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09/12/2007

Le temps des souffleurs

C’est un phénomène qu’ont vécu la plupart des comédiens : lors des premières répétitions, lorsqu’on commence à travailler sur un texte, on se trouve soudain frappé d’amnésie.
Mais pas n’importe quand. Au début, tout va bien, si l’on a correctement appris son texte, on peu le restituer — d’une façon un peu mécanique certes. Puis vient le moment précis où l’on commence à jouer vraiment et à se concentrer sur le travail que nous demande le metteur en scène. C’est à ce moment là que l’on perd le fil, temporairement bien sûr.
On nous interrompt dix fois ; on doit reprendre trois lignes en arrière ; on saute une scène, ou un acte ; on doit jouer d’une façon puis d’une autre ; on nous demande d’effectuer une action difficile et en même temps de respecter les placements et la diction tout en écoutant le partenaire…
Quelles associations sont nécessaires à notre cerveau ? Quel travail ? Je ne le sais pas. Mais, même avec un texte appris « plus-que-par-cœur », les pannes arrivent très souvent. Tout se passe comme si l’apprentissage du texte devait inclure une chose invisible, non écrite sur la feuille de papier, mais qui a besoin tout autant que les mots d’être structurée et assimilée.

De cette constatation, deux conséquences à prévoir :
il vaut mieux arriver à la première répétition avec le texte su parfaitement, même lorsqu’on sait que l’on va pouvoir le modifier plus ou moins librement. Ne pas compter, comme c’est trop souvent le cas, sur les premières séances de travail pour terminer de l’apprendre — ce qui en plus plombe le travail des autres !
Ensuite, il faut répéter suffisamment pour pouvoir digérer toutes les nouvelles contraintes qui viennent s’additionner au texte, et ainsi se sentir suffisamment prêt pour ne plus avoir peur du fameux trou de mémoire. Car plus on a peur de se planter, et plus cela risque d’arriver !
Pourtant, j’ai pu remarquer que nombre de metteurs en scène limitaient sciemment le nombre de répétitions. Ils pensent, et n’ont pas tort, que cela permet d’une part de ne pas trop s’enfermer dans une mise en scène définitivement figée, trop difficile à remettre en cause ; et d’autre part, en se mettant en danger, de travailler avec une énergie différente, de trouver d’autres façons de jouer, de prendre des risques.
Je pense que cela est bon si le metteur en scène a, en plus, le talent de savoir avec qui il peut s’amuser à ce jeu-là.

Comme beaucoup l’auront remarqué, elle est révolue l’époque où le comédien à la mémoire défaillante pouvait se rapprocher discrètement du trou du souffleur. Encore un métier disparu, un métier d’autrefois ;)
Aussi, pour conjurer cette fichue peur du blanc, qui nous prend souvent au moment de monter sur scène, chacun sa méthode : certains vont discuter de tout et de rien jusqu’à la dernière minute, d’autres vont pratiquer toute une série d’exercices respiratoires, relaxants, dynamisants ; il y en a qui vont aller faire quelques pas dehors ; d’autres vont rester assis à lire pour la centième fois leur texte qu’ils connaissent pourtant sur le bout des doigts ; pour ma part, dix minutes avant de commencer, je me répète en boucle les deux trois premières répliques jusqu’à ce que je doive rentrer en scène…

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