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16/11/2012

QUATRE BRIQUES

LORENZACCIO n’est pas la pièce que je préfère chez Alfred de MUSSET. Toutefois, elle est tout à fait intéressante et j'ai même eu envie d’en retranscrire ici quelques bribes, dont certaines qui ressemblent à des aphorismes.

« PHILIPPE. — Qu’il t’est facile à toi, dans le silence du cabinet, de tracer d’une main légère une ligne mince et pure comme un cheveu sur ce papier blanc ! qu’il t’est facile de bâtir des palais et des villes avec ce petit compas et un peu d’encre ! Mais l’architecte qui a dans son pupitre des milliers de plans admirables ne peut soulever de terre le premier pavé de son édifice, quand il vient se mettre à l’ouvrage avec son dos voûté et ses idées obstinées. »

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« LE CARDINAL. — Étiez-vous hier à la noce des Nasi ?
LA MARQUISE. — Oui, j’y étais.
LE CARDINAL. — Et le duc en religieuse ?
LA MARQUISE. — Pourquoi le duc en religieuse ?
LE CARDINAL. — On m’avait dit qu’il avait pris ce costume, il se peut qu’on m’ait trompé.
LA MARQUISE. — Il l’avait en effet. Ah ! Malaspina, nous sommes dans un triste temps pour toutes les choses saintes !
LE CARDINAL. — On peut respecter les choses saintes et, dans un jour de folie, prendre le costume de certains couvents, sans aucune intention hostile à la sainte Église catholique.
LA MARQUISE. — L’exemple est à craindre et non l’intention. »

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« PHILIPPE — Si le saint appareil des exécutions judiciaires devient la cuirasse des ruffians et des ivrognes, que la hache et le poignard, cette arme des assassins, protègent l’homme de bien, O Christ ! l’honneur des Strozzi souffleté en place publique, et un tribunal répondant des quolibets d’un rustre ! Un Salviati jetant à la plus noble famille de Florence son gant taché de vin et de sang, et, lorsqu’on le châtie, tirant pour se défendre le coupe-tête du bourreau ! Lumière du soleil ! j’ai parlé, il n’y a pas un quart d’heure, contre les idées de révolte, et voilà le pain qu’on me donne à manger, avec mes paroles de paix sur les lèvres ! Allons, mes bras, remuez ! et toi, vieux corps courbé par l’âge et par l’étude, redresse-toi pour l’action ! »

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«     LORENZO. — La vie est comme une cité, on peut y rester cinquante ou soixante ans sans voir autre chose que des promenades et des palais ; mais il ne faut pas entrer dans les tripots, ni s’arrêter, en rentrant chez soi, aux fenêtres des mauvais quartiers. …/… S’il s’agit de tenter quelque chose pour les hommes, je te conseille de te couper les bras, car tu ne seras pas longtemps à t’apercevoir qu’il n’y a que toi qui en aies.

     PHILIPPE. — Je conçois que le rôle que tu joues t’ait donné de pareilles idées. Si je te comprends bien, tu as pris, dans un but sublime, une route hideuse, et tu crois que tout ressemble à ce que tu as vu. »

Et maintenant que je relis ces quelques répliques, je me dis qu’elles sonnent moins bien que lorsque j’ai lu la pièce ! Magie de l’auteur, qui sais fabriquer un édifice complet, et dont chaque brique semble belle, parce qu’elle fait partie d’un bel ensemble ? Je ne sais pas…