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11/03/2009

Du papier à la chair

Si nous avions habité à 50 mètres du TNN (Théâtre National de Nice), nous n'aurions pas eu à prendre la voiture et à chercher une place ; mais nous serions rentrés trop vite aussi ! Nous n'aurions pas eu droit à ces quelques minutes où, sur la route, nous n'avons rien d'autre à faire que nous livrer au plaisir de parler du spectacle, avant de retrouver notre quotidien.
Il me semble que c'est un des intérêts de la Culture en général, que de provoquer les échanges entre individus.
Avec ma compagne, sur le chemin du retour, nous avons parlé de la pièce que nous venions de voir : Making Off

Making Off, ce fut d'abord un roman. Le premier opus d'une bibliographie aujourd'hui très étoffée pour une écrivain d'à peine 30 ans, Claire LEGENDRE.
L'adaptation à la scène est de Linda BLANCHET. « L'écriture crue, drôle et brutale de Claire Legendre a été une vraie rencontre. Je suis heureuse de partager ma découverte en portant à la scène l'univers dense de cet auteur bien vivant. » nous confie-elle sur la plaquette de présentation.

Making Off le livre comme la pièce raconte l'histoire d'un journaliste qui a la chance de pouvoir interviewer le sulfureux et très secret Caïn SHOESHINE, cinéaste maudit boudé par Hollywood mais adulé en Europe. S'installe peu à peu un climat tendu et noir.

Le dernier projecteur éteint, je me suis rendu compte qu'il y avait deux sortes de spectateurs : ceux qui ont déjà lu le roman et ceux qui ne le connaissent pas encore.
Ca tombe bien, ma ravissante compagne n'avait jamais lu Making Off, tandis que moi, oui. Je lui ai demandé d'écrire ici ce qu'elle m'avait confié quelques instant plus tôt :

N'ayant pas lu le roman, je suis arrivée tel le naïf de service devant le spectacle. Je ne m'y suis pas ennuyée... c'est déjà pas mal.
Une ambiance qui tient en haleine. De la tension palpable. Une inquiétude latente, dont on a du mal à définir à quoi elle tient. Le décalage entre le ton et les propos ? Le côté obsessionnel du héros, avec ses phrases répétées « Regarde la caméra. » « Regarde la caméra. » ?
Et pourtant, une impression plutôt mitigée. J'ai été lassée par certains choix de la mise en scène. Un petit relent d'originalité et de modernité choc à tout prix.
Je me suis demandée trop souvent si les moyens utilisés étaient là pour émouvoir, ajouter, dire, créer ? Les comédiens nus sur scène, à quoi ça sert ? Le propos aurait-il été moins efficace sans cela, sans certains autres effets censés être dérangeants ?
Rien n'est moins sûr...
J'ai bien peur que le texte n'ait été plus dessevi qu'autre chose. Dommage.

Et voilà, je le disais plus haut : ceux qui n'ont pas lu le roman sont en quelque sorte lésés. En effet, ils n'ont pas l'occasion d'apprécier la façon dont le style de l'auteur est restitué. Claire LEGENDRE semble avoir écrit cette première œuvre comme une mosaïque, avec une accumulation de phrases très courtes, et dont on ne perçoit le sens qu'au bout d'un certain temps de lecture, avec du recul.
Il m'a semblé ressentir la même chose en voyant le spectacle se dérouler sous mes yeux. Les premières minutes, on se demande bien ce qu'on fait là, à regarder des comédiens quelconques dans une mise en scène ordinaire... Manipulation ! En réalité, la pièce décolle sans que vous puissiez dire à quel moment.
Je rejoint toutefois ce qu'écrit ma compagne : les choses les plus efficaces ne sont pas les plus spectaculaires. Des trouvailles de mise en scène discrètes et efficaces permettent de recréer ce climat de danger et cet univers singulier dans lequel plonge le journaliste. Point n'était besoin de nous déballer toute cette chair, même si elle est au centre du prétexte de l'histoire.
C'est d'ailleur pour cela que, croyant la pièce terminée, j'ai commencé à applaudir, imité alors par quelques autres. Puis deux ou trois rires qui fusent dans l'obscurité. Le rire de ceux qui savent : la pièce n'est pas finie, on doit d'abord voir un danseur nu se mouvoir sur le sol, avant le noir final.
Applaudissements. Sauf les quelques uns qui ont quittés les lieux immédiatement.
Je le répète, ceux qui n'ont pas lu le roman seront plus désarçonnés. Les autres auront davantage de jubilation.

Ce spectacle se joue encore les jeudi 12 et vendredi 13 mars au TNN, dans la salle « Michel SIMON ». Cette salle, la plus petite des deux (318 places quand même) est en forme d'amphithéâtre. Le "vrai" amphithéâtre, celui défini par les grecs et qui occupe légèrement plus qu'un demi-cercle, avec la scène au centre. Dans les théâtres romains, les gradins formaient souvent un demi-cercle exact, mais la scène était repoussée au fond, en longueur.

Je ne terminerai pas cet article sans vous donner le lien du « site officiel » de Claire LEGENDRE. IL est beau, mais c'est son contenu qui mérite surtout le détour. Cliquez sur l'image pour le découvrir.

Illustre-Making Off-01.JPG

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