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08/06/2006

Chose promise, chose due, voici l’interview accordée par Jean FRANVAL.

La disponibilité est une qualité chez un comédien. Aussi, je veux remercier encore une fois M. Jean FRANVAL d’avoir accepté de répondre à mes questions, 30 minutes avant le début de la représentation.

L U C    M. Franval bonjour ; j’ai visité votre site Internet et j’ai vu que la plupart des mises en scènes sont signées RENÉ NARVAL : est-ce que cela se passe toujours comme ça, est-ce que c’est toujours lui qui fait les mises en scènes, et, d’une manière plus large, comment s’organise la création d’un spectacle, est-ce que tout le monde participe, comment est-ce régi ?

Jean Franval     Non, c’est RENÉ NARVAL, qui travaille avec moi depuis 17 ans. Je lui ai confié les mises en scènes, cela fait que c’est toujours le même metteur en scène, il a affaire aux mêmes comédiens qui sont avec moi depuis 17 ans. Donc disons qu’on fait - je n’aime pas ce mot là, mais puisque c’est devenu à la mode dans le show business – une « grande famille », celle de la Compagnie ; ce sont tous des copains.

L U C     La plupart des comédiens sont là depuis longtemps ? 

Jean Franval     Ah oui depuis 17 ans, depuis le début de la création, à part un ou deux qui sont rentrés il y a trois, quatre ans, auxquels je tiens. Mais sinon, c’est RENÉ NARVAL qui me fait toutes les mises en scènes. Il a la confiance de tous les autres comédiens, ce qui est très important ; et il fait pas de conneries, il a un poste et il le garde. (rire)

L U C     D’accord !… J’en viens à votre répertoire : c’est surtout bien sûr MARCEL PAGNOL, ALPHONSE DAUDET… 

Jean Franval     C’est à dire que, comme je suis revenu dans le Midi pour prendre ma retraite, après avoir fait tout ce que j’appelle la « grande télévision » de l’époque – les Sans Famille, Maria Van Damme, Fabien de la Drôme, tous les gros gros feuilletons - après avoir eu le prix à Cannes pour un film de M. KEN LOACH - qui vient d’avoir la Palme d’Or ! C’était Black Jack ; j’ai eu le Prix de la Critique Internationale. Je suis fier pour KENNETH, moi ça me fait un plaisir immense ; d’avoir été dirigé par cet homme là qui pour moi est un des cinq plus grands metteurs en scène au monde, au monde, et d’une humanité, d’une générosité, d’une sensibilité et d’une gentillesse extraordinaire…

L U C     Et donc vous êtes revenu à Tarascon. 

Jean Franval     Je suis revenu à Tarascon, le pays qui m’a vu naître, et là je suis allé voir mon copain JEAN-CLAUDE GAUDIN. Il me dit : « Alors qu’est-ce que tu deviens ? » Je lui dis : « Eh bien écoute Jean-Claude je viens prendre ma retraite. » Il me dit : « Non, les artistes vous ne prenez pas de retraite. CHARLES VANEL a travaillé jusqu’à 93 ans ! Je te souhaite de travailler aussi longtemps que lui. Par contre notre culture provençale fout le camp. Alors ce que j’aimerais c’est que tu prennes le créneau de nos auteurs : DAUDET, GIONO, PAGNOL… »

L U C     Et est-ce qu’il y a d’autres auteurs que vous aimeriez monter, moins connus ou peut-être plus anciens ?

Jean Franval     Et bien, il y a un auteur que je voudrais monter, mais c’est dur parce qu’il y a vingt personnes sur scène : c’est la Pastorale des Santons de Provence, d’YVAN AUDOUARD  [ Il est né le 27 février 1914 à Saigon d'un père militaire avignonnais. Il est malheureusement décédé récemment, le 21 mars 2004. Il a passé une grande partie de son enfance en Provence et en gardera toujours une profonde tendresse (et l’accent !) Il décrira notamment cette enfance à Arles et à Nîmes dans Le sabre de mon père. Il devient professeur d'anglais, puis journaliste (notamment au Canard Enchaîné). Puis enfin il devient écrivain : publication de divers livres et rédaction de dialogues d'une vingtaine de films des années 60, interprétés entre autres par FERNANDEL, LINO VENTURA, EDDIE CONSTANTINE.  (Source WIKIPÉDIA)  N D R ] Mais j’aimerais le monter. Ça je pense pouvoir le monter un jour avec des amateurs. Parce que les professionnels, bon ben ça coûte cher. Le plus petit rôle chez moi, il a 1200 francs la représentation [ 180 €uros ], mais moi ça me fait 2000 avec les frais [ 300 €uros ].

