10/09/2010
Les bons plans
Toutes ces années passées à côtoyer le Spectacle Vivant m’ont permis, parfois, de me retrouver dans des "bons plans". Je me souviens notamment d'une escapade aussi soudaine qu'inattendue :
Au début de la saison 1999-2000, vers la fin du mois de septembre, le père d'une de mes amies appela sa fille à la rescousse. Il était alors conseiller municipal de la ville de Cuneo, dans le Piémont, en Italie. Son équipe était en train de mettre sur pied le premier festival transalpin du livre de Cuneo. Il avait été prévu, entre autres, des animations assurées par une compagnie locale.
Cette compagnie s'était désistée au dernier moment. Le papa-conseiller municipal, sachant que sa fille s'intéressait de près au théâtre, lui avait alors demandé de recruter ses connaissances pour assurer au pied levé les animations prévues. C'est ainsi que je me retrouvais dans un groupe de cinq personnes, avec seulement trois jours devant nous pour préparer un travail présentable.
Il y avait plusieurs tâches à prévoir, dont une improvisation menée sous le chapiteau principal, et qui consistait en un débat entre de faux écrivains. (Le public n'avait pas été avertit, il devait se rendre compte lui-même de la supercherie au fur et à mesure que le débat prenait un ton surréaliste et burlesque.)
Puis, le samedi soir, nous fumes conviés au Théâtre Municipal Giovanni Toselli, magnifique théâtre à l'italienne (avec les étages de balcons en demi-cercle, le parterre, la décoration rouge et or...) Il s'agissait pour nous d'interpréter les textes d'auteurs absents, ou bien ne souhaitant pas le faire eux-mêmes, le tout devant une assemblée d'écrivains italiens et français.
L'un des textes qu'on nous avait donné à interpréter (trois jours plus tôt) était parfaitement incompréhensible, ou du moins n'évoquait rien pour nous, sinon qu'il semblait parler de l'artiste devant sa feuille blanche.
Nous étions donc là, ce samedi soir, derrière le rideau, au milieu des techniciens… et habillés de notre plus beau costume. En effet, notre amie nous avait prévenu, à Cuneo on a l'esprit un peu bourgeois : hors de question de monter sur une scène ou même un podium sans être vêtu correctement. Tailleur donc pour les filles ; et pour les hommes, costume cravate. Oui mais voilà, ce n'était pas encore assez, et arrivé devant l'entrée du théâtre, on me fit remarquer que mon costume était clair, et qu'il fallait un costume sombre ! Plus le temps d'en trouver un de rechange.
Comme le disait Jean COCTEAU, « Puisque ces mystères me dépassent, feignons d’en être l’organisateur. » Nous primes le parti de partager le texte en deux moments : celui où l'écrivain pensait, et celui où l'écrivain... écrivait. Lorsqu'il pensait, je disais le texte, en voix off, caché dans les coulisses ; et lorsqu'il écrivait, mes camarades restés sur la scène prenaient le relais, incarnant la plume et les mots.
Moi, petit comédien débutant, invité à jouer en Italie dans le cadre d'un festival, dans un magnifique théâtre, et ne pouvant absolument pas me montrer — même pour les saluts ! La chose fut à la fois frustrante et pourtant tellement féerique.
J'eus malgré tout ma récompense car, dans les couloirs, alors que j'essayais difficilement de participer aux conversations — en italien, le plus souvent — les spectateurs qui entendaient ma voix la reconnaissaient et me serraient chaleureusement la main pour me féliciter.
Pour terminer ce récit, je tiens simplement à renouveler ma gratitude envers tout le personnel du Théâtre Municipal Giovanni Toselli pour son accueil et son aide, ainsi qu'à la ville de Cuneo qui nous a reçu comme des princes. Ces remerciements sont un peu tardifs mais très sincères.
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