23/06/2008
Quelques nuits plus tard...
22 jours sans le moindre article, plus de trois semaines d’interruption : je suis tout simplement en train de jouer dans une comédie, « le Coursier », au Théâtre du Cours à Nice.
Dans les jours qui précèdent la première, on enchaîne généralement les dernières répétitions avec les premières représentations, ce qui a accaparé beaucoup de mes soirées (j’ai un job qui m’occupe la journée).
Mais si je joue encore les jeudi 26, vendredi 27 et samedi 28 juin (à 21h00), me voilà de nouveau plus disponible pour ce blog qui a déjà passé plus de deux ans d’existence.
Je n’ai même pas fêté cela, pas plus que la première année d’existence d’ailleurs, mais je vous promets une petite rétrospective nostalgique, comme tout le monde, avec statistique et tout et tout…
Je vous l’avais annoncé lors de l’article précédent, je suis allé à Carros voir « l’Affaire est dans le sac », interprétée par la Comédie des Baous.
C’est une comédie dite de boulevard, c'est-à-dire « qui n’a pas d’autre prétention que celle de nous faire rire », pour citer ce journaliste anonyme fustigé par un Pierre DESPROGE fort justement indigné. Car c’est déjà une sacrée prétention ! Dur métier que de faire rire un public. La comédie de boulevard utilise pour cela des procédés déjà éprouvés : quiproquo (très nombreux dans cette pièce) ; situations ; jeux de mots ; répliques assassines — on « dénonce » qui une personnalité politique, qui un système, ou un événement (dans notre cas, le jeu électoral) ; et parfois même apartés avec le public. Ce dernier moyen, qui n’est pas employé dans cette pièce, est fort controversé dans le milieu du théâtre. D’un côté, nous avons ceux qui affirment que le théâtre est une chose magique, où les spectateurs ne peuvent en aucun cas entrer en contact avec les artistes qui évoluent sur la scène, sous peine de faire imploser les personnages, protagonistes imaginaires qui ne peuvent donc pas nous croiser et nous connaître ; de l’autre côté, nous trouvons ceux qui pensent que le fameux quatrième mur peut être franchi lors de moments opportuns, afin que public ait un instant l’impression d’être du même côté de la scène et rêver ainsi davantage. (Même lorsqu’il n’y a pas de décor du tout, on parle de « quatrième mur ». C’est comme s’il y avait un mur au fond, deux murs sur les côtés et, donc, un quatrième mur dressé entre la scène et les gradins, barrière invisible mais pourtant véritable.)
« L’Affaire est dans le sac » est donc un spectacle assez classique, qui rempli parfaitement son rôle difficile d’amuseur tout public.
Cette pièce présente sept personnages. C’est un détail qui a son importance car cela signifie qu’elle n’est pas à la portée de toutes les compagnies. En effet, pour le metteur en scène, la difficulté croît de façon exponentielle selon le nombre de comédiens. Disons que jusqu’à quatre, cela reste gérable. Au-delà, il lui faudra une grande habitude et des talents d’organisateur.
Lorsqu’il s’agit de compagnies professionnelles, c'est-à-dire uniquement composées d’Intermittents du Spectacle, ce n’est pas une difficulté : on répète pendant la journée, les comédiens n’ayant "que ça" à faire, chacun doit se débrouiller pour être présent à chaque séance de travail.
Mais lorsqu’il s’agit de troupes amateurs — comprenez "composées d’artistes qui ont chacun leur vie professionnelle et qui ne peuvent répéter que lorsqu’ils ont une soirée libre" — c’est une autre paire de manches.
La Comédie des Baous appartient à cette dernière catégorie. Les sept comédiens qui la composent ne peuvent répéter que le mardi. Ce rythme assez lent ne leur permet que de produire une pièce chaque année.
Car l’un d’entre eux m’a confié qu’ils s'agissait de leur dixième production — toutes des comédies. Tous les sept sont d’anciens parents d’élèves qui se sont rencontrés lors d’un spectacle de fin d’année : plutôt que ce soit les élèves seuls qui produisent quelque chose, ils avaient alors décidé qu’eux aussi pouvaient monter un spectacle ; ils y ont pris goût et ils continuent encore aujourd’hui.
La compagnie a également la grande particularité de toujours reverser les recettes à un organisme caritatif. Toujours associé à une cause humanitaire, leur travail est par conséquent toujours diffusé devant plusieurs centaines de spectateurs, recrutés là par un réseau différent des circuits traditionnels (magasine spécialisé dans les spectacles comme JV ou l’Officiel des Loisirs…, publicité et affiches, bouche-à-oreille, abonnement, festival etc.) ils ont ainsi l’assurance que leur effort continu tout au long de l’année ne sera jamais vain et que l’association avec laquelle ils collaborent drainera un public toujours nombreux.
Leur structure associative est très peu subventionnée : seule la mairie de Saint-Jeannet leur octroie chaque année la somme de 300 €uros. De plus, ils ne disposent pas vraiment de local dédié au travail de scène, ni pour stocker les costumes et accessoires, ni pour répéter ! Le plus étonnant étant qu’aucun d’entre eux n’a jamais suivi de cours d’art dramatique. Car malgré cette faiblesse de moyens, la Comédie des Baous s’en sort plutôt bien.
Alors : c’est vrai que, plus d’une fois pendant le spectacle, on se dit que les comédiens sont de qualité inégale, que certaines scènes mériteraient d’être retravaillées, et qu’après tout le spectateur n’a pas à se préoccuper de savoir si cette compagnie dispose de ressources réduites. Il est venu là pour rire ou pour pleurer, se divertir, réfléchir ou encore se cultiver. Donc, le spectacle présenté au public ce soir-là mériterait quelques retouches. Et pourtant…
On a ri. Tous. Environ 250 personnes. Pas facile. Essayez, pour voir…
De plus, la mise en scène, certes classique, est précise, sans aucune erreur visible. Tout fonctionne bien : les entrées et les sorties, les déplacements, l’occupation de l’espace. L’éclairage est un peu quelconque, sous-employé, et une direction d’acteur aurait parfois été nécessaire mais cela ne gène pas vraiment la dynamique de la pièce. J’ai été stupéfait d’entendre que c’est quasiment seuls qu’ils sont parvenus à ce résultat, engrangeant de l’expérience année après année. Seuls quelques conseils, prodigués de-ci de-là par des professionnels arrivés là par hasard, ont complété leur science toute neuve.
Au delà de la représentation elle-même, je constate que, partant de rien, sans aucun savoir de la chose théâtrale, certains sont capables de retrouver quelques-uns des codes qui nous servent à communiquer sur une scène. Des choses aussi simples que de parler pour la personne la plus éloignée dans l’espace ou de rester toujours visible du public ne sont pas évidentes une fois sur la scène. L’emploi des accessoires, les variations de rythme, ralentir son débit de parole pour pouvoir être bien compris, enchaîner en cas d’incident… Tout cela n’est pas acquis naturellement. Et pourtant, ils y sont parvenus, tout seul.
La création s'appuit-elle sur une série de réflex, communs à tous les hommes? L’homme porte-t-il en lui cette faculté de s’exprimer en groupe, tous de la même façon ? Créer, grâce aux expériences acquises, en regardant le travail des autres ; reprendre à son compte puis faire de nouvelles associations...
Publié dans Le rideau est tombé | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : comedie des baous, saint jeannet, l'affaire est dans le sac, comedie, association, caritatif | Facebook |