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28/05/2011

Un théâtre de poupée

C’est en 1990 que je suis tombé dans le théâtre. Lorsque je suis allé voir « Une Maison de Poupée », d’Enrik Ibsen, mise en scène par Isabelle NANTY.
Tombé dedans : c'est-à-dire qu’à partir de là, j’ai désiré, j’ai décidé de "faire du théâtre". Sans savoir ce que cela pouvait dire concrètement : être sur scène ? Écrire ? Produire une pièce ? Et pourquoi ?

 

Je ne me rappelle plus aujourd’hui si ce spectacle était vraiment bon ou pas. Je me souviens qu’au début du spectacle, Nora, interprétée par Sandrine DUMAS, s’adresse à des enfants imaginaires. À l’époque, j’avais trouvé cette convention peu crédible, maladroite. Puis au fils des scènes qui se déroulaient devant moi, j’avais fini par marcher à fond, jusqu’à trouver cela magique, « magique », c’est le mot ; c’est la chose dont je me rappelle avec le plus de force.

Bien que ce drame d’IBSEN soit connu, ce n’est pas un spectacle qui a bouleversé le Landernau du théâtre, et Isabelle NANTY est connue davantage pour ses apparitions à l’écran. Toutefois, je garde cette pièce en moi plus de 21 ans après. Elle y a une place à part.

 

Ainsi, sans le savoir, les comédiens jouent parfois devant une personne qui sera touchée plus profondément que les autres. Peut-être quelqu’un qui vient au théâtre pour la première fois, et qui en gardera pour toujours une envie de recommencer, de retourner voir d’autres pièces.

Je suis toujours peiné lorsqu’une représentation n’a pas été bonne. Que ce soit de ma faute ou pas, peu m’importe : je pense a cette personne qui venait pour la première fois dans un tel lieu, et qui aurait pu être définitivement acquise au Spectacle Vivant, mais qui repartira sans cette petite lumière en elle.

 

On ne peut pas prendre cela à la légère et se dire que demain, on se rattrapera. On a une lourde responsabilité, et cela, chaque soir. Chaque soir.

20/05/2010

Nouvel obs

Je reproduis ici un commentaire que j’ai laissé sur le blog de Mme Odile QUIROT, critique de théâtre pour le journal le Nouvel Obs. Je vous invite donc à lire tout d’abord son article, avant de retourner lire le mien, en cliquant ICI.

 

Illustre-Maison de Poupée-01.JPG

 Photo Marcel Hartmann

 

 

Je souhaite défendre ici le rôle du critique, et tout à la fois dire mon désaccord avec l’analyse de Mme Odile QUIROT.

Les critiques d’art n’ont pas pour fonction d’être en conformité avec l’air du temps ou la mode. En effet, même s’il arrive qu’ils soient parfois à contre-courant de l'opinion publique, ce qui n’est quand même pas toujours le cas, je leur demande de dire ce qu’ils pensent, ce qu’ils ont ressenti et surtout, surtout, d'intéresser leurs lecteurs à l’art — le Spectacle Vivant en ce qui nous concerne.

De fait, il arrive que les propos d’un critique déçoivent les lecteurs qui se faisaient une toute autre idée de l’œuvre qu’ils avaient applaudie la veille ! Je les en conjure : point d’insulte, point de violence dans les propos, ce n’est pas vous qui êtes attaqués. Ce n’est pas parce qu’un critique a contesté la pertinence d’une œuvre que vous aimez sincèrement qu’elle remet en cause votre propre personne.
Il s’agit juste d’initier un débat contradictoire, intéressant et constructif. Or, en répliquant sur la personne de Mme QUIROT elle-même, le débat n’a plus lieu, tué dans l’œuf. Encore une fois, ce n’est pas l’ego du spectateur qui est visé par la critique d’un spectacle.

Avant de répondre à Mme Quirot, je terminerai la défense de sa profession par un exemple que je cite souvent, et que j’ai découvert en lisant un ouvrage sur le théâtre rédigé par Guy FOISSY, auteur français contemporain très joué dans notre pays :
Il nous raconte dans son livre qu’au XIXème siècle, un écrivain du nom de Frédéric SOULIER surpassait tous ses pairs dans le cœur du public de l’époque. Certains le situaient même au dessus de BALZAC par exemple. Quant à MUSSET, on riait de lui.
Qui pourrait aujourd’hui trouver un seul exemplaire de ses grandes œuvres ? Heureusement que l’on n’a pas brûlé les critiques d’alors, du moins ceux qui avaient osé dire qu’ils n’aimaient pas ce que tout le monde idolâtrait alors.

Je me tourne maintenant vers vous, Mme QUIROT, pour vous avouer que je n’ai pas vu cette production du Théâtre de la Madeleine.
Toutefois, même si une vidéo peut être trompeuse, l’extrait que j’ai pu voir me fait dire ceci :

Il me semble que Michel FAU n’a pas voulu faire une reconstitution réellement historique. Au contraire, il s’agit plus simplement de symbolisme afin de montrer un XIXème siècle vu par l’imaginaire collectif. Le jeu outré des comédiens, proche de l’expression corporelle, ce maquillage aussi, montre que le metteur en scène est plus du côté des théories de Vsévolod MEYERHOLD que de celles de Constantin STANISLAVSKI.
J’admets parfaitement qu’on puisse ne pas aimer, mais il ne s’agit pas, selon moi, d’une maladresse, mais bien d’un parti pris.

Et ce parti pris n’est pas si mauvais qu’on pourrait le croire. Car dans l’extrait présenté (par la chaîne TF1), la version de Michel FAU est immédiatement suivie par celle de Jean-Louis MARTINELLI, qui a votre préférence. (Cliquez ICI pour visualiser cet extrait / désolé, mais il y a quelques secondes du pub avant la vidéo!) Il y a un effet de contraste saisissant : la version avec Audrey TAUTOU qui paraissait presque grotesque semble alors, en comparaison, avoir beaucoup plus de personnalité. La version de Jean-Louis MARTINELLI semble au contraire manquer d’imagination, de relief. La pièce d’IBSEN est dure, lourde à porter ; si en plus de cela nous avons des comédiens qui la jouent « quotidien », on frise l’ennui.

Il ne s’agit donc pas, de mon point de vue, de « comprendre Ibsen », comme le suggérait l’un des commentateurs. Il s’agit, pour un metteur en scène, d’apporter son point de vue et donner à voir une œuvre dramatique qui était seulement écrite (ce qui tendrait à confirmer qu’un spectacle est comme un trépied : auteur — metteur en scène — comédiens ; que l’on retire l’un des trois et la pièce tombe à l’eau).

Je terminerai ce commentaire en précisant que j’ai déjà vu Une Maison de Poupée au Théâtre de Nice, il y a bien vingt ans de cela, dans une mise en scène d’Isabelle NANTY, avec Sandrine DUMAS dans le rôle de Nora.
C’est à la suite de cela que j’ai décidé de faire du théâtre.