L U C     Vous aviez dit : « on naît acteur, on n’apprend pas à l’être. » Vous pensez toujours cela ?

Jean Franval     On apprend pas à l’être, non. Écoutez, moi je sors du Music-Hall, j’ai fait un tour de chant dans mes débuts, j’avais 21 ou 22 ans. J’ai débuté avec CHARLES AZNAVOUR, on était dans un petit cabaret, à Lyon, qui s’appelait « le Grillon ». Lui gagnait 10 francs par soir avec Roche, FERNAND RAYNAUD avait 8 francs et moi j’avais 5 francs. Alors heu… (geste du rameur) Il faut ramer. Et puis un jour j’ai fait la connaissance d’un comédien merveilleux, un niçois d’ailleurs, qui s’appelait JEAN-MARIE AMATO, qui avait crée Signé Furax. Et je me suis retrouvé au Théâtre des Trois Baudets, une petite revue, où je faisais des sketchs en première partie avec FERNAND RAYNAUD - parce que je suis resté son partenaire pendant cinq ans. Et puis je faisais des sketchs en deuxième partie dans une revue qui s’appelait Ciné Massacre et où j’avais vraiment le tout petit rôle, le temps que j’éternue, et j’étais déjà passé. Et puis AMATO me dit : « je devine en toi une nature de comédien », parce qu’il m’avait entendu chanter. Il m’a dit : « tu chantes très bien c’est formidable, mais MESTRAL [ Auprès de ma Blonde, le Roi Renaud, Plaine ma Plaine N D R] est en exclusivité chez Philips, et Philips c’est CANETTI, le patron des Trois Baudets, et il t’enregistrera jamais parce qu’il ne prendra jamais deux chanteurs semblables. » Mais il me dit : « je devine en toi une nature de comédien, il faut que tu joues la comédie » et il m’a présenté à MICHEL VUITONE, qui mettait en scène Douze Hommes en Colère, ça a été ma première pièce de théâtre ; avec BERNARD BLIER, JEAN CARMET…

L U C     Un bon début quoi !

Jean Franval     Oui, et alors en regardant jouer ces gens là, plus les autres, j’ai tout appris ; j’ai jamais plus chanté, et la comédie est devenue une passion.

L U C     C’est venu directement.

Jean Franval     C’est venu directement.

L U C     Vous jouez le plus souvent en plein air…

Jean Franval     L’été oui. L’été parce nous sommes une compagnie régionale subventionnée en partie par le Conseil Régional PACA, et la deuxième grosse partie par CHRISTIAN ESTROSI et ALAIN FRÈRE. Tous deux, un : Président du Conseil Général des A.M. ; et ALAIN FRÈRE son Vice-président détaché à la culture [ Rayonnement des arts et de la culture, relations internationales, relations avec les cultes  (source Conseil Général)  N D R ]. Et tous les ans ils m’achètent vingt spectacles.

L U C     Donc, le fait de jouer en plein air apporte tout de même de très grosses différences par rapport à l’intérieur.

Jean Franval     Et bien vous voyez par exemple ce soir c’est tellement grand qu’on va jouer avec des micros H.F.

L U C     Ainsi, vous montez un spectacle pour une salle et après, vous devez modifier des choses.

Jean Franval     Exactement. Tous les soirs c’est jamais pareil. Un jour c’est très grand, un jour c’est p’tit. C’est pour cela que mes comédiens et moi nous arrivons à 5 heures, une fois que le décor est monté, et nous faisons des raccords dans le décor, selon la grandeur de la scène.

L U C     Vous réadaptez à chaque fois alors !

Jean Franval     Ah, tous les soirs, tous les soirs !

L U C     C’est une sorte de gymnastique... Pour vous, quel est le principal avantage de jouer en plein air ? Ou le principal défaut ?

