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15/12/2011

Coup double

J’ai assisté à deux spectacles ce week-end dernier.

 

Celui de vendredi soir était cette fameuse Sortie de stage que j’avais annoncée dans ces colonnes. Était-ce réellement un spectacle ?

L’affiche nous avait prévenus, il s’agissait d’un travail clôturant un stage sur le masque. Toutefois, il était précisé « stage de formation professionnelle conventionné AFDAS », laissant entendre qu’il s’agissait de comédiens professionnels voulant se former aux techniques du masque. Or, ce qu’on nous a montré ce soir-là était manifestement le résultat d’élèves débutants. Cela se voit à certains réflexes de protection, par exemple avouer au public, par l’intermédiaire d’un personnage, que l’on a le trac. On veut faire croire que ce n’est pas l’acteur qui parle mais une créature fictive, mais on ne dupe personne.

C’est dommage, la représentation était plutôt bien partie : le public était accueilli, dès son arrivée au guichet, par plusieurs personnages déjà masqués et costumés. Puis chacun des douze comédiens arrivait seul sur la scène et produisait "quelque chose". "Pas grand’ chose" ? Ce serait injuste, certains arrivaient réellement à installer un personnage original et intéressant. Mais pas tous.

Après cette amusante présentation, je m’attendais à ce que tous ces êtres masqués commencent à interagir entre eux, pour le plus grand plaisir des spectateurs, mais non : c’était déjà la fin, plus d’une heure avait passé !

L’ambiance Commedia dell’Arte était sympathique, mais le résultat un peu décevant.

corneille,moliere,valérie durin

 

Le spectacle de samedi soir fut bien meilleur. Corneille-Moliere l’arrangement, que j’avais également annoncé ici, était interprété par deux comédiens qui avaient, eux, une vraie expérience de la scène. Il s’agissait surtout d’un travail abouti, réfléchi et efficace. La mise en scène montrait, une fois de plus, qu’on peut faire un très bon spectacle avec des moyens modestes et simples. Je l’ai déjà dit, l’idée de génie, l’invention qui révolutionne le théâtre, c’est plutôt rare ; cela n’empêche pas des metteurs en scène comme Valérie DURIN (par ailleurs auteur de la pièce) de fournir une accumulation de "petites trouvailles" aboutissant à un spectacle très bon.

Texte très bien écrit avec, comme il se doit lorsqu’on met en scène MOLIERE, quelques citations habilement détournées.

Cette troupe vient du département de l’Allier, mais j’espère qu’ils nous rendront d’autres visites afin que toutes et tous puissent en profiter.

corneille,moliere,valérie durin

Les deux comédiens formaient un tandem équilibré.

Le théâtre Georges Brassens, lui, reste bâti à Saint-Laurent-du-Var et j’invite les lectrices et les lecteurs de ce blog à examiner sa programmation, car elle propose souvent des choses intéressantes.

21/02/2010

Petite affaire

Je vais peut-être commettre une maladresse : faire de la pub pour un texte que je n’aime pas. Mais c’est plus fort que moi. Voici ce dont il s’agit :
En m’aidant à faire des recherches sur le Tartuffe, de MOLIÈRE, ma compagne a fini par trouver la retranscription d’une interview diffusée sur Europe-1 en octobre 2007. C’était une émission de Franck FERRANT qui s’entretenait avec Denis BOISSIER. (cliquez ICI pour lire le texte complet)
Ce dernier était venu présenter le résultat d’un travail mené par lui-même et par une équipe de chercheurs, une « thèse » comme il l’indique, selon laquelle MOLIÈRE n’aurait jamais écrit une seule ligne, la plupart des œuvres ayant alors été écrites par Pierre CORNEILLE.

Ce qui me déçoit, ce n’est pas le manque d’originalité (il est de bon ton, pour se faire connaître, d’attaquer MOLIÈRE ; et il existe déjà quantité de livres sur diverses "révélations")

Je ne suis pas non plus agacé par l’idée que l’auteur du TARTUFFE est peut-être CORNEILLE.
Comme le remarque Denis BOISSIER lui-même, la notion de droit d’auteur n’existait pas encore, et MOLIÈRE comme beaucoup d’autre ne cachait pas les emprunts qu’il faisait aux autres écrivains.
Écrire et créer une pièce de théâtre, ce n’est pas du tout le même processus. Il faut l’avoir fait au moins une fois pour s’en rendre compte. Jean-Baptiste POQUELIN était le maître d’œuvre d’un travail collectif, et quels que soient ses emprunts, les pièces sont de lui.

Je ne dénigre pas le travail d’historien fait par cette équipe. La mise en perspective du XVIIème siècle avec la vie de MOLIÈRE est très intéressante. Toutefois, ce point de vue est incomplet, il manque le point de vue des gens du spectacle.

Non, ce que je regrette le plus, c’est le côté racoleur. On se croirait presque sur M6 (« restez avec nous : tout de suite le récit incroyable de… ») Le journaliste n’économise pas les adjectifs comme « incroyable », « étonnant » ou encore « excellent » ; on se demande même s’il n’invite pas un pote à l’antenne afin qu’il puisse faire la pub et trouver un éditeur. D’ailleurs, à l’en croire, personne ne veut prendre le risque d’éditer un livre aussi explosif !
Peut-être que plus simplement, un pétard mouillé ne peut pas devenir une bombe.

Car cette étude a le défaut d’enfoncer des portes ouvertes :
Denis BOISSIER nous explique qu’à diverses époques, on a dû instaurer un culte de MOLIÈRE, et donc idéaliser sa vie et sa carrière, en faire un mythe. Jusque là, tout va bien, on tend l’oreille (ou plutôt l’œil).
Mais il indique, par exemple, qu’on a réussi à faire croire que MOLIÈRE était beau ! Or, dans tous les "petits classiques" que chaque collégien a eu un jour en main, il est indiqué qu’il avait les traits épais, qu’il était courtaud et peu gracieux.
C’est tout juste si la populace ignore que MOLIÈRE fut d’abord Jean-Baptiste POQUELIN, et qu’il n’a pas crée sa troupe, mais qu’il a simplement rejoint celle de Madeleine BÉJARD.

On fait du sensationnel avec rien. Dommage, car nous avons affaire à de vrais historiens. Dommage, car ce genre de document fait appel à la joie mauvaise des auditeurs, à leur côté le plus obscur, celui qui se régale du spectaculaire et de la déchéance d’une idole plutôt que de se satisfaire d’une rectification historique.

« La joie mauvaise, c’est le bonheur des cons » disait REISER, qui avait oublié de l’être.