26/04/2010
Solo Para Paquita
Vendredi 23 au soir, j’ai assisté pour la première fois à une représentation en appartement. Nous étions 22 spectateurs à nous être déplacés jusqu’au boulevard Carnot, près du quartier du port, chacun apportant quelque chose à grignoter ou à boire. Notre hôte — ancien danseur classique — nous a alors installés dans son grand salon, pour déguster un café avant la représentation.
La régie était prête : un PC portable équipé d’une paire de tweeters et d’un caisson de basse pour la bande son — de la musique, composée pour ce spectacle par Mathieu GEGHRE ; deux ou trois lampes de salon et autres halogènes ainsi qu’un petit projecteur, habillé d’une gélatine bleue.
La pièce pouvait commencer : un monologue, écrit par le dramaturge espagnol Ernesto CABALLERO, dans lequel Paquita, une femme comme toutes les autres, se raconte. Elle raconte ses petites superstitions, ses soirées au Bingo, puis sa rencontre, sa passion pour un homme qui la trahira… et qu’elle va tuer. On apprend alors que ce que nous venons d’entendre n’est qu’un rappel du passé, et que le public, avec la comédienne, participe à une thérapie de groupe. Puis d’autres tiroirs vont encore s’ouvrir, les spectateurs étant une fois de plus manipulés, jusqu’au dénouement final.
Fin, très bien écrit (et traduit), très bien joué, très bien mis en scène, on reste pantois devant une telle performance. A cela s’ajoute la parfaite adéquation de ce spectacle avec le jeu en appartement. Tout l’aspect "confession publique" est ainsi mis en relief sans recourir à aucun artifice, et pour cause : les spectateurs se retrouvent figurants du spectacle qui se déroule devant eux.
La formule, certes, n’est pas nouvelle. Mais quoi de réellement nouveau dans les théâtres ? A la nouveauté, je préfère de loin ce qui est créatif. Car ce n’est pas la même chose. Être créatif, c’est faire de la toute petite nouveauté. Cette accumulation de trouvailles et de rencontres, de décisions périlleuses. C’est cet ensemble de réglages qui est inédit, sans être révolutionnaire.
En effet, ces dix dernières années, on trouvait encore des troupes de théâtre qui installaient un écran vidéo sur la scène, juste pour dire que c’était nouveau, moderne et autres balivernes…
Le Spectacle Vivant est aussi affaire de rencontres. Pour cette pièce, ce fut entre Émilie PIRDAS, comédienne professionnelle (c'est-à-dire ayant le fameux statut Intermittent) et Isabelle BONDIAU-MOINET, autre comédienne professionnelle (c'est-à-dire ayant aussi du mal à conserver son statut d’Intermittente).
Émilie avait jusqu’à lors une expérience de comédienne, pas de metteur en scène. Ces dernières années, elle avait beaucoup travaillé avec la compagnie Sîn (on l’a vue dans Le Cri du Cœur) et avait ainsi participé à des créations collectives. Mais SOLO PARA PAQUITA était sa première mise en scène à part entière, le premier projet qu’elle a du porter seule.
Enfin, « seule » c’est une façon de parler, car Isabelle est LA comédienne qu’il lui fallait pour dire un texte aussi subtil, aussi travaillé et aussi structuré. On avait déjà pu admirer son travail au sein de la Cie Alcantara, dans Paroles d’Étoiles notamment.
Cette collaboration ne signifie nullement qu’elles aient chacune quitté leur compagnie respective, simplement qu’elles avaient envie de travailler ensemble.
Une autre metteur en scène expliquait que « ce monologue pourrait être le miroir déformant de nos fantasmes. La question du passage à l'acte, du fantasme à la réalité se développe devant nos yeux : Paquita passe à l'acte. »
Je préfère les explications d’Émilie PIRDAS qui souligne le fait que, femme ou homme, on se laisse parfois avoir par l’Autre, naïvement. Et cette souffrance, si bien écrite, ne doit pas être jouée avec rancœur, voire dans un esprit de contestation féministe trop convenu, mais avec cette même naïveté qui engendre de l’empathie pour ce personnage — qui, malgré tout, a assassiné quelqu’un !
C’est un spectacle qui a été crée au Théâtre de la Semeuse en décembre 2009 (cliquez ICI pour relire l’article) puis joué au Théâtre de la Tour et au Théâtre du Port cette année.
Pour ces deux représentations en appartement, la participation était libre « pour nous aider à payer nos frais de communication et le travail fourni » comme il était indiqué dans l’annonce.
