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10/05/2006

INITIATIVE DANS LES COLLEGES ET LYCEES :

Les professeurs qui le souhaitent peuvent faire travailler leurs élèves à un projet théâtral incluant une représentation. J’ai recueilli le témoignage d’une professeur qui a vécu cette expérience.

 

Comment es-tu arrivée dans ce projet et dans quel contexte ?

Une collègue d’un autre lycée étudiait le Barbier de Séville en classe de seconde – classe difficile, élèves en difficulté… Ils ne comprenaient pas le potentiel comique du Barbier. Elle s'est dit que le seul moyen était de les faire jouer. Ils ont eu quinze jours pour préparer une courte scène en apprenant le texte.

As-tu hésité avant d'accepter ce chalenge ?

Non pas une minute, car c'est une amie et je voulais faire du théâtre avec ses élèves comme je l'ai fait avec les miens. En effet, avant, mes élèves avaient joué les Fables de la Fontaine (livre VII).

Tu m'as dit que les professeurs de lettre savent que de tels travaux sont possibles. Peux-tu en préciser le cadre général ?

Les instructions officielles invitent les profs de lettre à faire jouer les élèves des lycées mais aussi des collèges. C'est assez vague car les enseignants ne sont pas censés avoir une formation théâtrale.

Quels moyens sont mis à ta disposition ? (salles, personnel, documents...)

Par exemple au collège on peut préparer une pièce avec les élèves si on en a les moyens. Tout dépend de ce que tu comptes faire. Pour ce mini projet, aucun moyen particulier : les élèves étaient invités à apporter des accessoires, on disposait de la salle de cours habituelle. Mais bien sûr le CDI [ le Centre de Documentation et d’Information, la bibliothèque – NDR] a des pièces de théâtre filmées.

Mais dois-tu rendre des comptes à une hiérarchie, ou bien le projet est-il mené de bout en bout par toi seule ?

Normalement, pour ce petit projet, il faut demander l'autorisation au proviseur de faire intervenir une personne extérieure à l'établissement. Sinon tu t'occupes de tout.

Peux-tu nous dire si les élèves ont changé d'opinion sur ce travail qu’on leur a demandé ? Lui ont-ils fait bon accueil au départ ?

Oui tout à fait. Au départ oui, mais ils étaient très timides et n'osaient pas jouer. Aucune mise en scène n'avait vraiment été préparée par eux. Ils se regardaient jouer, ils se sentaient ridicules. Pour décoincer les choses nous avons joué un extrait : avec mon amie nous avions trouvé une mise en scène, prévu des accessoires ; j’ai joué le rôle de Figaro. C’est après cela que les élèves ont vraiment voulu se mettre en danger puisque les profs avaient montré l'exemple.

Mais tout le monde a malgré tout voulu suivre ? C'était un groupe de travail composé d'élèves volontaires ?

Non, il a fallu les stimuler par un travail noté. En échange ils pouvaient nous noter aussi. Mais vu leur timidité nous avons laissé tomber la notation.

Quelle a été la qualité essentielle à tes yeux pour mener ce projet ?

Il faut savoir les valoriser, leur donner confiance, car ils se sous-estiment beaucoup. Il faut savoir trouver les mots… et faire le clown !

Une fois le travail terminé, quel a été l'attitude des élèves ?

Ils sont très pudiques. Ils ont fait ce qu'on leur disait de faire pour la mise en scène. Mais après ils ont dit à leur prof qu'ils étaient très contents, que j'étais gentille et qu'on leur avait donné de bons conseils. Du coup, après ils voulaient tout le temps faire du théâtre.

As-tu eu d'autres retours dans les semaines qui ont suivi ? (parents, profs, académie...)

Oui. J'ai parlé de cela à l'IUFM, auprès de mes collègues également. Ils ont trouvé cela très bien mais certains m'ont dit qu'ils n'oseraient pas se lancer.

Penses-tu qu'avec tes élèves tu vas pouvoir renouveler cette expérience ?

Je n'ai guère le temps car il y a le programme à terminer. Si certains sont volontaires je les garderai en plus un vendredi soir pour travailler à des scènes de Don Juan.

Penses-tu que beaucoup d'autres professeurs de lettres ont les capacités qu'il faut pour faire un tel travail ?

Honnêtement je pense qu'il faut un minimum de formation au théâtre. Juste un stage de deux jours et ça suffirait.

Penses-tu qu'il serait réaliste de créer un poste pour un intervenant dans une académie ?

Il y a des postes en lycée pour les enseignants qui ont une certification théâtre. Ils s'occupent de l'option théâtre en terminale et sont aussi prof dans une autre matière.

Y a-t-il un moment dont tu te rappelles particulièrement ?

Non. Cela a été intense pendant trois heures et j'étais très fatiguée. Ah si ! Quand je leur ai appris la fausse gifle de théâtre, ils étaient très heureux de savoir faire cela et l'ont intégré à leur mise en scène.

Y a-t-il eu des soirées, des mini-festivals, présentant les spectacles de plusieurs classes, voire d’établissements différents ?

Pas de festivals particuliers. Si, à mon lycée, une soirée de représentations en italien et aussi des chansons, présentées par plusieurs classes.

