25/11/2009
Piqûre de rappel
C'est le titre d'un e-mail que j'ai reçu afin que je repasse une annonce parue sur ce blog le 22 septembre dernier (et ♫ le 22 septembre ♫ aujourd'hui ♫ ... on ne s'en fout pas) :
Solo para Paquita
(Stimulant, amer et nécessaire)
Pièce d'Ernesto CABALLERO
Monologue interprété par Isabelle BONDIAU
Mise en scène : Émilie PIRDAS
Création musicale : Mathieu GEGHRE
Création lumière : Érik de Saint-FERREOL
Comédie aigre douce, avec une pointe d'humour acide et épicé, Solo para Paquita est l'histoire d'une femme... Une madame tout-le-monde, une employée du ministère. Plongée dans sa solitude et noyée dans un monde bercé d'illusions, elle décide un jour d'aller au Bingo.
C'est là que tout bascule. Elle rencontre un homme, tombe amoureuse, mais il disparaît presque aussitôt. La déception, la tristesse et l'amertume alors se dessinent en elle, et sa colère se transforme en un acte fatal. Passage à l'acte ou simple délire schizophrène, Paquita bascule petit à petit dans l'obsession des chiffres, des mots, des coïncidences et du mysticisme, ce qui l'amène à perdre ses repères et à balancer entre folie et réalité...
Paquita se retrouve ainsi dans trois univers, trois lieux, trois espaces-temps.
Elle se livre alors à une confession publique tenant lieu de thérapie, tout en sirotant un petit café qu'elle trouve parfois stimulant, amer et nécessaire...
Émilie PIRDAS confie quelques réflexions sur ses choix :
« ... Étant curieuse du théâtre latino-américain, j'évoquerai l'extrême richesse et la grande variété des auteurs comme José SANCHIS SINISTERRA, une des grandes figures de ce théâtre de l'après-franquisme ; José TRIANA, auteur cubain ; Gabriel GARCIA MARQUEZ auteur colombien ; Alfredo ARIAS et bien des autres.
Je me suis un jour plongée dans la pièce Solo Para Paquita d'Ernesto CABALLERO, car je cherchais à mettre en scène un monologue pour femme. Je fus alors séduite par l'écriture, la poésie, l'acidité et l'humour de ce texte.../...
.../... L'auteur pose la question du passage à l'acte. Ernesto CABALLERO entraîne Paquita à commettre un acte irréparable qui la fait atterrir en hôpital psychiatrique où elle pratique une thérapie de groupe.
Mais ce qu'on croit être la thérapie d'une femme malade d'amour devient, par la magie de l'écriture de l'auteur, un drame théâtral : Paquita ne s'avère être autre qu'une actrice schizophrène ; le docteur Ceballos, le responsable de la thérapie, un metteur en scène peu scrupuleux et le groupe de thérapie n'est autre que le public.
La richesse de ce texte aborde également la place et la complexité de ce que peut ressentir un comédien lorsqu'il s'enveloppe d'un personnage pour pouvoir ensuite l'interpréter. L'auteur alors s'appuie sur la fragilité humaine, les obsessions et les vieux démons que l'homme et la femme portent en eux... »
Ces propos sont extraits du dossier de presse que vous pouvez télécharger en cliquant ICI.
J'ai déjà évoqué la rencontre entre deux artistes issues de deux compagnies. Émilie PIRDAS provenant de la Cie le Cri du Chœur et Isabelle BONDIAU de la Cie Alcantara. C'est le genre de synergie qui me plaît. Il me semble qu'il est salutaire pour un artiste de ne pas trop s'installer dans une formule qui marche (et pour un intermittent, plus ça marche et plus il est difficile de renoncer à l'assurance d'un succès facile et d'un revenu à peu près décent). Aussi on ne peut que saluer cette collaboration nouvelle.
D'autre part, j'ai déjà vu jouer la comédienne et je pense que le rôle qu'elle doit assumer est tout à fait à sa portée.
C'est au Théâtre de la Semeuse (~ 100 places, non numérotées)
2, montée Auguste Kerl
à NICE
Renseignement et réservation : 04 93 92 85 08
les vendredi 11, samedi 12 et vendredi 18 et samedi 19 décembre à 20h30
Durée du spectacle : ~ 01h15
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20/11/2009
Quatre
Quatre extraits du livre « Comme si c’était moi », de Philippe TORRETON, comédien connu au cinéma mais qui a quand même travaillé dix années à la Comédie Française.
