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05/02/2012

1990

C’est une petite séquence nostalgie, mais pas seulement. Je souhaite vous montrer un extrait du journal diffusé sur Soir-3 en juillet 1990.

On y annonce que trois pièces de Fernando ARRABAL vont être montrées au public du Festival d’Avignon de l’époque. On aperçoit à trois reprises mon professeur de théâtre Henri LEGENDRE. C’est lui qui m’a accueilli à ses cours il y a déjà 22 ans, qui a eu la patience d’attendre deux longues années que je veuille bien me débloquer et commencer à fournir un travail digne de ce nom.

Aujourd’hui, certains disent qu’ARRABAL c’est dépassé. Comme on a pu le dire de IONESCO ou de GIRAUDOUX. Je ne le crois pas un instant. Je suis persuadé que ces auteurs font désormais partie du patrimoine classique contemporain.
Je comprends parfaitement qu’on n’aime pas cet auteur, mais on peut difficilement soutenir que son œuvre est dépassée. Cela ne signifie rien, ou alors toutes les œuvres sont forcément dépassées dans un univers du spectacle où tout bouge tout le temps. ARRABAL, à sa manière, a contribué à "l’édifice théâtral".
Pour ma part, je préfère ses premières pièces : Fando & Lis, le Cimetière des Voitures, le Grand Cérémonial

Il y a des milliers de façons d’aborder le théâtre, Henri LEGENDRE le disait lui-même à tous ses élèves, et sa vision à lui n’était pas la valeur absolue et universelle. Toutefois, j’ai pu croiser de nombreux comédien(ne)s, dont certains de grand talent. Ils avaient des dons que je ne possède pas mais, souvent, j’ai pu constater qu’il leur manquait un petit quelque chose : cet enseignement, cette façon d’aborder un travail que nous avait transmis Henri.
J’ai découvert chez eux, sculpté en creux, ce que j’avais reçu durant mes quelques années de cours.

C’est sa fille Claire LEGENDRE qui a trouvé le lien vers cette vidéo. J’en profite pour rappeler ici que Claire est devenue très jeune une écrivain (« écrivaine » ?) de grand talent. Une des qualités que j'apprécie chez elle est cette capacité à se renouveler. Pas une de ses œuvres ne ressemble aux précédentes !
C'est toutefois son dernier opus qui me semble le plus abouti, le plus mature, le plus… bref, je
ne saurais trop vous recommander la lecture de l’Écorchée Vive, paru aux éditions Grasset.

02/12/2007

J’aurais aimé qu’il soit là ce soir…

… Celui qui a écrit « Fando & Lis », et beaucoup d’autres pièces encore, jouées dans le monde entier. Dans son essai sur le théâtre Arrabalien, Alain SCHIFRES écrit : « Le 17 juillet 1936, à Melilla, Maroc Espagnol, éclate une guerre civile. Le lieutenant ARRABAL est arrêté dans son lit ; son fils Fernando a trois ans. Ils ne se reverront plus. » Quelques semaines après avoir publié ces lignes, Fernando ARRABAL sera arrêté et jugé à Madrid, victime d’une provocation.
Cet auteur devenu célèbre au milieu des années 60 a vraiment eu une existence douloureuse, marquée par la disparition mystérieuse de son père. Écrivain hanté par son enfance et qui n’en sortira pas vraiment, il ne cessera jamais de porter sur la scène ses obsessions : univers de l’absurde, de la poésie et du rêve opposé à celui des adultes, des « grands » ; adulte resté enfant ; sentiment d’être laid, petit, différent ; sentiment de la Faute, du Pêché ; le « théâtre panique » enfin, issu lui-même du « mouvement panique » crée par Roland TOPOR, Alejandro JODOROWSKY et, donc, Fernando ARRABAL (pour plus de précision sur cet « anti-mouvement », lisez l’article en cliquant ICI).

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« Fando & Lis » est une pièce qui parle de… beaucoup de choses : dépendance, désespoir, errance ; les personnages souffrent beaucoup, s’obstinent malgré tout.
« Fando & Lis » raconte l’histoire d’une fille, Lis, et d’un garçon, Fando, qui font route pour Tar, ville mythique où tout sera mieux pour eux. Mais ils n’arrivent jamais à atteindre cet Eden, et reviennent malgré eux toujours au même endroit. Fando sent bien qu’il n’est pas à la hauteur, qu’il ne sait pas faire grand-chose. Lis aimerait bien que son compagnon soit à la hauteur, l’aime-t-elle ? En tout cas, elle n’a que lui. Ils croiseront un troisième personnage, encore plus dément, et qui a le même problème qu’eux : il n’arrive pas à rejoindre Tar et retombe toujours au même endroit.
La pièce, qui finit plutôt mal, n’est pas faite pour engendrer le rire et la bonne humeur.
Et pourtant.
Pourtant, je voudrais tant vous convaincre d’aller voir ce spectacle, qui se joue encore la semaine prochaine au Théâtre de la Semeuse. C’est émouvant, fascinant et fort. Oui, c’est vrai, on sort de là avec un poids sur la poitrine, mais ça vaut le coup.
La compagnie SÎN nous propose un spectacle de qualité, à la mise en scène précise et fouillée. Les trois comédiens portent le texte et donnent une vie aux personnages, avec une mention spéciale à Caroline FAY, pour son jeu sobre et sa concentration sans faille, qui arrive à nous tordre le ventre. Frédéric FIALON nous montre un Fando aussi désespéré qu’irresponsable et Gérôme KOCAOGLU incarne un Toso presque inquiétant de folie.
Le texte original a été légèrement modifié pour une raison structurelle : dans la mise en scène d’Emilien URBACH, Fando et Lis ne rencontrent qu’un seul personnage, Toso, alors qu’ARRABAL lui avait adjoint deux autres compagnons de route : Mitaro et Namur. Le dialogue de trois protagonistes étant fondu en un seul, le sens en est profondément modifié. Là où les trois personnages formaient un groupe un peu fou certes mais plutôt sympathique, Toso tout seul devient quelqu’un d’halluciné et peu rassurant.
En bavardant avec le metteur en scène, celui-ci m’a appris que Fernando ARRABAL avait une image un peu poussiéreuse aujourd’hui. J’en ai été stupéfait. Il est vrai que son théâtre, et même l’ensemble de son œuvre, sentent bon les sixties et les seventies. Je répondrai en disant tout simplement qu’il serait triste, oui, il serait bien triste que la salle ne soit pas comble le week-end prochain.

« FANDO & LIS »
au Théâtre de la Semeuse
2, montée Auguste Kerl
(anciennement rue du Château)
Réservation au
04 93 92 85 08
(secrétariat 04 93 92 85 00)
Tarif : 15 €uros (10 €uros tarif réduit)

J'ai tellement aimé ce spectacle que je me suis même fendu d'un album photos rien que pour lui ! (cliquez ICI pour le visualiser)