13/04/2012
A L'ÉTUDE
Le mouvement social des intermittents du spectacle en 2003 avait au moins permis de porter à la connaissance du public un problème jusqu’alors mal connu. Mais les différents protagonistes ne sont pas parvenus depuis à améliorer la situation.
On pourra se lamenter en constatant que la crise n’a fait qu’accabler davantage les artistes du Spectacle Vivant. Sur un blog dont c’est le sujet principal, c’est tout à fait normal. Toutefois, ce n’est pas très intéressant.
Beaucoup plus constructive est cette étude commandée par la Direction Générale de la Création Artistique (l’un des quatre pôles du nouveau ministère de la Culture, et qui réunit la direction de la musique, de la danse, du théâtre et des spectacles et l’ex délégation aux arts plastiques) et réalisée par le DEPS (Département des Études, de la Prospective et des Statistiques).
Elle permet d’apporter des éléments factuels chiffrés ainsi qu’une première analyse du fonctionnement socio-économique des compagnies en France.
Vous pourrez la télécharger au format PDF (lisible avec le logiciel Acrobat Reader de Adobe) en cliquant ICI.
Tout d’abord, nous pouvons constater que les compagnies de Spectacle Vivant peuvent être scindées selon une différence structurelle importante : leur rayonnement — soit plutôt régional, soit plutôt national et international. Cela induit une autre différence structurelle importante : l’origine de leur financement.
Ainsi, la première ressource financière des compagnies dites "régionales" provient des subventions des collectivités territoriales (communes, départements et régions, mais pas l’état) devant les recettes propres, tandis que c’est l’inverse pour les compagnies dites "excentrées", celles qui rayonnent au-delà de leur région d’origine.
Mais on constate ensuite que les compagnies régionales sont plus orientées vers des relations de proximité avec la population locale (répondant ainsi à leur mission de démocratisation de la culture) tandis que les compagnies excentrées s’orientent principalement sur la production et la vente de spectacles (beaucoup plus rémunérateur).
Je me permettrai de rajouter ici une réflexion personnelle : les spectacles achetés aux compagnies excentrées le sont souvent par des établissements et des structures labellisés… et donc subventionnés eux aussi. Ainsi, une part des recettes dues aux ventes de spectacles provient indirectement de subventions.
Toutes les compagnies ont, cependant, une double dépendance économique : vente de leurs spectacles à des diffuseurs et subventions publiques. Selon les auteurs de l’étude « la capacité à diffuser les spectacles au-delà de la région d’implantation reste un critère décisif pour le subventionnement étatique et l’entrée en relation avec des établissements labellisés par le ministère, qui sont en mesure de participer plus amplement à la coproduction, à l’offre de résidences et à l’achat de représentations. Il existe donc une tension, actuellement accrue, entre d’une part, la nécessité ou la volonté d’un plus grand ancrage territorial, et d’autre part, une économie privilégiant une diffusion nomade élargie des propositions artistiques des compagnies ».
Depuis la crise financière, le prix d’achat moyen d’un spectacle est en baisse (- 40 % environs !). Cette diminution a pu être compensée par un nombre plus grand de représentations et/ou de productions.
La baisse du prix d’achat des spectacles s’explique en partie par un phénomène structurel : les aides publiques progressent moins vite que les coûts fixes des établissements culturels — masse salariale, mais aussi frais sur le foncier — ce qui réduit leur marge pour financer des dépenses artistiques.
Je rajouterai ici que le prix moyen pour la location des places a pu baisser depuis l’apparition des sites de réservation par Internet. Le nombre supplémentaire de spectateurs drainés par ce nouveau moyen a-t-il réellement compensé cette baisse des tarifs ? Ce serait intéressant de le vérifier.
Le mécénat et plus généralement le financement privé reste encore marginal dans le Spectacle Vivant (sauf peut-être chez les compagnies chorégraphiques).
En réponse, les compagnies cherchent de plus en plus des solutions "non monétaires" : bénévolat, prêt ou partage de matériel, locaux (pour les répétitions, le stockage…) notamment lors d’une résidence dans un établissement culturel. Ces solutions renforcent leur engagement au niveau régional.
L’analyse explique ensuite que la plupart des compagnies sont des micro-organismes flexibles, souvent des associations à but non lucratif, composés à l’origine par une ou deux personnes, autour desquels gravitent quelques compétences diverses et variées.
Les Contrats à Durée Déterminée d’Usage (CDDU) et le travail intermittent sont majoritaires.
Il existe ainsi un grand nombre de petites structures, interdépendantes et en réseau, mais qui assument un processus global (recherche, production, diffusion…), chacune de façon partielle, localisée.
D’une façon plus générale, il semble qu’il manque un plan d’ensemble, une vision plus collective de l’avenir du Spectacle Vivant.
C’est là que se situe, à mon avis, une des pistes essentielles de réflexion pour agir au niveau de l’état.
Il est une donnée qui n’est pas prise en compte dans cette étude, c’est la gestion des égos. Et pour cause : beaucoup moins chiffrable, difficile à identifier et à décrire, la différence de tempérament et les affinités plus ou moins fortes de personnes devant collaborer peuvent avoir une part non négligeable dans ce problème de morcellement du petit monde de l’art vivant.
Sans tomber dans le béni-oui-oui, sans même parler d’union, sommes-nous tous bien coordonnés, saurons-nous nous accorder face aux problèmes que rencontre le Spectacle Vivant ?
Je n’ai pas fini de lire la seconde partie de cette étude et les pistes qu’elle propose. Je vous en ferai part lors d’un prochain article.
Publié dans Laissons bosser les autres | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : étude, dgca, deps | Facebook |