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31/05/2008

L'étoffe des américains

Lorsqu’on parle du théâtre américain, la plupart d’entre nous pensons à Tennessee WILLIAMS : « La Chatte sur un Toit Brûlant », « La Ménagerie de Verre » (montée il y a quelques années avec une Romane Bohringer très émouvante), « Un Tramway nommé Désir » (non, ce n’est pas une pièce niçoise !), tout ces chefs d’œuvres et bien d’autres ont contribué à la renommée mondiale de ce grand auteur contemporain.
Mais il n’est pourtant pas le seul à porter haut la culture théâtrale américaine. Parmi les autres dramaturges d’outre-Atlantique, je voudrais citer ici Sam SHEPARD. Ce nom n’est pas inconnu, on l’a tous entendu prononcer quelque part... Si je vous dis « l’Etoffe des Héros » ? Oui, c’est lui qui incarne le pilote d’avion qui franchit le mur du son.

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Ainsi, cet artiste peut être acteur, metteur en scène ou auteur. Les œuvres qu'il écrit mettent très souvent en scène des personnages abîmés par la vie, avec un passé lourd à porter, dans des situations explosives.

Une de ses pièces est actuellement à l’affiche au Théâtre de l’Alphabet (en lien colonne de gauche). Henri LEGENDRE, son directeur, l’avait déjà monté il y a une bonne dizaine d’années. Il récidive ce week-end, nous permettant de découvrir ce grand auteur plus connu pour ses apparitions au cinéma.
« Fool For Love » est une des pièces majeures du dramaturge. Elle met en scène un homme moitié cow-boy moitié aventurier, EDDY, et une femme, MAY, dotée d’une trempe suffisante pour se frotter à lui. Il y a également le Père, qui n’existe que dans leurs souvenirs, ainsi qu’un brave bougre qui aurait mieux fait de rester chez lui. Leur passé va remonter à la surface et provoquer des secousses.
En 1985, Robert ALTMAN en avait fait une adaptation au cinéma, avec Kim BASSINGER et Sam SHEPARD himself. Un très bon film, mais qui n’a eu qu’un succès d’estime.
Les comédiens du Théâtre de l'Alphabet qui reprennent aujourd'hui cette pièce tirent tous très bien leur épingle du jeu. Dans les premiers instants, on pense que tout va trop vite, que le débit de parole est trop précipité. Mais au fur et à mesure que le drame s'installe, le temps se dilate, les personnages ralentissent, ont dirait presque qu'il vont s'arrêter tout à fait. Un signe qui ne trompe pas : j'étais persuadé que la durée n'excédait pas une heure alors qu'en réalité les comédiens ont joué pendant 1h20 ! Quelques petis tics de jeu qui reviennent parfois (c'est à dire lorsque un comédien sait qu'il réussit particulièrement bien telle ou telle chose et se rassure lui-même en le reproduisant trop souvent ; ou bien lorsqu'il a besoin pour jouer une situation ou un état de le faire toujours de la même manière : pencher le buste vers l'avant pour crier sa rage, par exemple...) mais rien qui ai pu gacher ce très bon spectacle.

Une mention spéciale pour Sylvain BERARDI qui a la tâche difficile d'incarner un personnage pâlot et sans aucun relief. Difficile en effet d'exister sur scène avec pareil  handicap. Les Scapin, les François Pignon, les Cyrano, tous ces personnages hauts en couleur ont déjà leur propre épaisseur. Mais les jeunes premiers ? Mais les personnages ternes et transparents ? Comment les jouer ? Comme le rappelait Michel BOUQUET, les metteurs en scène font souvent appel, lorsqu'ils le peuvent, à des comédiens ayant déjà une longue carrière derrière eux, même si leur âge n'est plus en rapport avec le rôle. Ainsi, ils espèrent que leur longue expérience du métier leur permettra de donner de la profondeur avec presque rien. Sylvain BERARDI n'a pas, à ma connaissance, l'âge mûr d'un comédien chevroné et pourtant, il a assumé avec justesse et simplicité ce rôle pas si secondaire que ça.

FOOL FOR LOVE de Sam SHEPARD
Avec : Claire JAPHET, Guillaume GALLO, Sylvain BERARDI et Daniel MICALLEF

Samedi 31mai à 21h00 et dimanche 1er juin à 15h00
Théâtre de l’Alphabet
10, bd Carabacel
04 93 13 08 88

Tarif : 15 €uros

12/07/2006

« Ô Ciel ! que d’aventures extraordinaires ! »

C’est une des dernières répliques qui terminent les Fourberies de Scapin, de MOLIERE. Je jouais dans cette pièce, lorsqu’elle était représentée au Théâtre de l’Alphabet. C’était du temps de ma belle jeunesse, puisqu’on me confiait le rôle du « jeune premier ». En fait au nombre de deux ici : Octave et Léandre, que j’ai interprété chacun plusieurs fois, car cette pièce est souvent remontée d’une saison sur l’autre, avec à peu près les mêmes comédiens.

Les jeunes premières, en revanche, changeaient parfois. Et (c’est là où je voulais en venir, ne partez pas !) chacune d’elle, immanquablement, rechignait à dire cette terrible exclamation : « Ô Ciel ! que d’aventures extraordinaires ! »

Terrible car, malgré tout le génie de MOLIERE, ses pièces se terminaient souvent de façon peu vraisemblable, et il s’appliquait en plus à le souligner par une réplique de ce genre. Si, par hasard, un spectateur ne s’était pas alarmé du côté rocambolesque de la situation, et bien là, au moins, tout le monde était averti ! (Peut-être cette habitude venait-elle de la Commedia dell’Arte, que MOLIERE devait bien connaître.)

Chacune des comédiennes avait sa façon à elle de tenter d’escamoter la délicate réplique. Je me suis rendu compte plus tard que, dans presque tous les textes, il y a une phrase qui passe mal… du moins aux yeux du comédien qui doit la prononcer.

Mais HENRI LEGENDRE, qui dirige toujours ce théâtre, nous enseignait avec raison que la seule solution est de jouer cette réplique « à fond », en y croyant dur comme fer, en l’assumant pleinement. En effet, ces petites phrases sur lesquelles notre attention s’accroche passent en réalité très bien, et parfois même inaperçues.

Certaines répliques nous bloquent, nous rebutent, mais aussi certaines actions, pourtant d’apparence anodine. Est-ce le signe qu’en réalité le comédien n’a pas bien compris son rôle, ou bien la situation ? Ou qu’il n’a pas intégré le parti pris du metteur en scène ? Peut-être que dans ces moments là, nous montrons que nous ne sommes pas à cent pour cent dans le spectacle, que nous n’y mettons pas toute notre énergie. Ou plus simplement, n’est-ce pas la peur du ridicule ? Peur qui n’est pas raisonnable puisque l’acteur qui crois vraiment à ce qu’il fait n’est jamais ridicule, quelle que soit la réplique.