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06/11/2009

Et alors ?

« Une première en France », nous annonce le programme TV de ce samedi soir. Je n’ai pas vérifié, c’est sans doute vrai : c’est la première fois que l’on retransmet en direct à la télévision une pièce depuis un Théâtre National de province. Et c’est tombé sur le TNN, le Théâtre National de Nice.
Il s’agit de la pièce écrite par Jerry STERNER : « Other People’s Money », adaptée et traduite par Linda BLANCHET et Daniel BENOIN sous le titre plus connu de « A.D.A. — l’Argent Des Autres ».
Jerry STERNER, ex-homme d’affaire américain, a réussi une carrière dans l’immobilier, avant d’entamer celle d’écrivain dramatique. Il écrit Other People’s Money en 1989 et connais un succès immense, aux Etats-Unis, mais aussi dans tout le reste du monde.

 

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Ce soir-là donc, à 20h30, nous sommes devant notre « poste de télévision », comme on disait autrefois. La soirée commence par un bref commentaire de l’incontournable Christian ESTROSI, flanqué de Daniel BENOIN.
Puis les caméras de France-2 pénètrent dans l’antre du TNN, et viennent solliciter Alexandra LAMY (oui, c’est celle de « Un gars une fille »…) qui va interpréter Kate, la jeune avocate et Michel BOUJENA, qui lui interprètera Larry-le-Liquidateur, Lawrence Garfinkle.
J’avoue que cela m’agacerait profondément si quelqu’un venait me demander mes impressions sur la pièce que je vais jouer dans cinq minutes, mais bon, les deux comédiens semblent plus solides que moi.

Le spectacle commence. Rapidement, je comprends que je vais m’ennuyer. Le texte (la traduction ?) est pataud, convenu ; tout est "téléphoné" ; les comédiens ne sont pas excellents, surtout Daniel BENOIN qui est carrément mauvais (il "met le ton", comme les enfants à l’école).
Et puis enfin, peu à peu, allez savoir pourquoi, la pièce décolle. Ça y est, je rentre dans l’histoire, je ne me pose plus de question, je reçois le spectacle tel quel.
Je pense que c’est au moment de l’entrée en scène d’Alexandra LAMY, qui est vraiment excellente : présence, interprétation, technique… du début à la fin, ce qui est encore moins évident. Michel BOUJENA cesse enfin de se comporter comme s’il réalisait un one-man-show et d’en faire des tonnes, enfin presque, car il aura encore deux ou trois fois un accent qui revient ou une grimace incontrôlée.
Le décor, les moyens techniques sont assez conséquents (changement "à vue" deux lieux différents reposent sur un plateau qui tourne, comme un gigantesque plateau à fromage, et nous permet d’imaginer qu’on se transporte instantanément de la grande métropole à la province) mais enfin, cette fois-ci cela sert le propos.

Mais plus encore que les décors et les éclairages eux-mêmes, c’est l’utilisation qui en est faite qui m’a beaucoup intéressé. En effet : alors même que le décors n’a pas fini d’être installé, les comédiens sont déjà en train de jouer. Ou parfois, c’est le contraire, les dernières répliques de la scène précédente sont dites sur le nouveau décor de la scène suivante !
Loin d’être un défaut qui détruit l’ensemble, ce procédé fait que la pièce gagne au contraire en dynamisme. Et cela donne même un sentiment de compression du temps (en effet, l’action est sensée se dérouler sur plusieurs mois).
J’aime beaucoup ce genre de mécanisme qui ne réclame aucun moyen technique, seulement humain, et donc qui peut être utilisé par tous. Je ne sais pas si c’est Daniel BENOIN qui en est l’inventeur ou si beaucoup d’autres s’en sont déjà servi, mais c’est tout à fait le genre de trouvaille que j’affectionne.

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Maintenant que quelques jours sont passés, je me pose une question qui mérite que l’on s’y attarde : « ET ALORS ? »
Oui, cette question, chaque artiste, et pas seulement dans le Spectacle Vivant, doit souvent se la poser. Pour savoir si ce que l’on fait est créatif, pertinent, et surtout si ce n’est pas simplement de l’esbroufe.
Et là, rappelez-vous, j’ai dit au début de cet article que c’était la première retransmission en direct depuis un théâtre national de province. ET ALORS ? Qu’est-ce que ça nous a apporté à nous, (télé)spectateurs ? Quelle est la pierre posée à l’édifice de la culture ? Et si cette pièce avait été enregistrée la veille puis diffusée sur France-2 plus tard, quelle différence aurions-nous perçue ?
Peut-être le public présent ce soir-là a-t-il lui senti quelque chose ? Mais j’en doute.