Dès que ce spectacle sera à nouveau à l’affiche, dans un théâtre ou dans un salon, il ne faudra pas hésiter une seconde à aller écouter cette Paquita vous raconter ce qui est «stimulant, amer et nécéssaire»…
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21/04/2010
C'est SUPER
Je me décide enfin à reparler de cinéma dans ce blog consacré au spectacle Vivant. Plus particulièrement de Super-8, ce format de pellicule qui était à la pointe de la technique il y a trente ans à peine. Aujourd’hui, ce support revient à la mode. Le grain de sa pellicule et même ses imperfections charment de plus en plus de cinéphiles.
Il existe d'ailleur un courant créatif basé sur un principe, le « tourné-monté ». Comme son titre l’indique assez bien, il s’agit de tourner un film avec une bobine de super-8, sans avoir le droit de retoucher quoi que ce soit. Une fois la pellicule introduite dans la caméra (beaucoup de caméras Super-8 circulent encore) il ne faut plus toucher à rien ; ni coupure, ni montage, ni triturage chimique, rien… Une fois le tournage terminé, on envoie la pellicule directement au labo pour développement, puis on découvre, en même temps que le public, l’œuvre finale.
Certaines associations comme les Straight8, à Londres, organisent ainsi des soirées — très prisées — où le public et les réalisateurs découvrent ensemble les productions venues de tous les pays du monde. (pour les anglophones, vous pouvez visiter leur site en cliquant ICI)
D’une façon plus locale, l'association REGARD Indépendant organise la production associative d’une nouvelle collection de films de court métrage autour du thème : « La première fois ».
Les films seront réalisés en super-8 — noir & blanc ou couleur — sur le principe du "tourné-monté". L’objectif de cette opération est d’encourager la création locale à travers l'utilisation d'un format original dans un dispositif léger et économique.
La collection est ouverte à tout réalisateur débutant ou confirmé. Seule condition : être membre de l'association en 2010. Chaque réalisateur sélectionné reçoit une bobine de pellicule super-8 destinée à la réalisation d’un court métrage autour du thème proposé.
L'association prend en charge l’achat de la pellicule et son traitement. Les films finalisés seront inscrits au Short Film Corner lors du Festival de Cannes 2011. L'association met à disposition ses moyens propres pour le tournage.
L'association organisera la diffusion de la collection lors de ses manifestations ainsi qu'une édition en DVD.
Ceux qui sont tentés peuvent contacter Vincent JOURDAN (président et fondateur de l’association) au 06 23 07 83 52.
Vous pouvez également télécharger le règlement complet en cliquant ICI.
J’hésite souvent à relayer ce genre d’information, alors même que je suis membre actif de REGARD Indépendant depuis cinq ans. C’est parce qu’il me semblait qu’il n’y avait absolument aucun lien avec le théâtre.
Puis ce matin, en me réveillant (là, je romance un peu) j’ai eu un éclair : il y a un lien ! De même qu’au théâtre, une fois que le comédien s’est "planté" il est trop tard pour faire machine arrière, avec ce concept du tourné-monté, une séquence ratée est une séquence irréparable, perdue.
C’est un peu comme du théâtre filmé, l’œuvre finale ressemble guère à du théâtre, ce n’est plus du spectacle vivant, mais c’est tout de même "en live". Il y a un risque identique.
Bien sûr, au théâtre, le public comprend sans qu’on le lui explique cette fragilité de l’œuvre qui risque constamment de s’écrouler. Tandis que lors d’une projection de Super-8 filmés en tourné-monté, il faut avertir les spectateurs des conditions du tournage, afin qu’ils puissent savourer l’habileté du réalisateur.
Enfin, je rajouterai que les personnes qui viennent voir ce genre de film ont toutes en commun cette curiosité de découvrir autre chose que des produits formatés pour le grand public. Des personnes qui ont en commun le goût pour les pellicules argentiques 8mm au grain si reconnaissable.
De même au théâtre, le public présent dans la salle n’est pas venu par hasard en zappant distraitement depuis son canapé, mais parce qu’il avait envie de découvrir un auteur ou un texte, et que pour cela, il s’est donné la peine de se déplacer.
Lorsque nous (REGARD Indépendant) organisons un tel événement, nous essayons de le faire dans des lieux inhabituels (caves et salles de concert, places publiques et même plages…) ; parfois, nous essayons aussi de mixer ce courant créatif avec d’autres forme d’arts (musiciens improvisant pendant la projection par exemple…).