Je laisse ces extraits sans commentaire, sachant très bien qu’on peut être contre ses propos comme être entièrement d’accord avec lui. Le but étant que chacun ait envie de réfléchir sur la Culture, et aussi de lire quelques ouvrages sur le théâtre, qu’il s’agisse d’autobiographies ou d’études plus spécialisées.
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Je me suis souvent demandé pourquoi, à l’école, on commençait avec Molière. Mais c’est vachement dur, Molière, à douze ans. On ne comprend rien, c’est truffé de mots totalement oubliés, et ça laisse aux élèves l’impression désagréable que ce n’est pas fait pour eux, Molière, et donc que le théâtre, du même coup, « c’est un peu comme le foot pour les pédés ». Alors qu’il existe partout dans le monde des auteurs vivants, écrivant avec des mots d’aujourd’hui, qui permettraient d’aborder l’art dramatique sans ce genre de complexes castrateurs, pas question d’abandonner Molière ! Mais on peut le remettre à plus tard, quand les bases sont là, et que le virus du langage commence à agir, il ne bougera pas Molière, il est mort de toutes façon, il nous attend fidèle au poste. […/…] Molière n’est pas un prétexte pour faire l’andouille avec des masques. S’il écrivait aujourd’hui, il aurait constamment des problèmes avec les gens en place comme on dit. À son époque, déjà, certains auteurs espéraient sa mort prochaine et se réjouissaient de cette vilaine toux qu’il avait, d’autres appelaient carrément au meurtre… alors… Ne le réduisons pas à un classique qu’il est bon d’avoir lu. Il y a une vie qui va avec, c’est sérieux… et parfois grave, même si c’est drôle.
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Je suis contacté par Jack Ralite pour dire un poème aux états généraux de la culture […/…] il s’agit du « Marbrier de Carrare », de Charles Péguy […/…] Mon premier contact avec le poème est déroutant. Il est bizarrement posé sur le papier, avec des rejets ou renvois à la ligne étranges, et, lorsque je le lis tel que c’est écrit, je ne comprends pas. Un peu comme Claudel, cela devait être à la mode en ce temps-là, lorsqu’on avait un truc à dire, hop ! pas plus de quatre mots par ligne, ou alors ils étaient payés à la feuille. Mon premier travail consista donc à reconstituer les phrases une par une. Alors, tout le sens me parvint. Ce poème est beau, simple et fort. Je m’étais convaincu de le lire (et donc de le recopier) comme je l’avais compris. Mais, saisi d’un doute (car pourquoi alors Péguy l’avait-il rédigé ainsi ?), je me décidai à vérifier auprès de Jean Dautremay, sociétaire spécialiste des poèmes compliqués, si ma méthode n’était pas trop sacrilège. Il trouva ma lecture intéressante, mais me dit qu’il fallait absolument respecter la forme sur le papier, forme qui était aussi de la poésie et signifiait quelque chose. Oui, mais quoi ? Pas de réponse, en tout cas pas claire, et de lui rétorquer que lorsque je respecte l’écriture je ne comprends plus rien. Or il paraît que c’est justement ça, le travail du comédien, respecter l’auteur en le comprenant et en le rendant accessible aux autres. Ouais ! Imparable comme argument, t’as raison ! Sauf que, têtu, j’ai lu mon « Marbrier de Carrare » à ma façon, avec mes phrases reconstituée et, pardon madame ma modestie, mais ça a vachement plu […/…] C’est très beau Claudel, enfin à petites doses, mais lorsque le comédien s’arrête en pleine phrase pour attaquer le reste sur un autre ton, sous prétexte que c’est comme ça dans le livre, ça me fait penser au sketch de Dany Boon sur la collection Harlequin.
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En France on dit : « J’entre » lorsqu’on va sur scène. Dans la tradition de la commedia dell’arte, on dit : « Je sors. »
Je préfère sortir, à tout point de vue, sortir de soi, du monde, pour en gagner un autre.
C’est le plein air, c’est dehors, c’est mieux.
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Je ne suis pas sûr que le moteur principal de l’acteur soit la générosité. Ce mot galvaudé est surexploité en interview […/…] La générosité, c’est un peu le cambouis de ce métier (on ne devient pas garagiste pour en avoir sur les mains, c’est une conséquence, pas une condition nécessaire et suffisante, comme on dit en mathématique).
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Voilà, ce livre est au rayon « Théâtre » de la médiathèque de Nice, rayon fort garni et appétissant.
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06/11/2009
Et alors ?