Jean Franval     Le principal défaut c’est quand il y a du vent. Parce que les assurances ne couvrent pas au-delà de 60 Kms à l’heure. Eh oui, parce que les décors peuvent tomber, les mâts de projecteur peuvent tomber. Ici tout va bien, parce que c’est installé « à l’année » pratiquement. Mais quand on joue dans des extérieurs où il faut amener tout le matériel – tout le matériel est à moi, le camion, le son, la lumière...

L U C     Mais sinon, à jouer en plein air, est-ce qu’il y a une satisfaction particulière que vous ne retrouvez pas en salle ?

Jean Franval     Une ambiance. Une ambiance. Quand en plein air il y a un silence mortel aux grandes scènes, vous dites « on a gagné » quoi. Et puis quand à la fin du spectacle les gens sont debout – enfin ne le dites pas, parce qu’on croirait que je me vante alors que c’est pas vrai du tout ! Quand vous entendez les gens : « merci monsieur, vous nous avez fait oublier RAIMU, vous nous avez fait oublier le film...

L U C     La récompense arrive à la fin du spectacle...

Jean Franval     Elle est là. Mais comme disait LOUIS JOUVET : « Au théâtre on joue, au cinéma on a joué. » c'est-à-dire qu’au théâtre on ne peut pas refaire, au cinéma on peut refaire. Là on est obligé d’y aller tous les soirs, tous les soirs. C’est un « certificat d’étude » qu’on passe tous les soirs devant un public différent. Alors il y a des soirs où on est bien et puis d’autres soirs, inconsciemment on est moins bien, pourquoi on ne sait pas !

L U C     Eh bien, on va vous laisser vous préparer. Merci de nous avoir accordé un peu de temps !

Jean Franval     Non, c’est moi, c’est moi !

Pour en savoir plus sur Jean FRANVAL et la compagnie qu'il anime, cliquez ici !

06/06/2006

Marius : coup de chaud dans le froid

Dans son dernier commentaire, notre cher Claudiogene nous fait un excellent résumé du spectacle de samedi soir : un Marius chaleureux dans une arène glacée par le vent.

En effet, malgré les températures anormalement basses pour ce début de juin, le public a voulu assister jusqu’à la fin à cette représentation donnée par la compagnie Jean Franval. (A l’exception de quelques distraits qui ont quitté la place faute de vêtement chaud.)

Comme je l’ai déjà dit ici, je redoutais le piège d’une mise en scène axée uniquement sur les « pagnolades » et autres clichés qui sentent bon la Provence et le déodorant à la lavande. Rien de tout ça heureusement, et nous avons eu droit à une version bien comprise de cette œuvre de Pagnol : on y rit souvent, mais on n’oublie jamais qu’il s’agit d’un drame triste à pleurer.

Ceux qui, comme moi, avaient vu le film un grand nombre de fois, ont compris que le texte n’est pas le même que celui de la pièce. De même que le découpage et l’articulation des scènes, car les exigences cinématographiques ne sont pas forcément les mêmes que celle du théâtre. D’où cette première impression que ce n’est pas du Pagnol que l’on nous sert. Mais très vite, les scènes les plus connues et leur cortège de répliques célèbres corrigent ce sentiment.

Nathalie Comtat campe une Fanny plutôt contemporaine, et c’est très bien ainsi car elle m’a semblé plus crédible (en tout cas d’avantage qu’ORANE DEMAZIS, qui est d’après moi la seule à mal jouer dans le film original) et attachante malgré un timbre de voix et une prosodie agréables mais assez particuliers. Le personnage de Panisse est parfaitement interprété. Celui de Marius a mis plus de temps à me convaincre, mais il y est parvenu, notamment dans la fameuse scène où il révèle à Fanny le secret de sa passion pour les mondes lointains. Enfin, JEAN FRANVAL nous offre ici un César toujours coléreux mais avec plus de finesse, de subtilité. Les autres personnages m’ont paru en revanche moins précis, manquant un peu d’épaisseur.

Fort heureusement, personne n’a voulu imiter l’un des illustres prédécesseurs. Et si le costume que portait M. Brun ressemble bien à celui porté à l’origine par ROBERT VATIER, chaque comédien a réellement construit son propre personnage. Le Marius de ce samedi soir, présenté dans le cadre du Festival Théâtre aux Arènes, était bien un spectacle différent, et non la énième copie conforme forcément moins bien que l’original.

