les passages amusants sont plus subtils ; un exemple : la fameuse scène de la “ Galère ” extraite des Fourberies de Scapin est ici reproduite presque intégralement ; comme dans la pièce, le vieux bourgeois se laisse extorquer 500 écus pour récupérer sa fille, qu’on lui fait croire prisonnière, otage des Turcs. Au fil des répliques, le spectateur sourit parce qu’il croit reconnaître les Fourberies de Scapin. Il pense que, comme dans la comédie de MOLIÈRE, l’argent extorqué servira les plans du héros. Mais soudain, patatras ! A peine la bourse vient-elle de se délier que la fille, censée être à bord d’une galère, apparaît avec fracas dans la maison. Le plan tombe à l’eau… et le spectateur est piégé lui aussi !
Il en est ainsi de tous les emprunts fait au texte : il sont toujours déformés, détournés, retravaillés, dédoublant ainsi le plaisir du spectateur qui s’amuse à identifier les passages qu’il a étudié au collège mais qui s’étonne également du nouvel emploi qui en est fait.

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J’espère que l’on ne me taxera pas d’anti-américanisme ou bien de chauvinisme, mais examinons seulement les titres : le film français est désigné — tout comme son prédécesseur de 1978, le film d’Ariane MNOUCHKINE — par le nom seul de MOLIÈRE, alors que le film anglo-américain est affublé des mots « In Love » après le nom de SHAKESPEARE.
Les producteurs ont-ils craint que les spectateurs bouderaient un film qui raconte la vie d’un auteur de théâtre ? Fallait-il à tout prix dire que l’amour passerait par là pour attirer du monde dans les salles obscures ? Ce « In Love » est de trop, il est révélateur d’un manque confiance dans le public.

A la décharge des anglo-américains, le public français connaît peu le patrimoine classique anglais et bien mieux le patrimoine français. (Et vice-versa !) Nul doute que beaucoup de fines allusions utilisées dans Shakespeare in Love m’ont échappé. Je ne veux pas dire ici que le travail de John MADDEN est nul. Je suis simplement navré de constater qu’on identifie les deux films comme jumeaux. Non, Molière ne ressemble pas à Shakespeare in Love.

Je terminerai avec une opinion très personnelle :

Illustre-Patrimoine-05.jpgl’acteur Romain DURIS me fait penser, par son talent couplé à une grande maîtrise technique, par l‘étendue de son registre, à Philippe CAUBÈRE.

 

Illustre-Patrimoine-06.jpgEst-ce une coïncidence ? Philippe CAUBÈRE a joué le rôle titre dans le Molière d’Ariane MNOUCHKINE en 1978…

12/05/2008

La réplique de la Réplique

J’ai déjà évoqué le collectif de La Réplique le mois dernier (cliquez ICI pour lire l’article).
Demain mardi, vous aurez l’occasion d’en savoir plus en parlant directement avec les protagonistes de cette (belle) aventure.

« L’apéro de la Réplique Nice » aura lieu le mardi 13 mai à 19h à l’Espace Magnan, 31 rue Louis de Coppet à NICE.

 

Interviendront au cours de cette rencontre :

- Des représentants de La Réplique pour présenter les dernières nouvelles du collectif et faire un bilan des activités effectuées sur Nice ;

- Joël BAYEN-SAUNERES parlera de la relance de la programmation Spectacle Vivant à l'Espace Magnan et des projets 2008/2009 en cette matière ;

Puis à partir de 21h :

- Lectures de textes de l'atelier écriture par des participants à l'atelier lecture («Journées du Passeur» de La Réplique effectuées par Michel BENIZRI et Michel BELLIER à l’espace Magnan en avril dernier) ;

- Projection du film « 11.43 » de Thierry AGUILA, réalisé en octobre 2007 à Marseille dans le cadre des Ateliers Courts de La Réplique.
J’ai eu l’occasion de voir ce film lors du 8è « Un Festival c’est trop Court » organisé par Héliotrope. Je pense que beaucoup prendront plaisir à regarder ce polar d’une durée d’environs ¼ d’heure.

