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25/05/2009

Une femme pas seule

La programmation de Cuisine et Dépendance au théâtre de la Semeuse ce week-end a dû être annulée. Ce spectacle a été remplacé par Une Femme Seule, produit par la même compagnie, ACTE 3. Un monologue extrait de Récits de Femmes, initialement appelé Orgasme Adulte Échappé Du Zoo et écrit par Dario FO et Franca RAME.
Des décors simples mais colorés définissent un cadre précis au jeu de la comédienne, qui incarne une femme, seule bien sûr, mais surtout maltraitée et malheureuse.
Seule malgré les autres personnages qui seront seulement suggérés et jamais présents sur scène (le mari au téléphone, l’amant derrière la porte…).
Joëlle HADJADJ, particulièrement efficace dans les passages dramatiques, la où le "Pathos" ressurgit, incarne donc cette femme délaissée, qui passe par plusieurs états d’âme.

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À la fin du spectacle, la metteur en scène a accepté de répondre à quelques questions. Accueillons donc, derrière le rideau, Françoise NAHON.

Qu’est-ce qui a motivé ce choix de l’auteur ?

Parce que j’aime l’écriture de Dario FO (C’est Dario FO et Franca RAME ! C’est une histoire de couple aussi, hein.) C’est extrait de Récits de Femmes, qui est un recueil où il y a de nombreux textes de femmes ; et un ou deux textes mixtes aussi, hein, avec homme et femme. Essentiellement ce sont des récits de femmes qui traitent des sujets difficiles, comme par exemple la prostitution, comme par exemple le refus de maternité. Bon là, il s’agit d’une femme qui est dans la maltraitance.

Donc « difficile » non pas dans le sens douloureux mais dans le sens qu’il est difficile de traiter de tels sujets ?

Délicats à traiter. Alors l’intérêt de Dario FO, c’est que tous ces sujets qui sont dramatiques — et souvent plus que dramatiques, ils sont tragiques — sont traités sur un mode très drôle, très kitch, très fantaisiste ; et moi c’est ce qui me plait, c’est ce contraste entre le motif qui est dur et le traitement qui est plus léger.

Pourquoi avoir choisi ce texte en particulier, parmi les nombreux qui font partie de ces « Récits » ?

On m’a souvent posé la question d’ailleurs. Parce que… parce que c’est un texte qui nous plaisait déjà à toutes les deux… Nous ça fait très longtemps qu’on fait du théâtre ensemble avec la comédienne Joëlle HADJADJ ; et c’est un texte qu’on avait envie de travailler parce qu’on a été très sensibles au problème des femmes qui subissent des violences, conjugales en l’occurrence. On a connu des gens qui travaillaient dans des associations, et qui recueillaient de nombreuses victimes, et ce sujet nous a interpellés.

Vous avez tout de suite pensé à Joëlle HADJADJ pour le rôle ?

On voulait monter du Dario FO, donc j’ai relu tous les Récits de Femmes que j’avais et celui qui m’intéressait, pour cette fois-ci (je vais vous parler de la suite !) pour cette fois-ci ça a été Une Femme Seule. Joëlle, je la voyais dans ce personnage.

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Vous pensiez déjà à Joëlle en choisissant le texte.

Oui, tout à fait. Et puis là, au départ on voulait faire deux monologues. Donc moi j’avais pour projet d’en faire encore un autre, qu’on aurait associé.
Finalement, ce projet a grossi ; au début c’était un petit truc et puis finalement on a voulu vraiment que ça soit un spectacle à lui tout seul. Donc on en a fait ce que vous avez vu là ce soir. Mais le projet, ça va être de garder Une Femme Seule peut-être dans une version un petit peu plus light et auquel on va rajouter un ou deux autres monologues extraits de Récit de Femmes ; là où peut-être je prendrai un rôle d’ailleurs.

Justement, il vous arrive parfois de jouer dans des pièces que vous mettez en scène. N’est-ce pas une difficulté supplémentaire ?

Alors en fait, nous sommes un trio, où on est un peu polyvalent. Par exemple sur Cuisine et Dépendance je joue et je fais la mise en scène, et donc à un moment du travail il y a toujours quelqu’un de la compagnie qui a le regard extérieur sur les scènes où je suis présente.

Qui a le regard extérieur et qui a aussi les capacités à faire de la mise en scène…

Complètement. Si vous voulez, la mise en scène elle est conçue dès le départ, donc je sais exactement ce que je veux… et ensuite il y a l’esprit et après il y a la direction de l’acteur.

Donc, dans votre façon de travailler, toute la mise en scène est déjà prévue avant de commencer ?

En tout cas, les grandes lignes de la mise en scène, la scénographie, l’esprit de la pièce… j’ai déjà dans la tête ce que je veux, et ce que je ne veux pas surtout.

Mais les comédiens peuvent apporter quelque chose…

Bien sûr, tout à fait. Ce n’est pas figé genre « tu dois faire deux pas à gauche… » non, non. Quand je parle mise en scène, c’est l’esprit général de la pièce. Et j’en discute avec tout le monde au début du travail, dès les premières lectures. Donc ils savent exactement où l’on va, ensemble ; et après évidemment on se nourrit du travail des uns et des autres, ce n’est pas figé.

