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28/01/2007

B r è v e s

Je viens de me rendre compte que je suis devenu superstitieux... Comme tous ceux qui doivent monter sur les planches. Même si certains ne le reconnaîtront jamais, car s’imaginant ne pas l’être. Chacun est superstitieux à sa façon : cérémonial pour se mettre en condition (« allez, ça va commencer, on se tient tous les mains ! » ; déviance de ce qui est à l’origine un simple et nécessaire training d’acteur), alimentation (« la salade, ça fait bafouiller… » ; c’est sûr qu’il ne faut pas manger une daube-raviolis juste avant de grimper sur scène), accessoire (« putain, ce soir, j’ai pas la même chemise, je vais être mauvais ! » ; autrefois, on prétendait que le vert sur un costume portait malheur), partenaire (« ce soir, tu m’as pas regardé lorsque j’ai dit "phylactère", et du coup j’ai eu un blanc tu comprends ? ») et, pour ce qui me concerne, même la façon dont j’ai garé ma voiture (« je suis garé super près ! La chance est avec moi ! »

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« CYRANO

Ragueneau ne pleure pas si fort ! ...
(il lui tend la main.)
Qu’est-ce que tu deviens, maintenant, mon confrère ?
RAGUENEAU, à travers ses larmes.
Je suis moucheur de... de... chandelles, chez Molière.
CYRANO
Molière !
RAGUENEAU
Mais je veux le quitter, dès demain ;
oui, je suis indigné ! … Hier, on jouait
Scapin,
et j’ai vu qu’il vous a pris une scène !
LE BRET
entière !
RAGUENEAU
Oui, monsieur, le fameux : " que diable allait-il faire ? ... "
LE BRET
Molière te l'a pris !
CYRANO
Chut ! Chut ! Il a bien fait ! ...
(à Ragueneau.)
La scène, n’est-ce pas, produit beaucoup d’effet ?
RAGUENEAU, sanglotant.
Ah ! Monsieur, on riait ! On riait !
CYRANO
Oui, ma vie
ce fut d’être celui qui souffle - et qu’on oublie !
(à Roxane.)
Vous souvient-il du soir où Christian vous parla
sous le balcon ? Eh bien ! Toute ma vie est là :
pendant que je restais en bas, dans l'ombre noire,
d'autres montaient cueillir le baiser de la gloire !
C’est justice, et j'approuve au seuil de mon tombeau :
Molière a du génie et Christian était beau ! »

En effet, MOLIÈRE, comme beaucoup d’autres à son époque et même certains aujourd’hui, empruntait des scènes à d’autres créateurs afin de les inclure dans ses œuvres, après les avoir bien sûr remaniées. Le résultat était souvent meilleur que l’original, et ce n’est pas sans raison qu’Edmond ROSTAND, lui-même formidable écrivain dramatique, fait dire à Cyrano que MOLIÈRE avait du génie.

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En relisant « Hamlet », de William SHAKESPEARE, je suis tombé sur le passage suivant :

« HAMLET – Rendez ce discours […] comme je l’ai prononcé devant vous, d’un ton facile et naturel ; mais si vous le déclamez avec emphase, comme font la plupart de nos acteurs, j’aimerais autant avoir mis mes vers dans la bouche d’un crieur de la ville. […] Oh ! rien ne me blesse l’âme, comme d’entendre un Stentor en perruque, aux robustes poumons, déchirer une passion en éclats, qu’il vomit aux oreilles d’un parterre ignare et frondant, dont la plupart ne veulent que du bruit, et ne sont capables de sentir autre chose que des pantomimes ridicules et inexplicables. […] que votre intelligence vous serve de guide… »

Cette pièce a été écrite entre 1598 et 1602. Comme après lui Auguste STRINDBERG dans ses préfaces, certains grands auteurs avaient, bien avant les autres, perçu l’importance de la vérité du jeu. Bien avant l’arrivée de STANISLAVSKI et de ses conseils éclairés sur « la Formation de l’Acteur », SHAKESPEARE nous montre ici l’avance qu’il avait sur son époque.

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« L'acteur doit se vider de lui-même, c'est son premier travail, et le plus important. » C’est un grand comédien qui a dit ça, et il n’a pas tort. Je vous dirai de qui il s’agit lors de la prochaine note… A moins que vous ne trouviez avant !