Il faut voir si le Festival de Théâtre National Lycéen existe toujours, il se déroulait à mon époque à Thonon-les-Bains et j'avais joué devant Valère Novarina. [ Romancier et écrivain de théâtre, puis également dessinateur et peintre, né en 1947. Il monta de nombreuses pièces dans de grands théâtres et lors de festivals comme celui d’Avignon.

Il existe encore un tel festival, mais sur Paris (pour plus d’informations, CLIQUER ICI). Mais pour Thonon-les-Bains, je n’ai rien récolté qui signale une telle activité – NDR ]

Nous te remercions pour ce témoignage.

08/05/2006

Aujourd’hui, je laisse un peu travailler les autres.

Je mets en lien deux sites qui, s’ils ne sont pas absolument exhaustifs, n’en sont pas moins utiles et instructifs.

Le premier est un glossaire récapitulant, par ordre alphabétique, les termes que l’on rencontre en lisant les préfaces des pièces de théâtre ou des ouvrages qui traitent de ce sujet. (cliquer sur GLOSSAIRE)

L’autre, plus général, traite des auteurs français dit « classiques ». Certains articles sont manifestement plus développés que d’autres, mais ont trouve ici presque toujours ce que l’on cherche. (cliquer sur CLASSIQUES)

05/05/2006

Une mise en scène... capricieuse

Chose promise... Je suis allé voir les Caprices de Marianne au TNN, dans la grande salle (Pierre Brasseur).

Je pensais que ce compte rendu serait la suite logique du premier article écrit avant-hier, ce n’est pas le cas. En effet, je prétendais qu’une représentation offre une meilleure explication de texte que n’importe quelle bonne préface. Je dois revoir ma copie. Car chaque metteur en scène est libre d’apporter l’éclairage qu’il juge bon. Et parfois sa vision d’une pièce s’écarte largement de celle qui est exposée dans les introductions et autres manuels. C’est le trop fameux « dépoussiérage » d’une œuvre. (terme qu’il faudrait peut-être lui-même dépoussiérer, lors d’un prochain article de fond) En ce qui concerne les Caprices, le point de vue du metteur en scène me paraît trop éloigné de l’œuvre de Musset.

Attention, je n’ai pas dit que le spectacle était mauvais, bien au contraire. Deux amies qui étaient à cette représentation en on fait une critique trop sévère à mon sens. Leur principale déception étant d’après elles le manque d’engagement des comédiens. Je répondrai que cela découlait du choix d’un jeu technique plus que psychologique. Nous étions dans la plus grande des deux salles : une narine qui frémit, une pupille qui se dilate, un regard qui se fige ou une joue qui rosit à peine, cela est très beau, mais parfaitement invisible au-delà du troisième rang. On va me dire que j’exagère, que l’on peut ÊTRE et VIVRE un personnage et le montrer même à des spectateurs éloignés. C’est vrai, puisque je l’ai déjà vu. Mais c’est très périlleux. Le comédien doit être chaque soir à son plus haut niveau d’excellence s’il ne veut pas que les spectateurs du dernier rang s’endorment. Si j’avais la chance de jouer un des rôles, moi aussi je préfèrerai le système de Stanislavski, vivre de l’intérieur le personnage. Mais c’était aussi bien comme ça, le défaut est ailleurs.

Car voici ma critique : les personnages principaux étaient trop éloignés de ceux inventés par l’auteur. L’opposition bohème et libertin contre timide et romanesque ne fonctionnant pas, une des raisons d’être du drame n’existait plus. Un Octave trop bonhomme et un Cœlio trop péchu ont déséquilibré la pièce. Et la dualité presque maladive de Musset n’était plus lisible en eux. Est-ce à cause de la transposition du Naples du XVIème siècle à l’époque contemporaine ? Ou bien à cause de cette technique parfois trop apparente ? (notamment en ce qui concerne la prosodie des personnages principaux : ils semblaient parler souvent sur un rythme invariable, avec une diction trop appuyée, même pour un classique, par exemple sur les consonnes finales, donnant à certains moment l’illusion que les personnages venaient de Toulouse). A décharge, il faut dire que j’étais au deuxième rang. Dans une grande salle, on devrait toujours tenir les premiers fauteuils à au moins dix mètres de la scène. Autrement, on entend à 1 mètre des voix qui portent à 50.

Il faut se rappeler que cette pièce est un « classique », c'est-à-dire qu’un grand nombre de spectateur l’a au moins déjà lue, si ce n’est déjà vue, voire déjà jouée. (Un tiers de scolaires embarqués là par un professeur dynamique, un autre tiers rassemblant comédiens et autres artistes, un tiers de férus de littérature et un dernier tiers composé de la famille et des amis et… ça fait 4 tiers) Aussi, il y a un piège tentant de vouloir dépoussiérer un peu trop dans le seul but de surprendre un public qui se croyait averti. Le metteur en scène s’y est peut-être laissé prendre parfois. Parfois non.

