04/12/2012
TROIS DAMES D'AGRÉABLE COMPAGNIE
J’illustre parfois mes propos avec quelques photos que je réalise moi-même. J’en ai malheureusement raté une que je tenais pourtant à réussir.
En effet, comme je l’avais annoncé, je suis allé au théâtre Bellecour voir Trois dames sur une île déserte.
Son auteur, Gilles ABIER, a surtout produit des livres pour la jeunesse, enfants et adolescents, mais cet opus là est fait pour les adultes. Texte écrit pour trois personnages féminins (comme le titre le laisse supposer). Trois rôles "équilibrés", dans le sens où chacun occupe une place importante. Comme je l’avais supposé, un texte bien écrit. Une situation improbable mais à laquelle tout le monde croit au bout de cinq minutes. Des personnages bien dessinés, et tenus jusqu’au bout.
Comme je l’avais supposé, une mise en scène sobre destinée à laisser sa place au texte, tout en le soulignant quand il faut. (Cela semble évident, mais selon qu’un des trois personnages est en fond scène pendant que les deux autres sont à l’avant scène, cela peut souligner les différences de rapport ; ou encore, si les personnages intervertissent les places qu’ils semblent occuper d’habitude cela peut indiquer un basculement important dans le déroulement de l’histoire ; il y a également le rapport qu’un comédien entretient avec un ou plusieurs accessoires…)
Ma compagne était d’accord pour dire que nous avons passé un bon moment de théâtre.
« Et la photo alors ? » pensez-vous en lisant ces quelques lignes. Mais puisque je vous dis que je l’ai loupééée ! Quel dommage, car j’aurais bien aimé capter le regard, l’attitude qu’une des comédiennes a eu à un moment précis. Il s’agissait d’une réaction qu’elle avait en entendant les propos d’une des deux autres.
C’est que Trois dames sur une île déserte est le genre de texte qui nécessite de la part des comédiennes une capacité à écouter vraiment ses partenaires. En effet, la situation est tout à fait irréelle : ces trois pauv’Dames attendaient tranquillement un train sur un quai ordinaire lorsqu’elles se sont retrouvées toutes ensemble sur le sable chaud d’une île déserte (ou presque). Quoi de plus banal, n’est-ce pas ? En outre, ces trois personnes viennent chacune d’un univers différent, elles n’ont rien de commun — sauf un secret, qui vous sera révélé si vous allez assister à l’une des représentations…
Alors, il a fallu que chaque comédienne valide les propos des deux autres partenaires par une écoute parfaite. Ainsi, la mise en scène de Christine BERNARD a fonctionné !
Et comme je n’ai pas loupé toutes les photos, en voici quatre, en espérant vous donner envie d’aller voir ce spectacle qui tourne depuis un an environs.
Il faudra toutefois attendre le début du mois de mai pour pouvoir en profiter.
Je viens de louer un DVD à la médiathèque Louis Nucéra, provenant d’une série d’interviews avec des personnalités du cinéma, réalisées dans les locaux de l’Actor’s Studio. Celui-ci présentait l’acteur Clint EASTWOOD. Modeste, didactique, un humour typique des shows à l’américaine, il répond aux nombreuses questions d’un public déjà conquis. Et à un moment, il souligne l’importance et la difficulté à écouter vraiment ses partenaires, au cinéma comme au théâtre. Il explique même que beaucoup d’acteurs sont capables de bien dire leurs répliques, mais peu savent écouter.
Lorsque c’est à nous de parler, ou d’agir, c’est plus facile de jouer, car on peut se raccrocher à quelque chose de tangible, de physique même. Notre souffle et nos gestes nous permettent d’y croire davantage. Ils sont presque une bouée à laquelle on s’accroche, comme un élève débutant s’accroche au premier accessoire venu pour évacuer son angoisse. Mais lorsqu’on doit seulement écouter ce que d’autres disent, on est démuni. Mais que font mes mains ? Pourquoi ai-je autant de doigts ? Et mes pieds, ne doivent-ils pas bouger ? Ce serait mieux, hein, s’ils bougeaient ? Le public me regarde, c’est certain, il me regarde ne rien faire, il doit penser que je ne joue pas. Si seulement j’avais quelques mots à prononcer, histoire de me cacher derrière…! Mais bon sang que c’est dur d’écouter vraiment ! Les regards se croisent, on sait que l’on joue, on sait que l’autre joue, on sait que l’autre sait…
Henri LEGENDRE, mon premier professeur de théâtre, affirmait que le public regarde davantage celui qui écoute et non pas celui qui parle. A mon avis, je pense qu’il exagérait un peu, mon observation au milieu des spectateurs montrant qu’on regarde surtout la personne qui parle. Toutefois, il est vrai que notre regard effectue des aller et retour entre le locuteur et la ou les personnages qui reçoivent les paroles, afin de valider ce qui est dit. D’où la tentation de faire semblant d’écouter en opinant du chef plus que nécessaire.
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