Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

24/06/2009

Anecdote

Dans les dernières scènes de Marathon Man, le personnage incarné par Dustin HOFFMAN se confronte à Christian SZELL, ex-dignitaire Nazi, incarné lui par Laurence OLIVIER. Juste avant le tournage de la scène, sensé être à bout de souffle, Dustin HOFFMAN part faire un footing afin d’être plus crédible.
Légende où vérité : Une fois de retour, il se serait étonné que Laurence OLIVIER ne se livre à aucune préparation pour cette scène. Celui-ci aurait alors répondu : « Et si vous vous contentiez de jouer ? ».

Certains disent qu’en réalité, l’acteur shakespearien voulait signifier son agacement sur la vie dissolue d’HOFFMAN en lui envoyant cette pique ;
D’autres prétendent que Dustin HOFFMAN, en plein divorce, tentait d'oublier ses soucis en se consacrant au travail et que Laurence OLIVIER, qui connaissait ses problèmes, voulait lui faire comprendre qu'il savait et qu'il lui donnait son soutien.

Vrai ou faux, tout le monde s’en moque. En effet, cette célèbre anecdote a fait le tour des cours de théâtre du monde entier. Et, c’est le cas de le dire, en matière d’art dramatique il y a plusieurs écoles, fort différentes.
Deux grands courants se dégagent : l’un se réclame de l’enseignement de Stanislavski et se résume en un mot, « VÉRITÉ » (en fait, c’est plus compliqué que ça, mais je veux faire court) ; l’autre se réclame du théâtre élisabéthain ou même de la commedia dell’arte, royaume du symbole, de la représentation, du faux au service du vrai.
Dans cet exemple, on l’aura compris, Dustin HOFFMAN étant issu de l’Actor’s Studio représente le "camp" Stanislavski et Laurence OLIVIER le courant shakespearien.

J’avoue que depuis plusieurs années maintenant, je balance entre ces deux voies, sans jamais pouvoir trancher.
Faut-il grossir de vingt kilos pour pouvoir jouer le rôle de Jack la Motta dans Raging Bull ?
Faut-il au contraire jouer sur des tréteaux nus, avec un fond noir et une chaise comme seul accessoire ?
Faut-il pendant deux heures se concentrer sur ses malheurs pour arriver sur le plateau déjà plein de chagrin et les larmes prêtes à jaillir ou bien faut-il s’échauffer avec un training d’acteur pour s’assouplir les articulations ?

Et surtout, surtout, existe-t-il un cours d’art dramatique où l’on enseigne tout cela à la fois ? Un endroit où l’on formerait des comédiens capables de s’adapter à n’importe quel metteur en scène…

« Et si vous vous contentiez de jouer ? » Mais tous les comédiens jouent — ou rêvent de jouer.

Illustre-Stanislavski.jpg
Konstantin Stanislavski, de son vrai nom Konstantin Sergeyevich Alexeyev

10/06/2009

Lâcher prise

C’est un exercice que l’on rencontre souvent dans les cours de théâtre, même si la forme diffère parfois.

Il s’agit, comme le titre l’indique si bien, d’apprendre à ne pas tout maîtriser, à se laisser aller. Laisser travailler l’inconnu qui est en nous, accepter de révéler une part cachée de notre être. En parlant, en inventant, en allant jusqu’au bout d’une idée.
Prendre le risque d’être ridicule, mauvais. En échec.
En travaillant de cette façon, on arrive parfois à trouver des pistes intéressantes pour un spectacle.
On apprend également à faire confiance à ses partenaires et au metteur en scène.

On peut arriver à défaire certains blocages aussi. En effet, le comédien doit parfois faire certaines choses qui lui déplaisent souverainement, ou bien qui lui font peur. Des actes simples et faciles pour certains mais qui sont une montagne pour d’autres.
Par exemple, lorsqu’il avait fallu que j’embrasse un garçon dans « Goutte dans l’Océan », de FASSBINDER, cela ne m’avait posé aucun problème ; en revanche, lorsqu’il fut question de danser sur à peine trois mesures, j’en ai éprouvé du désagrément un mois à l’avance !

Ce genre d’exercice peut prendre l’apparence aussi bien d’un entraînement physique que d’un travail intellectuel. L’un d’entre eux, très connu, consiste à dire un mot à un partenaire, celui-ci devant répliquer immédiatement sans réfléchir, et ainsi de suite, en une série ininterrompue, le thème étant libre ou imposé.
Un autre exercice, qui n’a l’air de rien, est plus impressionnant : les yeux bandés, il faut courir à toute vitesse vers son professeur, qui doit vous stopper. Un dernier regard avant de poser le bandeau sur les yeux et hop ! on part à fond les gaz vers notre objectif… C’est du moins ce que l’on croit car la réalité est souvent plus drôle : certains bougent rapidement leurs jambes, mais pour faire des pas de 5 centimètres ; d’autres démarrent en trombe pour terminer deux mètres plus loin en faisant du sur-place, les bras tendus vers l’avant ; d’autres encore tournent en rond sans comprendre…
Dans un autre exercice, un des deux partenaires ferme les yeux et laisse bouger son corps en écoutant les sons que produit l’autre. Celui qui bouge doit sentir ce que veut lui transmettre l’autre, mais celui qui émet les sons doit également tenter de s’ajuster à ce que l’autre semble ressentir.

Tous ces petits exercices de quelques minutes, souvent amusants, toujours plaisants, ne sont là que pour habituer le comédien à lâcher prise. A se dire : « Ce soir, tant pis pour ce que l’on dira de moi, tant pis si je perds mon temps à suivre une fausse piste, je veux savoir jusqu’où je peux aller. »
C’est une aptitude qui manque à certains comédiens et ceux-ci invoquent toujours mille prétextes pour ne pas faire ce que leur demande le metteur en scène. Ils ont trouvé un créneau dans lequel ils savent qu’ils font bonne figure et ne veulent plus en sortir.
Et je dois reconnaître qu’il n’est pas aisé de renoncer à la promesse d’un succès facile en échange d’un labeur à l’issue incertaine. Mais je fais ce constat : si l’on veut devenir comédien, on doit veiller à rester souple, très souple. Vous rêviez de jouer Cyrano à l’Odéon mais on vous propose d’improviser dans les rues d’Aurillac. Allez-vous refuser ? Allez-vous accepter mais rendre la vie impossible avec vos objections et vos réticences ? Explorer une nouvelle voie est un privilège pour un comédien, il ne doit pas gâcher cette chance et faire confiance au metteur en scène qui le guide.