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04/01/2011

France-Inter(mittente)

L’invité de l’émission Comme on nous parle du 03/01/2011, présentée par Pascale CLARK, était l’avocat maître Jérémie ASSOUS. Il est connu pour avoir défendu Julien COUPAT et d’autres jeunes personnes de Tarnac, mis en examen pour association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste — malgré un dossier complètement vide.
Il a également défendu les participants de plusieurs émissions de téléréalité face aux sociétés de production appartenant à TF1 ou M6 : il a réussi à faire requalifier en contrat de travail les contrats de près de 150 candidats de la téléréalité (ce n’est que le début et les condamnations vont être de plus en plus lourdes pour ces infractions au code du travail).

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Photo : Rudy Waks pour Télérama

 

Pour permettre à l’invité d’expliciter sa démarche, la présentatrice relance le débat et veut jouer les candides : « …/… est-ce qu’il n’y a pas plus important que de se battre pour cette cause-là ? » Moment d’incrédulité de la part de maître ASSOUS « Mais… c’est un cas ; je suis avocat… il y a des dossiers, des gens viennent me voir… vous savez, vous défendez… » Pascale CLARK reprend la parole « Non mais, parce que personne n’oblige un candidat à être candidat, il y va en tout état de cause, voyez ; il y a pire comme injustice, non, vous ne trouvez pas ? » Jérémie ASSOUS précise « Je n’ai jamais été sur le terrain de la morale. Vous avez un certain nombre de personnes qui viennent vous voir : mes droits n’ont pas été respectés, est-ce que vous pouvez me défendre ? Je n’ai jamais dis que c’était le dossier du siècle. »

Ainsi, deux arguments aussi choquants l’un que l’autre sont avancés :
Le premier est énoncé par la présentatrice : les comédiens participent à Kho Lantha ou à l’Île de la Tentation sans y avoir été forcés, ils n’ont donc pas le droit de se plaindre — mais alors, avec ce raisonnement, on peut donc dire à son médecin : « dites donc, mon vieux, je ne vous ai pas forcé à faire des études de médecine, hein ? alors je ne vous paye pas la consultation, et ne vous plaignez pas » ! Ce n’est pas parce qu’on est venu travailler de son plein grés qu’on doit le faire gratuitement (même si aujourd’hui cela semble un privilège de choisir son emploi…)
Le second, rappelé par l’invité, est celui des boites de production : ces émissions de téléréalité seraient prestigieuses (je tiens à garder le conditionnel), et donc les Intermittents devraient travailler gratuitement ; sans doute par reconnaissance envers leurs maîtres vénérés qui ont eu la grande bonté de les tirer du ruisseau pour les mettre dans la lumière de la célébrité — mais je n’ai pas beaucoup d’exemple, à ma connaissance, de comédiens ayant eu une carrière brillante grâce à leur participation à Pekin Express ou Les Colocataires (nous avons eu Nolwenn LEROY, Loana et autres Jean-Pascal jouant les utilités, et puis ?…)

Il faudrait être d’une naïveté confondante pour croire que ces comédiens qui vivent sous l’œil inquisiteur des caméras passent leur temps à s’amuser réellement.
Il faudrait vraiment être d’une simplicité d’esprit affligeante pour dire que ces gens-là ne font pas un vrai travail.
Les cachets perçus pour leur participation n’ont rien de honteux. Ils sont sans commune mesure avec ceux des (vraies) stars du show-business. Lorsque des artistes arrivent à être sélectionnés pour de telles émissions, je leur souhaite « 
tout le bonheur du monde ♪ », de ne pas trop prendre la grosse tête et de penser à la suite de leur carrière. Je ne suis ni jaloux ni inquiet ; je me dis simplement que leur contrat de travail et leur rémunération doivent correspondre aux usages des métiers du spectacle, tout simplement parce qu’ils TRAVAILLENT.
Comment peut-on en arriver à confondre — à décalquer —
le plaisir du téléspectateur avec les activités filmées (et factices) des participants, même si lesdites activités peuvent sembler inutiles, oisives, faciles voire même (faute suprême !) agréables ? Parce qu’avec des raisonnements pareils, on peut également demander aux présentateurs d’émission de radio de diviser leur salaire par deux, tant ils semblent prendre du plaisir à rigoler avec leurs invités au lieu de bosser sérieusement.
On pourra me répondre que, en quelques sortes, les sociétés de production font appel à des non-professionnels, les rémunèrent peu ou pas en échange d’un bon moment passé à s’amuser ou à se laisser vivre. Et, comme il y aura toujours des gugusses pour accepter ce marché de dupe, les producteurs pourront toujours se passer d’Intermittents… et réaliser de belles économies.
Moi-même j’avais donné dans le panneau en 1998, lorsque j’étais passé à France-3 c’est l’Été : une émission présentée par Julien LEPERS et programmée tous les après-midi en été. Durant trois heures, des divertissements (enregistrés le matin) venaient s’intercaler entre des prises de direct où une vedette invitée venait parler de tout et de rien — surtout de rien. Arrivait, sur le coup des 17h00, la fameuse « Minute de l’Impro » : on faisait mine d’avoir recruté deux baigneurs assoupis sur la plage (ça se passait sur les plages de France, Cap d’Aïl en ce qui me concerne). On affirmait au faux public et aux vrais téléspectateurs que ces deux anonymes n’avaient jamais fait de théâtre, puis on les posait sur une scène en forme de ring, où ils devaient se livrer à un match d’impros d’une minute chacune. La vedette (Annie CORDY ce jour-là) et deux acolytes se chargeant de voter pour le moins nul. Le vainqueur remportait tout de même deux entrées gratuites à Disneyland Paris avec une nuit d’hôtel. N’ayant pas gagné, j’ai quand même pu profiter de ce voyage à Disneyland, car ma camarade, ne pouvant s’y rendre, me l’avait généreusement cédé. Éh ! oui, ma « camarade », car nous étions bien évidemment recrutés dans les cours de théâtre de la région un mois avant l’émission, puis testés quinze jours avant, afin de vérifier que les apprentis-comédiens sélectionnés étaient capables de produire quelque chose de correct.

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Je ne pense pas que Pascale CLARK ait eu l’intention de nuire aux Intermittents du Spectacle en avançant de tels arguments, franchement je ne le crois pas. Mais cela m’a semblé maladroit de sa part, car la façon dont on pose les questions biaise parfois l’opinion de ceux qui écoutent. Et je m’indigne tout simplement parce qu’ils sont encore nombreux les jaloux, celles et ceux qui croient travailler plus que les autres ; ceux qui s’imaginent que les artistes sont des privilégiés ou bien des parasites, que le système culturel français est exorbitant. Ne rajoutons pas d’huile sur le feux, madame CLARK, je vous en conjure.
Il y a tant et tant de professions jetées en pâture dans l’arène de l’ignorance, tant et tant de catégories qui attirent la jalousie parce que leur métier est méconnu. Il y a encore des incultes qui s’imaginent que les enseignants sont payés pendant toute la durée de leurs congés ! Il y a encore des personnes qui, par un raisonnement étroit, s’imaginent que l’argent qu’on ne donnera pas aux artistes tombera fatalement dans leur escarcelle. Il y a encore certains de nos compatriotes qui, par une sorte de joie mauvaise, ricanent de voir le statut des Intermittents grignotés peu à peu. Mais la joie mauvaise, disait REISER, la joie mauvaise, c’est le bonheur des cons.
Ne donnons pas aux cons des raisons de se réjouir.

 

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J'ai failli oublier : BONNE ANNÉE 2011 à toutes les lectrices et à tous les lecteurs de ce blog !!!