« Une première en France », nous annonce le programme TV de ce samedi soir. Je n’ai pas vérifié, c’est sans doute vrai : c’est la première fois que l’on retransmet en direct à la télévision une pièce depuis un Théâtre National de province. Et c’est tombé sur le TNN, le Théâtre National de Nice.
Il s’agit de la pièce écrite par Jerry STERNER : « Other People’s Money », adaptée et traduite par Linda BLANCHET et Daniel BENOIN sous le titre plus connu de « A.D.A. — l’Argent Des Autres ».
Jerry STERNER, ex-homme d’affaire américain, a réussi une carrière dans l’immobilier, avant d’entamer celle d’écrivain dramatique. Il écrit Other People’s Money en 1989 et connais un succès immense, aux Etats-Unis, mais aussi dans tout le reste du monde.
Ce soir-là donc, à 20h30, nous sommes devant notre « poste de télévision », comme on disait autrefois. La soirée commence par un bref commentaire de l’incontournable Christian ESTROSI, flanqué de Daniel BENOIN.
Puis les caméras de France-2 pénètrent dans l’antre du TNN, et viennent solliciter Alexandra LAMY (oui, c’est celle de « Un gars une fille »…) qui va interpréter Kate, la jeune avocate et Michel BOUJENA, qui lui interprètera Larry-le-Liquidateur, Lawrence Garfinkle.
J’avoue que cela m’agacerait profondément si quelqu’un venait me demander mes impressions sur la pièce que je vais jouer dans cinq minutes, mais bon, les deux comédiens semblent plus solides que moi.
Le spectacle commence. Rapidement, je comprends que je vais m’ennuyer. Le texte (la traduction ?) est pataud, convenu ; tout est "téléphoné" ; les comédiens ne sont pas excellents, surtout Daniel BENOIN qui est carrément mauvais (il "met le ton", comme les enfants à l’école).
Et puis enfin, peu à peu, allez savoir pourquoi, la pièce décolle. Ça y est, je rentre dans l’histoire, je ne me pose plus de question, je reçois le spectacle tel quel.
Je pense que c’est au moment de l’entrée en scène d’Alexandra LAMY, qui est vraiment excellente : présence, interprétation, technique… du début à la fin, ce qui est encore moins évident. Michel BOUJENA cesse enfin de se comporter comme s’il réalisait un one-man-show et d’en faire des tonnes, enfin presque, car il aura encore deux ou trois fois un accent qui revient ou une grimace incontrôlée.
Le décor, les moyens techniques sont assez conséquents (changement "à vue" — deux lieux différents reposent sur un plateau qui tourne, comme un gigantesque plateau à fromage, et nous permet d’imaginer qu’on se transporte instantanément de la grande métropole à la province) mais enfin, cette fois-ci cela sert le propos.
Mais plus encore que les décors et les éclairages eux-mêmes, c’est l’utilisation qui en est faite qui m’a beaucoup intéressé. En effet : alors même que le décors n’a pas fini d’être installé, les comédiens sont déjà en train de jouer. Ou parfois, c’est le contraire, les dernières répliques de la scène précédente sont dites sur le nouveau décor de la scène suivante !
Loin d’être un défaut qui détruit l’ensemble, ce procédé fait que la pièce gagne au contraire en dynamisme. Et cela donne même un sentiment de compression du temps (en effet, l’action est sensée se dérouler sur plusieurs mois).
J’aime beaucoup ce genre de mécanisme qui ne réclame aucun moyen technique, seulement humain, et donc qui peut être utilisé par tous. Je ne sais pas si c’est Daniel BENOIN qui en est l’inventeur ou si beaucoup d’autres s’en sont déjà servi, mais c’est tout à fait le genre de trouvaille que j’affectionne.
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Maintenant que quelques jours sont passés, je me pose une question qui mérite que l’on s’y attarde : « ET ALORS ? »
Oui, cette question, chaque artiste, et pas seulement dans le Spectacle Vivant, doit souvent se la poser. Pour savoir si ce que l’on fait est créatif, pertinent, et surtout si ce n’est pas simplement de l’esbroufe.
Et là, rappelez-vous, j’ai dit au début de cet article que c’était la première retransmission en direct depuis un théâtre national de province. ET ALORS ? Qu’est-ce que ça nous a apporté à nous, (télé)spectateurs ? Quelle est la pierre posée à l’édifice de la culture ? Et si cette pièce avait été enregistrée la veille puis diffusée sur France-2 plus tard, quelle différence aurions-nous perçue ?
Peut-être le public présent ce soir-là a-t-il lui senti quelque chose ? Mais j’en doute.
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