10/06/2009
Lâcher prise
C’est un exercice que l’on rencontre souvent dans les cours de théâtre, même si la forme diffère parfois.
Il s’agit, comme le titre l’indique si bien, d’apprendre à ne pas tout maîtriser, à se laisser aller. Laisser travailler l’inconnu qui est en nous, accepter de révéler une part cachée de notre être. En parlant, en inventant, en allant jusqu’au bout d’une idée.
Prendre le risque d’être ridicule, mauvais. En échec.
En travaillant de cette façon, on arrive parfois à trouver des pistes intéressantes pour un spectacle.
On apprend également à faire confiance à ses partenaires et au metteur en scène.
On peut arriver à défaire certains blocages aussi. En effet, le comédien doit parfois faire certaines choses qui lui déplaisent souverainement, ou bien qui lui font peur. Des actes simples et faciles pour certains mais qui sont une montagne pour d’autres.
Par exemple, lorsqu’il avait fallu que j’embrasse un garçon dans « Goutte dans l’Océan », de FASSBINDER, cela ne m’avait posé aucun problème ; en revanche, lorsqu’il fut question de danser sur à peine trois mesures, j’en ai éprouvé du désagrément un mois à l’avance !
Ce genre d’exercice peut prendre l’apparence aussi bien d’un entraînement physique que d’un travail intellectuel. L’un d’entre eux, très connu, consiste à dire un mot à un partenaire, celui-ci devant répliquer immédiatement sans réfléchir, et ainsi de suite, en une série ininterrompue, le thème étant libre ou imposé.
Un autre exercice, qui n’a l’air de rien, est plus impressionnant : les yeux bandés, il faut courir à toute vitesse vers son professeur, qui doit vous stopper. Un dernier regard avant de poser le bandeau sur les yeux et hop ! on part à fond les gaz vers notre objectif… C’est du moins ce que l’on croit car la réalité est souvent plus drôle : certains bougent rapidement leurs jambes, mais pour faire des pas de 5 centimètres ; d’autres démarrent en trombe pour terminer deux mètres plus loin en faisant du sur-place, les bras tendus vers l’avant ; d’autres encore tournent en rond sans comprendre…
Dans un autre exercice, un des deux partenaires ferme les yeux et laisse bouger son corps en écoutant les sons que produit l’autre. Celui qui bouge doit sentir ce que veut lui transmettre l’autre, mais celui qui émet les sons doit également tenter de s’ajuster à ce que l’autre semble ressentir.
Tous ces petits exercices de quelques minutes, souvent amusants, toujours plaisants, ne sont là que pour habituer le comédien à lâcher prise. A se dire : « Ce soir, tant pis pour ce que l’on dira de moi, tant pis si je perds mon temps à suivre une fausse piste, je veux savoir jusqu’où je peux aller. »
C’est une aptitude qui manque à certains comédiens et ceux-ci invoquent toujours mille prétextes pour ne pas faire ce que leur demande le metteur en scène. Ils ont trouvé un créneau dans lequel ils savent qu’ils font bonne figure et ne veulent plus en sortir.
Et je dois reconnaître qu’il n’est pas aisé de renoncer à la promesse d’un succès facile en échange d’un labeur à l’issue incertaine. Mais je fais ce constat : si l’on veut devenir comédien, on doit veiller à rester souple, très souple. Vous rêviez de jouer Cyrano à l’Odéon mais on vous propose d’improviser dans les rues d’Aurillac. Allez-vous refuser ? Allez-vous accepter mais rendre la vie impossible avec vos objections et vos réticences ? Explorer une nouvelle voie est un privilège pour un comédien, il ne doit pas gâcher cette chance et faire confiance au metteur en scène qui le guide.
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