28/04/2011
L’art ne s’enlisera pas.
COMMENT UN COMÉDIEN UTILISE LE CINÉMATOGRAPHE POUR FAIRE DE LA SCULPTURE
Parmi les œuvres de sculpture exposées cette année au Salon des Artistes français, on remarquait l’envoi de M. Paul Capellani, désigné au catalogue sous ce titre à la fois concis et suggestif : « Enlisé ». …/… M. Capellani aurait pu reconstituer une pareille scène avec les seules ressources de l’imagination et l’emploi du modèle posant d’après des indications appropriées au sujet. Mais ce sculpteur de talent est, d’autre part, un excellent comédien, applaudi à l’Odéon et à la Renaissance, et l’habitude qu’il a de s’identifier à ses rôles l’a porté à vouloir « vivre » le personnage qu’il se proposait de représenter en une expressive figure de marbre.
Donc, désireux de synthétiser le plus possible le « mouvement » de la figure projetée, il s’est rendu au Mont-Saint-Michel, et …/… il n’a pas craint de s’enliser lui-même, cependant qu’un appareil cinématographique enregistrait les différentes phases de l’enlisement. Malgré toutes les précautions, cette périlleuse expérience faillit avoir un dénouement tragique, car non seulement l’acteur principal du drame risqua de devenir la victime trop réelle du sable mouvant, mais les opérateurs du cinématographe et l’appareil même commençaient à s’enfoncer doucement quand des sauveteurs intervinrent juste à temps. …/…
Ce texte publié en 1909 est extrait d’un journal qui s’appelait L’ILLUSTRATION, « journal universel » qui est paru une fois par an de 1843 à 1944, et qui récapitulait les événements de l’année écoulé, avec force illustrations comme l’indiquait le titre.
Ce qui frappe à la première lecture, c’est bien sûr le côté un peu fou de l’entreprise. Ce comédien-sculpteur a tout simplement mis sa vie et celle de son équipe en danger dans le seul but de réaliser une œuvre.
Mais ce quasi fait divers montre aussi autre chose : le lecteur a compris que les photos qui illustrent ce texte sont en réalité extraites d’un film, réalisé par l’équipe de ce M. Paul Capellani. Et le journaliste emploie le terme de « cinématographe », ce qui nous rappelle que cette technique n’a que vingt ans.
C’est cela qui me frappe alors, en deuxième lecture : l’art explore toujours les nouvelles voies offertes par l’innovation technologique pour en faire son profit, de la façon la moins prévisible.
Sables "mouvants"… eh oui, forcément, avec le cinéma !
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