Comme je l’ai déjà souligné, Alfred de Musset a écrit cette pièce uniquement pour un public de lecteur et non pour la faire représenter. Ceci expliquant peut-être cela, il n’y a pratiquement aucune didascalie dans ses œuvres dramatiques (ces textes souvent écrits entre parenthèses ou bien en italique, et qui donnent des indications de mise en scène de l’auteur lui-même) Cela donne une grande liberté au metteur en scène – une trop grande liberté s’il n’est pas inspiré, mais j’ai apprécié la façon dont Jean-Louis Benoit s’est servi du moindre indice à sa disposition pour construire sa mise en scène. Moins la façon dont il a dirigé ses comédiens.

Avant de conclure, j’ajouterai qu’Alfred de Musset avait du talent, en plus du génie. J’en veux pour preuve toutes ces répliques qui ont fait mouche alors même que ni la mise en scène ni le comédien n’en étaient responsables.

En bref :
J’ai beaucoup aimé : la mise en scène efficace, exploitant bien les ressources du texte comme du lieu.
J’ai apprécié aussi : les moyens dont peut disposer un spectacle dans une structure comme celle du TNN.
J’ai regretté : la fausse bonne idée qui consiste à transposer dans notre époque un drame se déroulant aux siècles passés ; signifiant peut-être que les personnages d’hier sont aussi ceux d’aujourd’hui.
Je n’ai pas aimé du tout : un Octave et un Cœlio pas assez opposés, pas assez unis.

Pièce d'Alfred de Musset, représentée les 03, 04 et 05 mai 2006 au TNN, salle Pierre Brasseur.

02/05/2006

Est-ce trop insister que de revenir sur un sujet déjà proposé ?

Dans la note intitulée « Quitter » du 19 avril dernier, je me demandais sous quelles conditions on pouvait décider de quitter un spectacle en cours. Les jours suivants, je me félicitais du choix de mon premier article de fond qui avait suscité un nombre impressionnant de commentaires (environs zéro, je crois).

Puis, hier, j’ai relevé la critique suivante dont vous pourrez lire l’intégralité sur le site Au-théâtre.com : « … quant aux envolées lyriques de son prétendant Cœlio, elles sont très ampoulées, je n'y ai pas vraiment cru. Cela dit c'est un joli spectacle : les costumes sont ravissants, l'ambiance du théâtre est familiale et le quartier (la Butte aux Cailles) recèle une foule de restos et de bars plus sympas les uns que les autres… ».

C'est alors que j'ai eu l'envie de reformuler la question : « Quitter un spectacle en cour de représentation n’est-il pas souvent le reflet d’une attitude de simple consommateur et non plus de spectateur ? »

Avec ça, si je dépasse 3 commentaires…

01/05/2006

Caprices

Je vais aller voir les Caprices de Marianne au TNN mercredi 03 mai prochain.

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J’ai cette œuvre dans mes tiroirs. La préface en est presque aussi longue que le texte lui-même, comme pour la plupart des pièces de théâtre qui sont éditées. Mais cela vaut toujours le coup. (La préface de Mademoiselle Julie, d’August Strindberg, ou bien toutes les préfaces que fit Marcel Pagnol sont de vraies mines d’or.)

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C’est parfois un peu scolaire mais intéressant.On y apprend que Musset, âgé de 23 ans, publia cette pièce en 1833 dans la Revue des Deux Mondes. Comme ses premiers ouvrages avaient été sifflés par le public, il avait résolu de ne plus écrire de pièces que pour la lecture seulement (un Spectacle dans un Fauteuil). Libéré des contraintes du théâtre conventionnel, Musset a ainsi pu écrire des œuvres plus libres, plus puissantes, plus éternelles. C’est ainsi que les « Caprices » ne furent joués pour la 1ère fois qu’en 1851, au théâtre de la République (Comédie-Française).

Dans des notices ou sur le Net, on peut glaner d’autres remarques, comme les emprunts du dramaturge à ses prédécesseurs.

De nombreux éléments de la pièce sont directement empruntés à Shakespeare, si prisé des Romantiques, comme les noms des personnages, la dernière scène, qui rappelle fort Hamlet et jusqu’au Naples du XVIe siècle servant de cadre à ce drame. Mais il fit sûrement appel à Molière (l’École des Femmes), Boccace, et Beaumarchais (« Ô femme ! femme ! femme ! »).

À la publication de l’œuvre, deux clans se sont affronté : l'un y trouvait une liberté insupportable, l'autre saluait le génie du jeune Musset. Quand la pièce fut enfin jouée, elle connut un immense succès, malgré ses mutilations.

Puis la pièce connut la fortune que l’on sait, cette fois dans sa version primitive intégrale. Il y eut même un opéra créé en juillet 1954 par Henri Sauguet (au Théâtre de la Cour de l'Archevêché à Aix-en-Provence).

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Toutefois, malgré l’abondante littérature qui existe au sujet de cette pièce et de son auteur, la meilleure explication de texte reste encore la représentation. Les livres ont des limites, que peuvent franchir l’intelligence du metteur en scène et la sensibilité des comédiens.

Toute la dualité de Musset, incarnée par les deux personnages Cœlio et Octave, éclatera mieux sur une scène que dans « un fauteuil ».