C’est une compagnie que vous avez crée ?

Oui. On est trois : « compagnie ACTE 3 ».

Qui est la troisième personne ?

C’est Tony — qui fume dehors ! Tony, par exemple, il incarne le rôle de Georges/Bacri dans Cuisine et Dépendance. Là, sur Une Femme Seule, c’est lui qui a fait la régie ; donc on est un peu polyvalent.

Et il a aussi des comédiens "satellites", comme sylvain GUINÉ pour Cuisine et Dépendance ?

Voilà, lui il ne fait pas partie de la compagnie. On l’a recruté parce qu’on le connaissait, c’est un copain ; puis on l’avait vu justement dans Cuisine et Dépendance à l’époque où ils l’avaient montée [au Théâtre du cours ndlr].

Merci à vous, Françoise NAHON, pour ces réponses.

Pour compléter ces propos, je laisse en lien, sur la Colonne de Gauche, le site de la Cie ACTE 3, hébergé par Niceasso.net — espaces associations de la Ville de Nice.

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04/06/2007

Canon

Il n’y a pas que chez les clowns que le quatrième mur disparaît et que le comédien peut s’adresser au public : c’est également une des bases de la Commedia dell’Arte, univers que j’avais déjà évoqué lors d’un article précédent (cliquez ICI pour relire l’article).
0492912fcdfdef1676568a0d50a4dd2f.jpgJ’y parlais de Dario FO, un des grands maîtres contemporains de cet art particulier. Il est, avec sa femme Franca RAME, à la fois auteur, metteur en scène et acteur ; et le dramaturge italien le plus joué dans le monde avec Luigi PIRANDELLO.
Un de ses textes, « Récits de femmes et autres histoires » était mis en scène dans le dernier spectacle du "6ème Festival de Théâtre aux Arènes". Ce n’était déjà plus exactement de la Commedia dell’Arte (pas de masque, personnages n’appartenant pas au répertoire classique, monologue compréhensible et non pas grommelot…) et le texte était parfois remanié, adapté voire tout simplement ajouté.
Ce n'était pas trahir l’auteur car justement, l’esprit de la Commedia dell’Arte (qui, depuis qu’elle existe, n’a cessé d’évoluer) c’est aussi l’improvisation, basée sur des canevas mainte fois travaillés ou sur l’actualité de la région où se déroule le spectacle ou même sur les menus incidents qui peuvent survenir durant la représentation. Il n’y a donc pas de "canon" de la Commedia, figé dans le marbre.

Spectacle très au point, parfaitement maîtrisé d’un bout à l’autre. Aucune pause ne fut accordée au public, qui était emporté dans ce tourbillon où ont défilé une ribambelle de personnages, tous interprétés par le même comédien : Remy BOIRON, de la Cie Humaine (Cliquez ICI pour visiter leur site.)
Ce dernier a été également mime durant plusieurs années — la aussi aptitude très utile chez les clowns comme pour la Commedia dell’Arte. Et pour terminer en beauté, l’artiste nous a gratifié d’un résumé du spectacle (pratique utilisée aussi par Dario FO). Nous avons découvert alors, en raccourci et en mime, le spectacle qui venait de se dérouler l’instant d’avant. La joie de décoder tous ensemble les différentes scènes passées au rouleau compresseur, raccourcies, épurées par une gestuelle d’une efficacité prodigieuse, était jubilatoire.

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Mais, comme je l’ai dit, ce spectacle comporte aussi des éléments plus universels, se rapportant aux codes du théâtre. Ainsi, l’artiste fait osciller les spectateurs entre rire et larme (les moments drôles qui suivent les instants douloureux font alors office de soupapes, et le public rit encore plus volontiers, afin d’évacuer le trop plein de chagrin accumulé par empathie pour le personnage qui souffre sur la scène). On frôle le frisson poétique.

 

Un dernier conseil : pour ce genre de spectacle, mieux vaut ne pas se trouver au premier rang, sous peine d'y participer, bien malgré soi !

20/08/2006

Dell’Attore

medium_Blogatoire-Dario_Fo-01.jpgJe (re)lisait le livre de DARIO FO : Le Gai Savoir de l’Acteur (Manuale Minimo Dell’Attore), qui est une mine de réflexions sur le théâtre. J’en ai même offert un exemplaire à un camarade, et j’espère pouvoir le faire lire à d’autres encore.

L’auteur y traite de pratiquement tout, à sa façon. Et fatalement, je suis tombé sur un paragraphe qui traite d’un sujet abordé récemment avec l’article intitulé « dans le texte ».

Mais lisez plutôt :

« Le théâtre n’a rien à voir avec la littérature, quoi qu’on fasse pour l’y réduire. Brecht disait avec raison de Shakespeare : ” … dommage qu’il soit beau même à la lecture : c’est son seul défaut, mais il est grave… ” Il avait raison. Une œuvre théâtrale valable, paradoxalement, devrait ne pas plaire à la lecture et ne révéler sa valeur qu’à la réalisation scénique »

Voilà donc un nouvel avis, assez différent du miens je dois le reconnaître, mais qui est intéressant je crois.