02/12/2007
J’aurais aimé qu’il soit là ce soir…
… Celui qui a écrit « Fando & Lis », et beaucoup d’autres pièces encore, jouées dans le monde entier. Dans son essai sur le théâtre Arrabalien, Alain SCHIFRES écrit : « Le 17 juillet 1936, à Melilla, Maroc Espagnol, éclate une guerre civile. Le lieutenant ARRABAL est arrêté dans son lit ; son fils Fernando a trois ans. Ils ne se reverront plus. » Quelques semaines après avoir publié ces lignes, Fernando ARRABAL sera arrêté et jugé à Madrid, victime d’une provocation.
Cet auteur devenu célèbre au milieu des années 60 a vraiment eu une existence douloureuse, marquée par la disparition mystérieuse de son père. Écrivain hanté par son enfance et qui n’en sortira pas vraiment, il ne cessera jamais de porter sur la scène ses obsessions : univers de l’absurde, de la poésie et du rêve opposé à celui des adultes, des « grands » ; adulte resté enfant ; sentiment d’être laid, petit, différent ; sentiment de la Faute, du Pêché ; le « théâtre panique » enfin, issu lui-même du « mouvement panique » crée par Roland TOPOR, Alejandro JODOROWSKY et, donc, Fernando ARRABAL (pour plus de précision sur cet « anti-mouvement », lisez l’article en cliquant ICI).
« Fando & Lis » est une pièce qui parle de… beaucoup de choses : dépendance, désespoir, errance ; les personnages souffrent beaucoup, s’obstinent malgré tout.
« Fando & Lis » raconte l’histoire d’une fille, Lis, et d’un garçon, Fando, qui font route pour Tar, ville mythique où tout sera mieux pour eux. Mais ils n’arrivent jamais à atteindre cet Eden, et reviennent malgré eux toujours au même endroit. Fando sent bien qu’il n’est pas à la hauteur, qu’il ne sait pas faire grand-chose. Lis aimerait bien que son compagnon soit à la hauteur, l’aime-t-elle ? En tout cas, elle n’a que lui. Ils croiseront un troisième personnage, encore plus dément, et qui a le même problème qu’eux : il n’arrive pas à rejoindre Tar et retombe toujours au même endroit.
La pièce, qui finit plutôt mal, n’est pas faite pour engendrer le rire et la bonne humeur.
Et pourtant.
Pourtant, je voudrais tant vous convaincre d’aller voir ce spectacle, qui se joue encore la semaine prochaine au Théâtre de la Semeuse. C’est émouvant, fascinant et fort. Oui, c’est vrai, on sort de là avec un poids sur la poitrine, mais ça vaut le coup.
La compagnie SÎN nous propose un spectacle de qualité, à la mise en scène précise et fouillée. Les trois comédiens portent le texte et donnent une vie aux personnages, avec une mention spéciale à Caroline FAY, pour son jeu sobre et sa concentration sans faille, qui arrive à nous tordre le ventre. Frédéric FIALON nous montre un Fando aussi désespéré qu’irresponsable et Gérôme KOCAOGLU incarne un Toso presque inquiétant de folie.
Le texte original a été légèrement modifié pour une raison structurelle : dans la mise en scène d’Emilien URBACH, Fando et Lis ne rencontrent qu’un seul personnage, Toso, alors qu’ARRABAL lui avait adjoint deux autres compagnons de route : Mitaro et Namur. Le dialogue de trois protagonistes étant fondu en un seul, le sens en est profondément modifié. Là où les trois personnages formaient un groupe un peu fou certes mais plutôt sympathique, Toso tout seul devient quelqu’un d’halluciné et peu rassurant.
En bavardant avec le metteur en scène, celui-ci m’a appris que Fernando ARRABAL avait une image un peu poussiéreuse aujourd’hui. J’en ai été stupéfait. Il est vrai que son théâtre, et même l’ensemble de son œuvre, sentent bon les sixties et les seventies. Je répondrai en disant tout simplement qu’il serait triste, oui, il serait bien triste que la salle ne soit pas comble le week-end prochain.
« FANDO & LIS »
au Théâtre de la Semeuse
2, montée Auguste Kerl
(anciennement rue du Château)
Réservation au
04 93 92 85 08
(secrétariat 04 93 92 85 00)
Tarif : 15 €uros (10 €uros tarif réduit)
J'ai tellement aimé ce spectacle que je me suis même fendu d'un album photos rien que pour lui ! (cliquez ICI pour le visualiser)
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