21/02/2010
Petite affaire
Je vais peut-être commettre une maladresse : faire de la pub pour un texte que je n’aime pas. Mais c’est plus fort que moi. Voici ce dont il s’agit :
En m’aidant à faire des recherches sur le Tartuffe, de MOLIÈRE, ma compagne a fini par trouver la retranscription d’une interview diffusée sur Europe-1 en octobre 2007. C’était une émission de Franck FERRANT qui s’entretenait avec Denis BOISSIER. (cliquez ICI pour lire le texte complet)
Ce dernier était venu présenter le résultat d’un travail mené par lui-même et par une équipe de chercheurs, une « thèse » comme il l’indique, selon laquelle MOLIÈRE n’aurait jamais écrit une seule ligne, la plupart des œuvres ayant alors été écrites par Pierre CORNEILLE.
Ce qui me déçoit, ce n’est pas le manque d’originalité (il est de bon ton, pour se faire connaître, d’attaquer MOLIÈRE ; et il existe déjà quantité de livres sur diverses "révélations")
Je ne suis pas non plus agacé par l’idée que l’auteur du TARTUFFE est peut-être CORNEILLE.
Comme le remarque Denis BOISSIER lui-même, la notion de droit d’auteur n’existait pas encore, et MOLIÈRE comme beaucoup d’autre ne cachait pas les emprunts qu’il faisait aux autres écrivains.
Écrire et créer une pièce de théâtre, ce n’est pas du tout le même processus. Il faut l’avoir fait au moins une fois pour s’en rendre compte. Jean-Baptiste POQUELIN était le maître d’œuvre d’un travail collectif, et quels que soient ses emprunts, les pièces sont de lui.
Je ne dénigre pas le travail d’historien fait par cette équipe. La mise en perspective du XVIIème siècle avec la vie de MOLIÈRE est très intéressante. Toutefois, ce point de vue est incomplet, il manque le point de vue des gens du spectacle.
Non, ce que je regrette le plus, c’est le côté racoleur. On se croirait presque sur M6 (« restez avec nous : tout de suite le récit incroyable de… ») Le journaliste n’économise pas les adjectifs comme « incroyable », « étonnant » ou encore « excellent » ; on se demande même s’il n’invite pas un pote à l’antenne afin qu’il puisse faire la pub et trouver un éditeur. D’ailleurs, à l’en croire, personne ne veut prendre le risque d’éditer un livre aussi explosif !
Peut-être que plus simplement, un pétard mouillé ne peut pas devenir une bombe.
Car cette étude a le défaut d’enfoncer des portes ouvertes :
Denis BOISSIER nous explique qu’à diverses époques, on a dû instaurer un culte de MOLIÈRE, et donc idéaliser sa vie et sa carrière, en faire un mythe. Jusque là, tout va bien, on tend l’oreille (ou plutôt l’œil).
Mais il indique, par exemple, qu’on a réussi à faire croire que MOLIÈRE était beau ! Or, dans tous les "petits classiques" que chaque collégien a eu un jour en main, il est indiqué qu’il avait les traits épais, qu’il était courtaud et peu gracieux.
C’est tout juste si la populace ignore que MOLIÈRE fut d’abord Jean-Baptiste POQUELIN, et qu’il n’a pas crée sa troupe, mais qu’il a simplement rejoint celle de Madeleine BÉJARD.
On fait du sensationnel avec rien. Dommage, car nous avons affaire à de vrais historiens. Dommage, car ce genre de document fait appel à la joie mauvaise des auditeurs, à leur côté le plus obscur, celui qui se régale du spectaculaire et de la déchéance d’une idole plutôt que de se satisfaire d’une rectification historique.
« La joie mauvaise, c’est le bonheur des cons » disait REISER, qui avait oublié de l’être.
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