Dans tous les cas, le public assiste à une séance hors du commun, qu’il n’aurait pas eu en restant chez lui, même en fouillant sur la toile.
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12/04/2010
Une très bonne idée
Voilà bien le genre de spectacle qui rend jaloux les autres compagnies : « mais pourquoi n’y ai-je pas pensé avant ! ».
Il s’agit d’une pièce qui s’est jouée ce week-end au théâtre Francis Gag, à Nice, et intitulée HÔTEL DU NORD. Oui, c’est le film de Marcel CARNÉ, sorti en 1938, avec une distribution fameuse : Arletty, Louis JOUVET, Jean-Pierre AUMONT, François PÉRIER, Bernard BLIER… et adapté à la scène grâce au talent de Stéphanie CHARLES et Jean-Marc THÉROND.
Certes, ce n’est pas la première fois qu’on adapte un film, même culte, au théâtre. Mais encore faut-il bien choisir. Je corrigerai donc le titre de ce billet et dirai plutôt : « excellent choix ! »
En effet, avant de lancer toute une équipe dans un tel projet, il faut être sûr que les talents de chacun seront bien employés. Par exemple, de telles adaptations nécessitent souvent que chaque comédien se voit confier plusieurs personnages (il y a en moyenne plus de monde dans les productions cinématographiques qu’au théâtre). C’est extrêmement jouissif pour l’artiste, c’est un rôle en or, mais pour que la magie opère, il faut que cela soit bien réalisé.
Pour Hôtel du Nord, Claire DEVAL, Ali BOUDIAF et Karim BADI interprètent à eux seuls sept personnages :
Pierre et Renée, le jeune couple — ils sont déjà aigris et désespérés, ils vont tenter de mettre fin à leurs jours ;
Monsieur Edmond et Madame Raymonde, sa "protégée" ;
Prosper Trimaux, Éclusier (le canal n’est pas loin) ;
Nazarède, un truand qui "recherche" Monsieur Edmond ;
et aussi un Commisaire.
Pour cette adaptation, le choix a été fait de découper les scènes essentielles du film et de les présenter les unes après les autres. Ce n’est pas une obligation, mais au théâtre les pièces peuvent être divisées en actes, en tableau et en scènes : un changement de scène correspond à l’entrée ou à la sortie d’un ou plusieurs personnages ; un nouveau tableau correspond à un changement à vue du décor ; un changement d’acte correspond à un baisser du rideau ou à une extinction des lumières, à un noir. Dans notre cas, la salle étant plongée dans le noir presque à chaque changement, on pourrait dire qu’il s’agit d’une comédie en quinze actes, mais c’est une façon de parler. En réalité, la mise en scène de Paul LAURENT, très soignée, avait retenu trois lieux essentiels du film : le comptoir, une chambre et le devant de l’hôtel. Il y avait donc une partie de la scène quasiment vide, une autre où trônait un comptoir garni de quelques bouteilles et enfin, en fond scène, un décor de chambre d’hôtel, masqué par un panneau de tissu tendu, une sorte de tulle, qui ne laissait apercevoir la chambre que lorsqu’elle était éclairée.
Ainsi, pour réussir ce spectacle, il aura d’abord fallu sélectionner les moments réellement significatifs, les présenter dans un ordre qui ne trahisse pas le film mais qui permette de promener le public d’un lieu à un autre, afin de garder du rythme ; réduire le nombre de protagonistes et réécrire les dialogues mais faire en sorte, les comédiens n’étant que trois, que chaque scène ne mette en présence qu’une femme et deux hommes au maximum…
Il fallait ensuite que ces comédiens transforment l’essais : trouver une voix, une attitude… C’est dans l’ensemble assez réussi, le public a la joie de voir un comédien incarner plusieurs personnes et y croit tout de même. Toutefois, il m’a semblé que c’était un peu binaire. Par exemple, Madame Raymonde, la prostituée à la gouaille bien parisienne, était toujours en énergie, râlant, tenant tête, en colère ; tandis que Renée, la jeune femme, était systématiquement calme, triste et effacée.
Attention, je pinaille, car Claire DEVAL est parfaitement à l’aise dans ces rôles ; le charisme d’Ali BOUDIAF fait merveille et nous étions tous plongés dans cet univers parisien d’avant-guerre. On sent toutefois que ce spectacle est encore un peu frais (c’est réellement une création, et ce n’était que la deuxième représentation !) D’ailleurs, il n’a duré qu’une heure et dix minutes, et je suis persuadé qu’avec quelques silences, des comédiens davantage installés dans leurs personnages, la pièce gagnera encore en efficacité.