 

JEAN FRANVAL a eu la gentillesse de m’accorder une interview, une demi-heure avant de monter sur scène. Je vais la mettre en ligne ici très prochainement. (Et oui, l’Illustre Théâtre aussi est capable de vous proposer ses exclusivités !)

                  

02/06/2006

Quel festival !

Lundi, dans le dernier article, je vous ai parlé du Festival Théâtre aux Arènes, au sujet de la pièce Marius, programmée samedi 03 juin. Ceux qui, parmi vous, auront eu la curiosité de cliquer sur le lien que j’y ai mis auront pris connaissance du programme complet, étalé sur quatre jours.

Ce festival commençait ce soir, avec un spectacle à 20h00 : les Copropriétaires, suivi à 21h30 des Bonimenteurs.

 

Le premier est un vaudeville sans grande originalité mais qui fonctionne pas trop mal. Il semble que les comédiens n’ont pas eu le temps de prendre leurs marques sur cette scène, montée pour l’occasion dans les Arènes de Cimiez. Mais les petits incidents ont été rares. Les amateurs de comédies dans le genre « Au Théâtre ce Soir » (l’émission télé des seventies !) auront sans doute apprécié. Les copropriétaires aussi. Car c’est là un des mécanismes du rire : mettre en scène des personnages et un univers où chaque spectateur peut reconnaître des situations de la vie réelle.

Le deuxième spectacle est réellement fabuleux. Il s’agit d’une performance accomplie par deux comédiens, et axée sur l’improvisation. Le principe n’est pas nouveau, mais il fait mouche à chaque fois, à condition que les artistes soient à la hauteur. Et ce soir là, ils étaient en grande forme. Le fonctionnement est simple. Avant de rejoindre sa place, chaque spectateur est invité à écrire un thème sur un bout de papier, qui sera plié et déposé dans une urne. Ensuite, le spectacle va se dérouler en une série de sketchs, dont les thèmes seront piochés au hasard parmi ceux proposés. Il y a bien sûr un fil rouge qui permet de relier tout cela. Enfin, pour surprendre encore d’avantage le public, la difficulté augmente à chaque étape. Un exemple : cinq thèmes à la fois, toujours dictés par le public, sont inscrits sur un tableau ; l’un des deux comédiens descend parmi les spectateurs chercher une volontaire (de force !) et la fait monter sur la scène. Il lui demande de décider quand et dans quel ordre les thèmes devront être traités. Elle dispose pour cela d’un gros klaxon, qui immobilise instantanément les comédiens lorsqu’elle le fait fonctionner. Ils redémarrent ensuite dans la même position, et doivent enchaîner ainsi les cinq situations dans une seule et même histoire. Tout le spectacle se passe à cent à l’heure, et les deux artistes semblent avoir avalé de la nitroglycérine. Rire assuré bien sûr, mais aussi poésie bien présente, on s'y laisse prendre. Le moteur de tout cela, c’est que le public est COMPLICE : il sait que ce qu’il va voir est une improvisation, et la perfection de chaque saynète ne fait que le renforcer dans l’idée qu’il s’agit d’un tour de force extraordinaire.

Bien sûr, l’on vous dira qu’il y a des techniques bien établies pour réaliser de telles performances improvisées. Qu’ils ont des canevas tout prêt qu’ils leur « suffit » ( ! ) d’accommoder. Qu’à force de s’entraîner ensembles, c’est normal qu’ils arrivent à faire tout ça. Que ceux qui improvisent sont ceux qui ne savent pas dire un texte… Bien sûr qu’il y a des techniques, bien sûr qu’ils ont beaucoup travaillé ensemble, et comme partout ailleurs ! Que l’on joue Phèdre à la Comédie Française ou une création expérimentale dans une rue piétonne, le comédien, quel qu’il soit, doit se PRÉPARER. Et nos compères étaient prêts. Je ne puis que saluer le résultat de leur travail et de leur talent conjugués.

Ils seront à Avignon du 06 au 30 juillet. J’espère avoir bientôt la suite de leur tournée, afin de pouvoir recommander sans réserve ce spectacle au plus grand nombre. L’improvisation elle aussi est un des multiples aspects du théâtre.