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22/05/2008

R. S. C. ou la tentation

Une de mes amies m’a raconté un soir que, ayant vécu Outre-Manche, elle avait eu le privilège d’assister à une représentation de Macbeth, de William SHAKESPEARE, par la Royal Shakespeare Company. Instantanément, je me suis senti comme happé dans un rêve. Presque jaloux.

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La Royal Shakespeare Company, de même que la Comédie Française, est une institution qui fait rêver. Eh oui, « institution ». Interrogé au téléphone pour France-Inter, Jacques WEBER rappelait que le théâtre doit rester un lieu d’insolence avant tout. « Insolence » étant compris dans le sens de faire débat, faire parler, provoquer la réflexion — rejoignant ainsi mon idée que le théâtre est le lieu de la grande cérémonie du dialogue collectif et de l’échange. Or le mot institution peut faire penser, à juste titre, que l’insolence est domestiquée, muselée, et que la grande cérémonie deviendra impossible. Les artistes de tous bords critiquent tôt ou tard un de ces grands vaisseaux ; et cet académisme qu’ils dénoncent comme un carcan, une vieillerie poussiéreuse voire un ennemi.

Et pourtant, paradoxe supplémentaire, c’est le rêve de chacun d’entre nous de pénétrer un jour dans ces murs vénérables. (Moi-même, à une échelle bien plus modeste, j’ai autrefois accepté de jouer dans une comédie ennuyeuse et mal écrite, avec un metteur en scène incompétent et sans imagination, un rôle qui ne me plaisait pas nécessitant six mois de répétitions inutiles, le tout gratuitement, tout cela rien que pour pouvoir me dire que j’avais joué au palais Acropolis de Nice devant 750 personnes ! Recommencerais-je aujourd’hui ? C’est fort possible…)

La Royal Shakespeare Company, ce soir-là, n’a pas raté son rendez-vous avec le public. Public anglophone, cela va de soi. C’était, à en croire mon amie, extraordinaire.

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Lorsqu’une telle œuvre doit traverser le Channel, de deux choses l’une : on la joue dans la langue de Shakespeare, justement, ou bien on la traduit. Dans les deux cas, est-ce que l’on y perd en qualité ? Il en est plusieurs pour m’affirmer que non ; que, si les comédiens sont talentueux, on peut parfaitement entendre un spectacle de deux heures sans savoir parler anglais ou qu’une bonne traduction, servie par ces mêmes comédiens talentueux, fera voyager tout autant. Je reste très sceptique.

Depuis quelques temps, je réalise que les sons peuvent influencer, sinon inspirer, le jeu de l’acteur. Aucun mot de la langue n’est réellement dû au hasard. Or, dans le cas d’une traduction, aussi bonne soit-elle, je me dis que ces sons originels ne peuvent être restitués. D’autre part (l’ai-je déjà dit ici ?) je pense que la culture est l’âme d’un peuple, la langue est l’âme de la culture et l’accent est l’âme de la langue. Rien n’étant anodin, tout ne peut pas être transposé dans une traduction.

110232661.jpg« Eh bien, tu n’as qu’à choisir d’écouter la version originale » me répondrez-vous ! Là encore, c’est embêtant car, ne parlant pratiquement que le français, beaucoup d’informations vont m’échapper, malgré la musique des mots et des intonations. Une pièce de théâtre est un "matériau composite". On peut difficilement se passer d’une de ses composantes, et les informations données par le texte en font partie.

Attention, j’ai dit que je restais sceptique, mais pas fermé. Si un jour, une troupe telle que la Royal Shakespeare Company passe par ici, je crois que je succomberais à la tentation.