De toute façon, la base est saine, si je puis m’exprimer ainsi, et dès que d’autres dates seront programmées, je ne manquerai pas de vous conseiller ce spectacle, issus du croisement de plusieurs talents, et notamment celui de Paul LAURENT. Sans être une star du show-biz, il demeure tout de même une valeur sûre. Il est metteur en scène mais aussi comédien et travaille à Lille, Paris et sur les Alpes-Maritimes.
Il est aussi formateur :
— chargé de cours à l’université de Lille III / sciences humaines, dans le cadre du Diplôme d’Etudes Théâtrales ;
— responsable artistique et pédagogique de l’École Régionale de théâtre gestuel de Wasquehal ;
— cofondateur du Théâtre du Pantaï avec Jean-Claude BUSSI.
Claire DEVAL m’a déjà confié qu’ils joueront le 08 mai, au Centre Culturel de Touët-sur-Var. Ce qui confirme ce que je pressentais : les villages des Alpes-Maritimes ne sont pas en reste côté programmation. En effet, l’association Dessous de Scène, qui gère ce lieu de culture, a souvent permis aux Touëtans de découvrir de très bons spectacles. (Le site est déjà en lien en haut de la Colonne de Gauche.)
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01/04/2010
le journal, le spectacle et la video
Ce billet est une suite de l’avant-dernier article que j’avais posté le 17 mars, et consacré au spectacle les Funambules. Lorsque je dis « consacré », je devrais plutôt dire « à l’encontre de », tant ce spectacle m’avait déçu.
C’est alors que je me suis aperçu que le journal culturel gratuit La Strada consacrait toute la couverture de son N° de mars à cette création, ainsi qu’un article très positif de près d’une demi-page. J’ai alors contacté le rédacteur de l’article, en lui demandant de me décrire les raisons de son enthousiasme.
Je vous reproduis ici le message que je lui ai adressé (sur Facebook) ainsi que sa réponse :
L U C : Bonjour […] nous nous sommes croisés au Théâtre de l'impasse, en compagnie de […] J'ai remarqué que vous avez signé, dans « La Strada », un article assez élogieux sur le spectacle « les Funambules », de la Cie B.A.L.
J'avoue que c'est une création que je n'ai pas aimée du tout. (vous pourrez vous faire une idée plus précise de ce que j'en pense en lisant mon petit blog […])
Je suis surpris par votre enthousiasme, notamment votre conclusion : « Une oeuvre magistrale, visionnaire, engagée, qui réveille et questionne profondément. »
Le peu que je connais de vous me laisse penser que vous êtes plutôt exigeant en matière d'art. Aussi, auriez-vous quelques minutes à me consacrer, pour développer en quelques lignes ce qui vous a séduit dans ce spectacle ? Pourrais-je éventuellement reproduire votre réponse pour les lecteurs de mon blog ?
A bientôt j'espère, devant un verre ou une scène.
Le Journaliste : Un, si on se connait , Pourquoi, tu me vouvoies ? 2: j'ai jugé le spectacle sur un montage vidéo, donc trompeur.3 Depuis quand doit-on justifier de ses écrits ?
L U C : Bonjour […] il est vrai, j'ai ce côté un peu « vieille France », qui me pousse à vouvoyer les personnes que je n'ai pas eu l'occasion de côtoyer très longtemps. Mais puisque tu m'y invites, je te tutoie avec plaisir.
Merci également pour ta réponse, brève mais suffisante.
En effet - et je réponds à ton point N°3 - il ne s'agit pas d'avoir à justifier quoi que ce soit. Il s'agit pour moi d'intéresser le plus de gens possible. C'est la raison d'être du blog que j'anime. Aussi, il me semblait intéressant pour les lecteurs de publier un avis contraire au miens.
Bonne soirée.
Ainsi, cet article a été rédigé sur la foi d’une vidéo. Comme le reconnaît lui-même notre journaliste, c’est trompeur. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle j’évite d’en proposer ici. (je vous propose tout de même celle des Funambules qui est passée sur F3 : cliquez sur l’image)
Les vidéos de présentation ne devraient servir, me semble-t-il, qu’aux professionnels ou aux collectivités à la recherche de spectacles pour leurs programmations (et là, au moins, c’est très efficace).
Découvrez "Les funambules" de la compagnie B.A.L. au Théâtre de Nice sur Culturebox !
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