Site : www.lareplique.com

ESPACE MAGNAN - 04 93 86 28 75

05/04/2008

Collectif

C’est à mes yeux une chose importante que tous les artistes puissent agir collectivement. Cette évidence malheureusement ne saute pas aux yeux de beaucoup. Il est pourtant vital de comprendre que le plus doué d’entre nous ne peut RIEN sans les autres. Consolons-nous, il existe dans les Alpes-Maritimes une réplique de la Réplique.
Résumons : à Marseille, il y a 25 ans, s’est crée un collectif de comédiens et de professionnels du cinéma et du spectacle, qui s’est baptisé « la Réplique » (sans doute par allusion aux textes composés de répliques, mais peut-être aussi parce qu’il fallait apporter une réplique aux problèmes que connaissent les gens du spectacle et du cinéma). Ils ont pour objectif de ne pas attendre qu’on vienne les solliciter pour un rôle, mais au contraire de prendre les devants et de réunir les compétences pour créer, pour faire, pour transmettre. Vous en saurez d’avantage en vous rendant sur le site de ce collectif en cliquant ICI.
Depuis un an maintenant, cette structure participe à la mise en place à Toulon et à Nice d’un dispositif équivalent. Premiers résultats concrets : trois courts métrages de très bonne qualité projetés hier soir au cinéma Ryalto, dans le cadre du 8è festival du court métrage à Nice, « Un Festival c’est trop Court ».

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Trois premières productions d’un nouveau collectif de comédiens, baptisé aussi « la Réplique » et basé cette fois à Nice. Espérons, c’est l’ambition de tous ceux qui ont participé au projet, que cette expérience pourra durer et s’épanouir. Ça marche à Marseille, leur travail commence vraiment à porter ses fruits. Les productions savent qu’ils peuvent compter sur un "vivier" de 300 comédiens ! Cela pourrait marcher à Nice et à Toulon.
Pour ces trois premiers courts métrages, les associations Héliotrope et Regard-Indépendant se sont joint à la Réplique de Marseille pour former le cadre des « Ateliers Courts ». Un appel à projet a été lancé, puis trois dossiers retenus. Les lauréats avaient à leur disposition comédiens, maquilleuse, techniciens du son et de l’image, locaux et caméras... Mais ces trois réalisateurs avaient plusieurs contraintes : ne pas faire un film de plus de 10 minutes ; travailler sur 2 lieux de tournages, pendant 2 jours seulement et avoir 3 comédiens principaux (la contrainte est souvent créatrice !) En revanche, ni dialogues ni même scénario n’étaient encore définitivement fixés. C’est un travail collectif qui a permis de finaliser cela. Soit par une série d’improvisations, soit par une réflexion autour d’une table ou bien par une séance de visionnage voire même un atelier d’écriture (dans ce dernier cas, ce fut très fertile mais aucun écrit n’a finalement été utilisé dans le film...). La méthode de travail variait selon les réalisateurs, certains étant débutant et d’autre chevronné.
J’ai entendu dire que ce projet d’un collectif était une des choses les plus intéressantes qui soit arrivée sur la région ces dernières années en matière de Culture. Il est vrai que j’ai souvent constaté le caractère égoïste et individualiste d’artistes à l’ego surdimensionné. Nous avons raison de nous plaindre du peu d’intérêt que les politiques portent aux professionnels du spectacle. Toutefois, j’ai souvent envie de crier : « torts partagés ! ». Dans le petit monde de la musique, de la danse, du théâtre, il existe encore des artistes — ou qui se prétendent tels — qui prônent haut et fort un monde d’entraide, de respect et d’ouverture, alors même qu’ils jalousent férocement la plus petite réussite d’un confrère. Seules leurs créations sont vraiment nécessaires, les autres n’étant là que pour égarer le public. Je veux croire qu’avec cette "Réplique", une telle page est définitivement tournée. Je suis persuadé que de plus en plus d’artistes vont se structurer de cette façon ou d’une autre. Une projection comme celle d’hier soir m’a rendu optimiste. Enfin du concret !